Intervention de Bernard Cazeau

Réunion du 9 juin 2011 à 15h00
Bioéthique — Vote sur l'ensemble

Photo de Bernard CazeauBernard Cazeau :

En abordant l’examen de ce texte, j’étais animé par un souci de rigueur intellectuelle et de cohérence par rapport aux positions que nous avions prises en commission. Sur de tels sujets, on ne peut adopter une attitude partisane. En commission, M. le rapporteur a recherché et obtenu un très large consensus ; je me dois de saluer sa démarche.

Toutefois, il convient de tenir compte de ce qui s’est passé en séance. Or, au terme du débat, nous ne pouvons que constater que nous ne pourrons voter ce projet de loi. Défendant une position conservatrice, le Gouvernement a déposé ou accepté des amendements qui ont profondément dénaturé le texte de la commission. À cet égard, le refus de légaliser les recherches sur les cellules souches embryonnaires représente la goutte d’eau, que dis-je, le torrent qui fait déborder le vase !

Je voudrais exprimer, à cet instant, le désarroi ressenti par nombre de parlementaires, ne siégeant pas seulement à gauche de cet hémicycle.

Vous avez atteint votre objectif de dénaturer le texte initial portant révision de la loi de 1994. En commission, nous entendions définir par la loi le périmètre de la recherche thérapeutique, ouvrir le champ des possibles et le circonscrire par une frontière de l’interdit, donner l’espace juridique suffisant pour mettre le progrès scientifique au service de l’éthique et repousser les frontières médicales de l’incurable en respectant la dignité de l’homme. Avec ce texte remanié, cette perspective s’éloigne.

Au fond, moins par fidélité à des convictions intimes que par calcul électoral, vous persistez à considérer que l’avancée de la science du vivant nous fait entrer dans un processus dont la fin serait immanquablement la décadence de l’homme. Pourtant, il ne s’agit pas de cela : tout au contraire, il s’agit d’accroître la connaissance biologique et, par voie de conséquence, le pouvoir médical de l’homme sur lui-même.

Madame la secrétaire d’État, de par vos attributions, vous êtes d’abord la ministre des gens qui souffrent ; peut-on négliger le droit des citoyens d’être soignés, le droit des personnes atteintes d’affections graves de voir la recherche progresser et de nouvelles thérapeutiques susceptibles de supprimer leur souffrance se développer ? Nous devons être à l’écoute des patients atteints de maladies graves, actuellement incurables, qui vivent un véritable drame et placent leurs espoirs dans les perspectives de progrès thérapeutique.

L’exigence de solidarité impose de ne pas refuser aux malades une chance de guérir ou de voir leurs souffrances soulagées. Toute société se doit de contribuer à faire reculer la douleur et la mort. Il s’agit là d’un impératif éthique que certains semblent oublier. Entraver la recherche comme vous le faites, c’est pénaliser non seulement les malades, mais aussi les chercheurs français ! Ces travaux se développent partout, mais les scientifiques français, que l’on décide ainsi d’entraver, vont se trouver définitivement distancés dans la compétition scientifique internationale.

S’agissant de sujets difficiles, qui sollicitent les convictions intimes de chacun, il y a non pas une éthique de gauche ou une éthique de droite, mais une éthique commune, que nous devons chercher à définir ensemble, en refusant les affrontements sclérosés, les antagonismes simulés ! Sur de telles questions, personne ne détient la vérité, chacun doit la rechercher avec modestie et scrupule, dans le respect d’autrui !

Malheureusement, en France, l’histoire de la recherche sur les cellules souches embryonnaires est marquée par le combat mené par les lobbies conservateurs, opposés à toute atteinte à ce qu’ils considèrent comme un être humain dès la fécondation. Ces groupes de pression se sont successivement opposés au droit des femmes à l’avortement, à la procréation médicalement assistée, à toute recherche sur l’embryon, aujourd’hui à la recherche sur les cellules souches embryonnaires ! Ce texte marque la victoire de l’antiscience et du mensonge !

Maintenir l’interdiction en l’assortissant de la possibilité de dérogations constitue une formule incompréhensible pour les chercheurs internationaux, qui traduit surtout l’espoir des opposants à la recherche de démontrer que les cellules souches embryonnaires n’apportent rien, et que d’autres cellules, « éthiques », viendront vite les remplacer.

Madame la secrétaire d’État, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité, nous respectons vos convictions personnelles, mais vous avez émis un vote politique en vous réfugiant derrière des considérations éthiques. Vous avez oublié que vous êtes aussi des élus de la République !

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