La séance est ouverte à neuf heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
Par lettre en date du 8 juin 2011, M. le Premier ministre a annoncé la fin, à compter du 16 juin 2011, de la mission temporaire sur le décrochage à l’université, confiée à M. Christian Demuynck, sénateur de Seine-Saint-Denis, auprès de Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, dans le cadre des dispositions de l’article L.O. 297 du code électoral.
Acte est donné de cette communication.
J’informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du Conseil d’orientation de France expertise internationale, créé en application de l’article 12 du décret n° 2011-212 du 25 février 2011.
Conformément à l’article 9 du règlement, j’invite la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées à présenter une candidature.
La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.
J’informe le Sénat que la commission des affaires sociales a fait connaître qu’elle a d’ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu’elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d’une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la bioéthique actuellement en cours d’examen.
Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion en deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale, relatif à la bioéthique (projet n° 567, texte de la commission n° 572, rapport n° 571).
Nous en sommes parvenus, au sein du titre VI, à l’article 21 bis.
TITRE VI
ASSISTANCE MÉDICALE À LA PROCRÉATION
(Non modifié)
I et II. –
Non modifiés
III. –
Suppression maintenue
L’article 21 bis est adopté.
L'amendement n° 15, présenté par Mmes Boumediene-Thiery et Blandin, M. Desessard et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Avant l'article 22 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 47 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Fait également foi l’acte de naissance établi par une autorité étrangère à la suite d’un protocole de gestation pour autrui. Il est procédé à la transcription de cet acte au registre français de l’état civil, où mention est faite de la filiation établie à l’égard de l’homme et/ou de la femme à l’origine du projet parental, respectivement reconnu comme père et mère, sans que l’identité de la gestatrice soit portée sur l’acte. La filiation ainsi établie n'est susceptible d'aucune contestation du ministère public. »
La parole est à M. Jean Desessard.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, cet amendement, à la lumière de l’arrêt rendu le 6 avril 2011 par la Cour de cassation dans la douloureuse affaire des jumelles Mennesson, me semble fondamental pour régler la question de la transcription des actes de naissance des enfants nés d’une gestation pour autrui, ou GPA, à l’étranger.
Ces enfants fantômes, sans papiers, pâtissent en effet de l’absence de transcription de leur acte de naissance au registre français de l’état civil. Or, malheureusement, nombre d’enfants se trouvent aujourd’hui dans cette situation.
L’avocat général près la Cour de cassation avait pourtant requis, dans l’affaire Mennesson, la cassation de l’arrêt d’appel. De fait, il sollicitait la transcription à l’état civil de leurs actes de naissance étrangers.
Or, la Cour de cassation, en rejetant le pourvoi formé par les époux, place ces enfants dans une situation aberrante.
En tant que législateur, il nous appartient de régler cette question que les instances judiciaires se refusent de trancher. En effet, en statuant ainsi, la Cour de cassation a implicitement renvoyé le législateur face à ses responsabilités.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, j’en appelle à votre sagesse pour voter cet amendement, afin que la transcription des actes de naissance des enfants nés d’une GPA à l’étranger puisse être valablement autorisée en France, sans contestation possible.
Dans l’intérêt de ces enfants, il est impossible d’en rester à la décision rendue le 6 avril dernier par la Cour de Cassation ! La France reconnaît les filiations maternelle et paternelle de ces enfants, telles qu’inscrites sur l’acte de naissance étranger, mais refuse de les transcrire ! Ce refus est juridiquement infondé.
En effet, notre code civil prévoit que, si la filiation est établie à l’égard de parents dont l’un au moins est français, l’enfant sera français par filiation. Dès lors, ces enfants français nés à l’étranger devraient voir transcrire leur acte de naissance au registre de l’état civil, comme tous les enfants de Français nés à l’étranger.
Or, si ces enfants sont nés par GPA dans un pays étranger qui ne reconnaît pas le droit du sol, ils sont apatrides. En effet, bien que nés de parents français, et n’ayant pas la possibilité d’obtenir la nationalité du pays de naissance, ils seront dépourvus de nationalité, et donc d’identité. Nous ne pouvons accepter que ces enfants restent clandestins.
Pour l’ensemble de ces raisons, il convient que cet amendement soit adopté.
Monsieur le président, mesdames, mesdames, messieurs les sénateurs, le Sénat et l’Assemblée nationale n’ayant pas, à mon grand regret, reconnu la gestation pour autrui, ce n’est pas pour la reconnaître à l’étranger... La commission émet donc un avis défavorable.
Le Gouvernement est résolument défavorable à cet amendement. En effet, la disposition présentée rend vaine la prohibition de la GPA en France, alors même que vous avez choisi, voilà quelques semaines, de maintenir cette interdiction.
Faut-il interdire la GPA en France et, dans le même temps, fermer les yeux sur l’exploitation, à l’étranger, de femmes à la recherche de subsides ? Le risque de marchandisation est très grand. Ne croyez-vous pas que garantir aux parents qu’ils ne se heurteront à aucune contestation à leur retour en France risque de les encourager à recourir à la GPA à l’étranger ?
Je rappelle en outre que l’enfant né d’une GPA à l’étranger n’est nullement lésé dans ses droits. Il n’y a aucune discrimination entre lui et les autres enfants : il bénéficie de prestations sociales, du droit à être scolarisé…
Étant opposés à la GPA, nous sommes également opposés à l’inscription à l’état civil des enfants nés à l’étranger d’une telle technique.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Les jumelles Mennesson étant nées aux États-Unis, État accordant la nationalité selon le droit du sol, elles ont pu bénéficier d’un passeport états-unien. Ce bénéfice a d’ailleurs permis à certains de soutenir qu’elles n’auraient pas « besoin » de « papiers » français.
Toutefois, cette remarque est inconséquente à plus d’un titre. D’une part, elle est contraire aux règles de notre droit de la nationalité, telles que posées par notre code civil et auxquelles j’ai fait référence précédemment. D’autre part, elle est privée de fondement s’agissant des enfants nés dans un État qui ne reconnaîtrait pas le droit du sol.
Je souhaiterais apporter quelques précisions sur l’arrêt de la Cour de cassation du 6 avril 2011, auquel j’ai fait référence tout à l’heure.
Certains opposants à la transcription des actes de naissance des enfants nés par GPA à l’étranger se sont félicités de cette décision de justice. Pourtant, cette dernière ne respecte pas les principes du droit international privé français.
En effet, la Cour aurait dû faire application de la notion d’ordre international public atténué, dans la mesure où il s’agit d’une situation valablement constituée à l’étranger. Dès lors que la filiation envers les parents a été reconnue par l’État français, la Cour aurait dû en tirer les conséquences juridiques et admettre la transcription des actes de naissance.
Certes, la GPA n’est pas encore autorisée en France, et elle est, pour le moment, contraire à notre ordre international public direct. Mais il en va différemment des enfants nés par GPA à l’étranger, qui devraient pouvoir bénéficier de l’effet atténué de notre ordre international public.
Un raisonnement par analogie devrait d’ailleurs être opéré avec d’autres situations, interdites en France, mais à qui notre pays fait produire des effets lorsqu’elles ont été valablement constituées à l’étranger. Je pense par exemple au mariage homosexuel valablement contracté à l’étranger, qui peut produire en France des effets, notamment en matière fiscale ou successorale ; il en va de même des mariages polygamiques, qui, s’ils ne peuvent être célébrés sur notre territoire, n’en sont pas pour autant dépourvus de conséquences par le jeu de l’effet atténué de notre ordre public : possibilité pour la seconde épouse de solliciter une pension alimentaire, conséquences en matière successorale.
Quoi qu’il en soit, le droit international privé français distingue selon que les situations sont valablement constituées à l’étranger ou qu’elles se réalisent en France. Ainsi, ce n’est pas parce que la France refuse actuellement de légaliser la GPA sur son territoire qu’elle doit pour autant méconnaître les règles de son propre droit international privé.
Enfin, comme l’a rappelé à juste titre l’avocat général dans l’affaire Mennesson, l’absence de transcription des actes de naissance des fillettes au registre français de l’état civil est contraire à l’article 3-1 de la convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989 et à l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme, la CEDH. Elle porte en effet atteinte à la fois à l’intérêt supérieur de l’enfant et à son droit à mener une vie familiale normale.
Telles sont les raisons pour lesquelles les sénatrices et sénateur écologistes ont déposé cet amendement, que je vous invite à adopter.
Je soutiens cet amendement. Je rappelle d'ailleurs que nous avions déjà précédemment soutenu un amendement identique.
Monsieur le rapporteur, je ne comprends pas la relation que vous établissez entre le fait que, dans notre pays, le principe de la GPA ne soit pas accepté – nous avons eu cette discussion voilà quelques jours – et le fait que toute nationalité y soit refusée à des enfants parce qu’ils sont nés dans certains pays. En effet, si ceux qui sont nés aux États-Unis peuvent avoir la nationalité américaine, ceux qui ont vu le jour en Ukraine, par exemple, sont des enfants totalement apatrides.
Or j’estime, pour beaucoup de raisons, que ces enfants n’ont pas à subir tout au long de leur vie les conséquences d’une situation dont ils ne sont pas responsables. Cela me paraît logique : ce sont leurs parents qui ont pris la décision ! Comment, notamment, vivre sans carte d’identité ?
Monsieur le rapporteur, vous vous appuyez sur la non-reconnaissance de la gestation pour autrui en France pour refuser la transcription à l’état civil des actes de naissance des enfants nés d’une GPA à l’étranger : c’est une échappatoire ! Vous aviez d'ailleurs vous-même proposé de résoudre ce problème lors de la première lecture du projet de loi.
Comme l’a expliqué Jean Desessard, la Cour de cassation, dans son arrêt du 6 avril dernier, a implicitement renvoyé le législateur face à ses responsabilités.
Nous apportons un soutien plein et entier à l’amendement de Jean Desessard, dont l’adoption permettrait de mettre fin à des situations qui méritent véritablement qu’on leur apporte des solutions. Il y va du bien de l’enfant. Jean-Pierre Godefroy avait d’ailleurs largement défendu ce point de vue, lors de la première lecture.
Bien sûr, l’autorisation de la gestation pour autrui suscite des avis différents, même au sein de notre groupe où le débat est très approfondi, comme je l’ai rappelé dès le début de cette discussion. C’est l’intérêt même de ce projet de loi que de permettre à chaque sénateur d’aborder ces problèmes en toute liberté et de se prononcer selon sa conscience. En effet, chacun peut éprouver le besoin d’apporter une réponse différente en fonction de ses croyances ou de sa propre histoire philosophique.
Toutefois, il me semble important de donner une réponse claire sur ce point, d’autant plus qu’elle est attendue. C’est pourquoi nous voterons l’amendement présenté par Jean Desessard.
L’amendement n’est pas adopté.
(Non modifié)
I et II. –
Non modifiés
II bis. – Au quatrième alinéa de l’article L. 1121-11 du code de la santé publique, la référence : « à l’alinéa précédent » est remplacée par la référence : « au troisième alinéa ».
III. – §(Non modifié)
IV. – Le 2° de l’article L. 1541-4 du même code est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa du b, le mot : « sixième » est remplacé par le mot : « septième » ;
2° Au premier alinéa du c, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « sixième ». –
Adopté.
TITRE VII
RECHERCHE SUR L’EMBRYON ET LES CELLULES SOUCHES EMBRYONNAIRES
L’article L. 2151-5 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 2151-5. – I. – Aucune recherche sur l’embryon humain ni sur les cellules souches embryonnaires ne peut être entreprise sans autorisation. Un protocole de recherche conduit sur un embryon humain ou sur des cellules souches embryonnaires issues d’un embryon humain ne peut être autorisé que si :
« – la pertinence scientifique de la recherche est établie ;
« – la recherche est susceptible de permettre des progrès médicaux majeurs ;
« – il est impossible, en l’état des connaissances scientifiques, de mener une recherche similaire sans recourir à des cellules souches embryonnaires ou à des embryons ;
« – le projet et les conditions de mise en œuvre du protocole respectent les principes éthiques relatifs à la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires.
« II. – Une recherche ne peut être menée qu’à partir d’embryons conçus in vitro dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation et qui ne font plus l’objet d’un projet parental. La recherche ne peut être effectuée qu’avec le consentement écrit préalable du couple dont les embryons sont issus, ou du membre survivant de ce couple, par ailleurs dûment informés des possibilités d’accueil des embryons par un autre couple ou d’arrêt de leur conservation. À l’exception des situations mentionnées au dernier alinéa de l’article L. 2131-4 et au troisième alinéa de l’article L. 2141-3, le consentement doit être confirmé à l’issue d’un délai de réflexion de trois mois. Le consentement des deux membres du couple ou du membre survivant du couple est révocable sans motif tant que les recherches n’ont pas débuté.
« III. – Les protocoles de recherche sont autorisés par l’Agence de la biomédecine après vérification que les conditions posées au I et au II du présent article sont satisfaites. La décision de l’agence, assortie de l’avis du conseil d’orientation, est communiquée aux ministres chargés de la santé et de la recherche qui peuvent, lorsque la décision autorise un protocole, interdire ou suspendre la réalisation de ce protocole si une ou plusieurs des conditions posées au I du présent article ne sont pas satisfaites.
« En cas de violation des prescriptions législatives et réglementaires ou de celles fixées par l’autorisation, l’agence suspend l’autorisation de la recherche ou la retire. Les ministres chargés de la santé et de la recherche peuvent, en cas de refus d’un protocole de recherche par l’agence, demander à celle-ci, dans l’intérêt de la santé publique ou de la recherche scientifique, de procéder dans un délai de trente jours à un nouvel examen du dossier ayant servi de fondement à la décision.
« IV. – Les embryons sur lesquels une recherche a été conduite ne peuvent être transférés à des fins de gestation.
« V. – Les études sur les embryons ne leur portant pas atteinte peuvent être conduites avant et après leur transfert à fin de gestation, si le couple y consent, dans les conditions fixées au III du présent article. »
L’examen de cet article 23 représente quasiment le point central de la discussion de ce projet de loi, avec l’ouverture de l’aide médicale à la procréation aux couples homosexuels, sujet sur lequel nous regrettons de n’avoir pu enregistrer de progrès, à la différence de ce qui s’est fait dans d’autres pays de l’Union européenne.
En ce qui concerne l’article 23, je souhaiterais, au nom de mon groupe et en respectant nos convictions respectives, affirmer notre volonté quant à un certain nombre de principes.
En matière de recherche sur l’embryon, la philosophie initiale de ce projet de loi était fondée sur l’interdiction de principe, assortie de dérogations. Cette philosophie a été également adoptée par l’Assemblée nationale qui a supprimé les améliorations introduites en première lecture au Sénat. À cette occasion, nous avions d’ailleurs salué l’ouverture d’esprit de notre rapporteur et de la présidente de la commission des affaires sociales sur ce sujet très délicat.
Je me félicite, une fois de plus, que notre commission ait rétabli la rédaction que la Haute Assemblée avait adoptée en première lecture, fondée sur le principe de l’autorisation encadrée. Pour notre part, nous sommes favorables à cet article qui supprime l’interdiction de principe et l’accompagne de conditions d’autorisation, ce qui nous semble bénéfique pour la recherche.
En effet, ne pas modifier le statut actuel de cette recherche nous semblerait fortement dommageable, car l’interdiction dérogatoire fait peser un soupçon d’illégitimité sur cette recherche qui est pourtant largement encadrée. Permettez-moi de rappeler brièvement ces quatre critères d’encadrement : limitation de la recherche aux embryons conçus dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation qui ne font plus l’objet d’un projet parental et qui seront, de toute manière, destinés à être détruits ; interdiction de la création d’embryons aux seules fins de recherches ; recueil du consentement exprès des « parents » ; recherche menée dans un but exclusivement médical.
De manière constructive, la recherche sur les embryons est ainsi autorisée, mettant fin à un régime d’interdiction parfaitement hypocrite. En effet, le passage du régime d’interdiction dérogatoire à celui de l’autorisation limitative ne constitue ni un glissement éthique ni une extension des possibilités réelles de recherche, car les critères retenus sont strictement les mêmes !
Ce changement permet simplement d’envoyer un signal positif pour cette recherche que, dans ces conditions, rien ne permet d’interdire davantage qu’une autre. Les chercheurs de notre pays sont en effet l’objet d’une attention particulière de la part des chercheurs des autres pays de l’Union européenne et du reste du monde. Il s’agit donc de clarifier le statut de cette recherche et de consacrer cette dernière dans le droit.
