Intervention de Guy Fischer

Réunion du 9 juin 2011 à 15h00
Bioéthique — Vote sur l'ensemble

Photo de Guy FischerGuy Fischer :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, lors de l’examen du projet de loi en première lecture, nous avions voté pour la révision des lois de bioéthique. Ce vote s’inscrivait dans une logique positive et il avait un objectif clair et annoncé, celui d’inviter les députés de la majorité présidentielle à respecter nos travaux.

Notre espoir n’aura duré qu’un temps : le texte que nous avons examiné hier et aujourd’hui, tel qu’il a été transmis par l’Assemblée nationale, conformément à la navette parlementaire, puis amendé, n’est plus acceptable. En effet, chers collègues de la majorité, vous avez fait résolument le choix de bloquer le curseur éthique, quitte à provoquer une importante rupture entre les règles morales et les aspirations de nos concitoyens. Ce faisant, vous prenez le risque que s’accroisse la défiance vis-à-vis des sciences et que se multiplient les pratiques à la marge de la légalité.

Cette appréciation concerne notamment, vous l’aurez compris, le refus par la majorité de reconnaître aux femmes célibataires et aux couples homosexuels composés de deux femmes le droit de bénéficier d’une assistance médicale à la procréation.

Votre opposition, justifiée par l’idée que les couples liés par un PACS seraient trop fragiles pour se voir autoriser la PMA, ne tient pas lorsque l’on mesure la longueur et la complexité du parcours conduisant à la procréation médicalement assistée. En réalité, derrière votre refus de voter l’amendement que nous proposions, il y a un jugement de valeur que nous ne partageons pas.

Vous avez également rejeté l’amendement que nous avions déposé et qui visait à instaurer, à côté de la législation actuellement en vigueur en matière de don d’organes, un registre positif. Cette proposition, défendue par toutes les associations qui œuvrent dans le domaine du don de sang et du don de vie, était attendue. Elle était de nature à garantir que seraient respectées, quoi qu’il arrive, les volontés exprimées par la personne avant son décès.

Nous comprenons que certains de nos concitoyens refusent le don. Nous comprenons également qu’il puisse être difficile pour les familles, dans des circonstances douloureuses, de faire le choix du don ou du « non-don ». Toutefois, nous ne comprenons pas que vous refusiez de respecter la volonté de ceux qui se sont exprimés pour le don. Il n’y a pas d’un côté la parole que nous devrions respecter et, de l’autre, celle que nous pourrions bafouer. Nous devons non pas porter de jugement sur ces volontés, mais, tout simplement, les faire respecter.

Nous regrettons également le vote de notre assemblée sur l’article relatif à la détection des anomalies génétiques dans le cadre des dépistages prénataux. Nous l’avons dit, nous considérons qu’il appartient aux couples, et singulièrement aux femmes, de décider, ou non, de poursuivre une grossesse qui pourrait présenter des risques, pour la mère ou pour l’enfant à naître, ou qui pourrait avoir pour conséquence d’engendrer une personne en situation de grand handicap.

Certains y voient une logique eugéniste, mais tel n’est pas le cas. Nous croyons que les femmes, parce qu’elles sont propriétaires de leur corps et de leur destin, ont toute légitimité à faire leurs choix.

Enfin, j’en viens au sujet qui est sans doute le plus important, celui qui a déterminé notre vote : l’adoption de l’amendement déposé par le président du groupe de l’UMP et visant la recherche sur l’embryon. J’ai utilisé le mot « hypocrisie », et je sais qu’il a fait réagir nos collègues aussi bien que Mme la secrétaire d'État. Or ce qui est hypocrite, c’est non pas de mettre en place une interdiction couplée à des dérogations, mais de donner à penser que la recherche sur l’embryon serait si peu éthique qu’elle devrait être interdite, alors que, dans le même temps, toutes les dérogations demandées seront octroyées.

Je ne crois pas, comme j’ai pu l’entendre ici, qu’il faille statuer en la matière au regard de nos seules convictions philosophiques ou religieuses. Si nous ne sommes pas élus pour légiférer selon la volonté des électeurs, nous devons le faire d’après ce qui nous paraît être l’intérêt général. Or, pour nous, ce dernier passe par l’institution d’un régime d’autorisation contrôlée.

Je ne reviendrai pas sur les circonstances qui ont conduit à l’adoption de cet amendement. Ma collègue Annie David a souligné que, en agissant ainsi, vous aviez empêché que la commission mixte paritaire se saisisse de cette question. Elle avait bien évidement raison, mais je crains que la situation ne soit plus grave encore. Si la CMP décidait, conformément à la volonté du Gouvernement et de la majorité des députés de l’UMP, de supprimer l’article 24 ter B, c’est-à-dire le principe des révisions des lois de bioéthique, la recherche sur l’embryon serait interdite pour longtemps, très longtemps…

Pour notre part, nous avons beaucoup parlé et argumenté, en vain. Aussi, compte tenu de tous les éléments que je viens d’indiquer, nous ne pourrons malheureusement que voter contre le projet de loi.

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