Les jumelles Mennesson étant nées aux États-Unis, État accordant la nationalité selon le droit du sol, elles ont pu bénéficier d’un passeport états-unien. Ce bénéfice a d’ailleurs permis à certains de soutenir qu’elles n’auraient pas « besoin » de « papiers » français.
Toutefois, cette remarque est inconséquente à plus d’un titre. D’une part, elle est contraire aux règles de notre droit de la nationalité, telles que posées par notre code civil et auxquelles j’ai fait référence précédemment. D’autre part, elle est privée de fondement s’agissant des enfants nés dans un État qui ne reconnaîtrait pas le droit du sol.
Je souhaiterais apporter quelques précisions sur l’arrêt de la Cour de cassation du 6 avril 2011, auquel j’ai fait référence tout à l’heure.
Certains opposants à la transcription des actes de naissance des enfants nés par GPA à l’étranger se sont félicités de cette décision de justice. Pourtant, cette dernière ne respecte pas les principes du droit international privé français.
En effet, la Cour aurait dû faire application de la notion d’ordre international public atténué, dans la mesure où il s’agit d’une situation valablement constituée à l’étranger. Dès lors que la filiation envers les parents a été reconnue par l’État français, la Cour aurait dû en tirer les conséquences juridiques et admettre la transcription des actes de naissance.
Certes, la GPA n’est pas encore autorisée en France, et elle est, pour le moment, contraire à notre ordre international public direct. Mais il en va différemment des enfants nés par GPA à l’étranger, qui devraient pouvoir bénéficier de l’effet atténué de notre ordre international public.
Un raisonnement par analogie devrait d’ailleurs être opéré avec d’autres situations, interdites en France, mais à qui notre pays fait produire des effets lorsqu’elles ont été valablement constituées à l’étranger. Je pense par exemple au mariage homosexuel valablement contracté à l’étranger, qui peut produire en France des effets, notamment en matière fiscale ou successorale ; il en va de même des mariages polygamiques, qui, s’ils ne peuvent être célébrés sur notre territoire, n’en sont pas pour autant dépourvus de conséquences par le jeu de l’effet atténué de notre ordre public : possibilité pour la seconde épouse de solliciter une pension alimentaire, conséquences en matière successorale.
Quoi qu’il en soit, le droit international privé français distingue selon que les situations sont valablement constituées à l’étranger ou qu’elles se réalisent en France. Ainsi, ce n’est pas parce que la France refuse actuellement de légaliser la GPA sur son territoire qu’elle doit pour autant méconnaître les règles de son propre droit international privé.
Enfin, comme l’a rappelé à juste titre l’avocat général dans l’affaire Mennesson, l’absence de transcription des actes de naissance des fillettes au registre français de l’état civil est contraire à l’article 3-1 de la convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989 et à l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme, la CEDH. Elle porte en effet atteinte à la fois à l’intérêt supérieur de l’enfant et à son droit à mener une vie familiale normale.
Telles sont les raisons pour lesquelles les sénatrices et sénateur écologistes ont déposé cet amendement, que je vous invite à adopter.