Les querelles législatives sur cet article sont donc, selon moi, dépourvues de sens. Ou plutôt, elles en ont un, mais il ne saurait guider ni le législateur ni le droit. L’interdiction de la recherche sur l’embryon repose sur un argument intolérable, fondé essentiellement sur une conception philosophique, religieuse, et non scientifique, de la vie humaine, qui débouche sur la sacralisation de l’embryon humain. Cette vision est sous-tendue par un amalgame entre embryon et être humain, qui conduit à penser que la destruction de cet embryon est assimilable à la destruction d’une « vie ».
Cette assimilation n’a pas lieu d’être. En effet, comme l’a expliqué très clairement M. le rapporteur, il ne s’agit, à ce stade, que de cellules qui constituent éventuellement une personne en devenir, mais qui, dans le cas visé par la loi, seront de toute manière détruites ! Tel est en effet le sort réservé aux embryons conçus dans le cadre de l’aide médicale à la procréation qui ne font plus l’objet d’un projet parental, et personne, fort heureusement, ne s’en est ému jusqu’alors.
Nous le disons et nous le réaffirmons : la seule potentialité de vie humaine ne suffit pas à constituer l’humain, et l’interdiction de la recherche sur l’embryon n’est en aucun cas la mise en œuvre du respect du principe de la vie !
On voit trop où nous mèneraient ces idées prétendument généreuses, car ce sont elles qui permettent encore aujourd’hui à certains de s’opposer honteusement à l’avortement, en prétendant « défendre la vie » là où il n’y en a pas ou plutôt là où il n’y en a encore qu’une seule, celle de la femme.
Je vous mets donc en garde, mes chers collègues, contre cette vision conservatrice qui pourrait prédominer en matière de recherche sur l’embryon. Je réaffirme encore une fois, avec mon groupe, la nécessité d’autoriser cette recherche, en l’accompagnant évidemment des conditions et des restrictions nécessaires, car elle ne peut que produire des améliorations médicales dont l’humanité pourra peut-être bénéficier dans le futur.
Je suis saisi de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 36 rectifié ter, présenté par Mme Hermange, M. de Legge, Mme Payet, MM. Gilles et Leleux, Mme B. Dupont, MM. Vial, Lardeux, Vasselle, Bailly, Bécot, Falco, Cazalet et de Montgolfier, Mme Des Esgaulx, M. Revet, Mme Rozier, MM. del Picchia, B. Fournier, Lorrain, Darniche, Marini, Pozzo di Borgo, Laménie et Huré, Mmes Henneron et Mélot, MM. Retailleau et Badré, Mme Hummel et M. P. Blanc, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 2151-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2151-5. - Toute recherche sur l’embryon humain et les cellules souches embryonnaires humaines est interdite lorsqu’elle porte atteinte à l’intégrité ou la viabilité de l’embryon. »
La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.
J’ai déjà eu l’occasion d’expliquer l’objet de cet amendement lors de la discussion générale : il tend à interdire la recherche sur l’embryon humain lorsqu’elle porte atteinte à l’intégrité ou à la viabilité de l’embryon.
Il ne s’agit pas de s’opposer à la recherche en tant que telle, mais il convient de ne pas oublier non plus que le coût de cette politique est la destruction d’un début de vie humaine. J’observe d’ailleurs que le début de la vie humaine intéresse les chercheurs dans les cinq premiers jours, c’est-à-dire au moment où les cellules sont « totipotentes », selon le terme technique employé, ce qui illustre bien le fait que cette « toute-puissance » initiale joue un rôle majeur dans le développement futur de l’être humain. Il me semble donc important d’utiliser au maximum les solutions de rechange existantes qui sont bien plus efficaces.
Je regrette d’ailleurs que notre pays, dont on déplore souvent le fait qu’il « prenne du retard » alors qu’il a réalisé des « premières » mondiales, n’ait pas développé plus massivement la politique de recherche en matière de cellules souches provenant du cordon ombilical, de cellules souches adultes ou de cellules souches multipotentes présentant des potentialités intermédiaires entre celles de l’embryon et de l’adulte. En effet, certains de ces sujets de recherche représentent aujourd’hui un potentiel thérapeutique avéré, contrairement aux recherches sur les cellules souches embryonnaires qui n’ont donné aucun résultat thérapeutique à ce jour.
En outre, si faire de la recherche sur l’embryon humain sans le détruire limite les possibilités, ce type de recherche – je tiens à le préciser – n’est cependant pas impossible. Ainsi, on effectue déjà une telle recherche lors d’un diagnostic préimplantatoire.
La recherche sur l’embryon humain sans le détruire peut se faire sur un embryon rejeté par le diagnostic préimplantatoire comme ayant un avenir compromis. Elle peut aussi se faire sur des embryons in vitro durant les heures précédant leur implantation, avec des analyses ultrafines électriques ou des analyses portant sur l’ADN et les transformations épigénétiques, bien évidemment avec l’accord des parents. De telles microanalyses, délicates au niveau cellulaire, sont possibles aujourd’hui.
Dans de telles conditions, il ne serait porté atteinte ni à l’intégrité ni à la viabilité de l’embryon.
L’amendement n° 27 rectifié, présenté par MM. Retailleau et Darniche, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Au premier alinéa de l’article L. 2151-5 du code de la santé publique, après le mot : « humain », sont insérés les mots : «, les cellules souches embryonnaires et les lignées de cellules souches ».
La parole est à M. Bruno Retailleau.
Comme l’a dit M. Guy Fischer, nous abordons la discussion d’un des sujets centraux de ce projet de loi et qui reste très contesté.
Mon amendement n’a pas d’autre objet que de rétablir le régime d’interdiction assorti de dérogations, parce que l’adoption du régime nouveau d’autorisation encadrée, en rupture totale avec le précédent régime, représenterait à mon avis une triple régression.
Tout d’abord, la régression est évidente sur le plan symbolique dans la mesure où, en passant d’un régime d’interdiction à un régime d’autorisation, on érige en règle ce qui constituait l’exception.
J’ai entendu dire, dans cet hémicycle, que les symboles étaient sans importance ; or l’ordre symbolique, mes chers collègues, joue un rôle capital, ne serait-ce que du fait de ses implications pour l’ordre politique. Le symbole donne du sens, il montre la direction ; le symbole est aussi ce qui relie. Si je disposais de quelques minutes supplémentaires, je vous expliquerais le poids des symboles dans l’histoire de France et comment ils ont contribué à changer le cours des choses.
L’ordre symbolique est donc un ordre politique et on ne peut le passer par pertes et profits.
Ce changement de régime juridique représente également une régression anthropologique. Je sais qu’il n’y a pas d’accord entre nous sur le moment où l’on franchit le seuil de la vie. Qui peut dire quand commence la vie ? Pourtant, nous voyons bien qu’il existe un continuum entre ces cellules qui se multiplient dans les premiers jours et ce qui deviendra vraiment une personne humaine, un sujet de droit. Or ce continuum, qui résulte du fait que chaque étape du développement de l’embryon contient la précédente, rend impossible la détermination précise du seuil d’entrée des cellules dans le champ de la vie humaine.
Si l’on autorise le principe de la recherche, on considère que l’embryon est un matériau de laboratoire : qui peut, aujourd’hui, affirmer définitivement, avec certitude, qu’à un moment de leur développement ces cellules constituent effectivement un matériau de laboratoire et non pas une personne en devenir ?
Si nous éprouvons un doute, nous devons nous abstenir : tel est le seul objet du rétablissement du régime d’interdiction. Soit nous sommes certains que ces cellules ne représentent aucune vie en devenir – et alors, pourquoi ne pas autoriser la recherche ? –, soit nous éprouvons un doute, même infime, et nous devons nous abstenir. Tel est le consensus qui a prévalu en 1994, en 2004 et, plus récemment, à l’Assemblée nationale.
Enfin, je tiens à souligner une dernière régression, sur le plan scientifique : la recherche sur l’embryon humain ne répond à aucune nécessité, comme Marie-Thérèse Hermange vient de l’expliquer. En effet, depuis plus de quinze ans que les recherches sur l’embryon humain sont autorisées, une demi-douzaine de pathologies seulement ont pu être modélisées.
Les cellules souches pluripotentes induites, ou cellules IPS, font l’objet de recherches depuis cinq ans et elles ont déjà permis moitié plus de « trouvailles » que les recherches sur les cellules embryonnaires en quinze ans ! Par conséquent, la recherche sur l’embryon ne présente pas de nécessité scientifique.
J’ajoute que le droit nous emmène sur le même chemin. Plusieurs d’entre nous ont cité l’avis rendu le 10 mars dernier par le procureur près la Cour de justice de l’Union européenne : la jurisprudence européenne est de plus en plus protectrice à l’égard de l’embryon humain. Il n’y a donc pas non plus de justification juridique.
De façon consensuelle, en l’absence de certitude et en cas de doute, il convient d’en rester au régime de l’interdiction et surtout, dans un ordre aussi symbolique et politique, de ne pas autoriser un régime débridé d’ouverture à tous vents.
Applaudissements sur de nombreuses travées de l ’ UMP. –Mme Anne-Marie Payet applaudit également.
L'amendement n° 51 rectifié, présenté par MM. J.C. Gaudin, P. André, Bailly, Beaumont, Bécot, Belot, Bernard-Reymond, Béteille, Billard, Bizet, J. Blanc, P. Blanc, Bordier et Bourdin, Mmes Bout et Bruguière, MM. Buffet, Cambon, Cantegrit, Carle, Cazalet, César, Chatillon, Chauveau, Cointat, Cornu, Couderc, Courtois, Dallier, Dassault, de Montgolfier et de Rohan, Mme Debré, MM. del Picchia, Demuynck et Dériot, Mmes Deroche et Des Esgaulx, MM. Doligé, P. Dominati, Doublet, du Luart et Dufaut, Mme Dumas, M. A. Dupont, Mme B. Dupont, MM. Duvernois, Emorine, Falco, Faure, Ferrand, Fleming, Fouché, B. Fournier, J.P. Fournier, François-Poncet, Frassa, Gaillard et Garrec, Mmes Garriaud-Maylam et G. Gautier, MM. J. Gautier, Gélard et Gilles, Mme Giudicelli, M. Gournac, Mme Goy-Chavent, MM. Grignon, Guené et Guerry, Mme Henneron, MM. Hérisson, Houel, Houpert et Humbert, Mme Hummel, MM. Huré, Hyest et Ibrahim Ramadani, Mlle Joissains, M. Juilhard, Mmes Kammermann et Keller, M. Laménie, Mme Lamure, MM. Laurent, Lecerf, Leclerc, Lefèvre, Legendre, Leleux, Léonard et Leroy, Mme Longère, MM. Lorrain, Loueckhote et Magras, Mme Malovry, MM. Marini, Martin et Mayet, Mmes Mélot et Michaux-Chevry, MM. Nachbar et Nègre, Mmes Oudit, Panis et Papon, MM. Pasqua, Paul, Pierre, Pillet, Pintat, Pointereau, Poncelet, Poniatowski, Portelli, Raffarin, Reichardt, Revet et Romani, Mme Rozier, M. Sido, Mme Sittler, M. Trillard, Mme Troendle et MM. Trucy, Vasselle, Vestri, Vial, Villiers et Virapoullé, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article L. 2151-5 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 2151-5. - I. - La recherche sur l'embryon humain, les cellules souches embryonnaires et les lignées de cellules souches est interdite.
« I bis. - Par dérogation au I, la recherche est autorisée si les conditions suivantes sont réunies :
« - la pertinence scientifique du projet de recherche est établie ;
« - la recherche est susceptible de permettre des progrès médicaux majeurs ;
« - il est expressément établi qu'il est impossible de parvenir au résultat escompté par le biais d'une recherche ne recourant pas à des embryons humains, des cellules souches embryonnaires ou des lignées de cellules souches ;
« - le projet de recherche et les conditions de mise en œuvre du protocole respectent les principes éthiques relatifs à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires.
« Les recherches alternatives à celles sur l'embryon humain et conformes à l'éthique doivent être favorisées.
« II. - Une recherche ne peut être menée qu'à partir d'embryons conçus in vitro dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation et qui ne font plus l'objet d'un projet parental. La recherche ne peut être effectuée qu'avec le consentement écrit préalable du couple dont les embryons sont issus, ou du membre survivant de ce couple, par ailleurs dûment informés des possibilités d'accueil des embryons par un autre couple ou d'arrêt de leur conservation. Dans le cas où le couple, ou le membre survivant du couple, consent à ce que ses embryons surnuméraires fassent l'objet de recherches, il est informé de la nature des recherches projetées afin de lui permettre de donner un consentement libre et éclairé. À l'exception des situations mentionnées au dernier alinéa de l'article L. 2131-4 et au troisième alinéa de l'article L. 2141-3, le consentement doit être confirmé à l'issue d'un délai de réflexion de trois mois. Dans tous les cas, le consentement des deux membres du couple ou du membre survivant du couple est révocable sans motif tant que les recherches n'ont pas débuté.
« III. - Les protocoles de recherche sont autorisés par l'Agence de la biomédecine après vérification que les conditions posées aux I bis et II du présent article sont satisfaites. La décision motivée de l'agence, assortie de l'avis également motivé du conseil d'orientation, est communiquée aux ministres chargés de la santé et de la recherche qui peuvent, lorsque la décision autorise un protocole, interdire ou suspendre la réalisation de ce protocole si une ou plusieurs des conditions posées aux I bis et II ne sont pas satisfaites.
« En cas de violation des prescriptions législatives et réglementaires ou de celles fixées par l'autorisation, l'agence suspend l'autorisation de la recherche ou la retire. Les ministres chargés de la santé et de la recherche peuvent, en cas de refus d'un protocole de recherche par l'agence, demander à celle-ci, dans l'intérêt de la santé publique ou de la recherche scientifique, de procéder dans un délai de trente jours à un nouvel examen du dossier ayant servi de fondement à la décision.
« IV. - Les embryons sur lesquels une recherche a été conduite ne peuvent être transférés à des fins de gestation.
« V. - À titre exceptionnel, des études sur les embryons, visant notamment à développer les soins au bénéfice de l'embryon et améliorer les techniques d'assistance médicale à la procréation, ne portant pas atteinte à l'embryon peuvent être conduites avant et après leur transfert à des fins de gestation, si le couple y consent, dans les conditions fixées au III. »
La parole est à M. Jean-Louis Lorrain.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il me revient la lourde charge de présenter cet amendement…
… qui reprend très largement les propositions de l’Assemblée nationale, même si nous avons tenu à réaffirmer le cadre auquel nombre d’entre nous sont attachés.
Avec cet amendement, nous souhaitons maintenir un régime d’interdiction des recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires assorti de dérogations. Celles-ci portent notamment sur la pertinence scientifique du projet de recherche et sur la perspective de progrès médicaux.
Ce régime de dérogations garantit un haut degré de protection à l’embryon et lui donne sa pleine portée. C’est un choix de continuité avec les lois de 1994 et de 2004, et de cohérence avec l’ensemble des dispositions relatives à l’embryon.
J’aimerais tout de même revenir sur certains propos que nous avons entendus, en particulier s’agissant de la conception de l’embryon telle qu’elle nous a été présentée sur les travées de l’extrême gauche.
Rires et exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.
Nous ne sommes pas dans le même registre ! Nous ne pouvons accepter la référence à des concepts tels que l’hypocrisie dans une argumentation. Ceux-ci, comme la haine ou la honte, par exemple, visent à argumenter avec un jugement moralisant. Tel n’est pas l’objet de notre débat.
Quant à la conception du vivant, la notion d’amas cellulaire sans devenir et qui doit être détruit n’est pas suffisante pour donner un statut à l’embryon.
Pour en revenir au cœur du sujet, ce qui nous dissocie d’emblée, c’est l’absence de définition claire du statut de l’embryon.
M. le rapporteur développe une argumentation particulière : pour encadrer strictement et efficacement la recherche, il convient, nous dit-il, de l’autoriser. Ainsi, nous sommes sûrs, de manière pragmatique, de pouvoir l’encadrer.
On en revient au paradoxe selon lequel le régime de l’interdiction, que nous soutenons, régime qui laisse une interprétation importante à l’Agence de la biomédecine, serait plus laxiste.
Je ne comprends guère ce paradoxe : on invoque la liberté de la recherche et, parallèlement, un strict encadrement, qui aboutirait, selon le rapporteur, à l’application d’un système normé.
Nous ne sommes pas non plus favorables à un système de normes hyper-contraignantes destinées à nous guider sans interprétation.
Un régime d’autorisation encadrée ne nous paraît pas utile. Pourquoi ?
Votre temps de parole est épuisé, monsieur Lorrain. Je vous serais donc reconnaissant de conclure.
En conclusion, monsieur le président, notre démarche est fondée sur le choix de la potentialité de l’embryon et non de son devenir.
L’amendement n° 51 rectifié est assorti de trois sous-amendements.
