Intervention de Bernard Frimat

Réunion du 31 mai 2011 à 14h30
Fonctionnement des institutions de la polynésie française — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi organique dans le texte de la commission

Photo de Bernard FrimatBernard Frimat :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je ne vous ferai pas une nouvelle présentation du projet de loi. Je vous épargnerai également une nouvelle saga de l’instabilité en Polynésie française.

Madame la ministre, permettez-moi simplement de rappeler que c’est la troisième fois que la Haute Assemblée se penche sur ce sujet. Je me souviens des deux discussions précédentes. Que les temps changent !

En 2004, notre collègue Gaston Flosse, en majesté dans cet hémicycle, faisait adopter ses amendements les uns après les autres, s’appuyant sur des avis favorables du ministre. Il construisait ainsi ce qui devait être son triomphe aux élections qui allaient suivre. Et le mode électoral était fabriqué ici même, en séance, à l’aide d’un amendement.

On a toutefois vérifié ce jour-là, une fois de plus, que, lorsqu’on définit un mode de scrutin dans le but de gagner, avec une volonté de prédéterminer les résultats, cela ne marche pas.

Nous connaissons tous l’épisode tragico-comique de cette soirée électorale qui s’arrête, de ces programmes de télévision qui s’interrompent, avec divines surprises pour les uns, abomination et désolation pour les autres. J’évoque bien entendu l’élection du président Oscar Temaru, qui allait donc mettre en œuvre le statut défini par la loi organique de 2004, dont le costume n’avait pas été dessiné pour lui : telle est la souveraineté du peuple…

On a parlé d’instabilité. Mais l’histoire s’écrit et elle s’analyse ! Madame la ministre, nous devons tous avoir en mémoire que la première instabilité a été organisée, provoquée, instrumentalisée par le Gouvernement de l’époque, qui ne supportait pas ce qui s’était passé en Polynésie. Tout était bon alors pour renverser celui qui se trouvait à la tête de la Polynésie française. Et c’est à ce moment que le cycle d’instabilité s’est enclenché, par des débauchages individuels dans des majorités très étroites.

Et puis, la machine a continué… pour en arriver à l’« épisode Estrosi », à savoir le statut défini par les lois organique et ordinaire du 7 décembre 2007. Christian Cointat avait alors succédé à Lucien Lanier comme rapporteur. Je veux d’ailleurs rendre hommage au travail qu’il avait accompli à l’époque, non sur la partie du texte qui intéressait le ministre, mais sur tout ce qui concernait la transparence financière. En effet, quand les livres s’étaient ouverts, était apparue la nécessité d’aboutir à une plus grande transparence financière, d’installer des commissions consultatives, d’écouter les préconisations de la chambre régionale des comptes, de mettre fin à un certain nombre de pratiques, comme l’expansion des cabinets présidentiels – je n’ose citer les chiffres, par peur de me tromper.

Cet aspect de la loi de 2007 avait reçu le soutien de l’opposition, parce qu’il développait le principe de la transparence et recherchait la rigueur.

S’agissant de l’autre partie du texte, nous avons passé notre temps, aux côtés du rapporteur, qui subissait les contraintes de sa fonction, à affirmer que changer de système électoral et supprimer la prime majoritaire allaient provoquer l’instabilité : monsieur Estrosi, répétions-nous, votre loi n’est pas une loi de stabilité ; c’est une loi d’instabilité !

Malheureusement, les faits nous ont donné raison. Alors qu’il s’agissait, là encore, d’un scrutin répondant à une commande, qui devait amener au pouvoir ceux qui avaient la faveur du ministre, il a lui aussi échoué et débouché sur l’instabilité. Et quel paradoxe : s’il n’avait pas été modifié, le mode de scrutin instauré en 2004 aurait, lui, permis de dégager en Polynésie française une majorité stable…

Et nous en sommes arrivés à la troisième station – je pourrais presque dire la quatrième, puisque entre-temps a été inventé un système qui n’a jamais été appliqué : la Polynésie française tombe pour la troisième fois !

Quel est le sens de tout cela ?

Madame la ministre, je connais les contraintes qui pèsent sur vous. Vous nous parlez du respect de l’autonomie, ce que je salue, du respect du vote des polynésiens, ce que je salue également. Mais, dans le projet que vous nous présentez, essayez de respecter également l’avis du Parlement !

Sur toutes les travées de notre assemblée, les orateurs réclament une circonscription unique, parce qu’il faut préserver l’unicité de la Polynésie française. Par ailleurs, un scrutin démocratique suppose que la liste qui a obtenu le plus de voix sur la totalité du pays concerné bénéficie de la prime majoritaire. Nous ne disons rien d’autre ! Or ce principe démocratique ne peut-être garanti que par l’unicité de la circonscription.

La commission des lois du Sénat, au sein de laquelle les différences sont fortes, arrive cependant à atténuer celles-ci quand il s’agit de l’outre-mer, parce que nous défendons ensemble un objectif commun : voir l’outre-mer réussir. Nous sommes désolés de constater que chaque projet de loi sur l’outre-mer est examiné selon la procédure accélérée ; nous sommes désolés de constater que, chaque fois que l’on parle de l’outre-mer, l’aspect institutionnel est privilégié. En effet, au-delà des questions institutionnelles, il y a le développement économique, il y a le développement humain, et c’est lui qui importe !

S’agissant du découpage proposé par le Gouvernement, je ne voudrais pas être désagréable – vous savez bien que je devrais me forcer pour en arriver à une telle extrémité !

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