Séance en hémicycle du 31 mai 2011 à 22h15

Résumé de la séance

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La séance

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La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt-deux heures quinze, sous la présidence de Mme Catherine Tasca.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe socialiste, la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, visant à actualiser l’ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs (proposition n° 370, texte de la commission n° 533, rapport n° 532).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, après son examen par l’Assemblée nationale le 23 mars 2011, nous allons examiner de nouveau cette proposition de loi, qui a pour objet d’actualiser l’ordonnance du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs.

Le texte qui nous revient en deuxième lecture est d’une grande qualité sur la forme et d’une véritable utilité sur le fond puisqu’un double objectif, auquel souscrit le Gouvernement, lui a été assigné.

D’une part, en proposant une solution juridiquement acceptable pour les agents qui ont été recrutés depuis 2005 en contrat à durée déterminée et qui se trouvent aujourd’hui dans une situation instable du fait d’une rédaction incomplète de l’ordonnance du 4 janvier 2005, ce texte satisfait un objectif social.

D’autre part, en modernisant la rédaction de l’ordonnance du 4 janvier 2005 afin de doter la Polynésie française d’un véritable statut de la fonction publique communale, ce texte répond à un objectif juridique d’« amélioration de la qualité de la norme », auquel je vous sais sensibles, mesdames, messieurs les sénateurs.

Tenant compte des apports rédactionnels apportés successivement par votre assemblée et par l’Assemblée nationale, le Gouvernement vous propose d’adopter le texte conforme. Permettez-moi cependant de revenir quelques instants sur le contexte dans lequel il s’inscrit.

Depuis la loi statutaire de 2004, l’État a lancé un processus de modernisation du régime communal en Polynésie française.

Dans un premier temps, le code général des collectivités territoriales a été étendu aux communes de Polynésie, les dotant d’outils juridiques adaptés pour exercer leurs nouvelles compétences.

Dans un second temps, la réforme de la fonction publique communale a été préparée.

Une ordonnance a été promulguée le 4 janvier 2005. Elle dote d’un statut général de fonctionnaires les 4 727 agents des quarante-huit communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs.

Les textes d’application de cette ordonnance, notamment un décret en Conseil d’État et deux décrets simples, sont quasiment prêts. Une réunion interministérielle de relecture est prévue le 7 juin prochain. Leur publication est donc imminente.

Je tiens à souligner que l’ensemble de ces textes ont donné lieu à une importante concertation entre le haut-commissaire de la République, les maires représentés par le syndicat pour la promotion des communes de Polynésie française et les organisations syndicales, ce qui garantit une véritable adhésion à l’ensemble du dispositif mis en place par l’État.

Toutefois, il faut reconnaître que le processus d’élaboration a pris plus de temps que prévu, notamment en raison des nombreux changements de gouvernement intervenus pendant cette période, qui ont freiné les négociations locales.

Mesdames, messieurs les sénateurs, force est de constater que la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui tend à mettre en conformité le statut des agents de la fonction publique communale polynésienne avec l’état du droit dans les autres fonctions publiques.

Au-delà de cet alignement, on peut avancer que, en mettant en œuvre cette réforme, les collectivités de Polynésie seront amenées à repenser l’organisation de leurs services et pourront améliorer la qualité des services publics de proximité.

Les maires se donneront ainsi les moyens d’une gestion rationnelle et efficace des personnels. Le recrutement des agents sur concours ou diplôme, les formations obligatoires ou la mobilité, pour ne citer que ces exemples, participeront à l’amélioration des compétences professionnelles au sein des communes.

En outre, cette réforme aura une double incidence non négligeable.

La première est d’ordre financier. La gestion collective des agents opérée par le futur centre de gestion et de formation permettra de rationaliser les charges actuellement supportées par les communes. J’ai d’ailleurs décidé de soutenir dès cette année sa montée en puissance en lui accordant une aide exceptionnelle de 143 000 euros.

L’autre incidence non négligeable de cette réforme est d’ordre social.

Ce statut constitue en effet une avancée incontestable sur ce plan, puisqu’il garantit aux fonctionnaires des droits, comme la permanence de leur emploi, l’égalité de traitement ou le principe de carrière.

Par ailleurs, les agents qui occupent un emploi permanent sont « réputés titulaires d’un contrat à durée indéterminée de droit public » s’ils remplissent un certain nombre de conditions, notamment de durée de service, « à la date de publication de l’ordonnance ». Certains agents échappent cependant à ce dispositif, principalement ceux qui ont été recrutés sur un contrat à durée déterminée depuis la publication de l’ordonnance du 4 janvier 2005. Afin de ne pas les pénaliser, il a été décidé qu’ils pourront désormais bénéficier d’un contrat à durée indéterminée dès lors qu’ils seront en poste à la date de publication de la présente loi.

Je voudrais conclure mon propos en insistant sur l’engagement fort du Gouvernement qui consiste, depuis la loi organique du 27 février 2004, à donner aux communes de Polynésie les moyens juridiques d’exercer les compétences que cette loi leur confère.

À cet égard, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous apporter un certain nombre de précisions. Je souhaite en particulier vous tenir informés de l’état d’avancement des projets de décrets portant application de l’ordonnance de 2005 créant le statut de la fonction publique communale de la Polynésie française, sur lequel vous n’auriez pas manqué de m’interroger.

Trois décrets sont actuellement en cours de finalisation. Nous avions, il est vrai, annoncé que ces textes paraîtraient en février. Toutefois, un premier décret fixant les règles communes applicables aux fonctionnaires des communes de Polynésie française a fait l’objet d’un long et minutieux examen par le Conseil d’État entre octobre 2010 et février 2011. Le texte du Conseil d’État a été transmis au Gouvernement et quelques améliorations rédactionnelles ont rendu nécessaire un travail complémentaire, qui devrait aboutir, très prochainement, à une validation interministérielle.

À l’occasion de la réunion prévue le 7 juin prochain, les deux projets de décrets simples, l’un portant statut des agents non titulaires et l’autre fixant, notamment, les modalités de fonctionnement des organismes consultatifs de la fonction publique communale, feront l’objet des derniers ajustements avant transmission pour avis au gouvernement de la Polynésie française.

Une publication de l’ensemble de ces textes interviendra vraisemblablement avant la fin du trimestre en cours.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous assurer de la volonté du Gouvernement de faire aboutir dans les meilleurs délais possibles les textes permettant à la fonction publique communale d’être pleinement effective.

En conclusion, en s’inscrivant dans cet effort de modernisation, cette proposition de loi ne peut que recueillir un avis favorable du Gouvernement.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Richard Tuheiava applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Vial

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, après l’examen de ce texte par l’Assemblée nationale, le Sénat est saisi, en deuxième lecture, de la proposition de loi déposée par notre collègue Richard Tuheiava et visant à actualiser les dispositions du statut des fonctionnaires des quarante-huit communes de Polynésie française.

Je vous rappelle que ce dispositif, institué par une ordonnance du 4 janvier 2005, reste inappliqué à ce jour faute des textes réglementaires nécessaires. J’y reviendrai, madame la ministre, malgré les premières assurances que vous avez tenté de nous donner voilà quelques instants.

Six articles seulement sur les dix-neuf adoptés par le Sénat ont été votés dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale. Néanmoins, celle-ci, à l’exception de cinq dispositions, a très largement souscrit à la logique retenue par la Haute Assemblée en première lecture, en n’apportant en conséquence que des modifications rédactionnelles.

En première lecture, sur la proposition de sa commission des lois, le Sénat s’est inscrit dans le prolongement de l’objectif visé par la proposition de loi : actualiser le statut de la fonction publique communale en tenant compte, d’une part, des évolutions du droit de la fonction publique, et, d’autre part, des spécificités des communes polynésiennes ; leur dispersion géographique dans l’immensité du Pacifique complexifie en effet la gestion des services publics.

Dans ce cadre, la Haute Assemblée a rapproché l’accès aux cadres d’emplois du droit commun de la fonction publique en préservant la compétence réglementaire du haut-commissaire de la République en matière de concours, en rétablissant la promotion au choix sous réserve d’une condition de valeur et d’expérience professionnelles, en autorisant le recrutement direct sur des emplois fonctionnels territoriaux déterminés et, enfin, en adaptant les conditions de recours à des contractuels.

Dans le même esprit, le Sénat a limité les disparités dans le déroulement de la carrière en simplifiant la procédure d’évaluation des fonctionnaires par l’institution d’une expérimentation de l’entretien annuel d’évaluation, en « normalisant » la fin d’un détachement, en révisant le principe de parité des régimes indemnitaires et, enfin, en fixant les conditions de mise en place d’un service minimum en cas de grève.

Par ailleurs, le Sénat a ajusté les dispositions transitoires.

Il a ainsi décidé le report de la prise en compte des personnels en poste ayant vocation à intégrer la fonction publique à la date de publication du décret d’application de l’ordonnance du 4 janvier 2005.

Il a par ailleurs harmonisé l’établissement des listes d’aptitude par la consultation d’une commission spéciale, placée auprès du centre de gestion et de formation.

Il a, en outre, clarifié le régime financier de l’intégration.

Enfin, adoptant un amendement présenté par notre collègue Richard Tuheiava en séance, la Haute Assemblée a élargi les cas de prolongation d’activité des fonctionnaires au-delà de la limite d’âge, afin d’aligner leur régime sur celui des agents de la Polynésie française.

L’Assemblée nationale a adhéré à la logique de la proposition de loi. Cependant, sur l’initiative de sa commission, elle l’a amendée sur plusieurs points.

Elle a procédé à un alignement du régime des agents non titulaires sur les conditions sociales et familiales ouvrant droit, pour les fonctionnaires des communes et groupements de communes de Polynésie française, à une prolongation d’activité au-delà de la limite d’âge. Je vous rappelle, mes chers collègues, que ce report pourrait intervenir dans la limite de cinq ans, de plein droit pour bénéficier d’une retraite à taux plein, et d’une année par enfant à charge.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a étendu au président d’un groupement de communes la faculté de recruter des collaborateurs de cabinet dans les conditions fixées par un arrêté du haut-commissaire de la République en Polynésie française.

Pour l’intégration des agents en poste dans les futurs cadres d’emplois, le critère d’ancienneté sera apprécié à la date de promulgation de la présente proposition de loi, « afin de ne pas reporter davantage la mise en place de la fonction publique des communes de la Polynésie française ».

Par ailleurs, l’Assemblée nationale a adopté quatre articles additionnels.

Il s’agit, d’une part, des articles 3 bis, 3 ter et 17 de coordination, destinés à simplifier, sur l’initiative de son rapporteur, la rédaction des dispositions instituant respectivement le Conseil supérieur de la fonction publique des communes de la Polynésie français et le centre de gestion et de formation ; il s’agit, d’autre part, de l’article 3 quater afin de créer une commission d’équivalence des diplômes compétente pour évaluer la condition de diplôme requise par chacun des concours d’accès à la fonction publique.

En outre, en séance plénière, l’Assemblée nationale, sur proposition de son rapporteur, a intégré dans l’assiette des cotisations sociales assises sur les rémunérations des fonctionnaires les indemnités perçues par ceux-ci. Elle a rétabli dans le régime des congés des fonctionnaires le congé lié aux charges parentales.

Avec l’auteur de la proposition de loi, la commission des lois a souhaité favoriser l’intégration dans les cadres d’emplois de la fonction publique communale des 4 547 agents actuellement en poste ; elle a ainsi voulu permettre aux communes de disposer d’administrations expérimentées et offrir à leurs employés des parcours professionnels valorisants. Ce faisant, elle répondait au vœu exprimé par les collectivités polynésiennes, qui ont renouvelé leur souhait d’une mise en place rapide de la fonction publique communale.

Saisie du texte voté par les députés, la commission des lois a constaté qu’il ne comportait aucune disposition contraire à l’esprit qui l’avait animée en première lecture ou incompatible avec le dispositif arrêté par le Sénat. Elle a adopté, en conséquence, la proposition de loi dans le texte transmis par l’Assemblée nationale.

À l’article 9, rappelons que, en première lecture, le Sénat, suivant sa commission, avait adopté la proposition de notre collègue Richard Tuheiava de supprimer le congé lié aux charges parentales « pour aligner le régime des congés des fonctionnaires communaux sur celui qui est en vigueur dans le secteur privé et pour les agents de la collectivité de Polynésie française ». Le ministère de l’outre-mer, interrogé sur ce point, avait confirmé l’inexistence sur le territoire de ce dispositif. Cependant, s’il n’est pas mis en œuvre, il figure dans le statut des agents de la Polynésie française. C’est pourquoi il est préférable d’harmoniser les statuts des fonctionnaires de la collectivité, d’une part, et des agents communaux, d’autre part.

Les députés ont justement complété l’article 10 pour soumettre l’assiette des cotisations sociales assises sur les rémunérations des fonctionnaires à la réglementation applicable localement : la caisse locale de prévoyance sociale ne distingue pas, en effet, le traitement des rémunérations accessoires et inclut dans l’assiette le revenu brut global.

L’alignement, proposé à l’article 11, des cas de prolongation d’activité au-delà de la limite d’âge des non-titulaires sur ceux qui bénéficient aux fonctionnaires unifiera, sur ce point, les règles applicables aux agents travaillant dans une même collectivité sous des statuts différents.

En étendant aux présidents de groupement de communes la faculté de recruter des collaborateurs de cabinet, l’article 12 résultant des travaux de l’Assemblée nationale uniformise ce dispositif sur la situation de la métropole et des départements d’outre-mer.

À l’article 13, compte tenu de la date de publication du décret d’application de l’ordonnance, qui interviendra dans le meilleur des cas au second semestre de 2011, la commission des lois vous propose d’en rester au texte adopté par l’Assemblée nationale pour tenir compte du souci des communes polynésiennes de régulariser au plus tôt la situation des agents recrutés depuis 2005.

Madame la ministre, la fonction publique communale doit rapidement être mise en place. Devenues en 2004 des collectivités territoriales de la République, les communes polynésiennes doivent pouvoir, sauf à nier le principe de libre administration, prendre en charge leurs compétences propres ; il leur faut donc disposer des moyens humains nécessaires au sein de services structurés. C’est pourquoi le Gouvernement doit accélérer la publication des mesures réglementaires requises par le statut.

Nous avons bien entendu, madame la ministre, les assurances que vous avez commencé à nous donner sur quelques points. C’est l’ensemble des mesures réglementaires qui doivent être prises pour permettre la constitution d’un véritable statut et assurer aux collectivités les moyens dont elles ont besoin.

Sous le bénéfice de l’ensemble de ces observations, la commission des lois propose au Sénat d’adopter la proposition qui nous est soumise.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – MM. Jacques Mézard, Richard Tuheiava et Bernard Frimat applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il faut saluer en tout premier lieu l’initiative prise par M. Richard Tuheiava de déposer une proposition de loi qui, un peu plus de six ans après l'ordonnance du 4 janvier 2005 restée lettre morte faute de décrets d'application, vient actualiser les dispositions du statut des fonctionnaires des quarante-huit communes de Polynésie française et de leurs établissements publics.

Heureuse initiative, qui s'inscrit dans la volonté, rappelée voilà quelques instants à l'occasion de l'examen du projet de loi organique relatif au fonctionnement des institutions de la Polynésie française, de forger un système où la stabilité combattrait l'instabilité permanente, cause de la fragilité de cette collectivité d'outre-mer.

L'ordonnance de 2005, ratifiée en 2007, avait eu le mérite de créer un statut général des fonctionnaires des communes et de leurs établissements publics administratifs, mettant un terme à un droit hétérogène combinant code du travail polynésien, convention collective ou statut communal. Elle aurait pu permettre que soient enfin clarifiées les conditions dans lesquelles près de 4 600 agents de la fonction publique communale exercent leur mission.

Peut-être faut-il remercier le Gouvernement d'avoir su, ou d’avoir dû, différer la prise des textes réglementaires pour parvenir au texte présenté aujourd'hui devant notre Haute Assemblée, fruit d'un travail de concertation, d'abord entre les organisations syndicales polynésiennes et les collectivités, puis devant la commission permanente de l'Assemblée de la Polynésie française, qui l’a approuvé le 13 janvier dernier, et enfin devant nos deux assemblées parlementaires.

J'ai souvenir d'un travail conduit il y a quelques années pour construire la fonction publique du territoire d’alors de la Polynésie française et je sais les trésors de concertation qui ont dû être déployés pour parvenir à une construction applicable.

L'objectif aujourd'hui est bien de conforter les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires communaux et de régler la situation des personnels en matière d'accès à l'emploi et de carrière en respectant deux principes contradictoires, du moins en apparence : se rapprocher autant que faire se peut du statut général de la fonction publique territoriale, d'une part, sans pour autant nier, d'autre part, les spécificités de ces communes.

Le Sénat a donné le ton, l'Assemblée nationale l’a accompagné et, dans une deuxième lecture, notre Haute Assemblée a accepté sans modification le texte ainsi amendé.

De ce texte, je ne reprendrai que quelques-unes des dispositions présentées par M. le rapporteur.

Concernant le recrutement, le texte assouplit les conditions de recrutement des agents non titulaires pour répondre plus efficacement aux besoins des communes isolées ou dont la situation géographique est un handicap ; il assouplit aussi le report de la limite d'âge dans des conditions analogues à celles qui existent pour les fonctionnaires pour des raisons sociales et familiales.

L’assouplissement vaut également pour les recrutements directs sur emplois fonctionnels ouverts non seulement à des fonctionnaires, mais aussi à des contractuels. La possibilité est donnée aux groupements de communes de recruter des collaborateurs de cabinet.

Autant de dispositions qui, concrètement, apportent des solutions à des problèmes récurrents.

Je veux aussi souligner le rapprochement avec les dispositifs mis en place dans les fonctions publiques pour faciliter les démarches de mobilité, favorables aux agents eux-mêmes comme aux administrations, qui s'enrichissent de la sorte de la diversité des talents et des compétences des agents. Ici, la mobilité n'est pas limitée à la seule fonction publique applicable aux communes de la Polynésie française, elle concerne les trois fonctions publiques : la fonction publique de l'État, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière.

S’agissant du déroulement des carrières, deux mesures significatives ont été adoptées.

Le texte simplifie la procédure d'évaluation des fonctionnaires en instituant une expérimentation de l'entretien annuel d'évaluation par le supérieur hiérarchique direct, qui est plus à même que l'autorité de nomination d'apprécier la valeur professionnelle du fonctionnaire.

Il instaure, par ailleurs, un régime indemnitaire fixé par référence à celui qui bénéficie aux fonctionnaires de la Polynésie française occupant des emplois comparables, une telle mesure devant, au-delà du principe d'équité, faciliter les mobilités.

En ce qui concerne les dispositions transitoires, le texte, avec sagesse, retient pour date de prise en compte des personnels en poste ayant vocation à intégrer la fonction publique non pas la date de publication des décrets d'application, mais la date de promulgation de la loi elle-même, et ce pour éviter de tendre la main à un nouveau report de ce dispositif.

Il crée, pour statuer sur les demandes d'intégration, une commission spéciale placée auprès du centre de gestion et de formation et présidée par un représentant des collectivités et de leurs établissements.

Je relèverai enfin que le rôle et les compétences du haut-commissaire de la République sont réaffirmés : il est le garant de la régularité des opérations en même temps que de l'autonomie des collectivités.

Au total, ce texte est l'opportunité pour les communes et groupements de communes de la Polynésie française de vivre pleinement leur nouvelle autonomie avec des moyens humains répondant à leurs nouvelles compétences.

C’est pourquoi tous les membres du groupe RDSE sont favorables à ce texte qui marque un véritable progrès.

Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste, ainsi que sur les travées de l ’ UMP. – M. Yves Détraigne applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le principe d’un statut des agents communaux « adapté à la situation particulière des communes du territoire, et notamment à leurs capacités budgétaires », avait été posé par le législateur, dès 1994, dans la loi d’orientation pour le développement économique, social et culturel de la Polynésie française.

Comme nos collègues à l’Assemblée nationale, nous ne pouvons que déplorer que plus de quinze ans se soient écoulés entre l’affirmation de principes et la proposition visant à les mettre en œuvre concrètement.

Et comme M. le rapporteur, nous souhaitons que les mesures réglementaires requises par le statut soient rapidement publiées afin que les choses se concrétisent réellement.

Sur les dispositions de cette proposition de loi, je maintiendrai la position que j’avais adoptée en première lecture, c'est-à-dire une adhésion totale sur les points principaux et sur les objectifs du texte : elle permettra la création d’une fonction publique communale qui respecte les principes républicains, tout en ne perdant pas de vue les spécificités et besoins locaux.

C’est là une grande avancée vers l’application effective du principe de libre administration des communes auquel nous sommes attachés, symbole de garantie de l’indépendance des collectivités territoriales par rapport au pouvoir central.

Je rappellerai également mes réserves quant à la transposition du service minimum dans les communes polynésiennes ou encore en ce qui concerne le choix fait de l’introduction d’une expérimentation de l’entretien annuel d’évaluation pour apprécier le travail accompli par l’agent public. Ma remarque vaut également pour la fonction publique métropolitaine !

Cette proposition de loi constitue une première étape importante afin de donner aux communes les moyens en ressources humaines de leurs compétences, mais le processus doit être poursuivi.

Se fait attendre une nécessaire redéfinition de la répartition des ressources financières afin de permettre la transparence et l’efficacité de mise en œuvre du service public.

Se fait attendre aussi l’introduction urgente d’une justice fiscale, car, faute d’impôt sur le revenu et d’impôt sur le patrimoine taxant les plus fortunés, la collectivité est amenée à créer des impôts indirects, donc des impôts sur la consommation, qui, eux, touchent les revenus les plus faibles.

Nous souhaitons donc que l’on ne s’arrête pas en si bon chemin et que les prochaines réformes ne se fassent pas attendre aussi longtemps que celle-ci, afin que la Polynésie puisse enfin bénéficier des outils dont elle a tant besoin pour assurer son développement économique et social.

Aussi, nous voterons le texte proposé, ce qui est suffisamment rare pour être souligné !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Tuheiava

Madame la présidente, madame le ministre, mes chers collègues, nous procédons à la deuxième lecture de la proposition de loi que j’ai déposée, le 4 octobre 2010, avec les membres du groupe socialiste et en concertation avec mon collègue député-maire de Papara, Bruno Sandras.