Le sous-amendement n° 31 rectifié quater, présenté par Mme Hermange, MM. Bécot, Lardeux, Leleux, Lorrain et Darniche, Mme B. Dupont, M. Marini, Mme Rozier, MM. Laufoaulu, Pozzo di Borgo, Laménie et Huré, Mme Henneron, M. Retailleau, Mme Mélot, M. Badré, Mme Hummel et MM. Vasselle et P. Blanc, est ainsi libellé :
Alinéa 3 de l'amendement n° 51 rectifié
Après les mots :
lignées de cellules souches
insérer les mots :
embryonnaires humaines
La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.
Ce sous-amendement rédactionnel vise à préciser que le champ de l'interdiction couvre les lignées issues de cellules souches embryonnaires et non celles qui sont issues d'autres types de cellules souches.
En la matière, il existe peut-être un malentendu, notamment en ce qui concerne les pratiques de l’Agence de la biomédecine. J’attends du Gouvernement une explication à ce sujet.
Le sous-amendement n° 53 rectifié quater, présenté par Mme Hermange, MM. Bécot, Lardeux, Leleux et Lorrain, Mme B. Dupont, MM. Marini, Pozzo di Borgo, Laufoaulu et Darniche, Mme Rozier, MM. Laménie et Huré, Mme Henneron, M. Retailleau, Mme Mélot, MM. Badré, Revet et B. Fournier, Mme Hummel et MM. Vasselle et P. Blanc, est ainsi libellé :
Alinéa 6 de l'amendement n° 51 rectifié Remplacer le mot :
médicaux
par le mot :
thérapeutiques
La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.
Le terme « thérapeutiques », présent dans le droit existant, me semble renforcer la sécurité juridique du dispositif tandis que l’adjectif « médicaux » est trop flou et large pour encadrer éthiquement la dérogation à l'interdiction de la recherche.
De plus, cette précision correspond à l’avis de la Cour de justice de l’Union européenne selon lequel l’interdiction peut être levée dans l’objectif de progrès « thérapeutiques ». Je note d’ailleurs qu’un certain nombre de chercheurs insistaient déjà sur cette notion en 2004.
Je constate que plus la recherche progresse dans les autres types de cellules souches permettant des progrès thérapeutiques, moins ce terme est mis en évidence.
Le sous-amendement n° 54 rectifié quater, présenté par Mme Hermange, MM. Bécot, Lardeux, Leleux et Lorrain, Mme B. Dupont, M. Marini, Mme Rozier, MM. Laufoaulu, Darniche, Pozzo di Borgo, Laménie et Huré, Mme Henneron, M. Retailleau, Mme Mélot, MM. Badré et Revet, Mme Hummel et MM. B. Fournier, Vasselle et P. Blanc, est ainsi libellé :
Alinéa 7 de l'amendement n° 51 rectifié Après le mot :
impossible
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
en l'état des connaissances scientifiques, de mener une recherche similaire sans recourir à des cellules souches embryonnaires ou à des embryons
La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.
Ce sous-amendement vise à reprendre la formulation contenue dans le projet de loi initial et faisant référence à l’impossibilité de mener « une recherche similaire ». Cette formulation est plus large et correspond davantage, me semble-t-il, à la réalité du travail de laboratoire, où l'on se fixe un but immédiat, à court terme, pour arriver parfois, en fin d’opération, à autre chose.
L'amendement n° 32 rectifié, présenté par MM. Barbier, Collin, Baylet et Detcheverry, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
- la recherche s’inscrit dans une finalité médicale,
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Selon l’article 23, la recherche sur un embryon humain ou sur des cellules souches embryonnaires est autorisée notamment si la recherche est susceptible de permettre des progrès médicaux majeurs.
Or, il est très difficile, tant que la recherche n’a pas été menée, de savoir si elle permettra des progrès majeurs.
Aussi, par cet amendement, nous vous proposons d’adopter une rédaction plus appropriée en précisant que la recherche doit s’inscrire dans une finalité médicale.
L'amendement n° 37 rectifié quater, présenté par Mme Hermange, M. de Legge, Mme Payet, MM. du Luart, Gilles et Leleux, Mme B. Dupont, MM. Vial, Lardeux, Vasselle, Bailly, Bécot, Falco, Cazalet et de Montgolfier, Mme Des Esgaulx, M. Revet, Mme Rozier, MM. Darniche, del Picchia, B. Fournier, Lorrain, Marini, Pozzo di Borgo, Laménie et Huré, Mmes Henneron et Mélot, MM. Retailleau et Badré, Mme Hummel et MM. Beaumont et P. Blanc, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer le mot :
médicaux
par le mot :
thérapeutiques
La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.
L'amendement n° 33 rectifié, présenté par MM. Barbier, Collin, Baylet et Detcheverry, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Alinéas 8 et 9
Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :
« III. - Les protocoles de recherche sont autorisés par l'Agence de la biomédecine après vérification que les conditions posées au I du présent article sont satisfaites. La décision de l'agence, assortie de l'avis du conseil d'orientation, est communiquée aux ministres chargés de la santé et de la recherche qui peuvent, dans un délai d'un mois et conjointement, demander un nouvel examen du dossier ayant servi de fondement à la décision :
« 1° En cas de doute sur le respect des principes éthiques ou sur la pertinence scientifique d'un protocole autorisé. L'agence procède à ce nouvel examen dans un délai de trente jours. En cas de confirmation de la décision, la validation du protocole est réputée acquise ;
« 2° Dans l'intérêt de la santé publique ou de la recherche scientifique, lorsque le protocole a été refusé. L'agence procède à ce nouvel examen dans un délai de trente jours. En cas de confirmation de la décision, le refus du protocole est réputé acquis.
« En cas de violation des prescriptions législatives et réglementaires ou de celles fixées par l'autorisation, l'agence suspend l'autorisation de la recherche ou la retire.
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Par cet amendement, nous proposons une nouvelle rédaction du paragraphe III de l’article 23.
En effet, la rédaction actuelle permet aux ministres chargés de la santé et de la recherche d’interdire ou de suspendre la réalisation d’un protocole de recherche autorisée par l’Agence de la biomédecine. Cela revient à contester l’autorité d’une agence publique de l’État, composée de représentants des différents ministères et établissements publics à caractère sanitaire, d’experts scientifiques et médicaux ainsi que de personnalités qualifiées.
Par ailleurs, cette disposition pourrait être source d’instabilité pour les chercheurs, qui verraient la réalisation de leur protocole interdite ou suspendue par une décision purement arbitraire de la part de ministres hostiles à la recherche sur les cellules souches, et ce d’autant qu’aucun délai n’est prévu.
Aussi la rédaction que nous proposons permettrait-elle aux ministres, dans un délai d’un mois et conjointement, de demander un nouvel examen du dossier ayant servi de fondement à la décision, en cas de doute sur le respect des principes éthiques ou sur la pertinence scientifique d’un protocole autorisé, ou encore dans l’intérêt de la santé publique ou de la recherche scientifique, lorsque le protocole a été refusé.
L’Agence procéderait à ce nouvel examen dans un délai de trente jours. En cas de confirmation de la décision, la validation ou le refus du protocole seraient réputés acquis.
L'amendement n° 49 rectifié ter, présenté par M. Darniche, Mmes Hermange et B. Dupont et MM. Lardeux et Retailleau, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Aucune recherche sur l'embryon ne peut être autorisée pour l'exécution de travaux de recherche portant sur la modélisation des pathologies et sur le criblage des molécules. »
La parole est à M. Philippe Darniche.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le recours à un type de cellules souches plutôt qu’à un autre se justifie en fonction de la nature ou de l’étape de la recherche pour laquelle elles sont susceptibles d’être utilisées : la recherche fondamentale, la recherche physiopathologique et industrielle, ou la recherche préclinique ou clinique.
Actuellement, les cellules souches embryonnaires humaines sont utilisées comme matériau de recherche pour modéliser des pathologies et cribler des molécules.
Elles ne constituent pas le seul outil dans la recherche sur les maladies génétiques. Il en existe d’autres, qu’il s’agisse des animaux transgéniques, des cellules souches animales transfectées, ou encore des cellules souches pluripotentes induites, qui rendent aujourd’hui inutile l’utilisation des cellules souches embryonnaires.
En effet, les cellules souches embryonnaires sont maintenant surclassées dans leur domaine d’usage par les cellules souches pluripotentes induites, ou IPS, qui mettent à la disposition de la recherche, pour le criblage de molécules et la modélisation de pathologies, un matériau cellulaire tenant compte des modifications génétiques et permettant d’envisager une médecine personnalisée.
On compte aujourd’hui des modèles cellulaires utilisant des IPS pour plus d’une douzaine de pathologies, allant des maladies cardiaques rares aux maladies du sang héréditaires. Il est donc inutile d’autoriser la recherche sur l’embryon pour l’exécution de travaux de recherche portant sur la modélisation des pathologies et sur le criblage des molécules. En effet, les cellules souches reprogrammées sont aussi pertinentes que les cellules souches embryonnaires, et plus accessibles. En outre, l’utilisation de ces cellules est plus respectueuse de nos principes juridiques, qui ont exigé jusqu’ici le maintien du principe de l’interdiction de la recherche sur l’embryon.
Dans le cadre de l’interdiction de la recherche sur l’embryon assortie de dérogations, il importe d’affirmer que, si nous pouvons accepter la recherche fondamentale ou clinique sur l’embryon dès lors qu’elle ne porte pas atteinte à l’intégrité de ce dernier, il ne saurait être question de l’étendre à la recherche industrielle et physiopathologique dans la mesure où des alternatives existent dans l’état actuel des connaissances scientifiques.
Pour conclure, je voudrais rappeler que, comme l’a souligné hier notre collègue Marie-Thérèse Hermange, sur l’ensemble des études à visée thérapeutique réalisées au cours des derniers mois dans le monde et ayant conduit à des applications thérapeutiques, une seule a porté sur les cellules embryonnaires ; toutes les autres ont résulté de travaux sur des cellules IPS.
Au-delà du doute exprimé par mon collègue Bruno Retailleau, avec lequel je suis parfaitement en phase, il ne me paraît pas possible d’autoriser l’utilisation de cellules embryonnaires alors que nous disposons aujourd'hui de matériaux qui donnent des résultats tout à fait concluants.
M. Bruno Retailleau ainsi que Mmes Anne-Marie Payet et Janine Rozier applaudissent.
Nous voici vraiment au cœur du débat de cette deuxième lecture !
La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 36 rectifié ter.
Les arguments scientifiques exposés pour montrer l’intérêt des cellules souches autres qu’embryonnaires sont particulièrement intéressants.
Je rappelle simplement que nous nous trouvons là dans le cadre d’une démarche scientifique : les chercheurs apprennent par l’expérience et par l’échec. Il me semble faux de dire qu’un type particulier de cellules souches offre aujourd'hui, monsieur Darniche, des perspectives supérieures aux autres cellules pour la recherche. Si c’est vrai, interdisons toutes les recherches, à l’exclusion de celles sur les IPS !
J’entends néanmoins les informations précises qui nous sont apportées et j’y vois la preuve de l’intérêt du texte de la commission des affaires sociales.
En effet, je le rappelle, l’encadrement spécifique des recherches sur les embryons et sur les cellules souches embryonnaires repose sur la comparaison avec les recherches sur les autres types de cellules souches : si le potentiel des recherches sur les cellules souches embryonnaires est équivalent – non pas même inférieur, mais équivalent – aux autres types de recherches, cette recherche sera interdite par l’Agence de la biomédecine, en application stricte du texte que la commission des affaires sociales a voté.
Si donc les autres types de recherches offrent aujourd'hui des perspectives égales, comme on nous le présente, la recherche sur les cellules souches embryonnaires est dès aujourd'hui interdite en France.
Simplement, parce qu’il s’agit d’une question scientifique, le législateur a demandé en 2004 que les comparaisons, qu’il n’est pas en notre pouvoir de législateur de conduire, soient effectuées par des scientifiques réunis au sein de l’Agence de la biomédecine. Je crains les régimes où la loi dicte la vérité scientifique.
Je pense donc que le texte de la commission est le plus équilibré, car, loin de pousser la France à faire un choix définitif, il permettra, tout en favorisant l’émulation scientifique, de mettre fin aux recherches sur les cellules souches embryonnaires dès que cela sera scientifiquement possible, lorsque la science aura fait des progrès, sans pour autant fermer la porte, pour des raisons non scientifiques, aux avancées et à l’espoir dont ces recherches sont porteuses.
L’amendement n° 27 rectifié, monsieur Retailleau, vise à interdire totalement la recherche, car il tend à maintenir les autorisations figurant actuellement dans le code de la santé publique, lesquelles sont caduques depuis le début de l’année. Seule l’interdiction sera applicable, et ce sur toutes les cellules souches, y compris les cellules non embryonnaires, car cette restriction n’est pas précisée dans le texte de l’amendement. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Avant de donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 51 rectifié, j’indique à M. Lorrain, qui a repris une partie de la page 40 de mon rapport, qu’il ne faut pas confondre liberté et licence !
Cet amendement a reçu un avis favorable de la commission, mais je rappelle que, lors de l’élaboration de son texte, celle-ci n’a accepté ni l’interdiction de principe ni les conditions supplémentaires posées par l’Assemblée nationale pour l’autorisation de la recherche.
Permettez-moi d’apporter deux précisions juridiques sur le droit communautaire.
Tout d’abord, contrairement à l’interprétation qui en a été présentée, la directive sur l’expérimentation animale ne comporte pas de dispositions sur l’embryon animal ou d’interdiction relative à l’utilisation de ce dernier. J’ai ici la directive concernée : elle ne porte que sur les formes fœtales de mammifères, à partir du dernier tiers de leur développement normal, c'est-à-dire du dernier trimestre de la grossesse, et non sur les formes au stade embryonnaire.
Comme nous l’avions souligné en première lecture, l’expérimentation sur l’animal reste un préalable nécessaire à l’expérimentation sur l’embryon humain, dont l’Agence de la biomédecine s’assure. Rien dans le droit européen ne s’opposera à de telles expérimentations. Il n’y a donc aucune raison de craindre que les embryons humains ne soient moins protégés que les embryons animaux.
Par ailleurs, la Cour de justice de l’Union européenne s’est contentée, en suivant les conclusions du procureur Bot, de confirmer le droit français, qui refuse la brevetabilité du vivant.
Nous sommes tous d’accord avec ce choix, qui n’a aucune incidence sur la recherche.
Ces deux précisions me paraissaient nécessaires.
Par ailleurs, le Gouvernement soutient que l’interdiction de principe est en continuité avec les lois de bioéthique précédentes. Je rappelle que, en 2004, l’interdiction de principe mise en place avait été assortie de dérogations temporaires. Aujourd’hui, on envisage un principe général d’interdiction, assorti de dérogations permanentes. C’est vouloir deux choses incompatibles, ou tout du moins ne pas assumer ses choix.
Plutôt que d’expliquer le cadre de la recherche, on essaie de faire croire que les autorisations seront des exceptions, tout en prétendant que ce régime n’entravera pas le travail des équipes des quatre-vingt-douze ou quatre-vingt-quatorze laboratoires qui travaillent dans notre pays sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires.
J’insiste sur le fait que l’autorisation encadrée, telle qu’elle prévue dans le texte de la commission, est non pas une autorisation de principe, mais une autorisation sous conditions cumulatives, en dehors desquelles la recherche ne peut avoir lieu. Si l’une des conditions n’est pas remplie, la recherche n’est pas autorisée.
Enfin, une modification apportée par l’Assemblée nationale en deuxième lecture et ne faisant pas l’objet d’un sous-amendement pose problème. L’information des parents sur la nature des recherches projetées à partir des embryons donnés à la science suppose, comme je l’ai déjà dit, une pré-affectation des embryons à des protocoles ; or cela ne correspond pas à la réalité de la pratique, le don s’effectuant la plupart du temps avant qu’une équipe de recherche n’ait besoin de recourir à des embryons.
Pour toutes ces raisons, j’estime à titre personnel que le texte actuel de la commission est préférable. Toutefois, la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
Le sous-amendement n° 31 rectifié quater a reçu un avis favorable de la commission. En effet, la mention de l’interdiction de la recherche sur les lignées de cellules souches ajoutée en deuxième lecture est juridiquement ambiguë.
Les lignées de cellules souches embryonnaires sont des reproductions obtenues en laboratoire d’une cellule extraite originellement d’un embryon. Si le mode de multiplication est artificiel, la nature des cellules ne change pas : ces dernières demeurent des cellules souches embryonnaires. Leur mention spécifique ne paraît donc pas utile.
Qui plus est, la formule « lignée de cellules souches » ne précise pas le caractère embryonnaire des cellules visées et pourrait tout aussi bien s’appliquer à des lignées de cellules souches adultes, extraites du sang de cordon ou induites. Or les recherches sur ces lignées, qui ne poseraient aucun problème éthique, n’ont pas vocation à être interdites ou même autorisées dans des conditions spécifiques.
