L’examen de cet article 23 représente quasiment le point central de la discussion de ce projet de loi, avec l’ouverture de l’aide médicale à la procréation aux couples homosexuels, sujet sur lequel nous regrettons de n’avoir pu enregistrer de progrès, à la différence de ce qui s’est fait dans d’autres pays de l’Union européenne.
En ce qui concerne l’article 23, je souhaiterais, au nom de mon groupe et en respectant nos convictions respectives, affirmer notre volonté quant à un certain nombre de principes.
En matière de recherche sur l’embryon, la philosophie initiale de ce projet de loi était fondée sur l’interdiction de principe, assortie de dérogations. Cette philosophie a été également adoptée par l’Assemblée nationale qui a supprimé les améliorations introduites en première lecture au Sénat. À cette occasion, nous avions d’ailleurs salué l’ouverture d’esprit de notre rapporteur et de la présidente de la commission des affaires sociales sur ce sujet très délicat.
Je me félicite, une fois de plus, que notre commission ait rétabli la rédaction que la Haute Assemblée avait adoptée en première lecture, fondée sur le principe de l’autorisation encadrée. Pour notre part, nous sommes favorables à cet article qui supprime l’interdiction de principe et l’accompagne de conditions d’autorisation, ce qui nous semble bénéfique pour la recherche.
En effet, ne pas modifier le statut actuel de cette recherche nous semblerait fortement dommageable, car l’interdiction dérogatoire fait peser un soupçon d’illégitimité sur cette recherche qui est pourtant largement encadrée. Permettez-moi de rappeler brièvement ces quatre critères d’encadrement : limitation de la recherche aux embryons conçus dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation qui ne font plus l’objet d’un projet parental et qui seront, de toute manière, destinés à être détruits ; interdiction de la création d’embryons aux seules fins de recherches ; recueil du consentement exprès des « parents » ; recherche menée dans un but exclusivement médical.
De manière constructive, la recherche sur les embryons est ainsi autorisée, mettant fin à un régime d’interdiction parfaitement hypocrite. En effet, le passage du régime d’interdiction dérogatoire à celui de l’autorisation limitative ne constitue ni un glissement éthique ni une extension des possibilités réelles de recherche, car les critères retenus sont strictement les mêmes !
Ce changement permet simplement d’envoyer un signal positif pour cette recherche que, dans ces conditions, rien ne permet d’interdire davantage qu’une autre. Les chercheurs de notre pays sont en effet l’objet d’une attention particulière de la part des chercheurs des autres pays de l’Union européenne et du reste du monde. Il s’agit donc de clarifier le statut de cette recherche et de consacrer cette dernière dans le droit.
Les querelles législatives sur cet article sont donc, selon moi, dépourvues de sens. Ou plutôt, elles en ont un, mais il ne saurait guider ni le législateur ni le droit. L’interdiction de la recherche sur l’embryon repose sur un argument intolérable, fondé essentiellement sur une conception philosophique, religieuse, et non scientifique, de la vie humaine, qui débouche sur la sacralisation de l’embryon humain. Cette vision est sous-tendue par un amalgame entre embryon et être humain, qui conduit à penser que la destruction de cet embryon est assimilable à la destruction d’une « vie ».
Cette assimilation n’a pas lieu d’être. En effet, comme l’a expliqué très clairement M. le rapporteur, il ne s’agit, à ce stade, que de cellules qui constituent éventuellement une personne en devenir, mais qui, dans le cas visé par la loi, seront de toute manière détruites ! Tel est en effet le sort réservé aux embryons conçus dans le cadre de l’aide médicale à la procréation qui ne font plus l’objet d’un projet parental, et personne, fort heureusement, ne s’en est ému jusqu’alors.
Nous le disons et nous le réaffirmons : la seule potentialité de vie humaine ne suffit pas à constituer l’humain, et l’interdiction de la recherche sur l’embryon n’est en aucun cas la mise en œuvre du respect du principe de la vie !
On voit trop où nous mèneraient ces idées prétendument généreuses, car ce sont elles qui permettent encore aujourd’hui à certains de s’opposer honteusement à l’avortement, en prétendant « défendre la vie » là où il n’y en a pas ou plutôt là où il n’y en a encore qu’une seule, celle de la femme.
Je vous mets donc en garde, mes chers collègues, contre cette vision conservatrice qui pourrait prédominer en matière de recherche sur l’embryon. Je réaffirme encore une fois, avec mon groupe, la nécessité d’autoriser cette recherche, en l’accompagnant évidemment des conditions et des restrictions nécessaires, car elle ne peut que produire des améliorations médicales dont l’humanité pourra peut-être bénéficier dans le futur.