Permettez-moi de souligner d’emblée la qualité des travaux parlementaires réalisés depuis dans les deux chambres. À cet égard, je remercie notamment Jean-Pierre Vial, pour son travail précis et efficace.

En effet, nous avons pu consacrer à ce texte le temps nécessaire, au regard de l’importance des enjeux considérés et des principes de bon fonctionnement des institutions parlementaires. Sur ce dernier point, je me réjouis que le Parlement ait été à l’initiative de la démarche, qu’il se soit fait entendre du Gouvernement, dans un climat apaisé, et que les deux lectures aient permis l’amélioration du texte d’origine, avec des progrès techniques significatifs, dans un esprit de consensus exemplaire – je le constate encore ce soir

L’orateur se tourne vers les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Tuheiava

Je ne reviendrai pas sur les raisons ayant présidé à la modernisation de l’ordonnance de 2005 qui porte création de la fonction publique communale en Polynésie française. Elles ont été suffisamment évoquées précédemment.

En revanche, mes chers collègues, je dois mettre un bémol à l’allégresse collective. En effet, contrairement au calendrier commun défini par le Gouvernement et les maires de la Polynésie française, le 1er janvier 2011 n’aura pas été le point de départ de l’entrée en vigueur de l’ordonnance de 2005.

Je note que, si les parlementaires ont su modifier et améliorer l’ordonnance en moins de huit mois, les décrets d’application, je le constate avec regret, n’ont, depuis 2008, soit depuis la première version des textes, toujours pas été publiés. Je dois préciser à cet égard que l’instabilité politique qui pourrait être avancée, peut-être trop hâtivement, comme raison de ce retard ne concerne que le Pays, les élus polynésiens municipaux n’étant pour rien dans cette affaire.

Mais revenons au cœur de l’ordre du jour. Je vous propose, pour ce faire, une analyse très rapide de la situation de la proposition de loi, telle qu’elle résulte de la navette parlementaire.

Vous avez constaté comme moi que nos travaux en séance le 27 janvier dernier ont été repris, pour l’essentiel, par nos collègues députés. Les amendements qu’ils ont votés, s’ils concernent surtout des améliorations de forme, apportent quelques évolutions. Après consultation des maires, je peux vous dire que celles-ci correspondent à leurs demandes.

Je veux insister sur deux nouveautés.

Il s’agit, en premier lieu, du maintien du congé lié aux charges parentales, ce droit existant dans le statut de la fonction publique du Pays. Il permet de reprendre une position statutaire de droit commun.

Il s’agit, en second lieu, de la création de la commission d’équivalence des diplômes, qui permettra de répondre à la mobilité à l’international des jeunes étudiants revenant en Polynésie munis de diplômes étrangers. Ces étudiants pourront désormais, après examen de leurs diplômes par cette commission et reconnaissance de leurs titres, se présenter aux concours d’accès à la fonction publique.

Si j’appuie plus particulièrement ces deux innovations, je soutiens bien sûr l’ensemble de la proposition de loi, compte tenu des éléments évoqués précédemment.

C’est la raison pour laquelle je souhaite voir aboutir, à l’occasion de cette deuxième lecture, le processus parlementaire, grâce à votre soutien unanime, sans amendements.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme l’a rappelé M. Richard Tuheiava, qui est à l’initiative de cette proposition de loi, l’ordonnance du 4 janvier 2005 a, pour la première fois, doté d’un statut général les agents des communes et groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs.

Cette ordonnance a défini les garanties fondamentales dont doivent bénéficier les fonctionnaires des communes et le cadre général de l’organisation de la fonction publique communale.

Jusqu’alors, aucun texte ne réglementait le statut du personnel des communes de Polynésie française. Il en résultait une diversité de régimes, non seulement entre les communes, mais également au sein d’une même commune.

Comme nous le savons, les communes doivent pouvoir mettre en œuvre les compétences qui leur sont conférées. La fonction publique communale permet d’y répondre, ce qui suppose une adaptation et une évolution permanente.

Elle participe à l’amélioration des compétences professionnelles des agents : les communes pourront disposer de personnel mieux qualifié et de cadres plus compétents et performants, qui participeront ainsi à améliorer le service aux usagers et le montage des projets.

La fonction publique permet également aux élus de restructurer leur administration : chaque commune devra réfléchir à organiser ses services en fonction des missions dévolues par les textes et de celles qu’elle-même et son conseil jugent prioritaires.

Elle repose sur la mise en place des organes communs consultatifs et paritaires : le Conseil supérieur de la fonction publique communale, chargé d’émettre des avis sur les projets de statuts particuliers, et le centre de gestion et de formation, organisme composé d’élus chargé de la gestion et de la formation des agents.

La fonction publique offre en outre des garanties aux agents pour l’exercice du droit syndical.

Enfin, elle assure une égalité de traitement aux agents, avec notamment l’affirmation du principe du concours et de la formation continue.

Des décrets d’application devaient compléter les dispositions de l’ordonnance. Toutefois, à l’heure actuelle, les textes réglementaires n’ont pas encore été publiés, et l’ordonnance n’a donc pu être mise en œuvre.

À l’occasion des différents travaux préparatoires à l’élaboration de ces textes réglementaires, des difficultés d’application sont apparues, liées au délai de mise en œuvre, à la rédaction de l’ordonnance, à son inadéquation vis-à-vis de la situation des agents déjà en poste dans les collectivités et établissements concernés, et à des décisions jurisprudentielles appliquant une partie de l’ordonnance.

Afin de garantir aux agents communaux de la Polynésie française un statut stable et homogène, nous devons agir et faciliter la création, en 2011, d’une fonction publique communale en Polynésie.

De plus, nous le savons, depuis 2005, les règles applicables à la fonction publique d’État ou à la fonction publique territoriale ont fortement évolué. Une actualisation de l’ordonnance du 4 janvier 2005 est donc primordiale.

La proposition de loi qui nous est soumise a un objectif précis : elle vise à actualiser le statut de la fonction publique communale en tenant compte, d’une part, des évolutions du droit de la fonction publique et, d’autre part, des spécificités des communes polynésiennes, marquées notamment par leur dispersion géographique, ce qui complexifie la gestion des services publics.

Dans ce cadre, notre assemblée a rapproché l’accès aux cadres d’emplois du droit commun de la fonction publique : en préservant la compétence réglementaire du haut-commissaire de la République en matière de concours, en rétablissant la promotion au choix sous réserve d’une condition de valeur et d’expérience professionnelles, en autorisant le recrutement direct sur des emplois fonctionnels territoriaux déterminés et en adaptant les conditions de recours à des contractuels.

Dans le même esprit, elle a limité les disparités dans le déroulement de la carrière. En effet, elle a simplifié la procédure d’évaluation des fonctionnaires par l’institution d’une expérimentation de l’entretien annuel d’évaluation. Elle a également « normalisé » la fin d’un détachement, révisé le principe de parité des régimes indemnitaires et fixé les conditions de mise en place d’un service minimum en cas de grève.

Je tiens, en cet instant, à remercier le rapporteur, Jean-Pierre Vial, pour la qualité de son travail. Je remercie également l’ensemble des membres de la commission des lois et, en particulier, son président, qui connaît parfaitement la situation de la Polynésie française.

Nos collègues de l’Assemblée nationale n’ont, sur le fond, que peu modifié le texte issu du Sénat en première lecture, et nous pouvons nous en féliciter. Le texte tel qu’il résulte des travaux de l’Assemblée ne comporte ainsi aucune disposition contraire à l’esprit qui nous avait animés ou incompatible avec le dispositif que nous avions défini. Les quelques éléments qui y ont été ajoutés nous semblant satisfaisants, nous adopterons ce texte conforme. Nous permettrons par là même aux communes polynésiennes de disposer – enfin ! – des administrations nécessaires à l’exercice de leurs compétences.

Il convient cependant d’apporter quelques précisions sur les modifications introduites par l’Assemblée nationale.

Elles consistent, notamment, en la création d’une commission d’équivalence des diplômes, qui concourra à la professionnalisation de la jeune fonction publique communale de la Polynésie française, en permettant d’évaluer la condition de diplôme requise pour chacun des concours.

Ensuite, si l’Assemblée nationale a maintenu une limite d’âge distincte pour les agents non titulaires et pour les fonctionnaires, elle a unifié les conditions sociales et familiales pouvant donner droit à une prolongation d’activité au-delà de cette limite, afin de ne pas créer de disparités inutiles et de simplifier la gestion des régimes.

En outre, le président d’un groupement de communes fera partie des responsables exécutifs pouvant recruter des collaborateurs de cabinet ; cette mention n’était pas prévue dans le texte initial.

Enfin, au sujet de l’intégration des agents en poste dans les nouveaux cadres d’emplois, a été fixée au jour de promulgation de la loi la date à laquelle seront appréciées les conditions nécessaires pour prétendre à bénéficier d’un contrat de droit public et, par la suite, à postuler pour être intégré dans les futurs cadres d’emplois. Cette modification permettra de ne pas reporter davantage la mise en place de la fonction publique des communes de la Polynésie française.

Mes chers collègues, nous légiférons aujourd’hui pour les agents communaux de Polynésie française. C’est pourquoi le groupe UMP, que j’ai l’honneur de représenter dans ce débat, soutient cette initiative importante pour nos compatriotes et pour les communes de cette collectivité, qui ont besoin de s’appuyer sur du personnel qui soit à la fois adapté à leurs spécificités et de haut niveau.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – MM. Richard Tuheiava et Bernard Frimat applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Je rappelle que, aux termes de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets et propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.

Sur les articles du texte élaboré par la commission, je ne suis saisie d’aucun amendement ni d’aucune demande de parole.

(Non modifié)

L’article 8 de l’ordonnance n° 2005–10 du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa du I, les mots : « fonctionnaires indisponibles en raison d’un congé de maladie, d’un congé de maternité ou d’un congé parental, ou de l’accomplissement du service national » sont remplacés par les mots : « fonctionnaires autorisés à exercer leurs fonctions à temps partiel ou indisponibles en raison d’un congé de maladie, d’un congé de maternité ou d’un congé parental, ou de l’accomplissement du service civil ou national » ;

2° Le second alinéa du même I est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Cette durée maximale de trois mois est portée à douze mois renouvelables une fois dans les communes isolées dont la liste est fixée par arrêté du haut-commissaire de la République en Polynésie française. » ;

3° Au 2° du II, après le mot : « lorsque », sont insérés les mots : « la nature des fonctions ou ».

L'article 1 er est adopté.

(Non modifié)

I. – Le premier alinéa de l’article 9 de la même ordonnance est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les emplois permanents peuvent être occupés par des fonctionnaires de l’État régis par la loi n° 84–16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, des fonctionnaires territoriaux régis par la loi n° 84–53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et des fonctionnaires hospitaliers régis par la loi n° 86–33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière placés en position de détachement ou mis à disposition conformément aux statuts dont ils relèvent.

« La durée maximale du détachement ou de mise à disposition de ces fonctionnaires est fixée à trois ans et est renouvelable une fois. »

II à IV. –

Non modifiés

L'article 2 est adopté.

(Non modifié)

L’article 25 de la même ordonnance est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est supprimé ;

2° Au début du deuxième alinéa, les mots : « Ce conseil supérieur » sont remplacés par les mots : « Le conseil supérieur de la fonction publique des communes de la Polynésie française ». –

Adopté.

(Non modifié)

Le premier alinéa du I de l’article 30 de la même ordonnance est ainsi rédigé :

« Le centre de gestion et de formation est un établissement public local à caractère administratif soumis à la tutelle de l’État, dont le personnel est régi par le présent statut général. » –

Adopté.

(Non modifié)

Le deuxième alinéa de l’article 31 de la même ordonnance est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Le centre de gestion et de formation assure le fonctionnement d’une commission d’équivalence des diplômes, dans les conditions fixées par arrêté du haut-commissaire de la République en Polynésie française. » –

Adopté.

(Non modifié)

À la fin de l’article 35 de la même ordonnance, les mots : « L. 121-30, L. 121-31 et L. 122–29 du code des communes tel que rendu applicable à la Polynésie française par la loi du 29 décembre 1977 susvisée » sont remplacés par les mots : « L. 1872–1 et L. 2131–1 à L. 2131–3 du code général des collectivités territoriales applicables en Polynésie française ». –

Adopté.

(Non modifié)

Après l’article 48 de la même ordonnance, il est inséré un article 48–1 ainsi rédigé :

« Art. 48–1. – Au titre des cinq années suivant la publication de chaque statut particulier, l’autorité de nomination peut se fonder, à titre expérimental et par dérogation à l’article 48, sur un entretien professionnel pour apprécier la valeur professionnelle du fonctionnaire.

« L’entretien est conduit par son supérieur hiérarchique direct et donne lieu à l’établissement d’un compte rendu.

« La commission administrative paritaire peut, à la demande de l’intéressé, en proposer la révision.

« Le haut-commissaire de la République en Polynésie française présente chaque année au Conseil supérieur de la fonction publique des communes de la Polynésie française un bilan de cette expérimentation.

« Le gouvernement en présente le bilan au Parlement dans les six mois de son achèvement.

« Un arrêté du haut-commissaire fixe les modalités d’application du présent article. » –

Adopté.

(Non modifié)

L’article 54 de la même ordonnance est ainsi modifié :

1° Après le 8°, il est inséré un 9° ainsi rédigé :

« 9° Au congé pour validation des acquis de l’expérience. » ;

2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Un arrêté du haut-commissaire de la République en Polynésie française fixe les règles relatives au congé pour validation des acquis de l’expérience ainsi qu’au congé lié aux charges parentales et celles concernant l’organisation et le fonctionnement des comités médicaux compétents en cas de maladie et de maternité. » –

Adopté.

(Non modifié)

I. – Après le mot : « sont », la fin du troisième alinéa de l’article 62 de la même ordonnance est ainsi rédigée : « assises sur le traitement et les indemnités perçues conformément à la réglementation applicable de la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française. » ;

II. –

Non modifié

L'article 10 est adopté.

(Non modifié)

La section 1 du chapitre VI de la même ordonnance est complétée par un article 72–2 ainsi rédigé :

« Art. 72–2. – Les agents non titulaires ne peuvent être maintenus en fonction au-delà de la limite d’âge fixée par arrêté du haut-commissaire de la République en Polynésie française.

« Toutefois, ils peuvent bénéficier des prolongations d’activité prévues par les troisième et quatrième alinéas de l’article 67.

« Sous peine d’irrecevabilité, les demandes de prolongation doivent intervenir au moins trois mois avant la limite d’âge. » –

Adopté.

(Non modifié)

La seconde phrase de l’article 67 de la même ordonnance est remplacée par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Toutefois, la limite d’âge peut être reculée dans les cas suivants :

« – de plein droit, sur demande du fonctionnaire, à due concurrence du nombre d’années restant à cotiser pour obtenir une retraite à taux plein de la tranche dite “A”, sans que cette prolongation d’activité soit supérieure à cinq ans ;

« – d’une année par enfant à charge au sens de la réglementation de la caisse de prévoyance sociale, sur demande du fonctionnaire, sans que cette prolongation d’activité soit supérieure à cinq ans ;

« – à la demande de l’autorité compétente, après avis de la commission administrative paritaire compétente et accord du fonctionnaire, lorsque l’agent occupe des fonctions nécessitant un haut niveau de technicité ou difficiles à pourvoir du fait de la situation géographique de leur lieu d’exercice, sans que cette prolongation d’activité soit supérieure à huit ans. Au-delà de soixante-cinq ans, cette prolongation d’activité est accordée pour une durée d’un an renouvelable, sous réserve d’un examen médical constatant l’aptitude du fonctionnaire à exercer ses fonctions.

« Sous peine d’irrecevabilité, les demandes de prolongation doivent intervenir au moins trois mois avant la limite d’âge. » –

Adopté.

(Non modifié)

La section 1 du chapitre VI de la même ordonnance est complétée par des articles 72–3 à 72–5 ainsi rédigés :

« Art. 72–3. –

Non modifié

« Art. 72–4. – Par dérogation à l’article 38, peuvent être pourvus par la voie du recrutement direct, dans les conditions de diplômes ou de capacités fixées par arrêté du haut-commissaire de la République en Polynésie française, les emplois suivants :

« – directeur général des services et directeur général des services techniques des communes de plus de 20 000 habitants ;

« – directeur général adjoint des services des communes de plus de 30 000 habitants ;

« – directeur général du centre de gestion et de formation.

« L’accès à ces emplois par la voie du recrutement direct n’entraîne pas titularisation dans la fonction publique.

« Art. 72–5. – Lorsqu’il est mis fin au détachement d’un fonctionnaire dans un emploi fonctionnel mentionné à l’article 72–3 et que la collectivité ou l’établissement ne peut lui proposer un emploi correspondant à son grade, celui-ci peut demander à être reclassé dans les conditions prévues à l’article 70 ou à percevoir une indemnité de licenciement.

« L’indemnité de licenciement, qui est au moins égale à une année de traitement, est déterminée dans les conditions fixées par arrêté du haut-commissaire de la République en Polynésie française, selon l’âge et la durée de service dans la fonction publique des communes de la Polynésie française. Le bénéficiaire de cette indemnité cesse d’appartenir à la fonction publique.

« Il ne peut être mis fin aux fonctions d’un agent occupant un emploi fonctionnel mentionné à l’article 72–3 dans les six premiers mois suivant sa nomination dans l’emploi ou suivant la désignation de l’autorité de nomination, sauf s’il a fait l’objet d’un recrutement direct en application de l’article 72–4.

« La cessation des fonctions de l’agent est précédée d’un entretien de l’autorité de nomination avec l’intéressé. Elle fait l’objet d’une information du centre de gestion et de formation et de l’organe délibérant de la collectivité ou de l’établissement. Elle prend effet le premier jour du troisième mois suivant l’information de l’organe délibérant. » –

Adopté.

(Non modifié)

La même section 1 est complétée par un article 72–6 ainsi rédigé :

« Art. 72–6. – Le maire ou le président du groupement de communes peut recruter un ou plusieurs collaborateurs de cabinet en tant qu’agents non titulaires et mettre fin librement à leurs fonctions.

« Leurs fonctions prennent fin au plus tard en même temps que celles du maire ou du président qui les a nommés et n’entraînent pas de droit à titularisation dans la fonction publique des communes de la Polynésie française.

« Ces agents non titulaires sont recrutés dans des conditions définies par arrêté du haut-commissaire de la République en Polynésie française, qui détermine les modalités de rémunération et leur effectif maximal en fonction de la population de la commune ou du groupement de communes. » –

Adopté.

(Non modifié)

L’article 73 de la même ordonnance est ainsi modifié :

1° À la fin du premier alinéa, les mots : « publication de la présente ordonnance » sont remplacés par les mots : « promulgation de la loi n° … du … visant à actualiser l’ordonnance n° 2005–10 du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs » ;

2° Au b, le mot : « effectifs » est remplacé par le mot : « continus » et les mots : « d’une collectivité ou d’un établissement mentionné » sont remplacés par les mots : « des collectivités ou des établissements mentionnés » ;

3° Le dernier alinéa est supprimé. –

Adopté.

(Non modifié)

L’article 74 de la même ordonnance est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après le mot : « nomination », sont insérés les mots : « après avis d’une commission spéciale » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La commission spéciale est composée paritairement de représentants des collectivités et établissements mentionnés à l’article 1er et de représentants élus du personnel. Elle est établie auprès du centre de gestion et de formation et présidée par un représentant des collectivités et établissements. Un arrêté du haut-commissaire de la République en Polynésie française détermine ses règles de fonctionnement et les modalités de désignation de ses membres. » –

Adopté.

(Non modifié)

L’article 76 de la même ordonnance est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa, les mots : « et dans un grade à l’échelon qui correspond » sont remplacés par les mots : « et dans un grade. Dans ce grade, l’échelon correspond » ;

2° Le même deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Le salaire de référence incorpore en valeur les primes et compléments acquis si le statut particulier ne prévoit pas de primes ou compléments équivalents. » ;

bis Le troisième alinéa est supprimé ;

3° Le dernier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Après leur intégration dans leur cadre d’emplois, les agents conservent les avantages ayant le caractère de complément de rémunération qu’ils ont acquis au sein de leur collectivité ou établissement dès lors que ces avantages correspondent à une disposition statutaire de nature équivalente.

« Une indemnité différentielle est attribuée à l’agent pour compenser la différence entre la rémunération résultant de l’échelon terminal du classement et la rémunération antérieurement perçue, d’une part, et la différence entre le montant du complément de rémunération statutaire et celui antérieurement perçu en valeur, d’autre part. » –

Adopté.

(Non modifié)

I. – À l’article 80-2 de la même ordonnance, les mots : « deuxième et quatrième » sont remplacés par les mots : « premier et troisième ».

II. – Au a du 1° de l’article 80-3 de la même ordonnance, le mot : « cinquième » est remplacé par le mot : « quatrième » –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je constate que tous ces articles ont été adoptés à l’unanimité des présents.

Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

La proposition de loi est adoptée définitivement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je constate que cette proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe UMP, la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, tendant à proroger le mandat des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger (proposition de loi n° 412, texte de la commission n° 529, rapport n° 528 rectifié).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre auprès du ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé de la coopération

Madame la présidente, monsieur le président et rapporteur de la commission des lois, mesdames, messieurs les sénateurs, l’Assemblée des Français de l’étranger, l’AFE, est l’assemblée représentative de nos compatriotes établis hors de France, et ses 155 membres élus sont renouvelés par moitié tous les trois ans. Le prochain scrutin, qui concernera les circonscriptions électorales d’Europe et d’Asie, doit normalement se tenir en juin 2012.

Cette même année, les Français établis à l’étranger seront également appelés, comme les autres Français, à participer à l’élection présidentielle et, pour la première fois, à l’élection de députés dans onze circonscriptions législatives.

Face à ce calendrier électoral particulièrement chargé, plusieurs éléments posent problème.

Premièrement, la charge supplémentaire inhérente à ce cumul d’élections risque de perturber fortement le bon déroulement de l’ensemble des scrutins, d’autant qu’il faudra prendre en compte les contraintes propres à l’organisation de chacun d’entre eux.