Le sous-amendement n° 53 rectifié quater tend à remplacer la notion de progrès médical majeur introduite par le Gouvernement par celle de progrès thérapeutique, qui figure dans le texte de 2004.
La commission a émis un avis défavorable sur ce sous-amendement, car elle estime qu’il est nécessaire de comprendre comment une maladie apparaît et se développe, comment et pourquoi un gène mute, par exemple, avant de pouvoir espérer apporter des solutions thérapeutiques.
La recherche peut donc bien apporter un progrès médical, et pas seulement un progrès thérapeutique.
Le sous-amendement n° 54 rectifié quater a également reçu un avis défavorable de la commission. Il vise à revenir au texte du Gouvernement et à remédier à deux difficultés posées par le texte de l’Assemblée nationale.
Il tend à rétablir la référence à « l’état de la science » dans les conditions posées pour l’autorisation de la recherche, référence dont la suppression laisserait supposer que la décision pourrait être influencée par des espoirs non scientifiquement établis.
En outre, il vise à rétablir la comparaison avec des recherches similaires pour définir si un protocole doit être autorisé. Il est pour le moins « épistémologiquement fragile », comme l’a lui-même reconnu le rapporteur de l’Assemblée nationale, de poser comme condition à l’autorisation d’une recherche qu’il soit « expressément établi qu’il est impossible de parvenir au résultat escompté » par une autre méthode.
Respecter cette condition imposerait d’avoir échoué dans toutes les autres recherches possibles avant de pouvoir utiliser les cellules souches embryonnaires. Cela est contraire à la démarche scientifique, qui suppose la recherche de la plus grande efficacité, et c’est même impossible, car de nouveaux types de recherches à disqualifier pourraient toujours être trouvés.
L’amendement n° 32 rectifié vise à assouplir les conditions d’autorisation de la recherche. La commission a émis, contre l’avis de son rapporteur, un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 37 rectifié quater a lui aussi reçu un avis défavorable, et je m’en suis expliqué.
La commission est également défavorable à l’amendement n° 33 rectifié, car, si l’idée de ses auteurs est intéressante, le texte actuel marque un équilibre.
Enfin, j’en viens à l’amendement n° 49 rectifié ter. Le criblage, cher Pierre Darniche, permet de tester les effets des molécules sur les cellules porteuses de pathologies afin de définir des traitements. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Avant de vous faire part de l’avis du Gouvernement sur ces différents amendements et sous-amendements, je tiens à apporter quelques éléments susceptibles de nourrir notre réflexion commune.
Certains d’entre vous, qui sont opposés au maintien d’un principe d’interdiction des recherches sur l’embryon assorti de dérogations possibles, critiquent son manque de clarté, voire son hypocrisie supposée.
En effet, monsieur le sénateur, il serait selon vous incohérent d’interdire une activité tout en prévoyant aussitôt qu’il est possible d’y déroger dans certaines situations. Cet argument mérite d’être relativisé.
Affirmer une interdiction de principe et autoriser qu’il puisse y être dérogé est une technique législative utilisée dans d’autres occasions sans que cela soulève autant de passion. Il s’agit de souligner ici la solennité de l’interdit susceptible néanmoins d’être mis en balance avec d’autres impératifs majeurs.
Je donnerai en exemple, même si la situation n’est pas tout à fait la même, le cadre juridique : l’article L. 1241-2 du code de la santé publique dispose : « Aucun prélèvement de tissus ou de cellules, aucune collecte de produits du corps humain en vue de don ne peut avoir lieu sur une personne vivante mineure ou sur une personne vivante majeure faisant l’objet d’une mesure de protection légale. » Il y a donc bien là une interdiction.
L’article L. 1241-3 du même code prévoit quant à lui ceci : « Par dérogation aux dispositions de l’article L. 1241-2, en l’absence d’autre solution thérapeutique, un prélèvement de cellules hématopoïétiques issues de la moelle osseuse peut être fait sur un mineur au bénéfice de son frère ou de sa sœur. » Il y a bien là une interdiction, assortie de dérogations dans certaines situations.
J’ajoute que, dans le cadre d’un prélèvement de cellules hématopoïétiques, il s’agit d’une interdiction assortie de dérogations, lesquelles sont données de façon courante.
Non ! Ces informations sont importantes.
Vous qualifiez d’ « hypocrite » une situation juridique. Je vous rappelle que non seulement vous n’avez pas proposé de revenir sur l’interdiction de prélèvement sur les mineurs, mais que, en outre, vous avez même souhaité, dans le texte que nous examinons aujourd'hui, faciliter le prélèvement en prévoyant que l’autorisation pourrait être accordée « en l’absence d’autre solution thérapeutique appropriée ».
Cette comparaison suscite une interrogation : pourquoi refuser absolument le principe d’interdiction dans un cas et l’accepter sans difficultés dans d’autres ?
Telle est la réflexion que je souhaitais vous livrer. Elle me semble de nature à relativiser l’argument selon lequel le régime d’interdiction applicable à la recherche sur l’embryon serait hypocrite.
Je voulais apporter sur ce point un élément de différenciation dans l’appréciation des cellules qui font l’objet de recherches. Permettez-moi de citer un extrait d’une revue scientifique publiée par l’Agence de biomédecine qui concerne la différence entre, d’une part, les cellules induites, les IPS, et, d’autre part, les cellules souches embryonnaires.
« Les IPS représentent sans conteste une découverte majeure, mais qui restera dans les années qui viennent avant tout un outil de recherche. Les cellules souches embryonnaires sont de toute façon les seules cellules souches pluripotentes physiologiques » – qui existent donc dans l’organisme – « et pour cette raison resteront une référence incontournable à laquelle les IPS devront être comparés.
« Seuls les essais thérapeutiques utilisant des cellules obtenues à partir de cellules souches embryonnaires seront autorisés dans les années qui viennent. Pour l’instant, et encore à moyen terme, les cellules souches embryonnaires et les IPS offriront donc clairement des outils complémentaires pour faire progresser le domaine de la médecine régénérative. »
Un nombre important d’articles sont parus en 2010 et 2011, pointant d’une façon nette les différences entre les deux types de cellule. Sur la question des thérapies cellulaires, nous avons encore besoin, me semble-t-il, des cellules embryonnaires. Elles ont encore toute leur place dans la recherche.
J’en viens à l’avis du Gouvernement sur les amendements présentés sur l’article 23, qui fait directement suite à ce dont nous venons de discuter.
L’amendement n° 36 rectifié ter présenté par Mme Hermange aboutirait à restreindre excessivement le champ des recherches.
Pour dériver une lignée de cellules souches embryonnaires, l’embryon doit en effet s’être développé in vitro pendant environ cinq jours. À ce stade, le prélèvement de cellules souches entraîne la destruction de l’embryon. À un stade antérieur, le prélèvement d’une cellule sur l’embryon, par exemple à des fins de diagnostic préimplantatoire, n’entraîne pas la destruction de l’embryon, mais il n’est plus possible de dériver des lignées de cellules souches embryonnaires.
Cet amendement conduit donc à interdire les recherches sur les cellules souches embryonnaires, qui présentent – je viens de le dire – de nombreuses perspectives thérapeutiques majeures.
Par ailleurs, compte tenu de leur intérêt scientifique, les recherches menées sur l’embryon in toto doivent aussi pouvoir être autorisées.
Je rappelle que les recherches ne peuvent être pratiquées que sur des embryons surnuméraires qui doivent être détruits.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 36 rectifié ter.
Il en est de même sur l’amendement n° 27 rectifié présenté par M. Retailleau. Un bilan a en effet été dressé sur le dispositif instauré en 2004, qui se révèle positif tant sur le plan éthique que sur le plan médical. Je pense que la recherche doit être strictement encadrée et pérennisée.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Sans surprise, le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 51 rectifié présenté par M. Gaudin. Le Gouvernement souhaite en effet maintenir un régime d’interdiction assorti de dérogations tout en supprimant le moratoire actuel. Malgré ce que vous en avez dit, monsieur le rapporteur, c’est bien un choix de continuité avec les lois de 1994 et de 2004 et de cohérence avec l’ensemble des dispositions relatives à l’embryon.
Je demande à Mme Hermange de bien vouloir retirer son sous-amendement n° 31 rectifié quater, qui vise à préciser qu’il s’agit de cellules souches « embryonnaires humaines ».
La précision ne me paraît pas utile, étant donné que le titre V du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique est intitulé « Recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires ». La recherche visée par l’article 23 du présent projet de loi ne peut donc concerner que les cellules souches embryonnaires, ce qui exclut les autres types de cellules souches, en particulier les cellules induites.
Le sous-amendement n° 53 rectifié quater tend à remplacer le mot « médicaux » par celui de « thérapeutiques ». Il est, me semble-t-il, plus clair et plus pertinent, comme l’a souligné d’ailleurs le Conseil d’État, de parler de « finalité médicale » plutôt que de « finalité thérapeutique ». En effet, la notion de finalité thérapeutique pourrait laisser croire que de nouveaux outils thérapeutiques seraient disponibles à l’issue des recherches menées. Or les recherches sur l’embryon nécessitent des phases de recherche fondamentale souvent longues avant que l’on puisse envisager le passage à une éventuelle étape clinique.
Par ailleurs, il est souhaitable de pouvoir autoriser explicitement, en plus des recherches à visée thérapeutique, des recherches à visée diagnostique ou préventive. La rédaction proposée nous pénaliserait, compte tenu des objectifs de notre recherche.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur le sous-amendement n° 53 rectifié quater.
Je préfère à la rédaction du sous-amendement n° 54 rectifié quater présenté par Mme Hermange la rédaction de l’amendement n° 51 rectifié. C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur le sous-amendement n° 54 rectifié quater.
L’amendement n° 32 rectifié tend à substituer les termes de « finalité médicale » à ceux de « progrès médicaux majeurs ». Il est beaucoup plus pertinent, à mon sens, de maintenir ces derniers termes. Le Gouvernement est attaché à la nécessité de maintenir un degré de protection de l’embryon, ce qui implique de n’autoriser que les recherches répondant à des impératifs majeurs. À cet égard, une simple « finalité médicale » ne suffit pas.
J’opposerai à l’amendement n° 37 rectifié quater le même avis défavorable qu’au sous-amendement n° 53 rectifié quater.
L’amendement n° 33 rectifié tend à supprimer la possibilité pour les ministres chargés de la santé et de la recherche d’interdire ou de suspendre les protocoles. Cette possibilité n’a, certes, jamais été mise en œuvre depuis que l’Agence de biomédecine délivre des autorisations de recherche de ce type. Cela ne remet pas en cause le fait que les ministres chargés de la santé ou de la recherche doivent conserver cette possibilité d’interdire ou de suspendre la réalisation d’un protocole.
Le domaine particulièrement sensible de la protection de l’embryon ne fait que renforcer cette exigence.
L’amendement n° 49 rectifié ter vise à interdire toute recherche portant sur la modélisation des pathologies et le criblage. Je ne suis pas d’accord, car ces recherches peuvent permettre des progrès médicaux, en l’occurrence des progrès thérapeutiques. Par exemple, le criblage moléculaire pourrait contribuer à améliorer le traitement de graves maladies génétiques comme la maladie de Huntington.
Dans le cadre du diagnostic préimplantatoire, ou DPI, les cellules souches affectées du gène défectueux permettent d’obtenir des lignées cellulaires sur lesquelles peuvent être expérimentées des possibilités de traitement.
À ce titre, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 49 rectifié ter.
La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote sur l'amendement n° 36 rectifié ter.
Avec les amendements qui viennent d’être présentés, notamment par MM. Retailleau et Gaudin, nous nous trouvons désormais au cœur du problème : quel est notre rôle exact, quelle est la conception que nous nous en faisons en tant que sénateurs, et donc en tant que législateur ?
J’entends bien qu’un certain nombre de membres de la Haute Assemblée, particulièrement Mme Hermange et M. Retailleau, puisque nous discutons en l’occurrence de leurs amendements, privilégient leurs convictions personnelles. C’est leur droit, je ne le leur conteste pas. Ils ont de fortes convictions, ils les défendent et ils les privilégient. Nous pourrions, nous aussi, nous en tenir uniquement à des convictions et expliquer – certainement d’une autre manière – en quoi elles consistent.
Mais nous avons aussi un rôle de législateur. Nous n’avons pas à tenir compte uniquement de nos convictions personnelles – même si nous ne pouvons totalement y échapper –, qui sont, dans notre pays, le fruit de notre éducation judéo-chrétienne.
Dans ce rôle de législateur, il nous revient de tenir compte à la fois de l’évolution de la société et de ce que veulent les Français. Or que veulent les Français, sinon que les problèmes qui affectent aujourd'hui la santé puissent à l’avenir trouver une solution ?
Nous devons aussi tenir compte de la volonté des chercheurs qui, eux aussi, ont certainement des convictions personnelles, au moins pour une part d’entre eux. Ils estiment, par comparaison avec leurs confrères étrangers qui ont plus de latitude, que le législateur ne doit pas mettre d’obstacles à leurs recherches. À nous donc de trouver des solutions qui soient plus adaptées pour eux.
Qu’il s’agisse ainsi d’autoriser avec des garanties, ou d’interdire sous dérogations – nous n’allons pas refaire le débat avec Mme la secrétaire d’État, mais nous le pourrions – chacun a des arguments pour défendre l’un ou l’autre.
Permettez-moi d’évoquer quelques souvenirs personnels, qui en rappelleront d’autres à certains collègues qui siègent sur les travées de la majorité du Sénat.
En 1967, Lucien Neuwirth qui était membre de l’Union pour la nouvelle République, l’UNR, a pourtant osé, à l’époque contre une partie de ses collègues, s’engager pour l’autorisation des anticonceptionnels oraux, qui correspondait à une demande du pays et qui était une nécessité.
Simone Veil n’était pas membre du Parti socialiste en 1974. Elle était encore moins membre du Parti communiste, maintenant taxé d’extrême gauche, d’après ce que j’ai entendu tout à l’heure !
Sourires
M. Bernard Cazeau. Elle aussi a osé, soutenue par le Président de la République de l’époque, M. Giscard d’Estaing. Parmi ceux qui ont voté, il n’y avait pas que des gens de gauche, puisque nous n’avions pas la majorité. Il y avait aussi, au sein de la majorité sénatoriale, des sénateurs qui avaient certainement des convictions. Mais ils ont su aller au-delà pour apporter leurs voix, et elles étaient nécessaires, permettant ainsi que ces deux lois essentielles soient votées. Plus personne aujourd'hui ne reviendrait dessus.
Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.
Le sujet mérite donc réflexion. Il ne faut pas céder à la tentation, que je sens croître depuis quelques jours à en juger aux propos de certains, de rester enfermé dans l’égoïsme des convictions personnelles. Nous avons à tenir un rôle, et ce rôle va bien au-delà de toutes nos convictions.
Le problème est désormais clairement posé. Je pense que ce serait une erreur, pour nous, sénateurs, d’ignorer aujourd'hui, dans cet hémicycle, le rôle qui est le nôtre.
Ainsi que le rapporteur l’a justement dit, nous nous trouvons au cœur de la réflexion, ce qui exige, mes chers collègues, des échanges empreints de respect mutuel.
M. Cazeau a procédé à un certain nombre de rappels historiques. Je pourrais dire aussi que j’ai voté, par exemple, la suppression de la peine de mort proposée par M. Badinter.
Alors, respectons-nous, oui, et ne parlons pas d’hypocrisie ! Osons reconnaître que la vie est un sujet qui suscite de légitimes interrogations et parfois de l’angoisse ! Chacun de nous peut répondre à la question posée à sa manière, qu’il ait ou non la foi, selon ce qu’il croit profondément. Je crois que, cela aussi, mérite d’être respecté.
Toutefois, comme il s’agit d’une discussion commune, je voudrais profiter de mon explication de vote pour défendre la position des auteurs de l’amendement n° 51 rectifié.
L’enjeu de ce débat est de savoir si nous optons pour une autorisation, certes encadrée, de la recherche, au risque, comme l’a souligné notre collègue Bruno Retailleau, d’adresser un signal traumatisant et dangereux pour l’avenir, ou si nous maintenons une interdiction tout en prévoyant des dérogations, ce qui n’a rien d’hypocrite, surtout lorsqu’il s’agit de dérogations justifiées. De cette manière, nous pourrions rester dans la ligne qui a été fixée – je salue d’ailleurs le rôle de M. Mattei dans les débats que nous avions eus à l’époque – tout en permettant à la science d’avancer.
