La recherche est une activité fondamentale pour la croissance et l'avenir de notre pays. Notre compétitivité en dépend. Mais avoir une recherche n'est pas suffisant ; encore faut-il qu'elle soit active !
Les pays membres de l'Union européenne ne s'y sont d'ailleurs pas trompés, en approuvant les objectifs de Lisbonne en 2000, afin de faire de l'Europe « l'économie de la connaissance la plus compétitive » de la planète. Ils recommandaient notamment d'investir massivement dans le domaine de la recherche et du développement, terreau essentiel à la préparation d'un avenir prospère pour notre pays.
Ainsi que cela a déjà été évoqué, les pays en développement comme la Chine ou l'Inde ont d'ailleurs très rapidement compris une telle nécessité. Ils ne se contentent plus seulement d'être les usines avec les coûts de main-d'oeuvre les plus faibles de la planète, mais ils cultivent désormais des pôles d'excellence et de recherche, afin de favoriser l'innovation, seule à même de leur apporter des productions à très haute valeur ajoutée. C'est seulement grâce à une telle culture de l'excellence et du résultat que les choses avancent. L'économie de la connaissance est devenue une priorité majeure.
Encore une fois, ne nous y trompons pas : apporter des moyens en masse est un objectif nécessaire, mais certainement pas suffisant. C'est bien toute la structure de notre système de recherche qu'il nous faut revoir aujourd'hui, afin de la tourner vers l'action.
Au mois d'avril dernier, Janez Potocnik, commissaire européen à la recherche, affirmait très justement : « Si nous, Européens, sommes bons dans la recherche fondamentale, nous le sommes beaucoup moins lorsqu'il s'agit de traduire des innovations en productions industrielles ». Il résumait ainsi l'une des principales lacunes qui caractérisent malheureusement notre système de recherche. Je pense très sincèrement qu'il est temps de mettre enfin en oeuvre nos savoirs et de briser les tabous qui paralysent le système.
Certes, il faut reconnaître nos mérites - et même notre excellence - dans plusieurs domaines, comme l'aéronautique, l'aérospatiale, la recherche médicale, l'énergie atomique et nombre d'autres.
Néanmoins, de tels exemples ne doivent pas masquer l'obsolescence du système, ses lacunes, ses redondances, la multiplication des structures d'évaluation et des agences et, surtout, le manque d'efficacité de certains investissements. Tous ces facteurs ont, me semble-t-il, participé au mal-être des chercheurs qui ont défilé dans nos rues en 2004.
Vous le comprendrez, monsieur le ministre délégué, dans une telle situation, j'aurais aimé - peut-être avec trop d'idéalisme -que le Pacte de la nation pour sa recherche que vous nous proposez aujourd'hui signe le grand soir de la recherche.
Dans un contexte mondial de concurrence accrue, la plupart des pays ont conduit ces dernières années d'importantes réformes de l'organisation de leur recherche, notamment afin d'accroître l'autonomie de leurs établissements et de renforcer les moyens qui y sont consacrés.
Qu'il s'agisse des États-Unis, du Royaume-Uni, du Japon, de la Chine, de l'Inde, de la Suède et de bien d'autres pays, tous ont érigé la recherche et le développement au rang de priorité politique de premier plan.
Alors, monsieur le ministre délégué, je souhaite que la France aille dans le même sens et se réforme, afin d'être compétitive, attractive et innovante. Notre système de recherche doit aujourd'hui évoluer ; autrement, il est condamné à mourir. Pour cela, outre un financement à la hauteur de nos ambitions, plusieurs orientations de fond me semblent primordiales.
La première de ces orientations, déjà évoquée par M. le président de la commission spéciale, est le renforcement de l'autonomie et de la gouvernance des universités.
En France, de tels sujets font couler beaucoup d'encre. Mais, malgré quelques mesures de simplification, ils restent globalement jusqu'à présent lettre morte. Or ils recouvrent plusieurs éléments majeurs pour la vie des universités.
S'agissant de l'autonomie des universités, il nous faut évoquer la globalisation du budget, qui devrait permettre à chaque établissement de mieux maîtriser ses moyens, la dévolution du patrimoine immobilier, ainsi que la gestion du personnel.
À cet égard, une plus grande décentralisation de la gestion des ressources humaines serait plus efficace. En effet, en raison de la lourdeur des processus actuels, le remplacement d'un enseignant-chercheur, brutalement et définitivement empêché d'occuper son poste, prend en moyenne une année !
S'agissant de la gouvernance et des moyens de son amélioration, plusieurs mesures sont évoquées depuis longtemps.
Encore récemment, dans son rapport public sur la gestion de la recherche dans les universités, la Cour des comptes a relevé les mêmes problèmes et a proposé que soient franchies « sans tarder des étapes préalables à l'octroi aux universités d'une autonomie de gestion accrue, condition nécessaire pour que les universités jouent le rôle qu'elles sont seules à pouvoir bien jouer pour le repérage, le soutien et la promotion des projets nouveaux. »
Cela implique un changement dans le mode de gouvernance des universités. C'est ainsi que la Cour propose notamment la mise en place d'une direction de la recherche, le resserrement des conseils, le recours accru à la majorité simple, la clarification du rôle des unités de formation et de recherche, les UFR, afin notamment de tenir compte de la mise en place du système « licence-master-doctorat », ou LMD, et l'affirmation de l'autorité du président.
De telles modifications devraient permettre aux universités de disposer d'outils plus adaptés et plus réactifs et de libérer les initiatives. Les lourdeurs juridiques et administratives entravent la prise des décisions. Un professeur d'université a ainsi estimé que les chercheurs perdaient un tiers de leur temps à discuter, du fait de la complexité du système !
Cette réforme ressemble beaucoup à l'Arlésienne ; on en parle, on en parle et on en parle encore, mais elle n'est jamais mise en oeuvre, car tout le monde sait qu'elle est difficile. Il faudra pourtant bien y venir un jour !
Comme je l'ai déjà indiqué lors de la présentation du programme « Formations supérieures et recherche universitaire » de la mission « Recherche et enseignement supérieur » du projet de loi de finances pour 2006, je regrette que le présent projet de loi n'aborde pas de telles questions.
Je reviendrai tout à l'heure sur les nouvelles structures juridiques de coopération que prévoit le texte, comme les PRES, en espérant que leur mise en oeuvre permettra une évolution des mentalités suffisante pour que l'on puisse envisager dès que possible la réforme de l'autonomie et de la gouvernance dont les universités ont tant besoin.
La deuxième orientation est une modification profonde du statut des chercheurs, associée à une évaluation performante.
J'ai conscience d'aborder ici un sujet tabou dans notre pays : le sacro-saint statut de « chercheur à vie », exception française, qui voudrait que tous les chercheurs maintiennent l'excellence scientifique tout au long de leur carrière. Malheureusement, tel n'est pas le cas !
Certains, vraisemblablement pionniers au début de leur vie de chercheur et probablement toujours très bons scientifiques, se sont transformés en rentiers tranquilles, qui ne découvrent plus grand-chose. Alors que leurs talents seraient mieux mis à profit dans l'enseignement ou dans l'industrie, ils occupent des places de chercheurs, des places qui, par ailleurs, nous font parfois défaut.
À l'heure où le « marché mondial de l'emploi scientifique » est une réalité et où le problème de l'expatriation de certains de nos meilleurs cerveaux se pose, je crois que le statut de « chercheur à vie » est obsolète et ne stimule pas la recherche. Les chercheurs suédois l'ont bien compris et ont renoncé à leur statut de fonctionnaire : leurs salaires sont désormais variables et ils sont évalués sur des critères internationaux.