Deuxièmement, la coexistence de régimes électoraux différents, notamment s’agissant du financement de la campagne électorale, pourrait constituer une menace pour la sécurité juridique de chacun des scrutins programmés en 2012.

Troisièmement, une réelle confusion pourrait naître dans l’esprit de l’électeur du fait de la diversité et de la complexité des règles applicables, qu’il s’agisse en particulier des modes de scrutin et des modalités de vote.

Dans ce contexte, un report d’une année de l’élection des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger constituerait un élément positif pour une tenue satisfaisante des autres scrutins et contribuerait à réunir les conditions nécessaires au succès du premier rendez-vous des Français de l’étranger avec les élections législatives.

Le Gouvernement a naturellement souhaité recueillir l’avis de l’Assemblée des Français de l’étranger sur l’opportunité d’une telle mesure. Consultée, celle-ci s’est prononcée à une très large majorité en faveur du report.

Au cours de votre séance du 26 janvier 2011, vous aviez adopté cette proposition de loi de M. del Picchia. L’Assemblée nationale, lors de sa séance du 7 avril 2011, a souhaité, dans un souci de coordination, étendre ce report au renouvellement des personnalités qualifiées, également membres de l’AFE, mais nommées par le ministre des affaires étrangères et européennes, afin de faire coïncider le mandat des membres nommés avec celui des membres élus. Vous êtes donc appelés à vous prononcer aujourd’hui sur ce dispositif, qui a été adopté par votre commission des lois, le 18 mai dernier.

Pour l’ensemble des raisons que je viens d’énoncer brièvement, le Gouvernement est favorable à cette proposition de loi et au report qu’elle prévoit, y compris s’agissant du renouvellement des douze personnalités qualifiées. Il souhaite donc qu’elle soit adoptée.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste. – Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat doit se prononcer, en deuxième lecture, sur la proposition de loi de M. Robert del Picchia tendant à proroger d’un an le mandat des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger.

Ce texte vise à remédier aux difficultés posées par la succession, en 2012, de trois élections : l’élection présidentielle, les élections législatives et les élections des conseillers de l’Assemblée des Français de l’étranger. La solution proposée consiste à proroger d’un an le mandat des actuels conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger, afin de décaler la prochaine élection des conseillers de la série B au mois de juin 2013, et celle des conseillers de la série A au mois de juin 2016.

Nous avons déjà procédé à un tel report d’élection en ce qui concerne le Sénat, je le rappelle…

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre

C’est arrivé à de nombreuses reprises !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

En première lecture, et à l’invitation de sa commission des lois, le Sénat a fait prévaloir cette solution sur celle qui était défendue par notre collègue Christian Cointat, consistant à prévoir la concomitance du premier tour des élections législatives et des élections des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger, en raison des difficultés d’organisation et des risques juridiques qu’elle aurait été susceptible de présenter, notamment eu égard aux différences de mode de scrutin et de financement.

La solution proposée par M. del Picchia a reçu l’aval des députés. Le texte ne nous revient en deuxième lecture qu’en raison d’une coordination nécessaire effectuée par les députés entre le mandat des membres élus de l’Assemblée des Français de l’étranger et celui des personnalités qualifiées désignées par le ministre des affaires étrangères. En effet, le mandat des premiers étant prorogé d’un an, il était nécessaire de proroger aussi d’un an celui des seconds, ce qui ne peut résulter que de la loi.

La coordination opérée par les députés étant tout à fait opportune, la commission des lois vous propose d’adopter conforme le texte qui nous a été transmis.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Yves Détraigne applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Claudine Lepage

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette deuxième lecture de la proposition de loi visant à proroger le mandat des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger, l’AFE, ne doit pas poser plus de difficultés que le premier passage de ce texte devant notre assemblée.

Nos collègues députés ont, en effet, simplement – et très justement – complété le dispositif, en tirant les conséquences de la prorogation du mandat des membres élus de l’AFE sur le mandat des personnalités qualifiées nommées par le ministre des affaires étrangères « pour six ans et renouvelées par moitié tous les trois ans, lors de chaque renouvellement » de l’assemblée.

Cette proposition de notre collègue Robert del Picchia a donc simplement pour objectif de faire en sorte que l’ensemble des scrutins qui doivent se tenir à l’étranger, dans les trois ans qui viennent, se déroulent dans les meilleures conditions.

Le mandat des conseillers élus à l’Assemblée des Français de l’étranger, en Europe, en Asie et Levant, expire en juin 2012. Or, je ne vous l’apprends pas, cette date coïncide avec deux autres échéances essentielles de la vie politique française que sont l’élection présidentielle et les élections législatives.

De surcroît, les élections législatives auront une saveur toute particulière à l’étranger, puisque, pour la première fois, les 2, 3 millions de Français qui y sont établis se verront reconnaître une citoyenneté plus complète, avec la possibilité d’élire onze députés, depuis leur pays de résidence. Mais gare à la déception au goût particulièrement amer, si ces premières élections législatives devaient être un échec, faute d’avoir été organisées de manière irréprochable !

Or, nous partons déjà avec un gros handicap, inhérent aux moyens financiers notoirement insuffisants de notre réseau consulaire. La mise en place de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, n’a fait qu’exacerber le problème, en concourant davantage encore à une véritable « casse » du service public consulaire.

Ainsi, comme cela a déjà été souligné, il est parfaitement illusoire, dans ces conditions, d’espérer le déroulement de trois élections, soit cinq tours de scrutin, en deux mois, dans des conditions ne serait-ce que convenables. D’autant plus que la configuration même des circonscriptions électorales à l’étranger, pour la plupart proprement gigantesques, complique encore la tâche quant à l’acheminement du matériel électoral.

S’ajoute également le problème de l’abstention électorale, traditionnellement importante à l’étranger. Rappelons que, pour un Français établis hors de France, accomplir son devoir électoral pourra signifier effectuer des milliers de kilomètres à cinq reprises, entre mai et juin 2012. Or il est impensable que le taux de participation soit inférieur à 50 %, d’autant plus que nous avons bien à l’esprit que la création des députés des Français de l’étranger s’est faite à nombre constant : d’aucuns ne manqueront pas de nous le rappeler...

Ce constat établi, la nécessité d’une modification du calendrier électoral s’impose à tous. Reste que plusieurs solutions sont envisageables. Je serai très brève, car les trois possibilités ont déjà été largement évoquées devant cette assemblée. La plus raisonnable semble bien être celle qui nous est proposée aujourd’hui, à savoir la prorogation d’une année du mandat des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger.

En effet, le couplage des élections à l’Assemblée des Français de l’étranger avec les élections législatives, proposition de notre collègue Cointat, ne résout pas le problème de l’organisation matérielle des élections et n’est malheureusement pas un gage de plus grande participation aux élections des conseillers à l’AFE.

L’ultime proposition alternative consiste à repousser l’élection de deux années afin de faire coïncider les élections à l’AFE avec les élections des conseillers territoriaux de mars 2014. Elle semble d’emblée très pertinente au regard de notre souhait de création d’une « collectivité d’outre-frontière », mais le Conseil constitutionnel ne validerait peut-être pas une prorogation de mandat longue de deux années. En outre, cette concomitance de date ne serait que momentanée, puisque les mandats des deux assemblées sont de durée différente.

Cette solution permet cependant de mettre en lumière le déficit de représentation locale dont pâtit encore la communauté des Français établis hors de France, alors que, numériquement, elle équivaut, rappelons-le, à la population du dix-huitième département français. Certes, la prochaine représentation des Français établis hors de France à l’Assemblée nationale constitue une avancée précieuse, mais nous devons encore leur permettre de mieux faire entendre leur voix, notamment en développant la démocratie de proximité.

Les conseillers des Français de l’étranger effectuent un travail exceptionnel, mais leur parole n’est pas toujours écoutée comme elle devrait l’être et on « oublie » même parfois de les consulter – comme en témoigne, encore récemment, le projet de création de la nouvelle taxe sur les résidences secondaires –, alors qu’ils ont indéniablement la meilleure expertise concernant les sujets de préoccupation et les besoins de nos compatriotes expatriés.

L’Assemblée des Français de l’étranger doit devenir un organe délibérant, véritable collectivité publique des Français de l’étranger, qui s’administre librement, dispose de son budget et de compétences exclusives, notamment dans les domaines de l’éducation ou de l’action sociale. La réflexion sur cette réforme essentielle doit se poursuivre.

En tout état de cause, l’AFE a approuvé à la quasi-unanimité le report d’une année de son renouvellement et, pour notre part, nous voterons la proposition de loi de M. del Picchia.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et sur plusieurs travées de l’UMP. – M. Yves Détraigne applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, compte tenu du caractère consensuel de la proposition de loi tendant à proroger le mandat des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger, nous devrions achever son examen ce soir. En effet, cette proposition de loi a été largement approuvée par le Sénat, le 26 janvier dernier. À la quasi-unanimité, les députés l’ont adoptée à leur tour, le mois dernier. Je rappellerai aussi que l’Assemblée des Français de l’étranger avait admis le principe du report d’un an du renouvellement de ses membres.

Comme l’a indiqué M. le rapporteur, le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale s’est simplement enrichi d’une modification de coordination. Celle-ci consiste, vous le savez, mes chers collègues, à proroger d’un an le mandat des personnalités qualifiées désignées par le ministre des affaires étrangères. Il était en effet logique de rétablir la concomitance du renouvellement du mandat de ces personnalités et de celui des conseillers élus.

La commission des lois ayant entériné cette nouvelle rédaction qui ne modifie pas, quant au fond, la proposition de loi, le groupe RDSE la votera tout à l’heure, comme il l’a fait en première lecture.

En effet, nous souscrivons à l’objectif visé par l’auteur de ce texte. Cela a été dit, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a prévu que les quelque 2, 3 millions de Français vivant à l’étranger disposeront désormais d’une représentation spécifique à l’Assemblée nationale, à l’instar de celle qui existe depuis 1946 au Sénat – à cette date, il s’agissait plus exactement du Conseil de la République. L’élection de onze nouveaux députés est une bonne chose, car nos compatriotes sont chaque année toujours plus nombreux à partir vivre à l’étranger. Leurs intérêts seront ainsi mieux défendus, même si bien sûr, rappelons-le, le mandat parlementaire n’est pas impératif : nos collègues députés et sénateurs représentant les Français de l’étranger ont vocation à représenter la nation tout entière.

Comme vous le savez, mes chers collègues, cette innovation a pour conséquence de surcharger le calendrier électoral. L’année prochaine, les Français résidant à l’étranger devront se rendre aux urnes pour l’élection présidentielle et les élections législatives, mais aussi pour renouveler les conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger élus dans les circonscriptions d’Europe, d’Asie et Levant, soit la série B.

Notre collègue Robert del Picchia, auteur de la proposition de loi, a très justement soulevé, dans son exposé des motifs, les difficultés que pourrait engendrer cette concomitance.

D’une part, l’administration consulaire serait dans l’incapacité d’organiser de façon satisfaisante cinq tours de scrutins en l’espace de quelques semaines. Si les agents des postes consulaires et diplomatiques ont pu assurer simultanément deux scrutins en 1994, il n’est pas certain que cela pourrait être le cas aujourd’hui, notamment en raison des restrictions budgétaires qui affectent, depuis, les services publics de l’action extérieure de la France.

D’autre part, il serait juridiquement périlleux de maintenir le calendrier électoral en l’état, en raison de la diversité des règles relatives aux campagnes électorales. Les candidats briguant à la fois un mandat à l’Assemblée des Français de l’étranger et à l’Assemblée nationale pourraient puiser dans le régime propre à chacun des deux scrutins la règle la plus avantageuse, s’agissant en particulier de la propagande et du financement de la campagne.

C’est aussi la question de l’abstention qui a motivé le report du renouvellement des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger. Je partage cette préoccupation. On constate malheureusement que le taux de participation à l’élection des conseillers de cette assemblée est particulièrement faible

M. le ministre opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

En attendant, et afin de surmonter tous ces risques, nous pouvons sans crainte proroger le mandat des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger puisqu’il existe des précédents. À neuf reprises, le législateur a prolongé la durée de mandats électifs, sans pour autant déclencher les foudres des Sages.

Pour cela, il suffit de respecter les quelques principes qui se dégagent, sur le sujet, de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Notre collègue Jean-Jacques Hyest les a soulignés dans son rapport : l’augmentation de la durée du mandat ne doit pas être « manifestement inappropriée » à l’objectif désiré, elle doit être justifiée par un motif d’intérêt général et ne doit pas porter atteinte au droit des électeurs d’exercer leur droit de suffrage selon une « périodicité raisonnable ».

Ces conditions étant remplies, mes chers collègues, rien ne s’oppose à l’adoption de cette proposition de loi. Soucieux de contribuer à la clarification de l’échéancier électoral, le groupe RDSE votera ce texte.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

M. Robert del Picchia. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons, en deuxième lecture, une proposition de loi dont je suis l’auteur et dont je ne pensais pas, en la défendant une première fois devant vous, qu’elle mobiliserait une nouvelle fois votre temps. Je n’y suis pour rien mais, l’Assemblée nationale l’ayant modifiée, nous devons de nouveau l’examiner.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Je remercie donc le groupe UMP d’avoir bien voulu trouver une place dans l’ordre du jour afin de nous permettre de voter définitivement ce texte simple, évident et néanmoins important, comme l’ont montré le ministre, le rapporteur et les orateurs qui sont intervenus jusqu’à présent.

Je ne m’attarderai pas à évoquer une nouvelle fois la nécessité d’éviter, en 2012, un « bug électoral » en déplaçant les élections locales des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger.

Les députés ont été d’accord avec nous puisqu’ils ont adopté la prorogation de ces mandats d’une année ; nous pouvons nous en féliciter. Toutefois, mes chers collègues, je ne puis m’empêcher de regretter cette deuxième lecture, car elle ne me semblait pas indispensable.

Il a été reproché à notre texte de ne pas prendre en considération le renouvellement partiel des personnalités qualifiées membres de l’Assemblée des Français de l’étranger, assemblée d’élus au suffrage universel direct. Il est d'ailleurs permis de s’interroger sur la présence de personnalités qualifiées désignées au sein d’une assemblée élue au suffrage universel direct, introduite par la loi du 7 juin 1982 relative à l’Assemblée des Français de l’étranger.

Le quatrième alinéa de l’article 1er de la loi précitée prévoit cependant que la désignation de ces personnalités, qui intervient normalement tous les trois ans, est faite par le ministre des affaires étrangères « lors de chaque renouvellement de l’Assemblée des Français de l’étranger ».

Dès lors que le renouvellement de l’Assemblée des Français de l’étranger, qui intervient également partiellement tous les trois ans, était reporté, la désignation de ces personnalités l’était de facto aussi. Selon nous, il n’y avait donc pas de problème.

Toutefois, les députés ont voulu le préciser. Pourquoi pas ? Cette situation plaide justement en faveur de l’existence de députés représentant les Français de l’étranger. En effet, s’il y avait eu de tels députés, ils auraient pu, grâce à une parfaite connaissance de la loi de 1982, alerter leurs collègues et leur dire qu’il n’était pas utile de modifier le texte. Un lobby quelconque demandant que cette précision figure dans le texte est vraisemblablement à l’origine de cette deuxième lecture. Quoi qu’il en soit, nous respectons l’Assemblée nationale dans cette maison et nous adopterons cette modification.

Le plus important, c’est le vote conforme de ce texte de bon sens, comme l’ont souligné l’ensemble des intervenants. Sans plus attendre, mes chers collègues, je vous remercie de nous aider dans notre tâche en adoptant cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Duvernois

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est de bon ton, dans les milieux politiques et administratifs, de souligner, au gré des circonstances, l’apport indéniable à la vie nationale française des communautés françaises établies hors de France.

Ces déclarations ne sont certes pas toujours suivies d’effets, car elles obéissent souvent à des formules convenues, déconnectées du ressenti spécifique des quelque 2, 3 millions de Français de l’étranger installés sur les cinq continents, une population équivalant à celle des Bouches-du-Rhône ou des départements d’outre-mer.

La proposition de loi tendant à proroger le mandat des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger, que nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture, initiée par notre collègue Robert del Picchia, soutenue à l’unanimité par les sénatrices et les sénateurs représentant les Français établis hors de France, est aussi l’occasion de rappeler dans cet hémicycle l’importance croissante d’une présence française à l’étranger dans un contexte de mondialisation.

Cette proposition de loi sénatoriale a été conçue afin de résoudre les difficultés d’un calendrier électoral chargé en 2012. Elle tend à reporter, de juin 2012 à juin 2013, le renouvellement des conseillers de la zone B – Europe, Asie et Levant – élus en janvier 2006. Cela n’aura par ailleurs aucune conséquence – il est utile de le rappeler – sur le renouvellement sénatorial qui aura lieu en 2014. En vue de préserver le renouvellement triennal des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger, collège électoral pour l’élection des sénateurs établis hors de France, le mandat des conseillers de la zone A – Amérique et Afrique – serait également prorogé d’un an.

Tel est donc l’esprit et la finalité de cette proposition de loi qui, d’une manière concrète, permettra d’éviter ce que l’on pourrait appeler un « bug électoral » en 2012, en raison d’un trop grand nombre de scrutins, tenus précisément entre le 22 avril et le 17 juin, élection présidentielle tout d’abord suivie des élections législatives qui verront l’arrivée, pour la première fois, de onze nouveaux députés des Français établis hors de France.

Le paysage électoral sera le suivant : deux élections nationales à deux tours, hors du territoire national, au suffrage universel direct, dont l’organisation administrative est pilotée par la direction des Français de l’étranger et de l’administration consulaire au ministère des affaires étrangères et européennes.

L’organisation dans nos postes diplomatiques et consulaires du renouvellement partiel des conseillers à l’AFE élus pour six ans relève déjà d’une ingénierie administrative lourde et coûteuse pour la puissance publique. Il est aisé d’imaginer les difficultés suscitées par l’ouverture de 734 bureaux de vote décentralisés et sécurisés dans des circonscriptions électorales couvrant souvent plusieurs pays.

En 2012, après la réforme constitutionnelle de 2008, l’importance ainsi reconnue des communautés françaises expatriées et l’établissement d’une représentation démocratique dans les deux assemblées parlementaires alourdissent cependant le calendrier du renouvellement électoral des conseillers à l’AFE de la zone B, par l’ajout d’un cinquième scrutin en juin 2012.

Nous devons comprendre que nos compatriotes à l’étranger ne vivent pas dans un contexte géographique comparable à celui que l’on connaît en France pour l’organisation et la tenue de bureaux de vote. Si nous voulons, et c’est un objectif partagé, que les Français de l’étranger, Français à part entière, puissent se prévaloir, et dans les meilleures conditions, de leurs droits citoyens, nous ne pouvons leur imposer cinq scrutins consécutifs en moins de deux mois.

Les frais importants générés par les distances parfois énormes entre le lieu de résidence et le bureau de vote, à la charge de l’électeur, en dépit du maintien du vote par correspondance et de l’ajout du vote par Internet – une première en l’occurrence pour l’élection de députés –, nous conduisent à proposer de reporter d’un an, c’est-à-dire en 2013, le renouvellement triennal prévu en 2012 à l’AFE.

L’élection de onze nouveaux députés des Français de l’étranger, aux côtés désormais de douze sénateurs des Français établis hors de France, est une perspective que la représentation nationale au Sénat doit d’ores et déjà intégrer dans sa réflexion, eu égard aux projets et propositions de loi que nous serons appelés à examiner et à adopter, en particulier concernant les Français de l’étranger.

L’occasion est propice pour dire et même redire dans cet hémicycle qu’un grand pays comme le nôtre doit saisir l’apport pour le Parlement de la participation démocratique d’une composante de la nation établie hors du territoire national, fidèle à son origine et qui contribue largement à l’essor multiforme de notre pays.

Ce sera en outre l’occasion à terme et pour certains de constater que les Français de l’étranger ne sont, pour l’immense majorité d’entre eux, ni des exilés fiscaux, ni, parfois, des doubles nationaux profiteurs. Ce sont, comme je l’ai dernièrement écrit dans le magazine des anciens élèves de l’École nationale d’administration, des acteurs de proximité, de développement et d’influence, toutes qualités au service de la France.

Les Français de l’étranger, parce que leur nombre augmente régulièrement, parce qu’ils sont confrontés durablement au devoir d’initiative, à l’exigence de créativité, à la nécessité du plurilinguisme, à la concurrence, sont déjà au cœur de la globalisation des échanges.

Cette proposition de loi, mes chers collègues, nous devons la voter car elle nous permettra, dans ce contexte, de créer les conditions d’une meilleure participation électorale à l’étranger en confortant la représentation des communautés françaises expatriées auprès des institutions de la République.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Sur ces articles, je ne suis saisie d’aucun amendement ni d’aucune demande de parole.

(Non modifié)

Le renouvellement de la série B (Europe, Asie et Levant) des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger prévu en juin 2012 se déroulera en juin 2013.

Les membres de l’Assemblée des Français de l’étranger nommés en application du dernier alinéa de l’article 1er de la loi n° 82–471 du 7 juin 1982 relative à l’Assemblée des Français de l’étranger dont le renouvellement est prévu en juin 2012 seront renouvelés en juin 2013.

L’article 1 er est adopté.

(Non modifié)

Le renouvellement de la série A (Afrique, Amérique) des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger prévu en juin 2015 se déroulera en juin 2016.

Les membres de l’Assemblée des Français de l’étranger nommés en application du dernier alinéa de l’article 1er de la loi n° 82–471 du 7 juin 1982 précitée dont le renouvellement est prévu en juin 2015 seront renouvelés en juin 2016. –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

Je constate que la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe UMP, la discussion de la proposition de loi relative à la protection de l’identité, présentée par MM. Jean-René Lecerf et Michel Houel (proposition n° 682 [2009-2010], texte de la commission n° 433, rapport n° 432).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-René Lecerf, auteur de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi relative à la protection de l’identité, que je présente avec mon collègue Michel Houel, fait suite aux travaux menés au nom de la commission des lois en 2005 par la mission d’information sur la nouvelle génération de documents d’identité et la fraude documentaire, mission que présidait notre collègue Charles Guené et dont j’étais le rapporteur.