En outre, et contrairement aux auteurs du texte que vous avez cité, madame la secrétaire d’État, je souhaite que l’on accentue la recherche sur les IPS. Par exemple, j’ai imposé et financé la création d’une unité de biothérapie cellulaire au CHU de Montpellier. Et je pense sincèrement que nous devons nous attendre à des révolutions majeures en matière de recherche sur les cellules. Le problème dont nous débattons aujourd'hui ne se posera donc peut-être plus.
Quoi qu’il en soit, en adoptant l’amendement n° 51 rectifié, nous ne cassons pas une dynamique de recherche…
… mais nous montrons que, pour nous, tous les problèmes ne sont pas résolus.
Nous sommes dans un débat éthique fondamental ; soyons donc respectueux les uns des autres !
Avec l’amendement n° 51 rectifié, que nous sommes nombreux à avoir cosigné, nous faisons le choix d’un symbole, qui n’est pas un signal négatif adressé aux chercheurs. Il s’agit seulement de tenir compte de la réalité : sachons exprimer nos angoisses et nos interrogations avec humilité !
Pour autant, nous n’abandonnons pas de principes fondamentaux. En tant que médecin, je suis particulièrement bien placé pour savoir combien il est important de poursuivre un certain nombre de recherches essentielles. Simplement, il faut le faire dans le respect de la réalité que je viens d’évoquer.
Hier, j’ai été très heureux d’entendre le Président de la République rappeler devant la conférence nationale du handicap certaines valeurs fondamentales, comme la dignité de la personne humaine.
Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.
Mes chers collègues, nous pouvons, me semble-t-il, trouver, dans le respect mutuel, une réponse positive à une interrogation qui nous taraude tous. Ce n’est pas un artifice !
Nous sommes au cœur d’un débat fondamental, et les différents points de vue méritent d’être respectés. Je pense que l’amendement n° 51 rectifié répond aux attentes des uns et des autres.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à l’instar de notre collègue Jacques Blanc, je considère que ce débat est de haute tenue.
Mais le débat, profondément respectable, est en même temps difficile, car il fait appel à nos convictions sur la source de la vie. Il soulève donc un certain nombre d’interrogations et – j’emploie à dessein l’expression de M. Retailleau – de doutes, ce qui nous impose une certaine forme de prudence.
Très souvent, dans nos débats, quand il y a doute, nous nous référons au droit ; ce fut le cas à propos des organismes génétiquement modifiés. Pourquoi en irait-il autrement s’agissant de la recherche sur l’embryon et les cellules souches ? À mon sens, nous devons être très clairs sur un tel sujet.
Je souhaite exprimer toute mon estime au rapporteur, notre collègue Alain Milon. Je respecte profondément son travail, ses convictions. Je le dis en toute amitié, j’ai un désaccord avec lui sur un point de fond. M. le rapporteur affirme craindre les régimes où la loi dicte la vérité scientifique. Je crains, moi, les régimes où la science serait supérieure au droit.
Applaudissements sur plusieurs travées de l ’ UMP. – MM. Philippe Darniche et Bruno Retailleau applaudissent également.
C’est une grande question de fond. Le chercheur est un être moral, mais la science n’est pas nécessairement un fait moral. Il faut l’encadrer, fixer des limites. En tant qu’hommes et femmes de la société, nous devons dire à la science que nous croyons en elle, que nous avons besoin d’elle, mais que nous avons vu tant de processus, tant de démarches, échapper à la conscience humaine, qu’il nous faut poser des limites.
Regardez le monde d’aujourd’hui ! Combien de faits, y compris dans le domaine financier, détruisent des individus, précisément parce qu’ils échappent aux individus ?
Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC-SPG.
Nous sommes confrontés à un sujet très difficile. Parce que nous représentons ici la société, le pays, nous devons faire en sorte que les hommes et les femmes qui composent la société, le pays, puissent participer au mieux à la construction de leur propre destin.
Le politique, que nous incarnons, doit défendre le droit. Et le droit sera plus fort avec une interdiction assortie de dérogations qu’avec une autorisation sous conditions. Nous avons déjà eu ce débat à propos de l’euthanasie. En fait, nous le retrouvons sur tous les sujets qui touchent à la vie et à la mort. Faut-il interdire en prévoyant des exceptions ou autoriser en fixant des conditions ?
Pour des observateurs extérieurs, il s’agit peut-être d’un débat de spécialistes. Mais non ! C’est un débat de symboles, un débat de sens !
À mon sens, la Haute Assemblée ne peut pas laisser accroire que, pour notre société, la science pourrait être supérieure au droit.
Par conviction personnelle et par conviction de parlementaire représentant la société, je pense que nous devons garder la main sur de tels sujets.
Oui, le politique doit dire à la science : « Cherchez, avancez, mais n’oubliez pas que vous avez aussi des responsabilités ! » Nous savons que les chercheurs assument leurs responsabilités personnelles et morales. Mais il faut aller au-delà, et fixer des limites, même avec des dérogations. Il faut du droit ; notre rôle de parlementaires est de l’exprimer.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste. – MM. Philippe Darniche et Bruno Retailleau applaudissent également.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, on a parlé de « respect », d’« éthique ». Il est vrai que ce débat est de très haute tenue ; il méritait de l’être, compte tenu de l’importance du sujet.
Pour ma part, je voudrais également parler de « fait sociétal ». Nous siégeons ici forts de nos convictions personnelles, philosophiques ou religieuses, mais nous sommes également les représentants de la société. Nous devons donc nous demander ce qu’une majorité de nos concitoyens estiment valable.
Les comportements, les conceptions, les façons de penser évoluent. Notre collègue Bernard Cazeau a évoqué l’action de Simone Veil en 1974. À l’époque, ce fut un débat difficile. Chacun, de droite comme de gauche, avait ses propres convictions, sa propre position. Le sujet a transcendé les clivages politiques.
Aujourd'hui, nous sommes confrontés au même problème. À cet égard, je voudrais saluer le courage et la pertinence des analyses de la commission et de son rapporteur, dont nous suivrons l’avis.
Une loi peut-elle comporter un volet dérogatoire ? Pour ma part, je suis sceptique. Parler de « dérogations », c’est à l’évidence ouvrir la porte à un certain nombre d’abus qui peuvent être condamnables.
N’oublions jamais que la loi doit être la même pour tous ! Eu égard aux responsabilités qui sont les nôtres au sein de la Haute Assemblée, la notion de dérogation, même si nous pouvons en comprendre les motivations, présente des risques considérables.
Si vous le permettez, je voudrais me livrer à une comparaison, que d’aucuns jugeront peut-être provocatrice. En suivant la logique à l’œuvre dans cet amendement, on pourrait tout aussi bien prôner la suppression de l’interruption volontaire de grossesse.
Il peut y avoir des convictions personnelles fortes en la matière, mais, dans ce pays, on n’a jamais obligé une femme qui ne le souhaitait pas à subir une interruption volontaire de grossesse.
M. François Fortassin. En revanche, il me paraît bon que la loi existe.
Bravo ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Nous discutons d’un sujet fondamental.
À ce niveau de réflexion, j’aimerais préciser un point sur l’attitude qui doit être la nôtre. L’éthique de conviction n’est qu’une partie de l’éthique ; elle ne correspond pas à l’ensemble de la réflexion que nous devons mener. Il existe aussi une éthique de la discussion – notre débat le prouve – et une éthique du témoignage.
Dès lors, il me semble totalement réducteur de renvoyer chacun dans son camp simplement en fonction de ses convictions.
De même, nous ne sommes pas dans le discours de la croyance, qui relève des convictions personnelles et qui est, à ce titre, respectable ; nous sommes au-delà.
Nous avons la volonté de transcender ces dimensions. Je me suis largement exprimé sur la nécessité de développer le statut de l’embryon, sujet à l’origine de l’ensemble de nos discussions actuelles.
Nous sommes face à des choix difficiles. Pendant un temps, nous avons été enclins à vouloir évaluer la science. Ce n’est pas notre rôle. Mais j’ai particulièrement apprécié le fait que l’on veuille nous redonner une place. J’ai été très satisfait d’entendre certains collègues affirmer que nous devions retrouver notre rôle de législateur. Notre rôle, justement, quel est-il ? Nous devons faire la loi, dire le droit. Mais faire la loi, dire le droit, est-ce dire la vérité ? Je ne le crois pas.
Personne ne détient la vérité.
Mais nous avons aussi un rôle de protection ; nous devons protéger les plus faibles, les plus fragiles.
L’enjeu de ce débat n’est pas tant de nous donner l’occasion de nous battre sur des détails techniques, même s’ils ont leur importance, que de redonner une identité à la bioéthique. Nous devons être d'accord, et je pense que nombre d’entre nous le sont, sur les notions de dignité de la personne, d’indisponibilité du corps et d’intégrité de l’espèce humaine.
La loi nous impose de respecter la vie dès l’origine. Il y a donc là un hiatus.
Il est nécessaire de trouver secours dans d’autres réflexions. C’est là que l’éthique intervient, à un niveau autre que celui de la conviction, pour nous aider à accepter le doute, l’insécurité, et consentir à l’équilibre.
Dans les semaines et les mois à venir, il nous faudra rouvrir le débat sur le concept problématique du bien commun, qui est confronté à l’intérêt des particuliers, chacun tentant d’apporter des solutions.
Effectivement, le Parlement vote les lois et dit le droit, chers collègues.
Au vu de la passion que certains mettent à exprimer leurs convictions, je ne me priverai pas de vous faire connaître les miennes, car elles sont tout aussi importantes et respectables que d’autres.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais que M. Lorrain se méfie : s’il continue de parler d’extrême gauche nous concernant, nous risquons de parler d’extrême droite, ce qui pourrait l’ennuyer…
Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Pour en revenir au statut de l’embryon, force est de constater qu’il s’agit d’un débat récurrent et que nous ne sommes pas d’accord. J’approuve totalement les positions qui ont été courageusement défendues, il faut le souligner, par M. le rapporteur.
L’amendement n° 51 rectifié, présenté par Jean-Claude Gaudin, semble offrir une solution acceptable selon Mme la secrétaire d'État, même si ce n’est pas notre point de vue, ce qui en fait l’amendement « officiel ».
Le Gouvernement souhaite donc aujourd'hui maintenir un régime d’interdiction des recherches sur l’embryon assortie de dérogations, signe qu’il veut tout de même laisser les recherches se poursuivre.
Oui, la liberté de la recherche est une nécessité, tout comme l’encadrement, du reste. On l’aura compris, il s’agit ici surtout d’une mesure d’affichage à l’égard des lobbies qui nous poursuivent tous, évidemment, moi moins qu’un élu de la majorité
Protestations sur les travées de l ’ UMP
En se déclarant favorable à l’amendement n° 51 rectifié, le Gouvernement adresse un mauvais signe à la recherche et un bon signe à ceux qui manifestent pour réclamer qu’un statut soit accordé à l’embryon !
Vous le savez tous, je place la dignité humaine au-dessus de tout. M. Raffarin a évoqué les dérives financières, qui font beaucoup de mal à ce principe.
Qu’il me soit permis de faire référence à une atteinte beaucoup plus proche de nous, qui me révolte : je veux parler du cas d’une maire UMP d’une commune d’Île-de-France qui, après avoir tenté, en vain, de refuser à un enfant réfugié kosovar l’accès à l’école, souhaite maintenant lui interdire l’accès à la cantine !
Qu’un élu veuille empêcher un enfant de prendre un repas par jour, voilà qui me scandalisera probablement jusqu’à la fin de mes jours !
Je me révolte également quand d’aucuns continuent de soutenir l’interdiction du préservatif, en prenant la responsabilité que des enfants naissent malades du sida et soient voués à la mort dans les premiers mois de leur existence !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tout cela n’est pas, selon moi, conforme au principe de la dignité humaine, c'est-à-dire au respect de la dignité de ceux qui sont nés !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Certes, nous avons tous des convictions, mais que certains ne les poussent pas à leur terme, voilà ce qui me révolte !
En tout état de cause, avec cet amendement, vous envoyez encore une fois un très mauvais signe à la recherche. En revanche, comme dans d’autres domaines, vous adressez un très bon signe, électoral cette fois, à ceux qui défilent et manifestent contre l’avortement !
Applaudissements sur les mêmes travées.
Monsieur le président, je vais retirer l’amendement n° 27 rectifié au profit de l’excellent amendement n° 51 rectifié de Jean-Claude Gaudin.
Qu’il me soit permis, auparavant, de revenir sur deux arguments qui ont été avancés.
Le premier argument, défendu par M. le rapporteur, pour lequel j’ai du respect, car il a réalisé avec la commission un important travail, porte sur la question de la légitimité du politique par rapport aux chercheurs. Le second, exprimé avec modération par Bernard Cazeau, est que nos raisonnements reposeraient sur des convictions religieuses.
Tout d’abord, premier argument, celui d’Alain Milon. Comme Jean-Pierre Raffarin, je crains le régime qui verrait la science dicter aux hommes politiques leur comportement. La légitimité du politique doit rester incontestable. Si demain quelques chercheurs devaient dicter la loi aux Français, nous sortirions du régime démocratique pour entrer dans le règne des experts !
Or les experts se font souvent aussi l’écho des préoccupations des lobbyistes, chère collègue.
Notre mission est de construire l’intérêt général et le bien commun. Nous ne voulons pas d’un monde à la Orwell !
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
La légitimité politique est le fondement de la démocratie, mes chers collègues ! Nous ne devons pas avoir honte d’affirmer qu’il revient au législateur de poser les bornes et les limites, sinon cessons de discuter et laissons les chercheurs nous dicter notre comportement au motif que toute avancée scientifique est forcément positive !
Le second argument est celui de M. Cazeau. J’ai lu énormément d’articles depuis plusieurs mois exprimant les positions et les convictions des uns et des autres. Il ressort de mes lectures que des personnalités de toutes les confessions – juive, musulmane, catholique –, voire des athées, parvenaient exactement aux mêmes conclusions que nous. Cela signifie donc que notre argumentation dans ce débat ne doit pas prendre obligatoirement sa source dans une quelconque conviction religieuse.
J’ai parlé tout à l’heure d’anthropologie. Notre réflexion, ici, est plutôt de cet ordre et n’est absolument pas de nature métaphysique.
Aujourd'hui, nombreux sont les grands pays qui font de la recherche sur les cellules embryonnaires. Certains d’entre eux encadrent énormément cette activité de recherche, et d’autres ont au contraire décidé de très largement la désencadrer. Or la comparaison des résultats obtenus n’est pas probante, indice que tout n’est pas aussi simple que certains voudraient le croire. Or si les résultats scientifiques ne sont pas probants, on peut tout simplement en conclure que le doute commande d’être très prudent, d’autant que le principe de précaution a aujourd'hui valeur constitutionnelle.
Ce principe est souvent invoqué en faveur du règne végétal ou animal, mais on y recourt finalement assez peu dès qu’il s’agit de l’humain…
Je suis favorable à l’application du principe de précaution dès qu’il y a un doute. Or c’est le cas ici.
D’autres possibilités existent. Adoptons une attitude de sagesse et maintenons le régime d’interdiction.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Mme Anne-Marie Payet applaudit également.
L'amendement n° 27 rectifié est retiré.
La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
Je souhaite rappeler le message politique que voulait nous imposer la majorité.
Le rapport d’Alain Milon est très clair : « Le fond de l’argumentation de l’Assemblée nationale réside dans la nécessité d’un “interdit symbolique fort” dont la nécessité avait été envisagée avant d’être écartée par le Conseil d’État. » Cet interdit symbolique trouve ici sa transcription dans l’amendement n° 51 rectifié présenté par Jean-Claude Gaudin, président du groupe UMP.
« À cet interdit fort, mis en place afin de pouvoir y déroger, votre commission » – c’est tout à l’honneur de M. le rapporteur – « maintient sa préférence pour un régime de responsabilité assumée et encadrée. » C’est aussi notre position.
« Il convient à cet égard de lever une ambiguïté. Le rapporteur de l’Assemblée nationale, interprétant l’analyse du Conseil d’État concernant les régimes d’“interdiction assortie de dérogation” et d’“autorisation encadrée par des conditions”, a affirmé en effet que “dans le cas de l’interdiction, la possibilité de déroger est d’interprétation stricte, tandis que, dans le cas de l’autorisation, c’est la condition qui restreint la liberté de la recherche qui l’est”.
« Cela laisse entendre que l’autorisation encadrée permettra tout ce que le législateur n’aura pas explicitement pensé à interdire. Or il n’en est rien : l’autorisation encadrée telle que prévue en première lecture par le Sénat n’est pas une autorisation de principe, mais une autorisation sous conditions cumulatives, » – elles sont au nombre de quatre – « en dehors desquelles la recherche ne peut avoir lieu. »
Pour cette raison nous souscrivons totalement aux propos de la présidente de notre groupe, Nicole Borvo Cohen-Seat.
