Je pense donc que le texte de la commission est le plus équilibré, car, loin de pousser la France à faire un choix définitif, il permettra, tout en favorisant l’émulation scientifique, de mettre fin aux recherches sur les cellules souches embryonnaires dès que cela sera scientifiquement possible, lorsque la science aura fait des progrès, sans pour autant fermer la porte, pour des raisons non scientifiques, aux avancées et à l’espoir dont ces recherches sont porteuses.
L’amendement n° 27 rectifié, monsieur Retailleau, vise à interdire totalement la recherche, car il tend à maintenir les autorisations figurant actuellement dans le code de la santé publique, lesquelles sont caduques depuis le début de l’année. Seule l’interdiction sera applicable, et ce sur toutes les cellules souches, y compris les cellules non embryonnaires, car cette restriction n’est pas précisée dans le texte de l’amendement. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Avant de donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 51 rectifié, j’indique à M. Lorrain, qui a repris une partie de la page 40 de mon rapport, qu’il ne faut pas confondre liberté et licence !
Cet amendement a reçu un avis favorable de la commission, mais je rappelle que, lors de l’élaboration de son texte, celle-ci n’a accepté ni l’interdiction de principe ni les conditions supplémentaires posées par l’Assemblée nationale pour l’autorisation de la recherche.
Permettez-moi d’apporter deux précisions juridiques sur le droit communautaire.
Tout d’abord, contrairement à l’interprétation qui en a été présentée, la directive sur l’expérimentation animale ne comporte pas de dispositions sur l’embryon animal ou d’interdiction relative à l’utilisation de ce dernier. J’ai ici la directive concernée : elle ne porte que sur les formes fœtales de mammifères, à partir du dernier tiers de leur développement normal, c'est-à-dire du dernier trimestre de la grossesse, et non sur les formes au stade embryonnaire.
Comme nous l’avions souligné en première lecture, l’expérimentation sur l’animal reste un préalable nécessaire à l’expérimentation sur l’embryon humain, dont l’Agence de la biomédecine s’assure. Rien dans le droit européen ne s’opposera à de telles expérimentations. Il n’y a donc aucune raison de craindre que les embryons humains ne soient moins protégés que les embryons animaux.
Par ailleurs, la Cour de justice de l’Union européenne s’est contentée, en suivant les conclusions du procureur Bot, de confirmer le droit français, qui refuse la brevetabilité du vivant.
Nous sommes tous d’accord avec ce choix, qui n’a aucune incidence sur la recherche.
Ces deux précisions me paraissaient nécessaires.
Par ailleurs, le Gouvernement soutient que l’interdiction de principe est en continuité avec les lois de bioéthique précédentes. Je rappelle que, en 2004, l’interdiction de principe mise en place avait été assortie de dérogations temporaires. Aujourd’hui, on envisage un principe général d’interdiction, assorti de dérogations permanentes. C’est vouloir deux choses incompatibles, ou tout du moins ne pas assumer ses choix.
Plutôt que d’expliquer le cadre de la recherche, on essaie de faire croire que les autorisations seront des exceptions, tout en prétendant que ce régime n’entravera pas le travail des équipes des quatre-vingt-douze ou quatre-vingt-quatorze laboratoires qui travaillent dans notre pays sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires.
J’insiste sur le fait que l’autorisation encadrée, telle qu’elle prévue dans le texte de la commission, est non pas une autorisation de principe, mais une autorisation sous conditions cumulatives, en dehors desquelles la recherche ne peut avoir lieu. Si l’une des conditions n’est pas remplie, la recherche n’est pas autorisée.
Enfin, une modification apportée par l’Assemblée nationale en deuxième lecture et ne faisant pas l’objet d’un sous-amendement pose problème. L’information des parents sur la nature des recherches projetées à partir des embryons donnés à la science suppose, comme je l’ai déjà dit, une pré-affectation des embryons à des protocoles ; or cela ne correspond pas à la réalité de la pratique, le don s’effectuant la plupart du temps avant qu’une équipe de recherche n’ait besoin de recourir à des embryons.
Pour toutes ces raisons, j’estime à titre personnel que le texte actuel de la commission est préférable. Toutefois, la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
Le sous-amendement n° 31 rectifié quater a reçu un avis favorable de la commission. En effet, la mention de l’interdiction de la recherche sur les lignées de cellules souches ajoutée en deuxième lecture est juridiquement ambiguë.
Les lignées de cellules souches embryonnaires sont des reproductions obtenues en laboratoire d’une cellule extraite originellement d’un embryon. Si le mode de multiplication est artificiel, la nature des cellules ne change pas : ces dernières demeurent des cellules souches embryonnaires. Leur mention spécifique ne paraît donc pas utile.
Qui plus est, la formule « lignée de cellules souches » ne précise pas le caractère embryonnaire des cellules visées et pourrait tout aussi bien s’appliquer à des lignées de cellules souches adultes, extraites du sang de cordon ou induites. Or les recherches sur ces lignées, qui ne poseraient aucun problème éthique, n’ont pas vocation à être interdites ou même autorisées dans des conditions spécifiques.
Le sous-amendement n° 53 rectifié quater tend à remplacer la notion de progrès médical majeur introduite par le Gouvernement par celle de progrès thérapeutique, qui figure dans le texte de 2004.
La commission a émis un avis défavorable sur ce sous-amendement, car elle estime qu’il est nécessaire de comprendre comment une maladie apparaît et se développe, comment et pourquoi un gène mute, par exemple, avant de pouvoir espérer apporter des solutions thérapeutiques.
La recherche peut donc bien apporter un progrès médical, et pas seulement un progrès thérapeutique.
Le sous-amendement n° 54 rectifié quater a également reçu un avis défavorable de la commission. Il vise à revenir au texte du Gouvernement et à remédier à deux difficultés posées par le texte de l’Assemblée nationale.
Il tend à rétablir la référence à « l’état de la science » dans les conditions posées pour l’autorisation de la recherche, référence dont la suppression laisserait supposer que la décision pourrait être influencée par des espoirs non scientifiquement établis.
En outre, il vise à rétablir la comparaison avec des recherches similaires pour définir si un protocole doit être autorisé. Il est pour le moins « épistémologiquement fragile », comme l’a lui-même reconnu le rapporteur de l’Assemblée nationale, de poser comme condition à l’autorisation d’une recherche qu’il soit « expressément établi qu’il est impossible de parvenir au résultat escompté » par une autre méthode.
Respecter cette condition imposerait d’avoir échoué dans toutes les autres recherches possibles avant de pouvoir utiliser les cellules souches embryonnaires. Cela est contraire à la démarche scientifique, qui suppose la recherche de la plus grande efficacité, et c’est même impossible, car de nouveaux types de recherches à disqualifier pourraient toujours être trouvés.
L’amendement n° 32 rectifié vise à assouplir les conditions d’autorisation de la recherche. La commission a émis, contre l’avis de son rapporteur, un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 37 rectifié quater a lui aussi reçu un avis défavorable, et je m’en suis expliqué.
La commission est également défavorable à l’amendement n° 33 rectifié, car, si l’idée de ses auteurs est intéressante, le texte actuel marque un équilibre.
Enfin, j’en viens à l’amendement n° 49 rectifié ter. Le criblage, cher Pierre Darniche, permet de tester les effets des molécules sur les cellules porteuses de pathologies afin de définir des traitements. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.