Six ans plus tard, force est de constater que le temps s’est en quelque sorte arrêté et que les multiples réflexions engagées par les gouvernements successifs en vue de la mise en place d’une carte d’identité biométrique n’ont jamais abouti au dépôt d’un projet de loi devant le Parlement.

Pourtant, dès 2001, avec le projet de création d’un « titre fondateur d’identité », puis, dès 2003, avec le projet INES, pour Identité nationale électronique sécurisée, semblait se dégager un vaste consensus pour tirer parti des possibilités de haute sécurisation de l’identité ouvertes par la biométrie et la constitution d’un fichier central d’identité, et facilitées par l’excellence dans ce domaine de la technologie et des entreprises françaises.

J’ai souvenir que Charles Guené et moi-même avions quelque peu précipité la publication du rapport de la mission d’information, de peur d’être devancés par le dépôt, que l’on annonçait imminent, d’un projet de loi en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Une consultation publique organisée par le Forum des droits sur l’internet avait d’ailleurs montré la large confiance de l’opinion dans ces avancées technologiques, même si les préoccupations de respect des libertés s’étaient également exprimées chez les initiés. Selon un sondage réalisé par l’institut IPSOS en mai 2005, les personnes interrogées s’étaient déclarées favorables à 74 % à la création d’une carte nationale d’identité électronique comportant des données personnelles numérisées, telles que les empreintes digitales, la photographie ou l’iris de l’œil, et à 75 % à la constitution d’un fichier informatique national des empreintes digitales, tandis qu’elles étaient 69 % à estimer que la future carte nationale d’identité électronique devrait être obligatoire pour garantir une réelle diminution des fraudes.

Depuis, nous avons assisté à la création du passeport biométrique, destinée à répondre aux engagements européens de la France et aux exigences des États-Unis. Mais, sur la carte d’identité, nous avons été rattrapés, puis distancés par de nombreux États, dont nombre de nos voisins et amis, au risque de remettre en cause le leadership de notre industrie, qui découvrait alors la pertinence du proverbe selon lequel nul n’est prophète en son pays.

Il est également à noter que, si le Sénat et le Parlement sont aujourd’hui saisis de ce dossier, c’est dans le cadre d’une proposition de loi et d’une niche parlementaire, et dans des contraintes de temps particulièrement sévères, ce qui a d’ailleurs amené le report de la discussion – ultime incident ! – du 27 avril à aujourd’hui.

Pourtant, l’usurpation d’identité se développe de manière particulièrement inquiétante. Je ne reviendrai pas sur les controverses relatives à l’ampleur de la fraude, notre excellent rapporteur François Pillet ayant réalisé le point le plus précis possible sur cette question en l’état de nos connaissances statistiques. Sans doute le nombre de 200 000 victimes par an issu d’une étude de juin 2009 du CREDOC, le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, nombre que j’ai repris dans l’exposé des motifs de la proposition de loi, se révèle-t-il exagéré et en tout cas peu fiable. Mais force est de reconnaître l’extrême facilité de cette usurpation d’identité : selon la même étude, on trouverait dans une poubelle sur dix des ménages français toutes les informations nécessaires à la réalisation de cette infraction aussi rentable pour ses instigateurs que traumatisante pour ses victimes ; cela ne laisse donc aucune illusion sur son développement exponentiel dans les années à venir si nous ne nous préoccupons pas, enfin, de lutter efficacement contre de telles dérives.

J’ajoute que l’unanimité se reconstitue immédiatement lorsqu’on évoque les conséquences de cette forme redoutable de délinquance pour les victimes.

S’il ne s’agissait que de créer une fausse identité et d’inventer un nom imaginaire, c’est la collectivité publique prise dans son ensemble qui en paierait le coût. Mais s’il s’agit de voler l’identité de monsieur X ou de madame Y, c’est dans un véritable enfer que sont précipités les concitoyens concernés.

La victime peut se voir opposer un refus de délivrance de tout titre d’identité ou de voyage, subir d’énormes préjudices financiers en raison, par exemple, de multiples emprunts contractés en son nom, découvrir, alors qu’elle souhaite se marier, que c’est impossible parce qu’elle l’est déjà, être poursuivie, voire condamnée, pour des infractions commises par l’usurpateur, perdre son emploi pour une inscription indue au casier judiciaire, et ainsi de suite.

Le vol de sa personnalité, de soi-même, est, à mon sens, le pire vol dont on puisse être victime, avec l’extrême difficulté de prouver sa bonne foi aux autorités comme aux huissiers.

Les conséquences de cette usurpation d’identité sont dramatiques pour les victimes, dont certaines ne voient que dans le suicide le moyen d’échapper à cet univers kafkaïen. Elles peuvent aussi être redoutables pour la sécurité de chacun d’entre nous, quand on sait que des identités usurpées ont permis à leurs nouveaux titulaires de franchir tous les barrages censés permettre de contrôler la totale fiabilité de ceux qui travaillent, par exemple, à proximité immédiate des avions.

Équiper la carte nationale d’identité de puces électroniques sécurisées qui contiendront des données biométriques numérisées permettra de s’assurer sans doute possible de l’identité de la personne et de l’unicité de cette identité. Les impératifs de liberté et de sécurité me paraissent se rejoindre dans cette initiative, en même temps que s’ouvrent bien d’autres possibilités de nature à faciliter la solution d’un certain nombre de problèmes liés à la vie quotidienne ou à des événements exceptionnels. Je fais ici allusion à la possibilité d’identifier des personnes désorientées, des enfants fugueurs ou perdus, des personnes décédées dans une catastrophe accidentelle ou naturelle. Sans doute convient-il aussi de s’interroger sur l’utilisation qui pourrait être faite des potentialités de ces innovations dans le cadre d’enquêtes judiciaires.

Mais nous touchons ici, mes chers collègues, la question la plus sensible, celle de la mise en place d’une base centrale des titres d’identité et des finalités assignées à ce fichier. Faut-il aller jusqu’à permettre d’obtenir une identité à partir d’une empreinte grâce à un fichier général ? Comment assurer, dans ce cas, la conciliation nécessaire entre la sécurité et les libertés ? Peut-on se satisfaire des garanties juridiques qu’offrent le respect de la loi Informatique et libertés, l’autorisation d’accès au fichier délivrée par un magistrat, la traçabilité intégrale de tous les accès, la sanction à l’égard de ceux qui auraient excédé leurs pouvoirs ? Ou convient-il, en outre, de multiplier les garanties techniques, comme celle qu’apporte le système à liens faibles ?

L’on voit bien que tout ce que l’on gagnera d’un côté sera perdu de l’autre, en fonction du positionnement du curseur. C’est en tout cas de la seule compétence du législateur de clarifier à la fois les usages que celui-ci souhaite donner à cette nouvelle génération de carte nationale d’identité et les garanties tant techniques que juridiques dont il veut s’entourer. Le bilan coût-avantages, la proportionnalité des usages nécessaires ou simplement utiles au regard des risques d’atteinte aux libertés ou à la vie privée exigent que nous formulions dans la plus grande transparence nos attentes comme nos objectifs.

Cette proposition de loi vient également rappeler que la protection, je dirais même la sanctuarisation de l’identité, doit demeurer une compétence à part entière de l’État et qu’il est pour cela nécessaire que les documents d’identité que ce dernier délivre engendrent la confiance la plus totale et permettent de démasquer les fraudeurs.

En outre, la proposition de loi prévoit, si son titulaire le souhaite, de doter la carte d’un second composant électronique propre à lui permettre de s’identifier à distance sur les réseaux de communications électroniques et à mettre en œuvre sa signature électronique.

Ainsi que Michel Houel et moi-même le rappelons dans l’exposé des motifs, dans le monde virtuel d’Internet, on évaluait en 2009 en France à 400 000 le nombre de cette autre forme d’usurpation d’identité.

Enfin, la proposition de loi se préoccupe de la sécurisation de la procédure de délivrance des titres d’identité et de voyage, apportant ainsi une réponse au développement des fraudes aux documents d’état civil. Une telle évolution se révèle indispensable, même si l’identité biométrique, en interdisant les identités multiples, devrait permettre de confondre, mais à terme, cette catégorie de fraudeurs.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2005, je notais en conclusion du rapport de la mission d’information présidée par Charles Guené les deux réflexions qui avaient guidé notre travail. Je vous les livre de nouveau aujourd'hui : « D’une part, la sécurisation de l’identité n’est pas antinomique de la sauvegarde des libertés. Protéger l’identité d’un individu, c’est protéger les droits attachés à sa personne, que ce soit le droit de propriété ou la liberté d’aller et venir. Protéger l’identité, c’est aussi sécuriser les relations contractuelles. Si le système d’identité est altéré, les conditions de la confiance ne sont plus réunies de la même façon que la fausse monnaie porte atteinte à la confiance dans le système monétaire.

« D’autre part, il faut se garder de sacrifier la liberté au nom de la sécurité et rester conscient qu’un système parfait n’existe pas. L’objectif raisonnable que les autorités publiques doivent se fixer est de contenir la fraude dans ses proportions acceptables en évitant les solutions excessives qui pourraient conduire à transformer un système d’identité en un système de contrôle et de police. » De là à invoquer, comme certains interlocuteurs de la mission, hier, ou certains interlocuteurs du rapporteur de cette proposition de loi, aujourd'hui, au nom de la période de l’Occupation, un droit à la dissimulation d’identité, il y a un pas qui reste difficilement franchissable.

Je précisais à l’époque : « Les progrès technologiques ne doivent pas être redoutés mais utilisés afin que le renforcement de la sécurité et la protection des libertés se soutiennent mutuellement. »

En 2005, nous avions choisi d’intituler le rapport de la mission d’information Identité intelligente et respect des libertés. C’est à cette nécessaire et féconde complémentarité qu’il nous faut désormais continuer à travailler !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mme Virginie Klès et M. Bernard Frimat applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi, qui est présentée par Jean-René Lecerf et Michel Houel, a pour objet de renforcer les moyens de lutte contre les fraudes à l’identité et, en corollaire, de simplifier la vie quotidienne de nos concitoyens en leur permettant de prouver aisément leur identité dans leurs démarches de la vie courante.

La fraude à l’identité se développe au travers de nombreux modes opératoires. J’en citerai quelques exemples : le vol d’un document authentique vierge qui est personnalisé par la suite, l’usage frauduleux du document d’un tiers emprunté ou volé à ce dernier, la reproduction totale d’un document authentique, ou encore l’obtention frauduleuse d’un document authentique qui devient alors un « vrai faux document d’identité ».

Même si la réalité n’est pas mesurable, comme vient de le souligner notre collègue Jean-René Lecerf, à l’aune de l’étude publiée en juin 2009 par le CREDOC, qui faisait état de 210 000 usurpations d’identité par an, l’ampleur de cette fraude est un phénomène d’une importance indéniable. En effet, l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, comptabilisant les infractions constatées par les différents services impliqués, a noté, en 2009, 13 900 fraudes documentaires et à l’identité. Ces chiffres sont d’ailleurs confortés par la Direction des affaires criminelles et des grâces qui recensait, en 2009, 11 621 condamnations pour les infractions correspondant à la fraude documentaire à l’identité et au délit de recel qui peut y être associé.

S’il existait, en 2009, environ 45 millions de cartes d’identité et 15 millions de passeports en circulation, ce sont 351 000 cartes d’identité qui ont été déclarées perdues ou volées et pratiquement 89 000 passeports.

Même en l’absence de statistiques précises, nécessaires pour mener une étude très affinée de la fraude à l’identité, nul ne saurait contester le bien-fondé de l’initiative prise par Jean-René Lecerf et Michel Houel.

Les conséquences de ces infractions sont incontestablement graves pour l’État : je pense à la fraude aux prestations sociales et aux services fiscaux, mais aussi aux escroqueries financières et à la fraude aux moyens de paiement dont sont victimes les opérateurs économiques. Je pense, enfin, aux particuliers, comme cela a été parfaitement souligné par Jean-René Lecerf. Le préjudice qu’ils subissent peut être limité lorsque, par exemple, la fraude ayant été constatée, l’établissement de crédit a remboursé la personne lésée par le débit frauduleux, mais il peut être beaucoup plus grave, notamment lorsque l’usurpation d’identité est totale, et avoir des conséquences dramatiques sur l’état civil et la vie privée de la victime.

Le législateur a déjà réagi en réprimant la fraude à l’identité à travers plusieurs types d’infractions différentes, soit à titre autonome, soit comme un élément constitutif de ces infractions. Tel est le cas pour l’escroquerie, l’usage d’un faux nom étant un élément constitutif de cette infraction.

Récemment, alerté par l’ampleur des phénomènes, lors de l’adoption de la loi du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, la LOPPSI, vous avez créé, monsieur le ministre, une infraction propre à l’usurpation de l’identité, figurant désormais à l’article 434–23 du code pénal.

M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, opine.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Le code de la route, le code de procédure pénale, le code pénal, le code des transports comprennent différentes mesures portant répression des infractions ayant généralement trait à la fourniture d’identités imaginaires ou à l’usurpation d’identité.

Au terme de la mission d’information sur la nouvelle génération de documents d’identité et la fraude documentaire, Jean-René Lecerf avait observé la défaillance de certains maillons de la chaîne de l’identité profitant à la fraude documentaire.

Ce constat impose donc de passer à un niveau supérieur de sécurisation de l’identité par l’utilisation des technologies biométriques et la constitution d’un fichier central.

L’utilisation de la biométrie déjà mise en œuvre dans le cadre du passeport ne pose pas de difficultés particulières ni sur le plan éthique ni sur le plan juridique.

Pour s’assurer de l’identité d’une personne, la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, considère d’ailleurs comme légitime le recours à des dispositifs de reconnaissance biométrique dès lors que les données de ce type sont conservées sur un support dont la personne a l’usage exclusif.

Plus délicate est la question relative à la légitimité de la constitution d’un fichier centralisant les données biométriques.

Si, en raison de leur caractère personnel unique, l’accès à ces données doit susciter une attention accrue, la constitution d’une base centralisatrice des informations contenues dans les cartes nationales d’identité est, par ailleurs, nécessaire pour que l’objectif protecteur de la loi puisse être atteint.

L’ampleur de cette base qui pourrait, si elle avait existé depuis des années, contenir actuellement 45 millions d’individus, doit donc décupler notre vigilance.

En effet, aucun fichier de ce type et de cette dimension n’existe actuellement. Il constitue, de ce fait, je dirais « le fichier des gens honnêtes ». Cela légitime au plus haut point le fait que la conciliation entre les objectifs de la loi, la protection de la liberté individuelle et le respect de la vie privée ont conduit la commission des lois à ne pas se satisfaire des garanties juridiques qui encadrent habituellement la consultation des fichiers.

Afin d’éviter toute contestation relative au risque que des utilisations accessoires du fichier pourraient présenter, des garanties matérielles rendront techniquement impossible un usage du fichier différent de celui qui a été originellement prévu. Ce faisant, est ainsi assuré le respect de la proportionnalité entre les objectifs poursuivis par la loi, les moyens développés pour les obtenir et les atteintes éventuellement portées aux libertés individuelles.

Dans le rapport de la mission d’information sur la nouvelle génération de documents d’identité et la fraude documentaire, rédigé en 2005, Jean-René Lecerf soulignait déjà que « la technologie permet de constituer un fichier central des données biométriques garantissant l’unicité de l’identité lors de la délivrance d’un titre sans rendre possible l’utilisation de ce fichier à d’autres fins telle que l’identification ».

Ce dispositif utilise la technologie des bases dites à « liens faibles ».

Il s’agit, en fait, d’une technique qui exclut la possibilité de retrouver une identité sur la base d’un seul élément recueilli lors de l’établissement d’une carte nationale d’identité, en particulier les empreintes ou le visage.

Ce système, qui rend impossible l’identification d’une personne à partir d’une donnée biométrique, permet en revanche la détection de la fraude à l’identité par la mise en relation de l’identité alléguée et celle des empreintes du demandeur de titre.

Je citerai une nouvelle fois notre collègue Jean-René Lecerf qui, dans le rapport que j’évoquais précédemment, écrit qu’une assurance quasi complète est donnée sur l’unicité de l’identité et que celle-ci dissuadera les fraudeurs.

Ce système des « liens faibles » ne pouvant faire l’objet d’une reconfiguration, la base ainsi créée permet d’écarter toute inquiétude quant à son utilisation pour un autre objectif que celui que cherchent à atteindre les auteurs de la proposition de loi.

Souhaitant encore élargir les garanties essentielles qui sont expressément organisées à l’article 5 de ce texte, il est prévu que la base centrale ne sera pas utilisée systématiquement pour authentifier l’identité du détenteur du titre et que la traçabilité des consultations et des modifications effectuées par les personnes ayant accès à ce fichier sera assurée.

Selon les auteurs de la proposition et la commission des lois, la nouvelle carte nationale d’identité ainsi créée, dans un environnement juridique et matériel particulièrement protégé, pouvait fort opportunément être porteuse d’une seconde « puce » permettant l’identification de la personne concernée sur les réseaux de communication électronique et l’identification de la signature électronique.

Cette fonctionnalité, qui reste purement optionnelle, met en place un dispositif qui apporte aux commerces et à l’administration électronique plus de sécurité.

Constatant que l’utilisation de services en ligne ne nécessite pas systématiquement l’identification précise des personnes et, en toute hypothèse, la communication de l’ensemble des données contenues dans la carte, le texte soumis à votre approbation prévoit que, à chaque utilisation de la carte, son titulaire reste maître des données personnelles qu’il accepte de transmettre par voie électronique.

La carte d’identité ne devenant pas obligatoire, ni a fortiori son dispositif optionnel, la commission des lois a interdit que l’accès aux transactions aux services en ligne puisse être conditionné à l’utilisation de la fonctionnalité d’identification électronique de la carte.

La proposition de loi prévoit diverses mesures concernant le contrôle initial des données d’état civil apportées par le demandeur du titre. Elle autorise les administrations publiques et certains opérateurs économiques à consulter le fichier central pour s’assurer de la validité ou non du titre qui est présenté, à l’image du fichier national des chèques irréguliers applicable aux chèques volés et perdus.

Enfin, la nature et la portée des droits afférents à la protection des impératifs publics et privés ont légitimé l’adaptation de dispositions d’ordre pénal.

Telle est, synthétiquement présentée, l’ossature de la proposition de loi sur laquelle nous allons nous prononcer.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M Bernard Frimat applaudit également.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, avant de me prononcer sur le fond quant à la proposition de loi relative à la protection de l’identité que le rapporteur vient de nous présenter, avec autant de précision que de clarté, je tiens à saluer la qualité du travail effectué sur ce texte par votre Haute Assemblée et par votre commission des lois. Je veux féliciter et remercier les auteurs de la proposition de loi, MM. Jean-René Lecerf et Michel Houel.

La proposition soumise à discussion constituera une loi importante, qui rendra aux usagers un service plus efficace et plus sûr. Plus efficace, car plus simple et plus proche. Plus sûr, car il doit permettre de lutter contre un fléau lancinant, je veux parler de l’usurpation d’identité.

L’usurpation d’identité, je commencerai par là, n’est pas un phénomène anecdotique.

Les intervenants précédents ont cité des chiffres issus d’estimations du CREDOC. Je rappellerai simplement que l’estimation de quelque 200 000 usurpations par an, sans doute excessive, représenterait plus que les cambriolages à domicile, au nombre de 150 000, et plus que les vols d’automobiles, qui s’élèvent à 130 000.

Récemment, lors d’une visite que je faisais en compagnie du Premier ministre au laboratoire de la police technique et scientifique d’Écully, j’ai appris que, tout à fait par hasard, simplement au titre d’enquêtes n’ayant rien à voir avec les usurpations d’identité, on trouvait, bon an mal an, de 20 000 à 25 000 usurpations d’identité. C’est là une donnée certaine.

L’usurpation d’identité représente, en outre, un coût économique de plusieurs centaines de millions d’euros pour les particuliers, les assurances et les caisses d’assurance sociales ou de chômage.

Elle constitue surtout, cela a été souligné, un traumatisme moral et financier aux conséquences parfois graves et longues pour les victimes.

Cependant, nous le savons, l’usurpation d’identité n’est pas une fatalité : nous avons aujourd’hui les moyens de lutter efficacement contre ce fléau. Depuis deux ans, plus de 5 millions de passeports biométriques ont été délivrés dans notre pays à l’entière satisfaction des Français. Conforme à nos engagements européens, délivré plus rapidement, le passeport biométrique est surtout beaucoup plus sûr : l’an dernier, les fraudes au passeport ont baissé de plus de 50 %.

Ces progrès peuvent et doivent aujourd’hui profiter à la carte nationale d’identité. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement soutient la proposition de loi que nous discutons.

En effet, voter ce texte, c’est d’abord répondre aux attentes de nos concitoyens, et M. Lecerf a cité celles qui étaient déjà présentes en 2005. C’est ensuite nous mettre à l’unisson de nos partenaires européens, puisque dix d’entre eux, dont plusieurs de nos voisins immédiats comme la Belgique, l’Italie, l’Espagne et l’Allemagne, ont déjà adopté ce système, alors même que la technologie de la carte à puce est un domaine d’excellence français. C’est aussi entrer dans la modernité en permettant à nos concitoyens d’accéder, via la seconde puce facultative, à de nouveaux services. C’est, enfin, permettre une utilisation plus sûre d’Internet à une époque où le développement très dynamique des échanges par ce mode de communication fait croître chaque jour le risque d’usurpation ou de fraude, notamment à caractère financier.

Dans le respect des libertés publiques, notre objectif est d’assurer la protection de l’identité de nos concitoyens.

À cet égard, je pense d’abord aux victimes. L’usurpation d’identité porte de multiples et graves atteintes à la vie quotidienne des hommes et des femmes qui en sont victimes.

Il s’agit tout d’abord d’atteintes économiques, puisque l’usurpateur peut se prévaloir de l’identité volée dans sa vie quotidienne pour ouvrir un compte bancaire, effectuer des achats ou des investissements plus ou moins importants, voire pour contracter des dettes, autant de dépenses qui pèsent ensuite sur sa victime.

Il s’agit également d’atteintes aux droits sociaux, puisque l’usurpateur peut se prévaloir de l’identité volée dans la vie administrative pour percevoir des prestations sociales ou liquider des droits à la retraite au détriment de sa victime.