M. Retailleau a parlé du principe de précaution comme s’il s’agissait ici de défendre l’herbe, les fleurs ou les arbres. Non, monsieur Retailleau, ce n’est pas cela, le principe de précaution pour les écologistes !
Aujourd'hui, en raison de la mondialisation et de l’essor de la technique, l’homme doit réfléchir avant toute action. Lorsqu’il s’engage dans un conflit armé, il a les moyens de faire sauter la planète. Lorsqu’il produit de l’énergie nucléaire, il peut, en cas de tsunami, irradier tout un continent.
L’homme a donc les moyens techniques de sa propre destruction. Le principe de précaution consiste justement à ne pas utiliser une technique tant que l’homme ne la maîtrise pas et qu’elle peut condamner la planète, c'est-à-dire l’espèce humaine. Cela n’a rien à voir avec la préservation des arbres, même si nous pensons, par ailleurs, que les forêts doivent être protégées !
Contrairement à ce que vous croyez, monsieur Retailleau, nous invoquons donc bien le principe de précaution pour préserver la vie humaine. Je me tiens donc à votre disposition pour une explication de texte sur l’écologie et sur le sens de l’inscription du principe de précaution dans la Constitution !
Je tiens d’abord à rappeler que nous n’en sommes pour l’instant qu’aux explications de vote sur l’amendement n° 36 rectifié ter, qui interdit toute recherche sur l'embryon et sur les cellules souches embryonnaires. S'il est voté, mais j'espère qu'il ne le sera pas, nul besoin de discussions supplémentaires : nous pourrons tranquillement rentrer chez nous…
Je voudrais revenir sur certains points qui ont été soulevés par MM. Raffarin, Blanc et Retailleau.
Monsieur le Premier ministre, cher Jean-Pierre Raffarin, vous aviez fait voter en 2004 la loi relative à la bioéthique, qui prévoyait un régime d’interdiction assorti d’autorisations exceptionnelles. Mais cette loi était révisable, et les autorisations n'étaient accordées que pour voir si la recherche allait donner des résultats. Au contraire, la loi que nous allons peut-être voter, en tout cas celle qui sera votée, ne prévoira pas de clause de révision, elle sera définitive ; de plus, nous savons aujourd'hui que les résultats sont là. C’est une première réserve que je formule.
Vous avez semblé choqué par des propos que j’ai tenus tout à l'heure : effectivement, je crains les régimes où la loi dicte la vérité scientifique, nous en avons d’ailleurs un certain nombre d’exemples, mais, comme vous, je craindrais bien évidemment tout autant les régimes où la science dicterait le droit, même si je n'en connais pas.
Vous avez raison, nous devons veiller à respecter le droit, qui doit régir l'ensemble de notre société. Mais permettez-moi de vous dire, malgré toute l'amitié que je vous porte, que, pour moi, le droit, c'est la transparence et la clarté, c'est-à-dire en l’espèce autoriser ou interdire. Ce n'est pas interdire tout en prévoyant des autorisations ou autoriser avec des interdictions : nous devons trancher. Cela ne me dérangerait pas que le Parlement choisisse d’interdire la recherche sur les cellules souches embryonnaires ; après tout, ce serait son choix, sa liberté, son droit. Je serais toutefois assez déçu, car je préférerais qu’il se prononce pour une autorisation réglementée.
Si le Sénat devait choisir une interdiction symbolique assortie d’autorisations exceptionnelles, je ne verrais dans cette solution aucune garantie de transparence. Ne s’agit-il pas plutôt de répondre à l'angoisse qu’éprouvent les Français s’agissant de la recherche sur l'embryon, cher Jacques Blanc ?
Il faudrait peut-être commencer par faire œuvre de pédagogie, expliquer en quoi consiste la recherche sur les cellules souches embryonnaires et sur l'embryon. Nous savons que ces recherches ne peuvent être effectuées que jusqu’à cinq jours, cinq jours et demi, après la fécondation. Si nous expliquions tout cela aux Français, ils seraient certainement favorables à ces recherches.
Jusqu’à présent, nous n’avons pas expliqué les termes du débat, ou nous les avons mal expliqués ; nous ne disposons peut-être pas non plus de la couverture médiatique suffisante pour le faire. Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’angoisse qu’éprouvent les Français vient de la méconnaissance, non de la désapprobation !
Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Françoise Laborde et M. Jean-Pierre Fourcade applaudissent également.
Personne ne demande plus la parole ?...
Mes chers collègues, avant de procéder au vote, je tiens à vous préciser que, dans la mesure où l’amendement n° 36 rectifié ter vise à proposer une nouvelle rédaction pour l’article 23, son adoption rendrait sans objet tous les autres amendements en discussion commune.
Je mets aux voix l'amendement n° 36 rectifié ter.
J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe socialiste, l'autre, du groupe CRC-SPG.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 235 :
Le Sénat n'a pas adopté.
Madame Hermange, le sous-amendement n° 31 rectifié quater est-il maintenu ?
Monsieur le président, après ce vote symbolique sur l’amendement n° 36 rectifié ter, je retire les sous-amendements n° 31 rectifié quater, 53 rectifié quater et 54 rectifié quater, ainsi que l’amendement n° 37 rectifié quater, car ils ne pourraient que subir le même sort.
Les sous-amendements n° 31 rectifié quater, 53 rectifié quater et 54 rectifié quater ainsi que l’amendement n° 37 rectifié quater sont retirés.
Monsieur le président, je reprends au nom de la commission le texte du sous-amendement n° 31 rectifié quater.
Je suis donc saisi d’un sous-amendement n° 57, présenté par M. Milon, au nom de la commission des affaires sociales, et dont le libellé est strictement identique à celui du sous-amendement n° 31 rectifié quater.
Vous avez la parole pour le défendre, monsieur le rapporteur.
Mes chers collègues, si l'amendement n° 51 rectifié est adopté, la recherche sur toutes les cellules souches sera interdite, sur toutes les cellules souches, sans exception. Voilà bien tout le problème ! Si j’avais donné un avis favorable au sous-amendement n° 31 rectifié quater de Mme Hermange, c’est qu’il tendait à préciser que l’interdiction visait les recherches sur les cellules souches embryonnaires d’origine humaine. Cette précision est essentielle.
Monsieur le président, mes chers collègues, j’ai retiré mon sous-amendement car l’explication apportée par Mme la secrétaire d'État m’a convaincue. L’intitulé du titre V du code de la santé publique est clair : mon sous-amendement n’est pas nécessaire. La pratique actuelle va d’ailleurs en ce sens.
Monsieur le président, je demande un vote par scrutin public sur ce sous-amendement.
Je voudrais revenir sur les propos tenus par Mme la secrétaire d'État et par Mme Hermange à propos du titre V du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique, en effet intitulé « Recherche sur l'embryon et les cellules embryonnaires », mais qui n’évoque pas la recherche sur les lignées de cellules embryonnaires. Or l’amendement n° 51 rectifié interdit la recherche sur les lignées. Si l’on ne précise pas qu’il s’agit des lignées de cellules embryonnaires humaines, toute recherche sera interdite.
La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 57.
Nous nous étonnons que ce problème n’ait pas été soulevé à l'Assemblée nationale. L’amendement de M. Gaudin semble aller au-delà de ce qu’il souhaite, et de ce que souhaitent les membres de la majorité qui l’ont signé.
Nous voterons donc le sous-amendement que vient de présenter M. le rapporteur.
Je comprends que l’on soit dans le doute, mais doute ne veut pas dire confusion !
En commission, nous avons voté votre sous-amendement, madame Hermange, qui se différenciait des autres en ce qu’il apportait une précision technique, ainsi que vient de le rappeler M. le rapporteur.
Aussi, lorsque M. le président a demandé à Mme la secrétaire d’État quel était son avis sur le sous-amendement n° 57, nous nous attendions à ce qu’elle se déclare sur le fond favorable mais qu’elle juge son adoption superflue dans la mesure où la précision figurerait déjà, de manière implicite mais tout à fait compréhensible, dans le texte de l’amendement n° 51 rectifié. Au lieu de cela, Mme la secrétaire d’État a demandé un scrutin public ! C’est donc bien qu’une certaine clarification est nécessaire…
L’enjeu doit être de taille, pour que Mme la secrétaire d’État dramatise ainsi la situation !
Protestations sur les travées de l ’ UMP.
Qu’y a-t-il donc derrière ce sous-amendement ? Ce n’est pas simplement un problème technique ! Mme la secrétaire d’État a conféré un enjeu réel au sous-amendement n° 57 en demandant un scrutin public sur ce qui n’est censé être qu’une confirmation ou une précision.
Mme la secrétaire d’État fait des signes de dénégation.
Mme Isabelle Debré. Monsieur le président, en fait je sollicite une suspension de séance de cinq minutes.
Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Madame Debré, je vous propose que nous en terminions d’abord avec les explications de vote sur le sous-amendement n° 57.
La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Les mots « doute », « confusion » ont été prononcés, et, de fait, les choses commencent à devenir assez confuses.
Madame la secrétaire d’État, vous vous évertuez à complexifier un débat qui, étant donné l’importance du sujet, se devait d’être serein : nous discutons, je le rappelle, de la recherche sur l’embryon humain.
Pour notre part, nous soutenons le sous-amendement n° 57 comme nous avons soutenu, en commission, le sous-amendement n° 31 rectifié quater dont il reprend le texte, dans la mesure où il introduit une précision utile, et même nécessaire, dans l’amendement n° 51 rectifié.
Cela étant, nous sommes en complet désaccord avec la rédaction proposée par M. Jean-Claude Gaudin qui, loin d’en rester au droit existant, opère bien une régression.
Actuellement, en effet, la recherche sur l’embryon est certes interdite en principe, mais il existe des dérogations. Or l’amendement n° 51 rectifié tend à interdire toute recherche sur l’embryon, sans aucune dérogation possible. C’est donc une véritable régression par rapport à la situation existante.
Mme Annie David. Si l’on ajoute à cela l’amendement n° 55 déposé par le Gouvernement à l’article 24 ter B, qui vise à supprimer l’obligation de réviser tous les cinq ans la loi de bioéthique
Exclamations indignées sur les travées du groupe socialiste
M. Raffarin disait tout à l'heure qu’il fallait respecter le droit, mais, avec ces deux amendements, non seulement nous ne respectons pas le droit mais en plus nous opérons, je le répète, une véritable régression par rapport aux dispositions en vigueur !
En effet, la situation sera « verrouillée » si l’on supprime l’obligation, instaurée en 2004, alors que vous étiez Premier ministre, monsieur Raffarin, de réviser la loi de bioéthique tous les cinq ans. La situation sera ainsi figée, ce qui constitue un signal très négatif envoyé au monde de la recherche.
Si je partage votre opinion quand vous dites que ce n’est pas la science qui doit nous gouverner, je considère que nous devons tout de même prendre en compte l’avis des scientifiques et l’éclairage qu’ils nous apportent sur l’évolution de la société. Laisser le droit figé en l’état, cela revient à rater la marche, et rater le train de l’avenir.
On a invoqué une crainte par méconnaissance. Il me semble qu’il y a en effet, dans la population, une véritable méconnaissance de ce qu’est la recherche sur l’embryon. On entend parfois des discours qui sont à mille lieues de la réalité ! Si l’on voulait que nos concitoyens puissent faire un choix en toute connaissance de cause, il faudrait dire les choses simplement et honnêtement.
Nous avons eu la chance, lors de l’examen du projet de loi en commission, d’auditionner des personnalités multiples et diverses. J’ai apprécié ces auditions car, en toute franchise, j’étais moi-même un peu désorientée. Mais les interventions des personnes auditionnées et l’avis, qui me paraît sage, de notre rapporteur, m’ont permis de mieux appréhender les enjeux de la recherche sur l’embryon. C’est cette connaissance qu’il serait nécessaire de mettre à la disposition de tous, pour que nous puissions nous-mêmes prendre ici toutes nos responsabilités.
Nous soutiendrons donc le sous-amendement n° 57, car, si l’amendement n° 51 rectifié était adopté en l’état, cela constituerait un retour en arrière sans précédent, et nos chercheurs en viendraient à désespérer du législateur !
M. Guy Fischer applaudit.
Compte tenu de mon antériorité dans cette affaire – j’étais en effet président de la commission des affaires sociales lors de l’adoption de la loi du 29 juillet 1994 –, je m’étais interdit de participer à ce débat. Je suis très partagé entre la position du Gouvernement, celle de mon groupe et celle de M. le rapporteur.
Toutefois, je considère que ce débat a prouvé que Mme Hermange et notre rapporteur avaient fait une plongée technique extrêmement importante dans le sujet qui nous occupe. Le sous-amendement qu’a proposé Mme Hermange, et qui a été repris par la commission, va dans le bon sens et corrige opportunément l’amendement de M. Gaudin.
C'est pourquoi, madame la secrétaire d’État, avec toute l’amitié que je vous porte, je serais heureux que vous reveniez sur votre position et renonciez à votre demande de scrutin public. En effet, nos collègues ont raison, à mon avis, de considérer que l’interdiction de toute recherche sur les lignées de cellules souches constitue un retour en arrière même par rapport à la loi de 1994…
… qui serait très mal accueilli par les milieux scientifiques, en particulier par les chercheurs eux-mêmes – je pense à Axel Kahn, par exemple.
Retirez donc votre demande de scrutin public, madame la secrétaire d’État !
Je vais vous décevoir, monsieur Fourcade : je ne retirerai pas ma demande de scrutin public. En effet, on a créé de la confusion alors qu’il n’y avait pas lieu de le faire.
Je me suis expliquée tout à l'heure, mais je vais le faire à nouveau.
Aux termes de l’amendement n° 51 rectifié, l’interdiction de la recherche « sur l’embryon humain, les cellules souches embryonnaires et les lignées de cellules souches » serait intégrée au sein du titre V du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique, intitulé « Recherche sur l’embryon et les cellules embryonnaires ». Nous savons donc de quoi nous parlons dès le libellé de ce titre V !
J’ajoute que l’alinéa incriminé mentionne en premier lieu la recherche sur « l’embryon humain » – j’insiste sur ce dernier adjectif. Fallait-il préciser à nouveau, dans la suite de la phrase, que l’interdiction de la recherche sur les « cellules souches embryonnaires » ne concerne que les seules cellules souches embryonnaires humaines ? Il me semble que c’est clairement sous-entendu : on ne parle pas de cellules souches embryonnaires animales ! De même, il va de soi que l’interdiction de la recherche ne porte que sur les lignées de cellules souches « embryonnaires humaines» ; les cellules induites ne sont pas concernées.
Le sous-amendement n° 57 ne fait donc que créer de la confusion alors que les choses sont claires. Je fais confiance aux chercheurs : ils savent très bien sur quoi porte l’interdiction que nous souhaitons édicter, puisqu’elle s’inscrit dans le cadre global de la recherche sur l’embryon et les cellules embryonnaires, telle que définie dans ce titre V du code de la santé publique.
J’espère avoir, par cet éclairage supplémentaire, levé vos doutes, mesdames, messieurs les sénateurs, si tant est que la confusion en avait instillé dans vos esprits, et je maintiens ma demande de scrutin public.
Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous allons maintenant faire droit à la demande de Mme Isabelle Debré, qui a souhaité une courte suspension de séance pour le groupe UMP.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à onze heures quarante, est reprise à onze heures cinquante-cinq.
La séance est reprise.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 57, sur lequel le Gouvernement souhaite sans doute préciser son avis.
Il est défavorable, monsieur le président.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 57.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du Gouvernement.
Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 236 :
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote sur l'amendement n° 51 rectifié.
Mme Isabelle Debré. J’ai cosigné cet amendement et je le voterai. Certes, la franchise m’oblige à dire que sa rédaction n’est pas parfaite, mais, a-t-on coutume de dire, la perfection n’est pas de ce monde ; on peut simplement y tendre.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Je regrette essentiellement la présence d’une phrase dans le texte de cet amendement, phrase qui ne figurait pas dans le texte initial du Gouvernement : « Dans le cas où le couple, ou le membre survivant du couple, consent à ce que ses embryons surnuméraires fassent l’objet de recherches, il est informé de la nature des recherches projetées afin de lui permettre de donner un consentement libre et éclairé. ».
Lorsqu’une personne a choisi de faire don de son corps à la médecine, est-il souhaitable et nécessaire que, à son décès, sa famille soit informée des recherches qui seront effectuées sur son corps ? C’est une question que je me pose.
J’exprime ce regret à titre personnel, mais je sais que d’autres le partagent, ce qui ne nous empêchera pas de voter l’amendement n° 51 rectifié.
Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, si cet amendement est voté, bien qu’avec regret, semble-t-il, par certains de nos collègues, l’article 23 sera ainsi rédigé et les autres amendements déposés sur cet article n’auront plus d’objet, ce qui est dommage.
