Intervention de Bruno Retailleau

Réunion du 9 juin 2011 à 9h30
Bioéthique — Article 23

Photo de Bruno RetailleauBruno Retailleau :

Comme l’a dit M. Guy Fischer, nous abordons la discussion d’un des sujets centraux de ce projet de loi et qui reste très contesté.

Mon amendement n’a pas d’autre objet que de rétablir le régime d’interdiction assorti de dérogations, parce que l’adoption du régime nouveau d’autorisation encadrée, en rupture totale avec le précédent régime, représenterait à mon avis une triple régression.

Tout d’abord, la régression est évidente sur le plan symbolique dans la mesure où, en passant d’un régime d’interdiction à un régime d’autorisation, on érige en règle ce qui constituait l’exception.

J’ai entendu dire, dans cet hémicycle, que les symboles étaient sans importance ; or l’ordre symbolique, mes chers collègues, joue un rôle capital, ne serait-ce que du fait de ses implications pour l’ordre politique. Le symbole donne du sens, il montre la direction ; le symbole est aussi ce qui relie. Si je disposais de quelques minutes supplémentaires, je vous expliquerais le poids des symboles dans l’histoire de France et comment ils ont contribué à changer le cours des choses.

L’ordre symbolique est donc un ordre politique et on ne peut le passer par pertes et profits.

Ce changement de régime juridique représente également une régression anthropologique. Je sais qu’il n’y a pas d’accord entre nous sur le moment où l’on franchit le seuil de la vie. Qui peut dire quand commence la vie ? Pourtant, nous voyons bien qu’il existe un continuum entre ces cellules qui se multiplient dans les premiers jours et ce qui deviendra vraiment une personne humaine, un sujet de droit. Or ce continuum, qui résulte du fait que chaque étape du développement de l’embryon contient la précédente, rend impossible la détermination précise du seuil d’entrée des cellules dans le champ de la vie humaine.

Si l’on autorise le principe de la recherche, on considère que l’embryon est un matériau de laboratoire : qui peut, aujourd’hui, affirmer définitivement, avec certitude, qu’à un moment de leur développement ces cellules constituent effectivement un matériau de laboratoire et non pas une personne en devenir ?

Si nous éprouvons un doute, nous devons nous abstenir : tel est le seul objet du rétablissement du régime d’interdiction. Soit nous sommes certains que ces cellules ne représentent aucune vie en devenir – et alors, pourquoi ne pas autoriser la recherche ? –, soit nous éprouvons un doute, même infime, et nous devons nous abstenir. Tel est le consensus qui a prévalu en 1994, en 2004 et, plus récemment, à l’Assemblée nationale.

Enfin, je tiens à souligner une dernière régression, sur le plan scientifique : la recherche sur l’embryon humain ne répond à aucune nécessité, comme Marie-Thérèse Hermange vient de l’expliquer. En effet, depuis plus de quinze ans que les recherches sur l’embryon humain sont autorisées, une demi-douzaine de pathologies seulement ont pu être modélisées.

Les cellules souches pluripotentes induites, ou cellules IPS, font l’objet de recherches depuis cinq ans et elles ont déjà permis moitié plus de « trouvailles » que les recherches sur les cellules embryonnaires en quinze ans ! Par conséquent, la recherche sur l’embryon ne présente pas de nécessité scientifique.

J’ajoute que le droit nous emmène sur le même chemin. Plusieurs d’entre nous ont cité l’avis rendu le 10 mars dernier par le procureur près la Cour de justice de l’Union européenne : la jurisprudence européenne est de plus en plus protectrice à l’égard de l’embryon humain. Il n’y a donc pas non plus de justification juridique.

De façon consensuelle, en l’absence de certitude et en cas de doute, il convient d’en rester au régime de l’interdiction et surtout, dans un ordre aussi symbolique et politique, de ne pas autoriser un régime débridé d’ouverture à tous vents.

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