Il s’agit ensuite d’atteintes aux droits politiques, puisque l’usurpateur peut se prévaloir de l’identité volée dans la vie civile et publique pour, par exemple, s’inscrire sur les listes électorales et voter.

Il s’agit en outre d’atteintes à la liberté même, puisque l’usurpateur peut se prévaloir de l’identité volée pour commettre des infractions, reportant sur sa victime le poids des peines éventuellement prononcées.

Il s’agit enfin d’atteintes à tout projet d’avenir, puisque les autorités ne parviennent parfois à distinguer la victime de l’usurpateur qu’au terme de longues enquêtes pendant lesquelles aucun document ne peut être délivré à aucune des parties. Privée de carte d’identité ou de passeport, mais aussi, par exemple, mise dans l’incapacité de s’inscrire à Pôle emploi, de louer un appartement ou d’inscrire ses enfants à l’école, la victime se retrouve paralysée, tant dans sa vie quotidienne que dans ses projets à court et moyen termes.

Le passage à la carte d’identité électronique permettra de mettre un terme à ces situations aussi injustes que pesantes pour les victimes.

Ce que vous proposez aujourd’hui avec ce texte relatif à la protection de l’identité, messieurs Jean-René Lecerf et Michel Houel, ce sont des solutions.

Qu’est-ce donc que la carte nationale d’identité électronique ?

Toujours gratuite et facultative, cette carte sera équipée de deux composants électroniques, comme l’a fort bien dit M. le rapporteur : une puce régalienne contenant les données d’identité et les données biométriques relatives au titulaire de la carte, authentifiée grâce à leur enregistrement sur une base centrale ; une puce de services dématérialisés, facultative, permettant de réaliser les signatures électroniques sur Internet.

Cette nouvelle carte électronique présente une double sécurité contre l’usurpation ou la falsification d’identité.

La première sécurité consiste, naturellement, dans l’enregistrement des données biométriques, qui permet l’identification à coup sûr d’une personne.

La seconde sécurité tient à la mise en œuvre d’une base unique et centralisée pour recenser, confronter et vérifier les informations. Ce texte va permettre d’identifier avec certitude les demandeurs de titres en confrontant leurs empreintes avec toutes celles qui ont été précédemment enregistrées dans la base TES, pour Titres électroniques sécurisés, déjà utilisée pour les passeports.

Grâce à ce système de contrôle, nous serons donc en mesure de lutter contre les falsifications de titres, puisqu’il sera possible de vérifier la concordance des données inscrites sur le titre avec celles qui sont enregistrées sur la base, de lutter contre la délivrance de plusieurs cartes différentes à une même personne, et de prévenir toute tentative d’usurpation d’identité en rendant impossible, par les vérifications systématiquement opérées, l’enregistrement de la demande du fraudeur.

Fondée sur une logique de protection de nos concitoyens, l’adoption de la carte d’identité électronique prévoit toutes les garanties nécessaires en termes de libertés publiques.

La proposition de loi inscrit la France dans une démarche adoptée par plusieurs pays européens. La sécurisation accrue des titres de voyage et d’identité, engagée depuis plusieurs années sur le plan international, est d’ores et déjà une réalité avec le passeport électronique.

Comme dans la plupart des pays d’Europe, la carte d’identité électronique parachève cette évolution.

Elle est une réalité en Europe, avec différents modes d’organisation : obligatoire dans certains pays, comme la Belgique, l’Allemagne, l’Espagne, les Pays-Bas, la Pologne ; avec une base centrale et biométrique aux Pays-Bas, en Finlande, en Pologne ou en Espagne ; avec une signature électronique possible dans presque tous les pays. Pour la France, cependant, nous réaffirmons le caractère facultatif de la possession d’un titre d’identité ou de voyage, tout en offrant l’accès à des titres à la fiabilité accrue afin de garantir l’identification.

À l’heure actuelle, les modalités de consultation des données à caractère personnel conservées dans la base TES, mais aussi dans la base « fichier national de gestion », FNG, des cartes nationales d’identité, sont déjà encadrées par décret.

La base TES, commune aux passeports et cartes d’identité, a fait l’objet d’un décret examiné en Conseil d’État et a déjà incorporé dans sa construction les préconisations de la CNIL quant à l’accès aux données conservées.

Elle comporte des garanties juridiques : en effet, un système de traçabilité hautement sécurisé a été mis en place, et l’accès aux informations et données se réalise grâce à des cartes à puce individuelles permettant de s’identifier. De plus, l’ensemble des accès est « tracé », afin de vérifier que l’usage des données est conforme aux finalités du traitement prévu par la loi, c’est-à-dire limité aux cas où il existe un doute sérieux sur l’identité de la personne.

Elle comporte aussi des garanties techniques, puisque les données à caractère personnel sont conservées dans des bases de données segmentées : état civil, d’un côté ; photographies d’identité, de l’autre ; empreintes digitales, dans une troisième partie.

Elle comporte, en outre, des garanties de sécurité : le système est prévu pour éviter toute intrusion malveillante, et il existe un chiffrement systématique des données transmises.

Enfin, la CNIL est appelée à effectuer des contrôles sur place, ce qu’elle a déjà fait s’agissant de la base TES pour le passeport biométrique en février 2010.

Concrètement, l’accès à la base TES sera restreint à seulement trois catégories de personnes, juridiquement habilitées et utilisant une « carte agent » afin d’assurer la traçabilité de toutes les opérations qu’elles effectueront sur la base. Il s’agit des agents qui mettent techniquement en œuvre la base, c’est-à-dire ceux de l’Agence nationale des titres sécurisés, l’ANTS, des agents chargés de l’instruction des demandes de délivrance des titres au ministère de l’intérieur et au ministère des affaires étrangères, et, en application de la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, des agents des services de sécurité chargés de la lutte antiterroriste. Ce dernier point fera l’objet d’un amendement gouvernemental de coordination.

J’ajoute que, comme aujourd’hui, les données conservées dans la base TES seront communicables dans le cadre des procédures légales prévues, notamment, par le code de procédure pénale, comme il en va déjà pour les autres bases.

Je souhaite le dire toute de suite : l’adoption en commission d’un amendement qui limite les capacités techniques de la base centrale, en ne permettant aucun lien univoque entre les données d’état civil et les éléments biométriques, me semble poser une grave et sérieuse question de cohérence ; c’est la raison pour laquelle le Gouvernement a déposé un amendement de retour au texte initial de la proposition de loi.

Cette limitation technique de la base ne permet pas, en effet, d’apporter une réponse complète à la lutte contre l’usurpation d’identité, l’un des objectifs principaux de cette proposition de loi.

Avec une base sans lien univoque entre les données, les empreintes sont organisées de manière anonyme. Il est donc possible de savoir qu’une ou plusieurs personnes utilisent la même empreinte, ce qui permet de détecter l’usurpation d’identité, mais ne permet pas de la poursuivre.

Je crois très sincèrement que nos concitoyens ne comprendraient pas que l’État mette en place un outil moderne de protection de l’identité, sache que des usurpateurs existent, mais se prive de la capacité de les poursuivre.

De plus, la technique préconisée dans la rédaction actuelle s’appuie sur une théorie qui n’a été appliquée nulle part dans le monde et qui demeure la propriété d’une seule entreprise. Le risque de viabilité à la fois technique et juridique de ce choix de la base dite « à lien faible » me semble donc important.

Le Gouvernement proposera par conséquent un amendement afin que les objectifs de lutte contre l’usurpation d’identité soient pleinement remplis par la détection des fraudeurs et, j’y insiste, la capacité à les poursuivre. Ainsi, les propriétaires d’une identité seront réellement propriétaires de leur identité.

Outre le renforcement de notre lutte contre l’usurpation d’identité, le passage à la carte nationale d’identité électronique va permettre d’améliorer les services offerts à nos concitoyens, comme l’a souligné à juste titre M. le rapporteur.

La carte nationale d’identité électronique, c’est, d’abord, des démarches simplifiées et des formalités réduites.

L’amélioration du service à l’usager est un objectif constant de la proposition de loi. Il s’agit d’offrir un haut niveau de service à nos concitoyens, c’est-à-dire des relations simples et modernes avec l’administration.

Avec cette réforme, en effet, les procédures de délivrance de la carte nationale d’identité et du passeport seront unifiées.

Concrètement, il y aura désormais un formulaire de demande unique pour les deux titres, et la délivrance d’une carte nationale d’identité sera possible en tout point du territoire, indépendamment de la commune de résidence.

Les pièces justificatives à fournir seront moins nombreuses, notamment lorsque ni l’existence du titre à renouveler ni l’identité du demandeur ne seront contestées par l’administration. Pour les communes comme pour les usagers, cela signifie, très concrètement, une diminution de plusieurs millions de documents chaque année.

Ces pièces seront également identiques pour la délivrance d’un passeport ou d’une carte d’identité.

Au final, le passage à la nouvelle carte nationale d’identité conduira donc à une nette simplification des procédures. L’usager réunira plus facilement les justificatifs nécessaires, passera moins de temps dans les administrations et gagnera en qualité globale de service.

Enfin, les délais de délivrance seront réduits.

La carte nationale d’identité électronique, c’est, ensuite, toujours la garantie d’un service public de proximité.

Comme pour le passeport biométrique, les cartes nationales d’identité électronique seront en effet délivrées dans plus de 2 000 mairies équipées de stations biométriques. La volonté de mettre en place un service proche de l’usager a conduit à ces choix, et la mairie reste, par définition, un lieu de proximité reconnu et apprécié de tous.

La carte nationale d’identité électronique, c’est, enfin, la possibilité de nouveaux usages dématérialisés.

Depuis quelques années, Internet permet aux Français d’accéder à distance, depuis leur domicile, au service public. Cette tendance doit naturellement être favorisée et développée.

Cette logique a conduit à développer sur les nouvelles cartes nationales d’identité électronique une deuxième puce facultative, destinée à sécuriser davantage les transactions électroniques privées. Cette carte permet d’effectuer une signature électronique selon les normes établies et reconnues sur le plan international ; l’usager pourra donc effectuer une transaction à distance en toute sécurité.

Concrètement, l’authentification par le second composant de la carte s’effectuera via un boîtier relié à l’ordinateur personnel, dont les utilisateurs intéressés par ce service devront se doter. La signature électronique pourra alors être mise en œuvre pour des procédures administratives ou des transactions économiques. L’État, par l’intermédiaire de l’Agence nationale des titres sécurisés, garantira la protection informatique du dispositif dans toutes ses composantes. L’utilisateur restera en permanence maître des informations qu’il souhaite transmettre.

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte que vous proposent aujourd’hui MM. Jean-René Lecerf et Michel Houel va incontestablement permettre de renforcer la sécurité de nos titres d’identité, d’améliorer la qualité de notre service public et de réaliser, d’après une étude de l’Association française de normalisation, l’AFNOR, de janvier 2009, un gain de productivité de près de 3 milliards d’euros.

C’est un texte utile à nos concitoyens, à notre administration et à notre pays.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comment ne pas saluer aujourd’hui la belle initiative de Jean-René Lecerf et Michel Houel qui, six ans après la remise du rapport sur la nouvelle génération de documents d’identité et la fraude documentaire, proposent de mettre en place les instruments susceptibles de renforcer la lutte contre la fraude à l’identité ?

Comment ne pas saluer, aussi, le travail précis et méthodique de notre rapporteur, qui s’est attaché à trouver un juste équilibre entre deux principes difficiles à concilier, la protection des libertés individuelles et la préservation de l’ordre public ?

Comment ne pas se féliciter, enfin, de l’intervention d’un texte protecteur des données personnelles, au moment où se multiplient les attaques des systèmes informatiques ? Celle de PlayStation, dont on fait largement part les médias le 26 avril dernier, illustre la fragilité de nos dispositifs.

Qu’importe les données quantitatives sur le nombre de victimes par an de la criminalité identitaire ? Le chiffre donné par le CREDOC, pour l’année 2009, s’élève à 200 000.

Pour la même année, l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales recensait près de 13 900 faits constatés de fraude documentaire et à l’identité. Il relevait qu’en cinq ans, de 2004 à 2009, le nombre de signalements de personnes utilisant au moins deux identités a crû de 130 %.

Même si l’on ne peut se satisfaire de ces approches chiffrées – non concordantes pour certaines d’entre elles –, force est de constater l’augmentation vertigineuse du phénomène, qui ne manquera pas de s’amplifier encore si l’on en juge par le – mauvais – génie des pirates informatiques.

La proposition de loi qui est soumise à notre assemblée a un double objectif : d’une part, renforcer les moyens de lutte contre les fraudes à l’identité et, d’autre part, simplifier le quotidien des citoyens en leur permettant d’apporter la preuve « par tout moyen » de leur identité dans certaines de leurs démarches de la vie courante.

La carte nationale d’identité comme le passeport sont les deux documents privilégiés pour faire foi de son identité, mieux qu’avec le permis de conduire ou le permis de chasser par exemple, mais ils n’ont de caractère obligatoire que dans certaines circonstances, les voyages à l’étranger notamment. Ils sont un des maillons d’une même chaîne de preuves identitaires dont le dysfonctionnement, même s’il ne provient que d’un seul de ses éléments, suffit à produire les « vrais faux ».

Le nouveau passeport biométrique a montré et montre sa capacité à réduire de façon incontestable la fraude : de là l’option proposée, depuis longtemps d’ailleurs explorée dans le projet inabouti INES, d’étendre à la carte nationale d’identité un dispositif de même nature, mais élargi pour tenir compte de l’utilisation habituelle de ce titre d’identité.

Deux types de données se trouvent conservées, selon des modalités clairement distinctes : celles qui ont un caractère spécifiquement régalien, à l’image du passeport, et les données plus personnelles, adaptées à la vie quotidienne.

Pour les premières, les dispositions utiles ont été prises pour que l’ensemble des données contenues dans la puce régalienne ne soient accessibles qu’à des agents habilités qui, en tant que de besoin, auront pu procéder à la vérification des données de l’état civil auprès des officiers d’état civil dépositaires des registres concernés. Il s’agit là d’une procédure de vérification directe des informations transmises, essentielle quand on sait – ou, plutôt, quand on ne sait pas… – l’ampleur de l’explosion du nombre de « vrais faux » titres d’identité.

Afin de réduire le risque de fraude, le texte prévoit la création d’un fichier central qui a pour vocation la collecte et la conservation des données biométriques tant des cartes nationales d’identité que des passeports.

La centralisation de ces données obéit strictement aux conditions requises par la loi Informatique et libertés : décret en Conseil d'État pris après avis de la CNIL, contrôle de cette dernière sur le fonctionnement du fichier et droit d’accès et de vérification pour l’intéressé des données le concernant.

Très opportunément, la commission des lois a adopté un amendement sur l’initiative du rapporteur pour doubler les garanties juridiques apportées à l’utilisation du fichier d’une garantie matérielle, à savoir la constitution de la base biométrique selon la technique du « lien faible », qui rend impossible l’identification d’une personne uniquement à partir de ses empreintes digitales ou de l’image numérique de son visage tout en permettant la détection des fraudes éventuelles à l’identité.

Il s’agit là, monsieur le ministre, d’un « point dur » auquel tiennent tout particulièrement avec moi l’ensemble de mes collègues du RDSE, car c’est un dispositif protecteur des libertés individuelles, en même temps que garant de l’ordre public, puisque l’on peut concevoir qu’il « bloque » les intentions d’un ministère de l’intérieur qui pourrait voir dans ce fichier central le moyen de réunir directement des informations à des fins d’investigation policière avec des données personnelles.

Je veux ici rappeler l’extrême attention qu’a toujours portée notre Haute Assemblée au principe du respect des libertés individuelles dont l’État est le garant, principe placé sous l’œil vigilant de la CNIL, qui, à plusieurs reprises, a été conduite à rappeler le droit.

S’agissant ensuite de la puce « vie quotidienne », le texte proposé respecte scrupuleusement la liberté de chaque individu de se laisser identifier par voie électronique sur les réseaux de communication, de plus en plus nombreux et qui deviennent incontournables au quotidien.

Cette liberté laissée à l’individu a opportunément pour contrepartie l’obligation faite aux réseaux de communication, qu’ils soient publics ou privés, d’accepter que leurs utilisateurs ne soient pas tous titulaires de la future carte nationale d’identité biométrique.

Une telle disposition va dans le sens de l’ensemble des réflexions conduites aujourd'hui sur la protection du droit au respect de la vie privée.

Le 23 mars 2010, nous avions adopté ici, en première lecture, une proposition de loi, présentée par Yves Détraigne et par moi-même, visant à mieux garantir le droit à la vie privée à l’heure du numérique.

Cette proposition de loi avait mis en évidence les risques liés aux nouvelles mémoires numériques du fait des progrès technologiques et du développement des réseaux sociaux ainsi que des considérations relatives à la sécurité. Nous proposions en particulier de renforcer les garanties en matière de contrôle par la CNIL des dispositions de la loi Informatique et libertés. Nous avions également porté une attention particulière sur les enjeux de la protection des données personnelles.

La proposition de loi relative à la protection de l’identité s’inscrit dans la même démarche globale, même si son objet est ciblé sur la fraude des titres identitaires. Il montre de façon claire l’absolue nécessité qu’il y aura à très court terme d’envisager de nouveaux outils pour encadrer, contrôler et réguler la communication informatique sous toutes ses formes.

En attendant, les membres du groupe RDSE voteront la proposition de loi telle que présentée par la commission des lois, texte de sagesse et de raison qui ne remet pas en cause l’équilibre entre ordre public et libertés individuelles.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, sur les travées du groupe socialiste et de l ’ Union centriste, ainsi que sur plusieurs travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Jean-René Lecerf nous est présentée comme devant permettre de lutter concrètement contre un phénomène en augmentation constante, celui de l’usurpation d’identité.

Que le nombre des cas de vols d’identité, particulièrement sur Internet, augmente est un fait que je n’entends pas remettre en question, tout comme je ne conteste ni le fait que l’usurpation d’identité est une infraction traumatisante pour ses victimes, ni le désarroi qui peut habiter celles-ci et les difficultés importantes auxquelles elles doivent faire face.

Cependant, la présente proposition de loi ne nous satisfait ni sur la forme, c'est-à-dire le support législatif, ni sur le fond.

En effet, elle ressemble beaucoup au projet d’identité nationale électronique sécurisée, dit « projet INES », porté hier par l’ancien premier ministre Dominique de Villepin et qui prévoyait d’instaurer, comme il nous est à nouveau proposé de le faire, une nouvelle génération de carte nationale d’identité comportant un volet biométrique.

Devant le mécontentement grandissant des associations dénonçant un projet instaurant un fichage biométrique généralisé de nos concitoyens, le Gouvernement avait dû renoncer.

Aujourd’hui, ce projet fait donc sa réapparition au travers de cette proposition de loi et, voyez-vous, mes chers collègues, je m’interroge : pourquoi une proposition de loi ? Notre collègue Jean-René Lecerf est, à l’évidence, très intéressé par le sujet, mais, à mon sens, cela n’explique pas tout.

Pour ma part, je vois là une technique destinée à contourner l’avis du Conseil d’État, qui aurait été obligatoire si les dispositions qui nous sont proposées avaient fait l’objet d’un projet de loi. Or le Conseil d’État comme la CNIL sont très réservés sur la création des titres d’identités contenant des données biométriques.

C’est d’ailleurs tellement vrai que, toujours pour contourner le Conseil d’État, c’est par décret que le Gouvernement a autorisé la création des passeports biométriques. Ce processus particulier a été contesté par de nombreuses associations, dont la Ligue des droits de l’homme et l’IRIS, qui ont déposé plusieurs recours en annulation devant le Conseil d’État.

Ce dernier, qui ne s’est pas encore prononcé malgré un dépôt relativement ancien puisqu’il date du 4 juillet 2008, a, chose rare, récemment procédé à une nouvelle audition des associations engageant le recours. C’est dire l’embarras qui doit être le sien ! De son côté, la CNIL a fermement condamné le procédé.

Si la forme suscite des questions, le fond, lui, ne laisse que peu de place aux interrogations. Il mêle deux aspects qui devraient n’avoir aucun lien entre eux : le commerce en ligne et la sécurité, tantôt de nos concitoyens, tantôt de la nation, particulièrement face au risque terroriste.

La sécurité sert ainsi une nouvelle fois de prétexte à la création d’un fichier supplémentaire, d’autant plus dangereux qu’il intégrera des données biométriques, c’est-à-dire extrêmement personnelles.

La CNIL, dont il est prévu qu’elle sera sollicitée sans toutefois aller jusqu’à demander un avis conforme, est opposée à ce type de fichier. Elle l’a fait savoir clairement en 2009, au moment où le projet INES était de nouveau relancé : les raisons avancées par le Gouvernement – la sécurité et la lutte contre le terrorisme – « ne justifient pas la conservation, au plan national, de données biométriques telles que les empreintes digitales », écrit-elle dans sa délibération, et « les traitements […] mis en œuvre seraient de nature à porter une atteinte excessive à la liberté individuelle ».

C’est aussi notre conviction.

Nous considérons en outre que les fichiers, systématiquement présentés comme des armes anti-délinquance, ont radicalement changé de nature. Comment expliquer sinon que le STIC, le plus célèbre de nos fichiers, répertorie 34 millions de nos concitoyens, associant des personnes effectivement condamnées, d’autres ayant fait l’objet d’enquêtes non suivies de condamnation, voire parfois des personnes innocentes en raison d’une erreur ou, pis, les victimes elles-mêmes ?

Dans sa décision du 10 mars dernier sur la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite LOPPSI 2, le Conseil constitutionnel a décidé de modifier les conditions d’utilisation de certains fichiers qu’il a jugés trop intrusifs. Ces fichiers ne contenaient pourtant pas les données aussi sensibles que celles qui pourraient être contenues dans le futur fichier national si la présente proposition de loi devait, hélas ! être adoptée.

Par ailleurs, vous n’êtes pas sans savoir, chers collègues de la majorité, que les cartes de nouvelles générations que vous prévoyez de créer ne sont elles-mêmes pas sans risques. Des groupes de pirates informatiques sont parvenus, en Allemagne comme au Royaume-Uni, à pirater leurs propres cartes biométriques, en moins de douze minutes, accédant ainsi à tout leur contenu, qu’ils ont d’ailleurs modifié avec aisance.