Les auteurs de cet amendement prétendre s’inscrire dans la continuité des lois de 1994 et de 2004 et revendiquent la cohérence de leur rédaction avec l’ensemble des dispositions relatives à l’embryon. À mes yeux, cet amendement constitue plutôt une régression importante, …
Tout à l’heure, j’ai voté l’amendement n° 36 rectifié ter, qui avait le mérite de la clarté et de la simplicité. S’il avait été adopté, le débat aurait été clos. Vous avez donc eu tort, chers collègues, de ne pas suivre Mme Marie-Thérèse Hermange et ceux qui l’avaient accompagnée dans la présentation de cet amendement…
Cela dit, il est bien normal que des questions de cet ordre suscitent, ici et ailleurs, des débats passionnés, puisqu’elles touchent à nos convictions les plus profondes.
Comme se plaisait à le dire Michel Debré, nous sommes élus non pas pour défendre les idées de nos électeurs, mais pour défendre les idées que nous leur avons présentées lors de l’élection. Et ce n’est pas du tout la même chose. Nous devrions savoir garder cette distinction à l’esprit.
À ce titre, on ne peut pas être à la remorque du monde scientifique. C’est aux citoyens, directement ou par leurs représentants élus, ce que nous sommes, de décider ce qui est conforme au bien commun, en se fondant sur leurs convictions, et elles sont en l’occurrence bien différentes.
Mais, force est de le constater, Guy Fischer le rappelait tout à l’heure, il est bien difficile de répondre à certaines des grandes questions qui fondent nos convictions. Quelle est la définition de la vie ? La science est bien incapable de répondre à cette question. D’ailleurs, personne ne s’est hasardé à donner une définition scientifique de la vie. On ne peut donc définir la vie que par référence à des principes philosophiques, religieux ou autres qui, bien sûr, diffèrent selon les individus.
De même, il n’existe pas de définition juridique de l’embryon. J’ai pensé, un temps, que l’on devait pouvoir élaborer une définition juridique de l’embryon ; j’en suis aujourd’hui moins persuadé. L’embryon est-il une vie humaine commencée ou une vie humaine potentielle ? Est-ce une chose ? Relève-t-il d’un autre concept ?
Si l’embryon n’était qu’une chose, alors la loi Veil relative à l’interruption volontaire de la grossesse n’était pas nécessaire. C’est bien parce que l’embryon est de l’ordre de la personne qu’il a fallu légiférer pour dépénaliser un acte portant atteinte à la vie de l’embryon. Libre à chacun ensuite d’en penser ce qu’il veut.
En dépit de mon vote sur l’amendement n° 36 rectifié ter, je voterai l’amendement de M. Gaudin, non pas parce qu’il est parfait, ni même parce qu’il me plaît, mais afin d’écarter, au nom du choix entre les inconvénients, la position que le rapporteur a fait adopter par la majorité de la commission, position que je respecte mais que je ne partage pas.
Il faut, me semble-t-il, maintenir un ordre symbolique d’interdiction.
Historiquement, toute société fonctionne en s’appuyant sur des symboles, notamment des symboles d’interdiction. Lorsque ces symboles disparaissent, la société concernée laisse la place à une autre. Que ce soit bien ou pas relève du jugement de chacun.
Passer d’une interdiction avec dérogations à une autorisation telle qu’elle est définie dans la rédaction de la commission revient à modifier l’un des symboles importants sur lesquels s’appuie notre société.
C’est donc au nom du moindre mal que je voterai l’amendement n° 51 rectifié, et non pas parce que je suis convaincu de ses fondements.
J’ai déjà eu l’occasion de préciser ma position sur la question qui sous-tend cet amendement, mais je souhaite revenir sur la définition de la vie, dont il vient d’être question.
Nous ne pouvons en effet que constater nos divergences sur la définition de la vie. En revanche, peut-être pouvons-nous être d’accord sur le fait que, à partir du moment où une mère donne la vie à un enfant, cet enfant devient en quelque sorte propriétaire de cette vie.
Dès lors que la recherche, les progrès scientifiques et les évolutions technologiques permettent d’améliorer la vie sur terre, il ne faut pas le refuser. Je ne comprends pas que, sous prétexte de ne pas savoir quand commence la vie, on se prive de la possibilité d’améliorer la vie des vivants.
Par ailleurs, je regrette la manœuvre qui a présidé au dépôt de l’amendement n° 51 rectifié. Cet amendement, qui vise à une nouvelle rédaction de l’article 23, va être adopté sans modification – le sous-amendement n° 57 ayant été rejeté – en dépit du caractère irrecevable des arguments qui ont été avancés.
Mais vous souhaitiez le vote de cet amendement sans modification, madame la secrétaire d’État, afin d’obtenir au Sénat un vote conforme, ce qui exclut l’article 23 du champ des travaux de la commission mixte paritaire. Ainsi, vous bloquez la discussion. Et vous envoyez par là même un signe très négatif à l’ensemble du monde scientifique, en montrant que vous refusez tout débat sur le sujet.
Cette manœuvre, très grave, s’assimile en fait à de l’obstruction : vous nous empêchez de continuer à discuter.
Or, tout le monde le sait, la rédaction proposée pour l’article 23 est très mauvaise, ce qui fait dire à Mme Debré que l’amendement n° 51 rectifié n’est pas satisfaisant et à M. Lardeux que c’est un moindre mal.
Mme Annie David. Malgré tout, vous allez l’adopter, chers collègues, parce que vous voulez un vote conforme. Permettez aux législateurs que nous sommes de considérer que la manœuvre est détestable.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Mme Françoise Laborde applaudit également.
Nous voici parvenus à un moment du débat où il est devenu inutile de s’apostropher pour mieux se convaincre, chers collègues.
L’adoption ou non de cet amendement déterminera le vote du groupe socialiste sur l’ensemble de ce projet de loi.
C’est maintenant que cela se joue, le reste est du domaine de la dialectique.
Je tiens à saluer la franchise et le courage du rapporteur et à déplorer, même si Mme la secrétaire d’État n’en a cure, l’attitude du Gouvernement.
Comme l’a rappelé M. Jean-Pierre Raffarin, la loi se construit avec des termes juridiques exacts. Elle ne se satisfait pas d’improvisations, comme celles que nous trouvons dans l’amendement n° 51 rectifié.
Disons-le clairement, autoriser la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires, c’est se donner, demain, la possibilité de sauver des vies. Cette autorisation est absolument indispensable si l’on veut, pour reprendre les mots de Marc Peschanski, passer d’un état artisanal de la recherche à un véritable traitement thérapeutique.
Les résultats majeurs obtenus par la recherche fondamentale sur les cellules souches embryonnaires ces dernières années ont ouvert la voie à l’exploitation des propriétés de ces cellules, dont les potentialités, notamment en médecine régénérative, commencent à apparaître.
Aujourd’hui, vous le savez, madame la secrétaire d’État, les scientifiques travaillent avec la peur au ventre, dans la quasi-clandestinité, ce qui est la pire des solutions. Seuls une régulation et un encadrement adaptés peuvent éviter les dérives que vous redoutez. En effet, un régime d’autorisation assorti de conditions serait capable d’imposer un rôle précis à chacun et pour chacun. Il serait clair, lisible et contraignant pour les scientifiques. Tel était d’ailleurs la solution préconisée par le Conseil d’État, ainsi, il faut bien le dire, que par la plupart des juristes et des scientifiques.
La levée de l’interdiction de la recherche est déterminante si l’on veut passer de quelques dizaines de malades traités à plusieurs milliers. C’est une condition sine qua non du progrès médical pour tous.
Chers collègues, j’espère que ceux d’entre vous qui vont voter cet amendement n’auront pas à le regretter dans l’avenir.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Françoise Laborde applaudit également.
Je souscris sans réserve aux propos de M. Bernard Cazeau.
En quelques minutes, nous sommes passés d’un débat passionné et presque passionnel, où l’éthique sous-tendait toutes les interventions, à un registre plus tactique : il est temps, désormais, d’en finir et de passer aux questions pratiques !
Cette attitude affecte la sincérité des propos qui ont été tenus sur les travées de la majorité. Certains intervenants ont dépassé le cadre de notre débat, ainsi notre collègue de l’UMP qui a expliqué que sa conception de la société se fondait sur l’interdit.
Sourires sur les travées du groupe socialiste.
Mes chers collègues, dans une assemblée censée défendre les fondamentaux de la République, il est pour le moins paradoxal d’entendre de telles déclarations, qui se démarquent totalement du libre arbitre comme de l’esprit critique, cet esprit critique qui, chers collègues, aurait dû vous inciter à vous déterminer par rapport au danger que présente l’amendement n° 51 rectifié.
Nous avions la prétention de penser qu’une société moderne aurait pu, sur un thème comme celui-là, concilier science et conscience.
En votant cet amendement, vous nous faites manquer une formidable occasion. Souhaitons pour vous que vous n’ayez pas à le regretter !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Pour ma part, je voterai également l’amendement n° 51 rectifié, cet amendement du moindre mal dont nous a parlé notre collègue André Lardeux, et je souscris entièrement à ses propos.
En effet, même s’il n’est pas aussi strict que je l’aurais souhaité concernant la recherche sur l’embryon, cet amendement m’apporte un certain apaisement par rapport aux propos qu’a tenus tout à l’heure Mme le secrétaire d’État.
Par conséquent, je vais retirer l’amendement n° 49 rectifié ter, non sans avoir précisé que si le statut de l’embryon n’a jamais été défini, qui peut pour autant affirmer qu’il est une chose et que l’on peut le réduire à un simple matériau d’expérimentation ? Il n’est en définitive ni une personne ni un objet.
Faisant mien le doute exprimé par un certain nombre de nos collègues tout à l’heure, je voterai l’amendement n° 51 rectifié, qui me rassure plus que la proposition de M. le rapporteur.
L’amendement n° 49 rectifié ter est retiré.
La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
Lorsque j’ai relu, à tête reposée, l’amendement n° 51 rectifié, j’ai été effaré.
Indépendamment de la tactique évoquée par les uns et les autres, qui aboutit purement et simplement à un blocage du travail parlementaire - personne n’est dupe de cette manipulation - c’est vraiment un jour de deuil pour la recherche en France !
Je n’irai pas jusqu’à entonner le Dies irae, dies illa, mais ce n’est pas l’envie qui m’en manque !
Vous rendez-vous compte, chers collègues, du blocage que vous provoquez pour la recherche médicale française ? Êtes-vous bien conscients de l’enjeu de ce texte, y compris pour la thérapie génique ?
Je n’insiste pas, mais je suis complètement abasourdi : vous aurez du mal à expliquer cela aux scientifiques, quelles que soient les positions religieuses des uns et des autres. C’est le progrès pour les vivants qui est en cause !
M. Daniel Raoul. Vous n’avez pas le droit, y compris moralement, d’adopter une telle position, même si elle est conforme à vos convictions profondes – je pense par exemple à André Lardeux. Je ne peux pas vous suivre, car cela revient, en fait, à refuser la vie à certains !
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du RDSE.
À ce stade du débat, nous sommes tous devant un choix essentiel.
Je ne pourrai pas voter l’amendement de mon collègue et ami Jean-Claude Gaudin, cosigné par de nombreux membres de l’UMP, et ce pour deux raisons.
Premièrement, cet amendement, qui est cohérent avec celui qui a été adopté à l’Assemblée nationale, est un peu plus restrictif que le texte du Gouvernement.
Nous aurions dû assouplir au lieu de resserrer, comme l’a dit très justement tout à l’heure l’une de nos éminentes collègues, Mme Isabelle Debré.
Deuxièmement, je me pose depuis 1994 une question de fond, qui n’a pas été abordée par les auteurs de l’amendement : que fait-on des embryons surnuméraires ?
Si l’on retient la solution extrême, qui consiste à interdire toute recherche, il faut les conserver de manière éternelle. Si l’on adopte la position de M. le rapporteur et de la commission, les expérimentations doivent être permises, avec des réserves, sur les embryons qui ne font plus l’objet d’un projet parental.
Que fera-t-on des embryons surnuméraires si l’amendement n° 51 rectifié est adopté ? On me répond qu’on les décongèlera. Par conséquent, tandis que l’on se bat sur le thème essentiel du maintien de la personnalité de l’embryon, sur les 150 000 embryons surnuméraires, la moitié ou le tiers, qui ne font plus l’objet d’un projet parental, vont être détruits sans que l’on se préoccupe de ce problème éthique fondamental !
M. Jean-Pierre Fourcade. Comme le système proposé dans l’amendement n° 51 rectifié me paraît intermédiaire et hypocrite, je m’abstiendrai.
Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Je mets aux voix l'amendement n° 51 rectifié.
J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe socialiste, l'autre, du groupe CRC-SPG.
Je rappelle que l'avis de la commission est favorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Mes chers collègues, en raison d’un résultat serré, Mmes et MM. les secrétaires m’informent qu’il y a lieu de procéder à un pointage.
Cela ne peut qu’ajouter à la sérénité de ce débat !
Sourires
Par conséquent, en attendant le résultat des vérifications auxquelles nous faisons procéder, je vous propose de réserver l’article 23 et de poursuivre la discussion des articles.
Assentiment.
Le Gouvernement présente au Parlement, avant le 1er juillet 2012, un rapport relatif aux conditions de mise en place de centres de ressources biologiques sous la forme d’un système centralisé de collecte, de stockage et de distribution des embryons surnuméraires dont il a été fait don à la science. –
Adopté.
TITRE VII BIS
NEUROSCIENCES ET IMAGERIE CÉRÉBRALE
TITRE VII TER
APPLICATION ET ÉVALUATION DE LA LOI RELATIVE À LA BIOÉTHIQUE
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 1412-1, il est inséré un article L. 1412-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1412-1-1. – Tout projet de réforme sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé doit être précédé d’un débat public sous forme d’états généraux. Ceux-ci sont organisés à l’initiative du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, après consultation des commissions parlementaires permanentes compétentes et de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
« À la suite du débat public, le comité établit un rapport qu’il présente devant l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, qui procède à son évaluation.
« En l’absence de projet de réforme, le comité est tenu d’organiser des états généraux de la bioéthique au moins une fois tous les cinq ans. » ;
1° bis (Suppression maintenue)
2° Après l’article L. 1412-3, il est inséré un article L. 1412-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1412-3-1. – Les états généraux mentionnés à l’article L. 1412-1-1 réunissent des conférences de citoyens choisis de manière à représenter la société dans sa diversité. Après avoir reçu une formation préalable, ceux-ci débattent et rédigent un avis ainsi que des recommandations qui sont rendus publics. Les experts participant à la formation des citoyens et aux états généraux sont choisis en fonction de critères d’indépendance, de pluralisme et de pluridisciplinarité. » –
Adopté.
La présente loi fait l’objet d’un nouvel examen d’ensemble par le Parlement dans un délai de cinq ans après son entrée en vigueur.
Exclamations de surprise sur certaines travées de l ’ UMP.
Comme vous le savez, cet article résulte de l’adoption, en commission des affaires sociales, d’amendements déposés à la fois par M. le rapporteur et par le groupe socialiste.
Notre assemblée avait adopté en première lecture un amendement similaire qui, nous le regrettons, a été supprimé en deuxième lecture par l’Assemblée nationale.
Nous considérons, et nous l’avons rappelé lors de la discussion générale, que la bioéthique est une matière forcément mouvante, soit que le champ des possibles s’accroisse, soit que les aspirations de nos concitoyens évoluent. Il n’est naturellement pas question de considérer que chacune d’entre elles doive nécessairement déboucher sur une pratique médicale.
La preuve en est que, même si la science permet aujourd’hui la gestation pour autrui, les sénatrices et sénateurs du groupe CRC-SPG y sont majoritairement opposés, considérant qu’il s’agit là d’une aliénation du corps de la femme.
Toutefois, nous estimons qu’il est opportun et utile pour notre démocratie que nous ayons à débattre de tels sujets.
Le principe d’une révision fixée dès l’adoption de la loi a pour effet de nous obliger, nous, citoyens – nous l’avons constaté avec le succès des états généraux –, parlementaires, sociologues, scientifiques ou encore psychologues, à nous interroger collectivement sur ce que nous voulons en termes de science et d’éthique médicale.
Bien entendu, députés comme sénateurs conservent la possibilité à tout moment de déposer des propositions de loi dans ces domaines, dès lors que la majorité et le Gouvernement s’engagent à ne pas repousser systématiquement leur examen au prétexte qu’il faudrait attendre la période de révision. En quelque sorte, qui peut le plus peut le moins !
Mais il est nécessaire, parce que nous ne sommes pas tous au fait des techniques scientifiques, que nous disposions d’un temps commun de débats et de réflexion.
Cet article nous le permet ; c’est pourquoi nous le voterons.
