Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est de bon ton, dans les milieux politiques et administratifs, de souligner, au gré des circonstances, l’apport indéniable à la vie nationale française des communautés françaises établies hors de France.
Ces déclarations ne sont certes pas toujours suivies d’effets, car elles obéissent souvent à des formules convenues, déconnectées du ressenti spécifique des quelque 2, 3 millions de Français de l’étranger installés sur les cinq continents, une population équivalant à celle des Bouches-du-Rhône ou des départements d’outre-mer.
La proposition de loi tendant à proroger le mandat des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger, que nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture, initiée par notre collègue Robert del Picchia, soutenue à l’unanimité par les sénatrices et les sénateurs représentant les Français établis hors de France, est aussi l’occasion de rappeler dans cet hémicycle l’importance croissante d’une présence française à l’étranger dans un contexte de mondialisation.
Cette proposition de loi sénatoriale a été conçue afin de résoudre les difficultés d’un calendrier électoral chargé en 2012. Elle tend à reporter, de juin 2012 à juin 2013, le renouvellement des conseillers de la zone B – Europe, Asie et Levant – élus en janvier 2006. Cela n’aura par ailleurs aucune conséquence – il est utile de le rappeler – sur le renouvellement sénatorial qui aura lieu en 2014. En vue de préserver le renouvellement triennal des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger, collège électoral pour l’élection des sénateurs établis hors de France, le mandat des conseillers de la zone A – Amérique et Afrique – serait également prorogé d’un an.
Tel est donc l’esprit et la finalité de cette proposition de loi qui, d’une manière concrète, permettra d’éviter ce que l’on pourrait appeler un « bug électoral » en 2012, en raison d’un trop grand nombre de scrutins, tenus précisément entre le 22 avril et le 17 juin, élection présidentielle tout d’abord suivie des élections législatives qui verront l’arrivée, pour la première fois, de onze nouveaux députés des Français établis hors de France.
Le paysage électoral sera le suivant : deux élections nationales à deux tours, hors du territoire national, au suffrage universel direct, dont l’organisation administrative est pilotée par la direction des Français de l’étranger et de l’administration consulaire au ministère des affaires étrangères et européennes.
L’organisation dans nos postes diplomatiques et consulaires du renouvellement partiel des conseillers à l’AFE élus pour six ans relève déjà d’une ingénierie administrative lourde et coûteuse pour la puissance publique. Il est aisé d’imaginer les difficultés suscitées par l’ouverture de 734 bureaux de vote décentralisés et sécurisés dans des circonscriptions électorales couvrant souvent plusieurs pays.
En 2012, après la réforme constitutionnelle de 2008, l’importance ainsi reconnue des communautés françaises expatriées et l’établissement d’une représentation démocratique dans les deux assemblées parlementaires alourdissent cependant le calendrier du renouvellement électoral des conseillers à l’AFE de la zone B, par l’ajout d’un cinquième scrutin en juin 2012.
Nous devons comprendre que nos compatriotes à l’étranger ne vivent pas dans un contexte géographique comparable à celui que l’on connaît en France pour l’organisation et la tenue de bureaux de vote. Si nous voulons, et c’est un objectif partagé, que les Français de l’étranger, Français à part entière, puissent se prévaloir, et dans les meilleures conditions, de leurs droits citoyens, nous ne pouvons leur imposer cinq scrutins consécutifs en moins de deux mois.
Les frais importants générés par les distances parfois énormes entre le lieu de résidence et le bureau de vote, à la charge de l’électeur, en dépit du maintien du vote par correspondance et de l’ajout du vote par Internet – une première en l’occurrence pour l’élection de députés –, nous conduisent à proposer de reporter d’un an, c’est-à-dire en 2013, le renouvellement triennal prévu en 2012 à l’AFE.
L’élection de onze nouveaux députés des Français de l’étranger, aux côtés désormais de douze sénateurs des Français établis hors de France, est une perspective que la représentation nationale au Sénat doit d’ores et déjà intégrer dans sa réflexion, eu égard aux projets et propositions de loi que nous serons appelés à examiner et à adopter, en particulier concernant les Français de l’étranger.
L’occasion est propice pour dire et même redire dans cet hémicycle qu’un grand pays comme le nôtre doit saisir l’apport pour le Parlement de la participation démocratique d’une composante de la nation établie hors du territoire national, fidèle à son origine et qui contribue largement à l’essor multiforme de notre pays.
Ce sera en outre l’occasion à terme et pour certains de constater que les Français de l’étranger ne sont, pour l’immense majorité d’entre eux, ni des exilés fiscaux, ni, parfois, des doubles nationaux profiteurs. Ce sont, comme je l’ai dernièrement écrit dans le magazine des anciens élèves de l’École nationale d’administration, des acteurs de proximité, de développement et d’influence, toutes qualités au service de la France.
Les Français de l’étranger, parce que leur nombre augmente régulièrement, parce qu’ils sont confrontés durablement au devoir d’initiative, à l’exigence de créativité, à la nécessité du plurilinguisme, à la concurrence, sont déjà au cœur de la globalisation des échanges.
Cette proposition de loi, mes chers collègues, nous devons la voter car elle nous permettra, dans ce contexte, de créer les conditions d’une meilleure participation électorale à l’étranger en confortant la représentation des communautés françaises expatriées auprès des institutions de la République.