Ces risques sont, compte tenu de la nature des informations contenues dans ces cartes, encore plus graves que ceux qui existent avec l’actuelle carte d’identité, nouvelle démonstration de l’adage selon lequel « le mieux est l’ennemi du bien ».

Enfin, mes chers collègues, nous considérons que la carte nationale d’identité, parce qu’elle a pour vocation d’établir l’identité de nos concitoyens, ne doit pas être considérée comme un outil au service du commerce en ligne.

Celui-ci connaît un fort développement et, s’il est vrai que les cas de fraudes augmentent eux aussi, ils sont plus souvent dus à des usurpations de comptes ou de données bancaires qu’à des usurpations d’identité au sens où l’entend la proposition de loi.

Ce mélange, transformant tour à tour la carte d’identité en un document administratif ou en un document à portée commerciale, participe d’un mouvement politique que nous condamnons : tout devrait toujours être tourné vers le commerce. C’est un dévoiement des missions et des services publics dont la fonction est, et doit rester, la satisfaction de l’intérêt général.

Comme le soulignait déjà la Ligue des droits de l’homme en 2005, « ce soudain intérêt porté par le ministère de l’intérieur aux désirs des consommateurs et son ingérence dans ce domaine masquent en réalité sa volonté d’imposer un outil de contrôle policier, sous couvert de prétendus bienfaits pour ses détenteurs ».

Cette association de données très différentes de par leur nature comme de par leurs fonctions rendra l’individu totalement transparent tant pour les autorités publiques que pour les opérateurs commerciaux, raison pour laquelle nous voterons notamment contre l’article 3 de la proposition de loi.

Par ailleurs, considérant que les moyens de l’État comme ceux des collectivités locales et territoriales – qui en manquent d’ailleurs cruellement – ne devaient pas servir au développement d’activités marchandes et lucratives qui bénéficient d’abord et avant tout aux actionnaires de ces entreprises, nous voterons également contre le dernier article de cette proposition de loi.

Nous regrettons que vous n’ayez pas prévu que le financement des nouvelles cartes repose partiellement sur une contribution des entreprises concernées par le e-commerce, dans la mesure où le second composant électronique est un outil qui est en partie dédié à l’accroissement de leur chiffre d’affaires.

En tout état de cause, parce que nous considérons qu’elle présente, malgré les amendements adoptés en commission, des risques importants en termes de libertés publiques et parce qu’elle ancre encore un peu plus dans notre droit une conception biologique de l’identité, jouant sur les peurs et les craintes de nos concitoyens pour justifier un fichage biométrique étendu à tous, le groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du Parti de gauche votera contre la proposition de loi.

Mme Virginie Klès et M. Jean-Pierre Sueur applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, Jean-Paul Amoudry ne peut être présent aujourd'hui, mais, faisant mien l’essentiel des observations qu’il aurait aimé développer, je n’ai aucun mal à lui prêter ma voix.

Nous abordons ce soir un phénomène de délinquance nouveau, relativement peu connu du grand public et dont l’ampleur est difficile à délimiter. Si l’on a ainsi du mal à quantifier ce phénomène, une chose est cependant certaine : il se développe.

Premier constat : les cas d’usurpation d’identité sont en augmentation, d’autant qu’Internet démultiplie les possibilités d’usurpation.

Second constat : nous ne disposons que de peu d’outils permettant de lutter efficacement contre cette forme de délinquance.

Ce double constat démontre la nécessité d’une intervention du législateur. Le but de la proposition de loi qui nous est soumise est donc de renforcer les moyens de lutte contre les fraudes à l’identité, tout en simplifiant la vie quotidienne des citoyens en leur permettant de prouver facilement leur identité.

Si, sur ces questions, ce texte est le premier à être débattu devant le Parlement, il n’est pas le premier à avoir été élaboré. De fait, depuis 2001, pas moins de trois projets de loi ont été conçus, chacun des gouvernements qui se sont succédé ayant réfléchi à la possibilité de mettre en place une carte d’identité biométrique, outil permettant une lutte efficace contre l’usurpation d’identité.

Si le projet de « titre fondateur d’identité », annoncé en juillet 2001, n’a pas dépassé le stade des travaux préparatoires, le projet INES, pour « identité nationale électronique sécurisée », s’est, lui, concrétisé dans un avant-projet de loi soumis à la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, en mai 2005. Ce projet fusionnait les procédures de délivrance du passeport et de la carte nationale d’identité. Toutefois, l’avant-projet de loi « INES » a finalement été retiré.

Deux autres projets l’ont suivi, en 2006 et 2008, mais ces travaux n’ont pas davantage abouti au dépôt d’un projet de loi devant le Parlement. Seule la création du passeport biométrique, opérée par voie réglementaire, conformément aux engagements européens de la France, constitue une réelle avancée en la matière.

Jusqu’à l’adoption récente de la loi dite « LOPPSI 2 », l’usurpation d’identité ne constituait pas une infraction spécifique. L’article 226-4-1 du code pénal punit désormais d’un an d’emprisonnement et de quinze mille euros d’amende le fait d’usurper l’identité d’un tiers ou de faire usage d’une ou plusieurs données de toute nature permettant de l’identifier en vue de troubler sa tranquillité ou celle d’autrui, que ces faits soient commis ou non sur un réseau de communication au public en ligne.

Cet outil répressif sera utile. Cependant, le moyen le plus efficace de lutte contre l’usurpation d’identité réside sans aucun doute dans la création de titres d’identité plus fiables et plus sécurisés que ceux qui existent aujourd’hui.

Les auteurs du texte que nous examinons aujourd’hui nous ont rappelé les raisons pour lesquelles il était nécessaire d’aller plus loin. Je ne reprendrai pas ici l’ensemble des dispositions de la proposition de loi et me bornerai à rappeler que son principal objet est la création de titres d’identité biométriques et d’un fichier central national correspondant.

En tant que membre de la CNIL, notre collègue Jean-Paul Amoudry est particulièrement attentif à toutes les problématiques mettant en jeu aussi bien l’utilisation de données à caractère personnel que la création de nouveaux fichiers. J’ajoute que, en tant que coauteur, avec Anne-Marie Escoffier, du rapport d’information déposé au nom de la commission des lois La Vie privée à l’heure du développement des mémoires numériques, je suis moi-même assez sensible à cette question.

Or, comme l’a justement rappelé M. le rapporteur, « les données biométriques ne sont pas des données personnelles comme les autres ». Si la CNIL n’a pas émis de contre-indication à l’usage des données biométriques, je rappelle qu’elle recommande, selon les prescriptions de la loi du 6 janvier 1978 modifiée, de veiller à la proportionnalité entre les objectifs fixés, les moyens mis en œuvre et les atteintes possibles aux libertés individuelles.

D’une manière générale, la CNIL considère comme légitime le recours, pour s’assurer de l’identité d’une personne, à des dispositifs de reconnaissance biométrique dès lors que les données biométriques sont conservées sur un support dont la personne a l’usage exclusif. En revanche, elle est plus réservée à l’égard de la constitution de bases centralisées de données biométriques, dont elle estime qu’elle doit être justifiée par de forts impératifs de sécurité.

Aussi, je tiens à saluer l’interprétation retenue par la commission des lois. En effet, il était important de limiter l’usage du fichier biométrique à la seule lutte contre la fraude à l’identité, en doublant les garanties juridiques de garanties techniques, avec un dispositif de liens faibles.

De fait, l’utilisation du fichier central biométrique dans le cadre de recherches criminelles, pour identifier une personne à partir des seules empreintes retrouvées sur le lieu d’un crime, suscite des interrogations : les impératifs de sécurité publique peuvent-ils justifier les restrictions apportées à l’exercice des libertés individuelles et au respect de la vie privée du plus grand nombre ?

À terme, ce fichier pourrait porter sur l’ensemble de la population française, ce qui constitue, par rapport aux fichiers de police actuels, un changement d’échelle sans précédent. En effet, contrairement à ce qui prévaut actuellement, l’enregistrement dans la base biométrique ne concernera pas exclusivement des personnes faisant l’objet d’une suspicion légitime. C'est pourquoi je me félicite que notre rapporteur ait considéré que, le fichier visant à améliorer la lutte contre la fraude à l’identité, il convenait d’en limiter l’usage à cette seule finalité et d’interdire toute utilisation à des fins de recherche criminelle.

Je salue également le fait que les garanties juridiques apportées à l’utilisation du fichier se doublent d’une garantie matérielle qui rendra concrètement impossible l’identification d’une personne à partir de ses seules empreintes digitales ou de la seule image numérique de son visage.

Il était également important d’assurer la traçabilité des consultations et des modifications effectuées dans le fichier central. En effet, le texte issu des travaux de notre commission prévoit expressément que le traitement de données à caractère personnel qui permet l’établissement et la vérification des titres, autrement dit le fichier central, sera utilisé « dans des conditions garantissant […] la traçabilité des consultations et des modifications effectuées par les personnes y ayant accès ».

Enfin, j’évoquerai l’intérêt que présenterait ce futur titre sécurisé pour l’application de la loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, qui vise à lutter contre le surendettement. Cette loi a mis à l’étude les conditions juridiques et matérielles d’une centrale de crédit, appelée à enregistrer les données de quelque 30 millions de personnes. La fiabilité de ce dispositif repose sur une exacte identification des personnes, permettant d’écarter les risques de fraude et d’homonymie. Or, à ce jour, le seul moyen d’identification qui ait été jugé fiable est le numéro de sécurité sociale, ou numéro d’inscription au répertoire, le NIR, dont l’usage est réservé à la sphère sociale. Son utilisation hors de ce périmètre nécessiterait l’élaboration de procédures particulièrement complexes. Aussi la mise en service d’un titre d’identité sécurisé constituerait-elle une avancée fort utile pour le fonctionnement de cette centrale de crédit.

Cela constitue pour moi une raison supplémentaire, s’il en était besoin, de soutenir l’initiative de nos collègues Jean-René Lecerf et Michel Houel.

Pour conclure, je tiens à saluer l’excellent travail de notre rapporteur François Pillet, dont la mission était, en ce domaine très technique, d’une réelle complexité. Le texte qu’il nous soumet aujourd’hui me paraît équilibré. C’est pourquoi le groupe de l’Union centriste votera en faveur de cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous étudions aujourd'hui une proposition de loi relative à la protection de l’identité.

Parce que je souscris, ainsi que le groupe socialiste, à bien des observations qui ont déjà été formulées, je vais m’efforcer d’éviter les redites.

L’usurpation d’identité a des conséquences importantes pour la société mais également pour les individus et, au-delà, pour leurs familles, sur le plan tant qualitatif que quantitatif. Je crois donc qu’il se dégage une unanimité sur la nécessité de lutter efficacement contre ces phénomènes d’usurpation d’identité et de réparer les dommages subis par les victimes.

Les outils proposés dans la proposition de loi s’appuient sur la biométrie ; c’est en effet un outil extrêmement fiable. Ce qui suscite davantage de souci, c’est la constitution de bases de données. L’on sent bien là un retrait, une prudence largement partagée, avec la mise en avant des principes de proportionnalité et de respect des seuls objectifs affichés. Tout cela a été dit et redit au sujet de la puce dite « régalienne ».

En revanche, s'agissant de la puce dite « vie quotidienne », on sent un peu moins de prudence, alors que, à mon sens, la prudence est ici particulièrement nécessaire dans la mesure où cette puce laissera des traces de nos navigations sur Internet, donc des éléments qui touchent à notre vie privée. J’insisterai donc davantage que ceux qui m’ont précédée à cette tribune sur la puce « vie quotidienne ».

L’usurpation d'identité peut s’effectuer par des moyens extrêmement variables, allant du simple vol de documents jusqu’à l’utilisation de « vrais-faux » documents. Les conséquences financières peuvent être aussi bien collectives, dommageables à la société dans son ensemble, qu’individuelles – nous avons parlé des escroqueries et de tous les autres délits qui peuvent s’ajouter au simple délit d’usurpation d’identité. Les conséquences sont morales, psychologiques, à la fois individuelles et familiales.

De nombreux exemples ayant été cités, je n’y reviendrai pas, sinon pour confirmer que nous partageons tous le désarroi des victimes et de leurs familles, et déplorons l’immense tort qui leur a été fait par ces usurpations d’identité.

Pour ce qui est des chiffres, je pense que ce n’est ni le lieu - ni l’heure ! - d’entamer une polémique. Certains ont évoqué 210 000 cas, le Gouvernement avait avancé un total de 13 000 ou 14 000 cas, enfin vous avez, monsieur le ministre, parlé tout à l’heure de 20 000 à 25 000 cas ; de fait, l’on ne sait pas très bien évaluer le nombre de victimes d’une usurpation d'identité. Mais, à la limite, qu’importe : chaque cas est un cas de trop, et les chiffres ne sont pas le cœur du débat de ce soir. §Du reste, il est toujours difficile de quantifier une nouvelle forme de délinquance quand on vient de la découvrir et que l’on s’organise pour lutter contre.

La vérité se trouve sans doute entre tous les chiffres que j’ai mentionnés.

En tout état de cause, il s’agit de drames humains. Nous sommes donc d’accord : il faut lutter contre l’usurpation d'identité.

Comment lutter ? La proposition de loi qui nous est soumise prévoit tout d'abord de renforcer les contrôles et la sécurisation lors de la délivrance du premier titre : par exemple, l’obtention des données d’état civil devrait être moins facile, en tout cas mieux contrôlée, et la vérification de l’identité de la personne serait effectuée lors du retrait du dossier afin de s’assurer que c’est la même personne qui l’a déposé. Ce texte contient donc un certain nombre d’avancées auxquelles nous adhérons, bien entendu.

Le texte prévoit également la nécessaire garantie que la même certification d’identité ne sera pas délivrée à deux personnes différentes. C’est le cœur du problème, nous en avons déjà parlé, et la question de la centralisation des données en est le corollaire. Celle-ci nécessite forcément la sécurisation tant du recueil que de la gestion et de la consultation des données.

Les données biométriques sont des données personnelles, non falsifiables, particulièrement attachées à la personne ; en l’occurrence, ces données seront confiées par la personne à un tiers. Je souhaite donc que l’on garde à l’esprit que l’outil qui sera construit pour gérer ces données biométriques afin de lutter contre l’usurpation d'identité doit demeurer un outil au service d’un objectif. Prenons un marteau pour enfoncer un clou, et non une massue..)

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Quand on prend une massue pour enfoncer un clou, cela peut faire mal aux doigts !

Il faut donc sécuriser le recueil des données, ainsi que leur consultation et leur gestion. Quelles précautions cela nécessite-t-il ? Autrement dit, comment ne pas prendre une massue pour enfoncer un clou ?

Rires

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Je sens que cette expression vous fait rire ; tant mieux, je vous ai réveillés, ce dont je suis fière, étant donné l’heure tardive.

Nouveaux rires.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

L’État, en tant que tiers, joue forcément un rôle régalien. C’est en effet à lui que l’on confie l’identité, et c’est donc lui qui doit être garant à la fois de l’authenticité du titre délivré, de sa non-falsification, et de la confidentialité des donnés qu’il contient.

Un titre, une personne. Le principe nécessite sans doute l’établissement d’une base de données. La particularité de ce fichier – appelons les choses par leur nom – est sa taille : chacun d’entre nous, mes chers collègues, y figurera !

J’ai entendu dire tout à l'heure que la carte nationale d’identité n’est pas obligatoire mais qu’elle est facultative. C’est peut-être vrai en théorie, mais l’on sait bien que, en pratique, ce n’est pas le cas, puisque l’administration nous demande à tout moment de présenter notre carte ou sa photocopie. La carte nationale d’identité est de facto un titre obligatoire dans notre vie quotidienne. Nous serons donc tous fichés dans cette base de données, monsieur le ministre !

Être fiché, mais jusqu’à quel point, et de quelle manière ? M. le rapporteur a effectué un excellent travail, et la proposition qui nous est faite ce soir d’accepter un fichier qui soit une base de données à liens faibles est la seule qui pourra recueillir l’assentiment du groupe socialiste.

Monsieur le ministre, selon vous, une telle base de données va permettre de détecter une tentative de fraudes et de ne pas délivrer de titre à la personne qui en est l’auteur. Si une telle tentative de fraude est de toute façon vouée à l’échec, rapidement, il n’y aura plus de fraudeurs et plus de tentative de fraude. Alors, pourquoi vouloir ficher tout le monde et lier de façon univoque une empreinte à une personne ? Nous sommes résolument opposés à votre proposition et farouchement attachés à celle de la commission relative à une base de données à liens faibles.

J’en viens à la puce optionnelle, facultative, « vie quotidienne ». Ce sera le détenteur de la carte qui décidera des données qu’il accepte de mettre sur Internet.

Mais, nous le savons, en raison de l’introduction de ce nouveau mode d’identification sur la Toile, très rapidement, nombre d’entre nous aurons recours à cette puce facultative. Nous laisserons alors tous les jours des traces de notre vie privée sur Internet.

Lors de leurs travaux sur la protection de la vie privée à l’heure d’Internet, nos collègues Anne-Marie Escoffier et Yves Détraigne avaient insisté sur la nécessité de faire de la pédagogie et d’anticiper. Aujourd’hui, le choix nous est justement donné d’anticiper. De toute façon, les organismes ou les services qui utiliseront cette fonctionnalité devront formuler une demande d’agrément auprès de la CNIL. Mais encore faut-il savoir qui fixera les règles de cet agrément. La CNIL ? Pourquoi pas ! Cette solution me convient.

Par ailleurs, quel organisme vérifiera la validité de la puce, fût-elle optionnelle ? Selon nous, il doit s’agir d’un organisme sous tutelle de l’État, mais certainement pas sous tutelle de votre ministère, ne vous en déplaise, monsieur le ministre de l’intérieur, car il s’agit bien là de vie privée.

Il nous paraît très important d’identifier aujourd’hui un organisme qui pourra gérer et contrôler toutes les traces de notre vie privée que nous allons laisser chaque jour sur Internet avec cette puce optionnelle.

D’autres questions matérielles, organisationnelles et financières se posent ; elles seront abordées tout à l’heure par ma collègue Michèle André.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste étant favorable au principe de la lutte contre l’usurpation d’identité, il votera la présente proposition de loi, mais à condition que les préconisations de la commission en ce qui concerne la constitution de la base de données soient respectées et que nous obtenions des réponses satisfaisantes aux interrogations fortes que nous avons formulées sur la gestion des données contenues dans la puce optionnelle. Dans l’hypothèse où ces conditions ne seraient pas satisfaites, nous nous abstiendrions.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Houel

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’usurpation d’identité constitue une infraction fréquente. Je ne rappellerai pas les chiffres, ils ont déjà été cités. Je me contenterai d’observer qu’en France le phénomène connaît une croissance particulièrement inquiétante sur Internet.

Selon un rapport du CREDOC, le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, un Français a plus de risques de subir une usurpation d’identité qu’un cambriolage ou un vol de voiture. Le coût pour la société d’un tel phénomène frôle les 4 milliards d’euros.

Il faut surtout avoir à l’esprit que cette infraction est relativement traumatisante pour ceux qui en sont les victimes.

Nous savons également que l’usurpation d’identité peut être une étape pour la commission d’autres infractions tendant, par exemple, à ouvrir un compte bancaire, à bénéficier de prestations sociales, à échapper aux recherches des forces de l’ordre, à quitter le territoire, ou encore à régulariser sa présence sur celui-ci.

De plus, le lien entre usurpation d’identité et crime organisé ou terrorisme peut se révéler extrêmement étroit. Les réseaux terroristes, notamment, utilisent quasi systématiquement de faux documents d’identité, délivrés par des faussaires.

Ainsi, afin de lutter efficacement contre ces dérives, j’ai présenté, avec mon collègue Jean-René Lecerf, cette proposition de loi.

Nous ne sommes pas sans savoir que la mission d’information sur la nouvelle génération de documents d’identité et la fraude documentaire, dont Jean-René Lecerf était le rapporteur, avait à la fois dressé le constat de défaillances dans la chaîne de l’identité, proposé des solutions pour y remédier et exploré de nouvelles perspectives de sécurisation de l’identité.

Il est temps aujourd’hui de légiférer. La présente proposition de loi constitue une occasion pour le Parlement de se prononcer sur les moyens d’assurer la sécurité de l’identité, dans une juste conciliation entre les impératifs de préservation de l’ordre public et les exigences de protection des libertés individuelles.

Ce texte vise à garantir une fiabilité maximale des cartes nationales d’identité et des passeports.

Il est aujourd’hui nécessaire de continuer sur la voie tracée par la mise en place du passeport biométrique, décidée conformément aux engagements européens de la France.

Il est en effet urgent d’équiper les cartes nationales d’identité de puces électroniques sécurisées, qui contiendront des données biométriques numérisées.

La carte d’identité électronique, parfois désignée par l’anglicisme electronic identity card, est un nouveau type de document mis en place dans de nombreux pays, notamment en Belgique. Elle est constituée d’une carte à puce contenant toutes les informations nécessaires et celles qui sont apparentes sur les anciennes cartes plastifiées.

Pour lutter contre l’usurpation d’identité, la proposition de loi met également en place une base centrale de données biométriques. Le recours à ce fichier central aura pour finalité de garantir qu’une même personne ne puisse disposer de deux identités différentes, puisque les empreintes biométriques ne pourront correspondre qu’à une seule identité.

Même si ce dispositif, nous le savons, n’évitera pas l’usurpation initiale d’identité, il permettra d’interdire la multiplication de fausses identités ou d’identités usurpées.

La finalité initiale de la proposition de loi que j’ai déposée avec Jean-René Lecerf est bien de donner à nos concitoyens l’assurance que leur identité sera protégée et que, à l’avenir, il sera mis beaucoup plus rapidement fin qu’aujourd’hui aux usurpations, qui se multiplient.

Je ne reviendrai pas sur les conséquences extrêmement lourdes pour les victimes de ces usurpations d’identité. Depuis plusieurs années, le défi est clairement posé, et notre responsabilité est non moins clairement identifiée : il nous faut maintenant répondre.

