J’ignore ce que l’avenir nous dira, mais je sais ce que le passé nous enseigne.
Il y a de grands moments d’indignation qui me laissent assez interrogatif quand je songe aux conditions dans lesquelles nous délibérions en 2004.
Je dois dire que je ne partage pas – c’est rare, mais cela arrive ! – l’avis de Christian Cointat.
Je ne peux pas vous en vouloir, madame la ministre, de faire un peu monter les enchères, si j’ose dire. Toutefois, lorsque l’on prévoit une procédure dans un texte, c’est pour qu’elle serve. Il n’est pas raisonnable d’inventer une motion de défiance et de faire en sorte que les conditions de son adoption ne puissent être réunies.
En l’espèce, la position de la commission des lois, monsieur le rapporteur, est celle que nous avons adoptée à l’unanimité lorsque nous avons examiné le texte sur la Martinique et la Guyane. Qu’avons-nous fait ? De mémoire – vous me corrigerez si je me trompe –, la proportion de signataires requise pour le dépôt de la motion de défiance est d’un tiers des représentants. En outre, seule une motion par an et par membre de l’assemblée est autorisée, soit un nombre réduit. Si l’on divise cinquante-sept par dix-neuf – mais la question ne se pose jamais en ces termes –, cela donne trois, ce qui est déjà beaucoup trop.
Ensuite, que signifie l’adoption d’une motion de défiance lorsque le président du gouvernement a la majorité de l’assemblée contre lui, mais qu’il reste en place afin d’éviter une instabilité politique ? C’est incohérent !
Le système électoral prévu dans le texte, M. le rapporteur l’a très bien dit, donne à celui qui remporte l’élection une prime de dix-neuf sièges, soit le tiers du total, ce qui est très important. Même en réalisant un score assez peu considérable, le gagnant remporte quatorze ou quinze sièges. Il dispose donc d’une majorité solide.
Nous avons fait notre travail de législateur. Au-delà, aucun système institutionnel ne peut fournir de garanties face à des comportements individuels aberrants. Dans ce cas, il appartient au Gouvernement de faire cesser ce qui devient une insulte à la démocratie.
Nous travaillons démocratiquement, nous mettons en place un système visant à assurer la stabilité de manière démocratique et je veux croire que les Polynésiens peuvent avoir un comportement responsable.
Le texte prévoit l’adoption d’une motion de défiance à la majorité absolue et institue trois verrous : la prime au vainqueur, la signature du tiers des représentants et la limitation à une motion par an par représentant. De grâce, n’y ajoutons pas le verrou des trois cinquièmes.
Si, demain, la Polynésie connaît l’instabilité, ce sera non pas en raison de l’adoption d’une motion de défiance, mais parce que des élections nouvelles, qui interviendront le moment venu – le but du Gouvernement n’est pas, je pense, de commencer par déstabiliser le Gouvernement en place –produiront leur effet.
Mes chers collègues, je vous invite à en rester à la logique de la position de la commission des lois – une motion par an par représentant, signature d’un tiers des représentants, adoption à la majorité absolue – et de ne pas prévoir de conditions supplémentaires. Sinon, nous adoptons une procédure dont nous savons qu’elle est fictive et inapplicable. Si nous poussions le raisonnement jusqu’au bout en prévoyant que la motion de défiance devait être adoptée par 100 % des représentants, on comprendrait immédiatement le ridicule de cette proposition !
Je souhaite, même si je sais que cela ne soulèvera pas l’enthousiasme de Mme la ministre, que l’amendement présenté par le Gouvernement soit rejeté, par cohérence avec les votes précédents de la Haute Assemblée et de sa commission des lois.
Le vote de cet amendement ne remettra pas en cause l’adoption du projet de loi organique, mais avouez qu’il serait dommage, madame la ministre, de passer à côté d’un vote à l’unanimité pour cette raison !