Mme Françoise Laborde applaudit.
Je fais mienne l’argumentation de M. Fischer, et je salue les propos courageux de M. Fourcade.
On cherche, au moyen d’une pirouette, à régler de manière administrative des questions qui touchent à l’identité même de la personne humaine. Pardonnez-moi de le dire, mais engager une discussion sur la personnalisation de l’embryon n’est pas à la hauteur des enjeux.
Si nous voulons que la représentation nationale soit capable d’éclairer les évolutions de la société, tout en évitant qu’un fossé ne se creuse entre elle et les citoyens, il est absolument impératif qu’un débat public puisse se tenir. C’est de cette façon que nous pourrons empêcher, sur un certain nombre de sujets, un divorce entre la société et ce qu’il est convenu d’appeler le politique.
Dans cet esprit, il est indispensable de voter le présent article.
L'amendement n° 55, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Le Gouvernement estime que, désormais, la législation relative à la bioéthique est parvenue à maturité.
C’est pourquoi il ne souhaite pas le maintien dans la loi d’un dispositif prévoyant un réexamen périodique systématique.
Il ne paraît pas opportun d’inscrire une telle clause de révision pour deux raisons.
Tout d’abord, les progrès scientifiques peuvent connaître des accélérations soudaines.
À l’inverse, certaines évolutions doivent connaître une maturation sur le plan sociétal.
Un double risque existe : celui d’être en retard sur certains sujets, tels que la recherche sur les embryons et les cellules souches embryonnaires, et celui de revenir sur des dossiers qu’il n’y a pas lieu de rouvrir.
Il convient en revanche d’assurer un suivi annuel, par le biais soit du rapport de l’Agence de biomédecine, soit de l’organisation de débats publics consacrés à des questions nouvelles, liées notamment à la convergence de technologies innovantes dans le domaine du vivant.
Telles sont les raisons pour lesquelles je demande au Sénat de voter la suppression de l’article 24 ter B.
Les débats passionnés que nous avons eus, en première comme en deuxième lecture, ont prouvé à quel point ces sujets suscitaient l’intérêt et le désir d’être informés de l’état de la recherche.
Ce projet de loi comporte également un titre relatif aux neurosciences, qui sont en devenir : si nous acceptions, comme le propose le Gouvernement, de supprimer la clause de révision de la loi relative à la bioéthique, nous nous priverions de la possibilité d’avoir des débats intéressants, qui permettent a minima aux parlementaires de s’informer des évolutions de la science, afin de pouvoir prendre des décisions en connaissance de cause.
La commission n’a pas été saisie de l’amendement du Gouvernement, mais, dans la mesure où elle avait adopté à la quasi-unanimité ma proposition d’introduire une clause de révision de la loi relative à bioéthique, je pense qu’elle aurait émis un avis défavorable. Pour ma part, en tout cas, je suis résolument opposé à cet amendement.
S’agissant de sujets indiscutablement complexes, exigeant la nuance et la retenue, nous ne nous expliquons pas que l’introduction d’une clause de revoyure puisse à ce point faire problème aux yeux du Gouvernement.
C’est précisément la difficulté de la matière, l’extraordinaire importance des enjeux, qui imposent un réexamen à intervalles réguliers de la législation. Parce que la science et la société n’avancent pas au même rythme, parce que notre perception collective de ces sujets est par nature évolutive, il sera nécessaire que nous y réfléchissions de nouveau, encore et encore. Cela nous semble évident, mais ce ne l’est apparemment pas pour le Gouvernement.
J’ai beau vous écouter, madame la secrétaire d’État, je ne parviens toujours pas à comprendre pourquoi vous vous opposez à l’inscription dans la loi de cette clause de revoyure…
Comment pouvez-vous, vous qui êtes aussi médecin, affirmer que la législation relative à la bioéthique est arrivée à maturité ? Quel risque prendrions-nous en prévoyant de revenir sur ces questions ? Pourquoi une telle opposition à une simple mesure de précaution ? Votre refus réitéré ressemble à s’y méprendre à de l’acharnement, et, en matière de débat parlementaire, l’acharnement tourne vite à l’obstruction ; nous avons eu ce matin une triste illustration de cette vérité…
Au Sénat, une majorité de parlementaires, issus de tous les groupes politiques, a souhaité introduire dans le texte de loi cette disposition de bon sens. La commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, en décidant de la maintenir, a confirmé son bien-fondé. Pour obtenir sa suppression lors de la seconde lecture à l’Assemblée nationale, il a fallu que le Gouvernement tienne à nouveau la majorité en laisse courte ! La commission des affaires sociales du Sénat, avec le soutien de sa présidente et du rapporteur, n’a pas hésité à réintroduire cette clause de réexamen.
Aujourd’hui, nous sommes nombreux à continuer de défendre cette mesure et d’essayer de vous convaincre de sa nécessité. Vous persistez cependant à vous y opposer…
Sur toutes les travées, nous vous le redisons une dernière fois : prévoir un réexamen périodique des lois relatives à la bioéthique est non pas souhaitable, mais essentiel. Tel est, depuis 1994, le sens constant de la jurisprudence législative. Il n’y a aucune raison de s’en écarter aujourd’hui ; il y a au contraire tout à perdre à priver le Parlement d’un réexamen programmé de la législation relative à la bioéthique.
C’est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à rejeter cet amendement gouvernemental.
Je ne peux approuver cet amendement.
En effet, des clauses de réexamen périodique sont inscrites dans des textes portant sur des sujets pourtant de moindre portée, la remise de rapports annuels est demandée s’agissant de questions beaucoup moins importantes. Par ailleurs, il est probable que mon amendement tendant à l’instauration, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, d’une délégation à la bioéthique ne sera pas adopté.
En conséquence, adopter l’amendement du Gouvernement reviendrait indirectement à s’en remettre entièrement à l’Agence de biomédecine. Je n’ai rien contre cette instance, mais le Parlement ne saurait se dessaisir de ces questions, dont il est important que nous puissions débattre tous les cinq ans au moins.
Pour une fois, nous sommes d’accord avec Mme Hermange : la position du Gouvernement est incompréhensible pour la quasi-totalité d’entre nous !
Les nombreuses auditions de scientifiques et de responsables d’associations organisées par M. le rapporteur nous ont permis à tous de constater que la recherche progressait sans cesse. C’est pourquoi nous sommes favorables à l’introduction d’une clause de réexamen périodique, dont l’utilité nous semble évidente.
Nous ne comprenons pas l’obstruction du Gouvernement sur ce point. Voudrait-on empêcher les parlementaires de se pencher sur des problèmes d’une complexité extrême, qui intéressent l’ensemble de la société et imposent un effort de pédagogie ?
Nous sommes donc résolument opposés à cet amendement.
Mes propos s’inscriront dans le droit fil de ceux de mes collègues.
Il est tout de même curieux que le Gouvernement puisse soutenir que le débat est parvenu à maturité, alors que, ce matin, nous n’avons de cesse, les uns et les autres, d’exprimer nos doutes et nos incertitudes, d’insister sur la nécessité d’approfondir la réflexion, de trouver des solutions de compromis, parce que de nombreuses interrogations subsistent…
Comment allons-nous, par exemple, résoudre le problème posé par les enfants apatrides, ou celui de l’aide médicale à la procréation pour les couples homosexuels ? M. Fourcade, quant à lui, s’est interrogé à juste titre sur le devenir et le statut des embryons surnuméraires.
On le voit, ce texte ne règle pas tout, et des questions restent en suspens. Il est donc nécessaire de prévoir un réexamen de la législation relative à la bioéthique à une échéance assez proche, d’autant que les refus de prendre position auxquels nous avons assisté risquent de mener au statu quo, sinon à la régression.
Si je ne me suis pas exprimée au cours de cette deuxième lecture, c’est parce que j’ai été constamment d’accord avec le rapporteur.
L’amendement de M. Gaudin, que le Sénat va sans doute adopter, marque un net repli par rapport au texte. La recherche sur l’embryon se trouvera lourdement entravée, ce qui me stupéfie et scandalise.
En vous opposant à l’introduction d’une clause de révision de la législation relative à la bioéthique, madame la secrétaire d’État, vous vous opposez aussi à ce que le Parlement puisse débattre à nouveau de la levée de l’anonymat des dons de gamètes, de la gestation pour autrui… Vous entendez bloquer définitivement un système déjà extrêmement restrictif, et qui le sera plus encore après l’adoption de ce projet de loi. Dans quel pays vivons-nous ? Est-il désormais interdit de réfléchir, de s’exprimer ?
Cette situation est d’autant plus regrettable que l’on a bien vu, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, que ces sujets passionnent les parlementaires. Le débat a permis à chacun de s’exprimer, dans un profond respect de l’opinion des autres, et de révéler le vif intérêt que nos concitoyens portent aux problèmes de bioéthique.
Interdire une révision de la législation relative à la bioéthique reviendrait à interdire le débat sur ces questions, y compris hors des enceintes parlementaires, car qui les abordera si nous ne le faisons pas ?
Je suis scandalisée que vous vouliez nous empêcher d’introduire une clause de révision de la loi dans un délai de cinq ans !
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Catherine Deroche et M. Jean-Pierre Fourcade applaudissent également.
Mes chers collègues, voici le résultat, après pointage, du scrutin n° 237, portant sur l’amendement n° 51 rectifié :
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l'article 23 est ainsi rédigé, et les amendements n° 32 rectifié et 33 rectifié n'ont plus d'objet.
Personne ne demande plus la parole sur l'amendement n° 55 du Gouvernement, tendant à supprimer l’article ?...
Je le mets aux voix.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l'avis de M. le rapporteur est défavorable, de même que celui de Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 238 :
Nombre de votants330Nombre de suffrages exprimés329Majorité absolue des suffrages exprimés165Pour l’adoption1Contre 328Le Sénat n'a pas adopté.
Exclamations amusées.
L'amendement n° 7 rectifié, présenté par MM. Barbier, Collin et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard et Milhau, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
cinq ans
par les mots :
sept ans
La parole est à M. Yvon Collin.
Cet amendement vise à prolonger de deux ans le délai au terme duquel la loi devra faire l’objet d’un nouvel examen par le Parlement.
Il est certes indispensable que le Parlement puisse réviser la loi relative à la bioéthique, mais est-il réaliste de prévoir que cette révision intervienne cinq ans après son entrée en vigueur ? L’expérience montre que ce délai est trop court. Il me semblerait donc préférable de le porter à sept ans.
M. Jean Desessard. Je ne savais pas que les radicaux étaient favorables au septennat !
Sourires.
La commission est défavorable à cet amendement. Lorsqu’on prévoit une clause de revoyure à cinq ans, la révision de la loi n’intervient en fait qu’au bout de sept ans. Par conséquent, si le délai était porté à sept ans, la loi ne serait réexaminée qu’au bout de neuf ans…
Par cohérence avec son opposition à l’introduction d’une clause de révision de la loi, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
Le groupe de l’Union centriste votera cet amendement : il faut donner du temps au temps. Quant à la pratique parlementaire, monsieur le rapporteur, il conviendrait qu’elle évolue…
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 39 rectifié ter, présenté par Mme Hermange, M. de Legge, Mme Payet, MM. du Luart, Darniche, Gilles et Leleux, Mme B. Dupont, MM. Vial, Lardeux, Vasselle, Bailly, Bécot, Falco, Cazalet et de Montgolfier, Mme Des Esgaulx, M. Revet, Mme Rozier, MM. del Picchia, B. Fournier, Marini, Pozzo di Borgo, Laménie et Huré, Mmes Henneron et Mélot, MM. Retailleau et Badré, Mme Hummel et M. P. Blanc, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Après l'article 6 nonies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est inséré un article 6 decies ainsi rédigé :
« Art. 6 decies. - I. - Il est constitué, dans chacune des deux assemblées du Parlement, une délégation parlementaire à la bioéthique. Chacune de ces délégations compte trente-six membres.
« II. - Les membres des délégations sont désignés en leur sein par chacune des deux assemblées de manière à assurer une représentation proportionnelle des groupes parlementaires et équilibrée des hommes et des femmes ainsi que des commissions permanentes.
« La délégation de l'Assemblée nationale est désignée au début de la législature pour la durée de celle-ci.
« La délégation du Sénat est désignée après chaque renouvellement partiel de cette assemblée.
« III. - Sans préjudice des compétences des commissions permanentes ou spéciales ni de celles des délégations pour l'Union européenne, les délégations parlementaires à la bioéthique ont pour mission d'informer les assemblées de la politique suivie par le Gouvernement au regard de ses conséquences sur la bioéthique. En ce domaine, elles assurent le suivi de l'application des lois.
« En outre, les délégations parlementaires à la bioéthique peuvent être saisies sur les projets ou propositions de loi par :
« - le bureau de l'une ou l'autre assemblée, soit à son initiative, soit à la demande d'un président de groupe ;
« - une commission permanente ou spéciale, à son initiative ou sur demande de la délégation.
« Enfin, les délégations peuvent être saisies par la délégation pour l'Union européenne sur les textes soumis aux assemblées en application de l'article 88-4 de la Constitution.
« Elles demandent à entendre les ministres. Le Gouvernement leur communique les informations utiles et les documents nécessaires à l’accomplissement de leur mission.
« IV. - Les délégations établissent, sur les questions dont elles sont saisies, des rapports comportant des recommandations qui sont déposés sur le bureau de l’assemblée dont elles relèvent et transmis aux commissions parlementaires compétentes, ainsi qu’aux délégations pour l’Union européenne. Ces rapports sont rendus publics.
« Elles établissent en outre, chaque année, un rapport public dressant le bilan de leur activité et comportant, le cas échéant, des propositions d’amélioration de la législation et de la réglementation dans leurs domaines de compétence.
« V. - Chaque délégation organise la publicité de ses travaux dans les conditions définies par le règlement de chaque assemblée.
« La délégation de l’Assemblée nationale et celle du Sénat peuvent décider de tenir des réunions conjointes.
« VI. - Les délégations établissent leur règlement intérieur. »
La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.
Les questions dont nous débattons se situant au croisement des compétences de la commission des affaires sociales et de celles de la commission des lois, nous proposons d’instituer une délégation à la bioéthique dans chacune des deux assemblées.
Les questions de bioéthique relèvent déjà du champ de compétence de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, l’OPESCT.
En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Je comprends tout à fait la volonté de Mme Hermange de prolonger la réflexion parlementaire, déjà d’une grande richesse, sur ces sujets très sensibles.
Cela étant, il appartient aux assemblées de décider la création d’une délégation parlementaire. Je m’en remets donc à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
L'article 24 ter B est adopté.
Après le premier alinéa de l’article L. 1412-6 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ils établissent chaque année un rapport d’activité qui est communiqué au Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé ; celui-ci en fait la synthèse dans le rapport annuel mentionné à l’article L. 1412-3. » –
Adopté.
I. – L’article L. 1418-1 du même code est ainsi modifié :
1° A
Supprimé
1° Le 9° est ainsi rédigé :
« 9° De mettre à disposition du public une information sur l’utilisation des tests génétiques en accès libre et d’élaborer un référentiel permettant d’en évaluer la qualité ; »
2° Après le 12°, il est inséré un 13° ainsi rédigé :
« 13° D’assurer une information permanente du Parlement et du Gouvernement sur le développement des connaissances et des techniques dans le domaine des neurosciences. » ;
3° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Le directeur général et le président du conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine peuvent demander à être entendus par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques si le développement des connaissances et des techniques dans les activités relevant de la compétence de l’agence ou dans le domaine des neurosciences est susceptible de poser des problèmes éthiques nouveaux. »
II. – Après le même article L. 1418-1, il est inséré un article L. 1418-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1418-1-1. – L’Agence de la biomédecine établit un rapport annuel d’activité qui est rendu public et qu’elle adresse au Parlement, qui en saisit l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, au Gouvernement et au Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé.
« Ce rapport expose les principaux développements des connaissances et des techniques pour les activités relevant de sa compétence ainsi que dans le domaine des neurosciences.
« Il comporte également :
« 1° Une analyse des autorisations et agréments accordés au titre des 10° et 11° de l’article L. 1418-1 ainsi que les avis du conseil d’orientation ;
« 2° Une évaluation de l’état d’avancement des recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires, incluant un comparatif avec les recherches concernant les cellules souches adultes, les cellules pluripotentes induites et les cellules issues du sang de cordon, du cordon ombilical et du placenta, ainsi qu’un comparatif avec la recherche internationale ;
« 3° (Suppression maintenue)
« 4° Un bilan sur la mise en œuvre des diagnostics préimplantatoire et prénatal ;
« 5° Un état des lieux d’éventuels trafics d’organes ou de gamètes et des mesures de lutte contre ces trafics. –
Adopté.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures, pour les questions d’actualité au Gouvernement.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.