Depuis 2005, au cours de nos travaux sur l’identité, nous avons toujours eu le souci de définir des équilibres entre sécurité et protection des libertés individuelles. Déjà, en 2005, Jean-René Lecerf, dans le rapport intitulé Identité intelligente et respect des libertés, mettait l’accent à la fois sur le retard de la France en matière de protection de l’identité et sur la nécessité de lutter contre l’usurpation d’identité.

La France est l’un des derniers pays européens qui n’ont pas encore développé de carte d’identité électronique et, bien sûr, les usurpations n’ont jamais été aussi nombreuses.

Notre proposition de loi s’appuyait clairement à la fois sur les études, rapports et échanges de ces dernières années et sur les préconisations, notamment de la CNIL, relatives à la sécurité des données, au droit de rectification, à la traçabilité de tous ceux qui accèdent à la base – l’accès demeure limité aux agents qui participent à la confection des cartes, aux personnels des services de lutte anti-terrorisme ou aux agents agissant sous le contrôle de la justice –, à l’effacement des données au bout de quinze ans. Les garanties existent donc bien.

L’article 5 du texte actuel, en interdisant toutes possibilités de rencontres entre les éléments d’état civil et les données biométriques, prévoit très certainement des précautions que l’on pourrait qualifier de disproportionnées au regard des objectifs à atteindre. Je vous le rappelle, mes chers collègues, l’exposé des motifs de la proposition de loi initiale précisait : « La confrontation des caractéristiques biométriques d’une personne avec celles figurant dans le composant électronique ou la base centrale permettra de confondre les fraudeurs. » Il faut, me semble-t-il, donner les garanties à nos concitoyens que nous allons réaliser ce que nous promettons.

Au regard des débats qui ont eu lieu et des multiples questions que suscitent la rédaction du présent texte, je vous recommande donc, mes chers collègues, de revenir à la rédaction initiale, qui garantit la cohérence avec les objectifs et qui s’appuie sur une réflexion ancienne, animée par la volonté d’équilibre, que je souligne régulièrement, entre sécurité et liberté.

De plus, nous avons souhaité apporter des innovations supplémentaires dans cette recherche de protection de l’identité. Ainsi, les cartes d’identité biométriques pourront également offrir aux titulaires qui le souhaitent des fonctionnalités propres à faciliter leurs démarches administratives et à sécuriser certaines transactions.

En effet, cette proposition de loi ouvre la possibilité au titulaire d’une carte d’identité électronique de bénéficier de nouveaux services, tels que l’authentification à distance et la signature électronique.

Parallèlement, la mise à disposition des données d’identification personnelles via une carte à puce qui peut être lue directement par un ordinateur, entraîne nombre de problèmes potentiels liés à la protection de la vie privée.

Nous savons qu’il est primordial d’apporter les garanties nécessaires à la protection de la liberté individuelle et au respect de la vie privée.

Notre rapporteur, François Pillet, et la commission des lois se sont attachés à compléter ces garanties. Je tiens, en cet instant, à les remercier de la qualité de leur travail.

Ainsi, la commission des lois a souhaité limiter l’usage du fichier biométrique à la seule lutte contre la fraude à l’identité, en doublant les garanties juridiques de garanties matérielles, afin d’interdire l’utilisation de ce fichier dans le cadre de recherches criminelles.

Elle a également souhaité encadrer les vérifications d’identité effectuées à partir des données biométriques, en traduisant les recommandations formulées par la CNIL, et donner à l’usager la pleine maîtrise de la fonctionnalité d’identification électronique de la carte d’identité, afin d’éviter que ceux qui la refusent ne soient évincés de certains services.

Mes chers collègues, la présente proposition de loi va permettre de sécuriser réellement nos titres d’identité et, ainsi, de renforcer la lutte contre la fraude. C’est pourquoi les membres du groupe UMP la voteront avec conviction, pour la préservation des droits de nos concitoyens.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans la conduite des affaires publiques et des dossiers administratifs, il est des serpents de mer dont on désespère de connaître un jour l’aboutissement. La création d’une carte nationale d’identité électronique fait partie de ces dossiers remarquables. Toujours annoncée, longtemps attendue, la voici désormais sur le point d’être concrétisée.

Cet avènement ne va toutefois pas sans poser quelques questions. J’appuie cette affirmation sur les travaux que je mène depuis deux ans sur les titres sécurisés, en tant que rapporteur spécial de la commission des finances sur la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».

La première question que je veux ce soir évoquer renvoie à la protection des données personnelles. La création d’une carte nationale d’identité électronique se caractérise en effet par un bien étrange paradoxe. La finalité poursuivie consiste en une meilleure protection de l’identité du détenteur de ce document, mais le chemin emprunté fait douter des garanties apportées à la protection des données personnelles de chaque individu.

La CNIL a d’ailleurs clairement mis en évidence cette ambiguïté. Elle a ainsi souligné que les données biométriques « ne sont pas des données à caractère personnel comme les autres », précisant que « la donnée biométrique n’est pas attribuée par un tiers ou choisie par la personne : elle est produite par le corps lui-même et le désigne ou le représente, lui et nul autre, de façon immuable ». La CNIL insiste sur un point essentiel : « Toute possibilité de détournement ou de mauvais usage de cette donnée fait peser un risque majeur sur l’identité de la personne ».

L’entrée en vigueur de la carte nationale d’identité électronique se calque, pour ainsi dire, sur le dispositif retenu pour le passeport biométrique. Or, dans ce dernier cas, il avait été décidé que la puce du passeport contiendrait huit empreintes digitales du détenteur du titre. Ce choix ne correspondait toutefois à aucune exigence particulière du droit européen. D’autres pays voisins, appliquant la même directive de 2004, se sont d’ailleurs dotés d’un titre différent, optant pour une puce comportant moins d’empreintes. Pourquoi alors avoir considéré comme nécessaire la conservation de huit empreintes ?

Au cours de mes travaux, et en dépit de questions réitérées auprès de mes différents interlocuteurs, je dois bien avouer qu’aucune réponse satisfaisante ne m’a été apportée à ce jour. Je ne suis d’ailleurs pas la seule à m’interroger, puisque certaines associations, telles que la Ligue des droits de l’homme, ont saisi la justice. Le contentieux en la matière est encore pendant.

Tout à fait naturellement, la même question se pose concernant la future carte nationale d’identité électronique. Sa puce contiendra-t-elle autant d’empreintes ? Le texte qui nous est soumis ce soir reste malheureusement muet sur cette question.

Monsieur le ministre, qu’en sera-t-il de la future carte d’identité ? Quels seront les usages réservés à ces empreintes biométriques ? Quelles seront les garanties apportées à l’usager quant à la protection de ses données personnelles ?

Ma deuxième interrogation touche au volet opérationnel de l’entrée en vigueur de la nouvelle carte d’identité. Lors du passage au passeport biométrique, des stations d’enregistrement ont été installées dans un peu plus de 2 000 communes, sans compter les consulats, qu’il ne faut pas oublier. L’indemnisation de ces communes avait alors fait problème. Les mairies ont, en effet, dû consacrer des moyens humains particuliers au fonctionnement de ces stations et leur ouvrir des locaux. Qu’en sera-t-il du passage à la carte nationale d’identité électronique ?

On peut à nouveau regretter que le texte qui nous est soumis ce soir demeure silencieux sur cet aspect. Pourtant, le niveau d’indemnisation des communes fait problème, ainsi que l’a reconnu le ministère de l’intérieur en missionnant l’année dernière l’inspecteur général O’Mahony sur une étude à ce sujet.

Dans le cas du passeport biométrique, les communes sont indemnisées selon un forfait couvrant les demandes des seuls usagers « extérieurs » à leur territoire. Ce dispositif mérite d’être revu dès lors que la délivrance des cartes d’identité débouchera sur un surplus de travail dans les mairies, puisque nous pouvons penser que les demandes de cartes d’identité seront deux fois plus nombreuses que pour les passeports.

Je serai particulièrement attentive à ce que les communes puissent être indemnisées au « juste prix ». Il y va de la clarté des relations entre l’État et les collectivités territoriales, monsieur le ministre. Les missions ne peuvent pas être transférées sans une juste compensation financière !

Par ailleurs, je m’interroge sur le nombre de stations d’enregistrement supplémentaires qu’il conviendrait d’installer dans les mairies. Peut-être nous repréciserez-vous les éléments que vous m’avez fournis la semaine dernière, lorsque nous nous sommes rencontrés à l’occasion d’une audition portant sur une autre question. À cet égard, et on ne peut que le regretter, le texte qui nous est soumis ne comporte pas d’évaluation préalable de l’impact opérationnel et financier de l’entrée en vigueur de la nouvelle carte d’identité. Que pouvez-vous nous dire de ce point de vue, monsieur le ministre ?

Enfin, et ce sera ma troisième question, comme vous le savez, le passage au passeport biométrique a eu pour conséquence une grave remise en cause de l’activité des photographes professionnels. Le Sénat s’est beaucoup battu depuis deux ans afin de préserver cette profession.

La création d’une carte nationale d’identité électronique doit être l’occasion d’une remise à plat du dispositif existant. Dans la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite « LOPPSI 2 », vous vous étiez engagé dans ce sens, puisque l’abandon des prises de photographies en mairie est prévu. Nous attendons le décret qui viendra concrétiser cet engagement.

Lors de votre audition la semaine dernière devant la mission commune d’information sur les conséquences de la révision générale des politiques publiques sur les collectivités territoriales et les services publics locaux, j’ai eu l’occasion de vous interroger à ce sujet. Je pense que vous profiterez de cette séance publique pour confirmer à tous la réponse que vous m’avez fournie, c’est-à-dire l’objectif d’une application au 31 décembre 2011.

En conclusion, je voudrais rappeler l’importance que le Gouvernement, comme le législateur, doit attacher aux grands principes garantissant les libertés publiques et la protection de la vie privée. Je pense ici à la problématique des empreintes biométriques. Mais cette préoccupation doit aussi se doubler du souci de régler au plus juste et, avec le plus d’efficacité, les détails pratiques. À cet égard, les difficultés rencontrées lors du passage au passeport biométrique ne doivent pas se reproduire dans le cas de la future carte d’identité mais il faut, au contraire, qu’elles servent d’enseignements pour l’avenir.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission.

(Non modifié)

L’identité d’une personne se prouve par tout moyen. La présentation d’une carte nationale d’identité ou d’un passeport français en cours de validité suffit à en justifier.

L'article 1 er est adopté.

(Non modifié)

La carte nationale d’identité et le passeport comportent un composant électronique sécurisé contenant les données suivantes :

a) Le nom de famille, le ou les prénoms, le sexe, la date et le lieu de naissance du demandeur ;

b ) Le nom dont l’usage est autorisé par la loi, si l’intéressé en a fait la demande ;

c ) Son domicile ;

d ) Sa taille et la couleur de ses yeux ;

e ) Ses empreintes digitales ;

f ) Sa photographie.

Les dispositions du présent article ne s’appliquent pas au passeport délivré selon une procédure d’urgence.

La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Madame la présidente, en intervenant sur l’article, je défendrai également les amendements n° 10 et 11.

On nous propose donc d’inscrire sur une puce électronique l’ensemble des données déjà présentes sur la carte d’identité, ou demandées lors de l’établissement de celle-ci. Nous sommes opposés à cette double inscription, tout simplement parce qu’elle est inutile, mais aussi parce qu’elle révèle une évolution que nous jugeons inquiétante.

L’inutilité objective d’une telle mesure tient d’abord au fait qu’elle ne fait que doubler les informations déjà disposées sur la carte. Vous allez me dire que le passeport biométrique comporte les mêmes sécurités et le même « doublonnement » ; mais vous savez que, en la matière, cela répond à des impératifs qui dépassent le simple cadre national.

Pour être clairs, nous ne pensons pas que la CNI et le passeport devraient répondre aux mêmes normes, tout simplement parce que, même s’ils servent tous deux à identifier la personne, leur cadre est différent et bien plus restreint en ce qui concerne la CNI.

Les défenseurs de cette proposition de loi argueront que les deux objectifs fixés, la lutte contre le terrorisme et le contrôle, justifient que l’on applique pour la CNI les mêmes techniques que pour le passeport de manière à la rendre le plus infalsifiable possible.

Cependant, tous les experts en conviennent, ce n’est pas tant la contrefaçon des pièces d’identité qui pose problème que l’établissement de celles-ci avec des justificatifs frauduleux. Je citerai ici l’avis de notre collègue Jean-René Lecerf : « Les procédés techniques de fabrication des titres d’identité garantissent aujourd’hui leur résistance à la falsification ou à la contrefaçon. ».

Autrement dit, la sécurisation supplémentaire du titre, visant à le rendre infalsifiable, ne sert à rien.

Nous en sommes convaincus, les auteurs de cette proposition savent très bien que l’intérêt d’une puce dans une CNI, c’est de pouvoir relier les informations qu’elle contient à un fichier informatisé national, un fichier que chaque agent de police, par exemple, pourrait consulter à tout contrôle. C’est là notre deuxième point de désaccord fondamental.

Nous pensons qu’un tel fichier, rendu nécessaire pour que l’exploitation des données de cette puce soit pertinente, risque de nous entraîner sur une pente particulièrement glissante.

Soyons clairs, il s’agit de répertorier sur un fichier national toutes les données identifiantes, mais particulièrement des données anthropométriques sur la totalité de la population, puisque cette carte sera obligatoire. Expliquez-moi, mes chers collègues, comment un tel fichier de 65 millions de personnes, recensant non pas simplement l’identité « sociale » telle que le répertoire national d’identification des personnes physiques, RNIPP, de l’INSEE, mais également l’identité « biologique », pourra être contrôlé ? Comment la CNIL, certes combative, mais déjà débordée, pourra-t-elle contrôler l’utilisation régulière de ces données ?

Pour Jean-Claude Vitran, représentant de la Ligue des droits de l’homme, la recherche de la sécurité absolue de l’identité est dangereuse. Peut-on risquer que ces données tombent entre des mains moins républicaines, par exemple, par le biais d’un piratage massif ?

La question de l’utilité de cette mesure, qui n’a de pertinence qu’avec l’existence d’un fichier national biométrique, est donc liée à une autre question, celle de savoir si, oui ou non, nous voulons demain d’une société où nous serons tous fichés. Certes, à cet égard, le message de certains anciens ministres est clair. C’est ainsi que Brice Hortefeux, en 2010, se félicitait, en réponse au député Éric Raoult, de « l’augmentation considérable du flux de profils génétiques », au sein du fichier national automatisé des empreintes génétiques, le FNAEG.

Cet outil censé recenser les plus dangereux criminels contient aujourd’hui plus d’un million de profils ADN, dont au moins deux tiers concernent non des criminels, non des délinquants, mais de simples prévenus. Voilà comment, aujourd’hui, ce fichier contient les profils de faucheurs d’OGM, de syndicalistes, mais aussi de mineurs. De grands criminels, assurément !

Parce que nous considérons que cette mesure n’est pas justifiée et que nous refusons la création d’un fichier biométrique, nous voterons contre cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° 10, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

Cet amendement a été précédemment défendu.

L'amendement n° 11, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Rédiger ainsi cet alinéa :

f) la photographie qu’il a remise lors du dépôt de demande ou de renouvellement d’une carte nationale d’identité.

Cet amendement a été précédemment défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

L’amendement n° 10 est assez radical. En effet, si nous supprimions cet article, je ne vois pas comment nous donnerions une portée quelconque à cette proposition de loi.

Le recours aux technologies biométriques permet seul de lutter efficacement contre les usurpations d’identité. La CNIL n’en fait pas une catastrophe, puisqu’elle juge cet usage pertinent dans la mesure où l’empreinte reste en possession du titulaire de la carte. Or, c’est précisément ce que la commission a prévu à l’article 5 bis de cette proposition de loi.

En outre, l’usage du fichier à d’autres fins que la lutte contre l’usurpation d’identité est rendue impossible par le dispositif que la commission a adopté à l’article 5.

J’émets donc, au nom de la commission, un avis défavorable sur l’amendement n° 10.

L’avis est également défavorable sur l’amendement n° 11. La précision est certainement inutile et, en tout cas, d’ordre réglementaire.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Défavorable pour les mêmes raisons, madame la présidente.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

Si son titulaire le souhaite, la carte nationale d’identité contient en outre des données, conservées séparément, lui permettant de s’identifier sur les réseaux de communications électroniqueset de mettre en œuvre sa signature électronique. L’intéressé décide, à chaque utilisation, des données d’identification transmises par voie électronique.

Le fait de ne pas disposer de la fonctionnalité décrite au premier alinéa ne constitue pas un motif légitime de refus de vente ou de prestation de service au sens de l’article L. 122-1 du code de la consommation ni de refus d’accès aux opérations de banque mentionnées à l’article L. 311-1 du code monétaire et financier.

L’accès aux services d’administration électronique mis en place par l’État, les collectivités territoriales ou leurs groupements ne peut être limité aux seuls titulaires d’une carte nationale d’identité présentant la fonctionnalité décrite au premier alinéa.

La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Madame la présidente, cette intervention vaudra également défense de l’amendement n° 12, tendant à la suppression de l’article.

La carte nationale d’identité biométrique est présentée comme une parade aux fraudes tout en servant de prétexte pour y placer des applications à but purement commercial, à savoir une puce permettant l’insertion de la signature électronique des éventuels clients de sites du e-commerce.

La juxtaposition d’éléments destinés à lutter contre la fraude, et peut-être même contre le terrorisme, si l’on en croit l’auteur de cette proposition de loi, avec des éléments à vocation purement commerciale nous semble nourrir une confusion illégitime entre des objectifs d’ordre régalien et d’autres, d’ordre purement mercantile.

En effet, il est ainsi proposé que la carte puisse contenir « des données, conservées séparément, permettant de s’identifier sur les réseaux de communications électroniques et de mettre en œuvre sa signature électronique ». Le texte précise que ces informations, matérialisées dans une deuxième puce, seront uniquement stockées « si son titulaire le souhaite ».

Or on sait ce qu’il en est des propositions facultatives, qui, en cas de manque ou de mauvaise information, peuvent devenir quasi automatiques. À titre d’exemple, la carte nationale d’identité est elle-même facultative et pourtant, beaucoup de Français la croient obligatoire.

Nous refusons de nous inscrire dans cette logique où se mêlent ainsi, intérêts publics et intérêts privés, donnant l’illusion que tout se vaut, que public et privé sont les deux faces d’une même pièce. Cette conception très « moderne », au sens de «libéral », est sans doute conforme à l’idée que vous vous faites de notre pays, comme l’attestent la multiplication des partenariats publics-privés ou encore le recours aux entreprises privées pour concurrencer le service public sur ses propres missions ; je pense, par exemple, aux opérateurs privés de placement qui concurrencent Pôle emploi.

Nous voterons donc contre cet article, si notre amendement de suppression n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° 12, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

Cet amendement a été précédemment défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Contrairement à ce que soutiennent les auteurs de cet amendement de suppression, la sécurisation de l’identité sur les réseaux de communication électronique est autant de la compétence de l’État que cette même sécurisation dans les actes de la vie courante.

L’intervention de l’État, en la matière, est d’autant plus nécessaire que l’usurpation d’identité électronique est en plein essor.

J’ajoute que la commission a veillé à ce que ce dispositif reste optionnel et que d’autres moyens de sécurisation de l’identité par voie électronique restent disponibles afin que nul ne soit exclu des transactions et services électroniques.

Enfin, point extrêmement important, l’intéressé garde la maîtrise des données d’identification transmises par voie électronique.

La commission est donc défavorable à l’amendement n° 12.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

L’avis du Gouvernement est également défavorable. En effet, le dispositif n’a pas pour objet unique de faciliter le commerce en ligne. Il permet également d’accéder à un certain nombre de services publics.

Par ailleurs, force est de reconnaître que le commerce en ligne se développe et que le dispositif suggéré apporte beaucoup de garanties à ses usagers.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté.

(Non modifié)

Les agents chargés du recueil ou de l’instruction des demandes de délivrance de la carte nationale d’identité ou du passeport font, en tant que de besoin, procéder à la vérification des données de l’état civil fournies par l’usager auprès des officiers de l’état civil dépositaires de ces actes dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

Le demandeur en est préalablement informé.

La parole est à Mme Claudine Lepage, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Claudine Lepage

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite profiter de ce débat pour interroger le Gouvernement, en mon nom mais aussi au nom de notre collègue Richard Yung, sur les démarches que les Français établis hors de France devront effectuer pour obtenir une carte nationale d’identité électronique.

Je rappelle que les formalités à accomplir pour obtenir un passeport ont récemment été simplifiées afin de tenir compte des contraintes propres à la situation des usagers vivant à l’étranger.

Depuis la mise en place du passeport biométrique, au mois de juin 2009, les Français établis hors de France peuvent déposer leur demande dans n’importe quel poste diplomatique ou consulaire équipé de l’application « titres électroniques sécurisés », ou TES, et ce quel que soit leur lieu de résidence. Ils peuvent également effectuer leurs démarches, à l’occasion d’un séjour en France, auprès de l’une des mairies équipées d’une station biométrique.

En outre, le ministère des affaires étrangères a prévu de doter prochainement certains postes de dispositifs mobiles de recueil des données biométriques qui pourront être utilisés lors de tournées consulaires.

Par ailleurs, depuis l’entrée en vigueur du décret du 3 août 2010 portant simplification de la procédure de délivrance et de renouvellement du passeport à l’étranger, les Français établis hors de France ne sont plus obligés de comparaître une seconde fois auprès de l’ambassade ou du consulat pour la remise du passeport biométrique. Ce titre d’identité peut ainsi être remis par l’intermédiaire d’un consul honoraire habilité ou à l’occasion d’une tournée consulaire.

Je regrette que ces dispositions ne soient pas applicables aux demandes de carte nationale d’identité. Certes, dans certains pays, les usagers sont autorisés à déposer leur demande auprès d’un consul honoraire ou au cours d’une tournée consulaire. Quelques postes acceptent également les demandes adressées par correspondance. Cependant, dans la grande majorité des cas, les demandeurs doivent se rendre au poste diplomatique ou consulaire auprès duquel ils sont inscrits. En outre, la carte doit être retirée au lieu du dépôt du dossier. Cette situation ne va pas sans poser des difficultés à de nombreux Français résidant à l’étranger.

