Intervention de Jacques Pelletier

Réunion du 16 décembre 2005 à 15h00
Loi de programme pour la recherche — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Jacques PelletierJacques Pelletier :

Monsieur le ministre délégué, si, comme mon collègue Pierre Laffitte, je souscris à l'essentiel du texte que vous nous proposez, je regrette le silence du projet de loi sur la dimension internationale de la recherche et sur la solidarité avec les pays du Sud.

Le Haut Conseil de la coopération internationale, dans un avis du 16 décembre 2004, il y a donc exactement un an, attirait l'attention du Gouvernement sur la nécessité de renforcer la recherche pour le développement dans la réflexion menée sur l'avenir de la recherche en France.

Cet avis préconisait la création, au sein de l'Agence nationale de la recherche, de programmes transversaux en phase avec les objectifs du millénaire pour la réduction de la pauvreté de façon à permettre un partenariat avec les communautés scientifiques du Sud. Il était souhaité aussi, dans cet avis, la nomination de scientifiques étrangers du Sud dans le futur Haut Conseil de la science et de la technologie.

Le 18 mai 2005, c'est-à-dire il y a un peu plus de six mois, le CICID, Comité interministériel de la coopération internationale et du développement, a préconisé que l'enseignement supérieur et la recherche pour le développement deviennent un nouveau chantier prioritaire de notre politique d'aide au développement, les ministères respectivement chargés de la recherche et de la coopération devant s'engager à une meilleure coordination et à un meilleur suivi de la politique française en matière de recherche pour le développement par un pilotage conjoint.

Des orientations stratégiques étaient esquissées pour les deux organismes dédiés à cette recherche : l'IRD, l'Institut de recherche pour le développement, et le CIRAD, le centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement. Et il est envisagé de prévoir, au sein de l'Agence nationale, un programme consacré aux maladies émergentes et des programmes dont les thématiques concerneraient spécifiquement les pays du Sud.

La recherche scientifique est un enjeu stratégique pour tous les pays, y compris pour les plus pauvres. Or les écarts Nord-Sud en matière de science s'accroissent plus vite que les écarts de revenus, et la domination scientifique du Nord s'accentue. Une coopération scientifique renforcée et spécifique entre pays riches et pays pauvres est donc nécessaire pour soutenir le développement durable de ces derniers.

Source d'innovations productives et de capacités à trouver des solutions spécifiques à leurs problèmes, la recherche scientifique leur permet en effet de mettre au point les méthodes et processus susceptibles de valoriser leur potentiel, et de surmonter leurs contraintes. La recherche scientifique est partout signe et acte de développement.

La recherche pour le développement est une recherche vitale pour les pays en développement et pour l'avenir du monde, pour des raisons tout à la fois éthiques, stratégiques, économiques et scientifiques.

Pour des raisons éthiques, d'abord. Plus d'un milliard d'individus vivent avec moins de un dollar par jour. Des changements profonds dans les politiques de ces pays sont nécessaires pour leur permettre de satisfaire les besoins les plus élémentaires : accès à l'alimentation, aux soins primaires, à l'eau potable ; on estime aujourd'hui que 8 millions de personnes meurent chaque année des suites de la consommation d'eau non potable. La recherche doit faire connaître les résultats de ses travaux pour favoriser les réorientations nécessaires. Cela relève de la solidarité Nord-Sud.

Pour des raisons stratégiques, ensuite. La réduction des inégalités Nord-Sud est une condition à l'apaisement des conflits qui traversent la planète et menacent d'engendrer des déséquilibres irréversibles.

Pour des raisons économiques, également. Des réorientations radicales devront être opérées si l'on veut arrêter de dilapider les ressources naturelles. Le développement a besoin de nouveaux modèles techniques et d'innovations, respectueux des caractéristiques du milieu, que la recherche peut contribuer à mettre au point.

Pour des raisons scientifiques, enfin. Les grandes questions de la planète, dans le domaine de l'environnement comme dans celui du développement économique, se posent dans le Nord comme dans le Sud.

La recherche pour le développement s'appuie sur deux organismes, l'IRD et le CIRAD, qui disposent d'un vaste réseau de centres localisés dans les pays du Sud, et totalisent à peu près 2 500 chercheurs expatriés. Elle s'appuie également sur la contribution d'autres organismes, comme l'Institut Pasteur, l'INSERM, le CNRS, l'INED, l'INRA, l'ANRS, et sur la recherche universitaire.

Cette recherche a permis, au cours des années, l'approfondissement des connaissances des milieux tropicaux, des économies et des sociétés des pays en développement et a permis de développer un réseau de relations et de partenariats entre les pays du Sud et de très nombreuses institutions de recherche et universités des pays du Nord.

La recherche pour le développement - 195 millions d'euros dans le budget pour 2006 - venant d'être réaffirmée comme une priorité de notre politique d'aide publique au développement, je pense qu'il est important que la dimension internationale soit rappelée dans le projet de loi qui nous est soumis.

C'est pourquoi nous avons déposé avec mon collègue Pierre Laffitte un amendement dans ce sens. Je souhaite, monsieur le ministre délégué, que vous donniez un avis favorable à cette proposition.

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