Dans ces conditions, je souhaite savoir si la prochaine mise en circulation des cartes nationales d’identité électroniques sera l’occasion d’un assouplissement et d’une harmonisation de ces démarches. Les Français établis hors de France seront-ils, par exemple, autorisés à déposer leur demande de carte nationale d’identité dans le poste diplomatique ou consulaire le plus proche de leur lieu de résidence ou dans une mairie française ?

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Madame la sénatrice, nos consulats, qui sont au nombre de 212, disposent d’un peu plus de 300 stations TES. Bien entendu, le dispositif qui est appliqué au passeport biométrique le sera également à la nouvelle carte nationale d’identité électronique, avec toutes les souplesses que vous avez rappelées s’agissant du passeport.

Voilà qui répond à la préoccupation que vous venez d’exprimer.

L'article 4 est adopté.

Afin de préserver l’intégrité des données requises pour la délivrance du passeport français et de la carte nationale d’identité, l’État crée, dans les conditions prévues par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, un traitement de données à caractère personnel facilitant leur recueil et leur conservation.

Ce traitement, mis en œuvre par le ministère de l’Intérieur, permet l’établissement et la vérification des titres dans des conditions garantissant l’intégrité et la confidentialité des données à caractère personnel ainsi que la traçabilité des consultations et des modifications effectuées par les personnes y ayant accès.

L’enregistrement des empreintes digitales et de l’image numérisée du visage du demandeur est réalisé de manière telle qu’aucun lien univoque ne soit établi entre elles, ni avec les données mentionnées aux a à d de l’article 2, et que l’identification de l’intéressé à partir de l’un ou l’autre de ces éléments biométriques ne soit pas possible.

La vérification de l’identité du demandeur s’opère par la mise en relation de l’identité alléguée et des autres données mentionnées aux a à f de l’article 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Madame la présidente, en cette heure matinale et avec votre accord, cette intervention sur l’article 5 vaudra également défense des amendements n° 13 et 14.

Comme ce fut le cas lors de l’élaboration du projet INES, en 2004, on avance aujourd’hui l’argument de la lutte contre l’insécurité, voire contre le terrorisme, pour justifier la création d’une carte nationale d’identité électronique.

En 2005 déjà, M. Lecerf, dans son rapport d’information sur la nouvelle génération de documents d’identité et la fraude documentaire, affirmait : « Les liens entre la fraude documentaire et le crime organisé ou le terrorisme sont particulièrement étroits. » Il précisait également que la fraude aux titres d’identité représentait « une nécessité pour la criminalité ».

C’est juste. Cela ne peut pourtant pas suffire à justifier les mesures que vous vous apprêtez à prendre. Car si votre objectif était réellement la lutte contre le terrorisme ou le crime organisé, il vous faudrait également vous attaquer, et réellement, aux paradis fiscaux qui hébergent leurs comptes et au secret bancaire qui les protège des enquêtes internationales et leur permettent de poursuivre tranquillement leurs activités criminelles.

D’ailleurs, nous sommes en droit de nous interroger sur la pertinence de cet argument sécuritaire. En matière de criminalité, l’usurpation d’identité la plus répandue à l’heure actuelle demeure le vol d’identité bancaire, que ce soit de manière immatérielle ou matérielle, avec le recours aux célèbres YesCards, copies de cartes bancaires qui permettent à leurs détenteurs de retirer des espèces ou de payer des achats, y compris sans connaître le code confidentiel.

Pour Alain Bauer, qui est tout de même l’un des conseillers de M. Sarkozy en matière de sécurité, la fraude à l’identité reste quantitativement marginale en matière criminelle. À l’occasion de son audition par la CNIL en 2005, Alain Bauer déclarait : « En fait, les effets principaux de la fraude à l’identité portent avant tout sur le permis de conduire et sur les passeports pour le franchissement des frontières. En revanche, celle-ci existe quantitativement très peu dans les affaires de terrorisme et de crimes organisés ».

Dans ce contexte, vous comprendrez que nous ne puissions pas accepter que l’on crée un fichier aussi intrusif, aussi peu conforme aux principes fondamentaux qui sont les nôtres, pour des situations qui, d’après les experts, demeurent marginales.

Par ailleurs, en instituant un tel fichier, nous prendrions le risque que notre pays n’encoure une sanction prononcée par la Cour européenne des droits de l’homme, celle-ci ayant rendu au mois de décembre 2008 un arrêt Marper c/ Royaume-Uni dans lequel elle considère que la création de fichiers contenant des données biométriques, pour des citoyens ne faisant l’objet d’aucune poursuite juridique en cours, constitue une violation manifeste des articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et contrevient à la convention sur la protection des données du Conseil de l’Europe, STE n° 108, de 1981.

La Cour européenne des droits de l’homme estime ainsi en conclusion que « le caractère général et indifférencié du pouvoir de conservation des empreintes digitales, échantillons biologiques et profils ADN des personnes soupçonnées d’avoir commis des infractions mais non condamnées [...] ne traduit pas un juste équilibre entre les intérêts publics et privés concurrents en jeu ».

Compte tenu de tous ces éléments, nous proposons la suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Billard

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre collègue rapporteur nous propose, plutôt que d’ajouter des garanties juridiques supplémentaires qui entoureraient la base centrale, de lui donner des caractéristiques techniques qui sont celles de la technologie des bases dites à liens faibles, brevetée notamment par la SAGEM, pour reprendre les termes du rapport.

Ce parti pris qui consiste à imposer dans la loi une contrainte non pas juridique mais technique est assez original de la part du législateur.

Sur le fond, je regrette ce recul, qui fait perdre de son intérêt à la carte nationale d’identité électronique. Surtout, je m’interroge sur la mise en œuvre des dispositions nouvelles issues de l’article 5.

En effet, lorsqu’il lancera son appel d’offres pour déployer le système informatique support de la carte nationale d’identité électronique, le ministère de l’intérieur devra-t-il faire référence aussi explicitement au brevet de la SAGEM dans le cahier des clauses techniques particulières ? Je ne le pense pas. Toutefois, nous savons très bien qu’il n’y a pas d’autre technologie disponible qui garantisse, d’un point de vue technique, que le système ne pourra pas être rendu bidirectionnel.

Je m’interroge. Je ne vois pas comment des concurrents pourraient, le temps d’un appel d’offres, même avec un délai de réponse généreux, avoir le temps de développer une technologie équivalente.

Pour cette raison pratique, et parce que c’est tout l’intérêt de cette carte d’identité de disposer d’un système central fiable, je suis pour ma part entièrement favorable à l’amendement du Gouvernement, c'est-à-dire au retour à la rédaction initiale de l'article 5.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Houpert

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je plaiderai également pour le retour au texte originel de la proposition de loi.

L’article 5 touche au cœur de l’objectif initial de la proposition de loi, qui tend à donner à nos concitoyens l’assurance que leur identité sera protégée et qu’il sera, à l’avenir, mis beaucoup plus rapidement fin qu’aujourd’hui aux usurpations, qui se multiplient et dont il a été rappelé à quel point elles pouvaient être vécues de façon dramatique par les personnes qui en sont victimes.

La rédaction de l’article5, telle qu’elle était issue de la proposition de nos collègues Jean-René Lecerf et Michel Houel, répondait à cette préoccupation en permettant la confrontation des caractéristiques biométriques d’une personne – photo, empreintes – avec celles qui figurent dans le composant électronique ou la base centrale, ce qui permettait de confondre très facilement les fraudeurs.

Ce dispositif n’est pas révolutionnaire, puisqu’il fonctionne déjà, dans un régime d’autorisation défini par la CNIL, pour les passeports biométriques.

Avec l’article 5 tel que modifié par la commission, qui interdit toute possibilité de rencontres entre les éléments d’état civil et les données biométriques, au nom, on l’a bien entendu, de « précautions » un peu théoriques, la promesse de garantie donnée à nos concitoyens aura, en réalité, beaucoup de mal à être tenue. Dans l’hypothèse où le faussaire sera entré le premier dans le dispositif, on peut même penser que la personne dont l’identité aura été usurpée sera dans une situation plus délicate encore qu’aujourd’hui, puisque le faussaire aura un titre sécurisé et pas elle !

Je crois très sincèrement qu’il n’y a pas lieu, au nom de craintes exagérées, d’attenter comme le fait cette nouvelle rédaction de l’article 5 à l’efficacité d’un système dont, je rappelle qu’il est celui-là même qu’ont proposé nos collègues Jean-René Lecerf et Michel Houel et qui a l’accord du Gouvernement.

Je ne comprends pas au nom de quelle logique on revient sur cette rédaction initiale : elle garantissait une parfaite cohérence avec les objectifs fixés et, s’appuyant sur une réflexion ancienne, concrétisait le point d’équilibre trouvé entre sécurité et liberté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° 13, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

Cet amendement a été précédemment défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

La commission reconnaît l’utilité d’un fichier central biométrique pour lutter contre l’usurpation d’identité. Dans le même temps, observant qu’il porterait à terme sur la quasi-totalité de la population française, elle a jugé nécessaire d’assortir sa création de toutes les garanties requises pour interdire son utilisation à d’autres fins que la seule lutte contre l’usurpation d’identité. La commission a souhaité, à cet égard, doubler les garanties juridiques d’une garantie matérielle irréversible : la création du fichier à partir de « liens faibles ».

Ce faisant, elle est parvenue à un équilibre respectueux des exigences de la sécurité publique et suffisamment protecteur des libertés publiques et de la vie privée. Il n’y a donc pas lieu de supprimer l’article 5.

La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

J’aurai l’occasion de revenir plus longuement sur ce sujet lors de l’examen de l'amendement n° 2 du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Le Gouvernement émet un avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 3 et 4

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

L’identification du demandeur ne peut s’y effectuer qu’au moyen des données énumérées aux a) à e) de l’article 2.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Cet amendement porte sur une disposition qui semble essentielle au Gouvernement.

La proposition de loi a plusieurs objectifs. Elle tend d’abord à offrir à nos compatriotes un document d’identité plus commode, plus sûr et quelques prestations supplémentaires, je pense en particulier à la signature électronique. Elle vise également – c’est sa finalité première – à lutter contre l’usurpation d’identité. Tous les intervenants l’ont fait remarquer et ont souligné à quel point il était important de lutter plus efficacement contre l’usurpation d’identité, qui est un véritable fléau.

Des chiffres ont été cités, dont personne ne peut dire la fiabilité réelle. Pour ma part, je vous ai transmis une information que j’avais recueillie à l’occasion d’une visite au siège de la Police technique et scientifique : sur les contrôles aléatoires d’empreintes digitales, qui sont réalisés pour d’autres raisons dans le cadre d’enquêtes n’ayant rien à voir avec l’usurpation d’identité, et alors qu’il y a de l’ordre de 3 millions de vérifications, on trouve bon an mal an de 20 000 à 25 000 usurpations d’identité. C’est dire que, si l’on transposait ces données à l’échelle de notre population, on dénombrerait à coup sûr plus de 100 000 usurpations d’identité par an !

À mes yeux, le texte qui est proposé par la commission ne permet pas cette efficacité qui est pourtant souhaitée par tous. M. Détraigne l’a indiqué de façon tout à fait claire ; le rapporteur, avec la très grande honnêteté qui le caractérise, a également reconnu que l’usurpation d’identité ne pouvait pas être directement mise en évidence.

Je voudrais vous apporter une indication supplémentaire, provenant d’un courrier en date du 19 avril 2011, adressé au ministère de l’intérieur par le directeur de l’entreprise qui a élaboré ce concept de « lien faible » en biométrie et qui a, du reste, déposé un brevet pour développer la technique correspondante.

Il affirme que ce concept permet de détecter l’usurpation d’identité avec une probabilité dissuasive réglable, mais qu’il ne permet en aucune façon d’identifier l’usurpateur. Il poursuit en indiquant qu’entre autres conséquences le « lien faible » ne permet pas non plus d’identifier des amnésiques, des enfants perdus ou des victimes de catastrophes naturelles ou d’attentats.

Il est donc très clair que cette technique permet, dans certains cas, de déceler l’usurpation, mais ne permet pas de remonter à l’usurpateur.

Alors, bien sûr, madame Klès, si un usurpateur se présente en demandant une carte d’identité, et que l’identité dont il se réclame est déjà dans la base, l’usurpation sera décelée, mais je me permets d’appeler votre attention sur le fait qu’il y a d’autres cas de figure.

Si la victime n’est pas dans la base, l’usurpateur peut alors obtenir une identité. Par ailleurs, si le détenteur d’une identité constate que son identité a été usurpée, il faudra alors, faute de lien univoque, faire des enquêtes lourdes sur les indices qui seront effectivement rendus disponibles par la technologie du « lien faible ». Ce seront des enquêtes de police impliquant des dizaines ou des centaines de personnes dont la situation devra être vérifiée, y compris des personnes qui n’ont rien à voir avec l’usurpation, ce qui, évidemment, sera de nature à quelque peu les perturber.

J’ajoute, en me tournant vers Mme Escoffier, que le ministère de l’intérieur – je voudrais être très catégorique à cet égard et je suis même surpris que l’on puisse penser qu’il en soit autrement –, n’a pas d’objectif autre que celui visé par la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.

Je voudrais enfin rappeler que la mesure d’application prévue à l’article 6, qui sera un décret en Conseil d’État pris après avis de la CNIL, fixera de façon très précise les personnes qui pourront interroger la base.

A priori, il pourra s’agir, comme pour la base « passeport », des agents de l’Agence nationale des titres sécurisés, des agents chargés de la lutte contre le terrorisme et des personnes qui mettent en œuvre des réquisitions de caractère pénal. Le tout sera bien entendu l’objet d’une traçabilité totale, placée sous le contrôle de la CNIL.

Je demande donc le rétablissement du texte initial de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Cet amendement ouvre à l’évidence le débat essentiel que suscite la proposition de loi. Pour atteindre l’objectif du texte, il faut une base centralisant les données. Or cette base serait unique dans l’histoire de notre pays au regard de sa taille, puisqu’elle porterait sur 45 millions d’individus, si elle existait à l’heure actuelle. À terme, elle est susceptible de concerner 60 millions de Français. Ce sera de surcroît le premier « fichier des gens honnêtes », ce qui n’est pas le cas du FNAEG.

Ce fichier n’a donc pas d’équivalent. Toutes les personnes auditionnées ont mis en garde, plus ou moins expressément, contre son usage à d’autres fins que la lutte contre l’usurpation d’identité, ce qui présenterait des risques pour les libertés publiques.

L’amendement du Gouvernement ne répond pas à la principale préoccupation de la commission, qui a souhaité supprimer ces risques en doublant les garanties juridiques par une garantie matérielle de nature à assurer que l’identification d’une personne par ses seules empreintes soit impossible.

Les garanties juridiques, mes chers collègues, peuvent changer. Il n’y a, derrière mon propos pas plus que derrière l’avis de la commission, aucune défiance vis-à-vis des gouvernements d’hier, d’aujourd’hui ou de demain. Mais il s’agit d’un fichier qui va conserver des données pendant quinze ou vingt ans, voire plus. S’il n’est pas constitué avec les garanties que l’on vous propose, il pourra être réutilisé pour d’autres fins.

C’est pourquoi la commission a pris, dans ce cas particulier, des dispositions également particulières.

Je comprends parfaitement, monsieur le ministre, que vous vous engagiez pour atteindre le « zéro défaut » dans la lutte contre l’usurpation d’identité. La commission des lois a souhaité ajouter à ce premier objectif un second, celui du « zéro risque » pour les libertés publiques.

Grâce à la solution qu’elle a retenue, le « zéro défaut » dans la lutte contre l’usurpation d’identité est approché à 99, 9 %. Quant au « zéro risque » pour les libertés publiques, il est garanti par le système de la base « à liens faibles ».

J’ajoute que, si nous acceptions l’amendement du Gouvernement, le texte poserait à mon avis un problème d’ordre constitutionnel, en particulier au regard des dernières décisions, notamment à propos de la LOPPSI 2, décision par laquelle, me semble-t-il, le Conseil constitutionnel s’est ouvert un nouveau champ de vérification.

Se poserait également un problème de conventionnalité, dans la mesure où le texte serait contraire à certaines dispositions de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Voilà pourquoi la commission a pris cette précaution qui, je le répète, ne peut empêcher l’identification qu’à la marge.

Je me doute bien, monsieur le ministre, que je ne vous ai pas convaincu. Je vais donc essayer maintenant de vous rassurer, en reprenant les arguments que vous avez évoqués tout à l’heure et en démontrant qu’ils peuvent trouver des réponses susceptibles de vous donner satisfaction.

Le Gouvernement émet des doutes sur l’efficacité du dispositif retenu par la commission dans la lutte contre l’usurpation d’identité. Or ce dispositif est fondé sur la dissuasion. À l’heure actuelle, rien n’existe en la matière. Il se mettra en place au fur et à mesure de la montée en puissance de la nouvelle carte nationale d’identité. Le fraudeur risquera alors de déclencher une alerte dans 99, 9 % des cas. Est-ce que vous prendriez le risque de jouer votre liberté avec 99, 9 % de chances de perdre ?

En outre, en cas d’alerte, le travail des services de police sera facilité, car ils auront non seulement accès à la base, mais ils disposeront également d’informations supplémentaires sur le fraudeur éventuel telles que son sexe, approximativement son âge, vraisemblablement la couleur de ses yeux, et peut-être également la région où il habite.

En multipliant et croisant ces différents paramètres, les services de police vont disposer d’un panel de cinquante, mettons cent suspects, et ce dans l’hypothèse où une personne aura pris le risque d’entrer dans une base hyper-sécurisée.

En disposant de son empreinte, ils peuvent en outre la confronter avec d’autres fichiers existants, par exemple le fichier des empreintes digitales de la police.

La lutte contre l’usurpation d’identité est donc considérablement améliorée par rapport à la situation actuelle, contrairement à ce qui a été dit tout à l’heure.

Le Gouvernement fait également valoir que la maturité technique du système de bases « à liens faibles » n’est pas assurée et que cela reviendrait à confier à la seule entreprise titulaire du brevet correspondant l’exclusivité du marché, en contradiction avec les principes de la concurrence.

Ces arguments ne sont pas fondés. Je tiens d’abord à vous indiquer que j’ai entendu, en une seule audition, l’ensemble des sociétés œuvrant dans le domaine de la sécurisation biométrique, sous l’égide de leur syndicat commun, le GIXEL.

Dans son principe, le dispositif proposé à l’article 5 est simple. Il a été exposé, non pas par la SAGEM mais par le professeur Adi Shamir, lors de la trente et unième conférence des commissions de protection des données personnelles et de la vie privée – en quelque sorte la réunion des CNIL mondiales – à Madrid, en novembre 2009.

Il y a deux façons de constituer la base. On peut soit attribuer des numéros au hasard, ce qui est l’option la plus simple qui n’entraîne aucune difficulté technique – c’est d’ailleurs tellement simple que ce n’est pas brevetable ! –, soit procéder à la réécriture de l’empreinte par un codage. C’est ce second procédé qui a été breveté par la SAGEM. Mais nous n’avons pas besoin de cela pour réaliser une base à « liens faibles ». Le législateur peut parfaitement imposer des objectifs particuliers, qui seront ensuite « mis en musique » par n’importe quelle autre société, dans le cadre d’un appel d’offres.

La rédaction proposée par l’article 5 ne tranche pas entre l’une et l’autre de ces deux solutions. C’est pourquoi je m’étonne des propos que vous avez tenus tout à l’heure sur la SAGEM.

Il reviendra au Gouvernement, avec l’avis de la CNIL, de décider du dispositif retenu.

Je vous fais en outre remarquer que le brevet de la SAGEM n’interdit pas que d’autres entreprises déposent des brevets sur des procédés reprenant le même principe, mais avec des modalités différentes. Voilà pourquoi votre deuxième argument, monsieur le ministre, ne me paraît pas tenir. En tout cas, ce n’est pas le texte que la commission des lois vous invite à voter.

Enfin, en conciliant protection de la vie privée et protection de la sécurité publique, je pense que nous avons trouvé un équilibre très important au regard des principes généraux de notre droit.

Le texte ne nuit pas à la protection de la sécurité – je suis sur ce point en total désaccord avec vous, mais c’est un point technique qui devrait pouvoir être facile à trancher –, dans la mesure où les policiers ont tout à fait la possibilité de remonter jusqu’à l’usurpateur. D’une part, celui-ci va se faire rare, puisqu’il a 99, 9 chances sur 100 de se faire prendre. Par ailleurs, avec trois ou quatre éléments à leur disposition, les services de police arriveront à déterminer très rapidement un panel extrêmement réduit de candidats à l’usurpation.

Enfin, monsieur le ministre, nous sommes au début de la discussion parlementaire. Laissons la navette se dérouler. Il serait heureux que l’Assemblée nationale puisse examiner cette solution proposée en toute sagesse par la commission des lois du Sénat.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

M. Claude Guéant, ministre. Je tiens à saluer l’optimisme de votre conclusion, monsieur le rapporteur !

Sourires

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Sans allonger les débats, je voudrais dire encore quelques mots sur cet élément très important de la proposition de loi.

Tout d’abord, il est clair que les seuls usages qui peuvent être faits du fichier, en dehors de la finalité propre de la gestion du système de carte d’identité, sont de caractère judiciaire. Il ne me semble pas franchement scandaleux que la justice puisse disposer d’éléments lui permettant de faire son travail, mesdames, messieurs les sénateurs !

Ensuite, lorsque vous indiquez un taux de 99, 9 % de chances pour qu’il y ait décèlement de l’usurpation d’identité, je vous rejoins au moins sur le principe, si ce n’est sur le chiffre. Néanmoins, c’est l’impossibilité de remonter jusqu’à l’usurpateur qui pose problème. Lorsque l’entreprise à l’origine du concept et détentrice du brevet m’avoue qu’elle ne peut pas remonter jusqu’à l’usurpateur, j’y vois là un élément qui mérite d’être pris en compte.

Vous avez raison de dire qu’un faisceau d’indices permet de se rapprocher d’un certain nombre de personnes susceptibles d’être l’usurpateur. Nous ne savons pas combien il y a d’usurpateurs, mais il est possible de les évaluer à plusieurs dizaines de milliers, disons 100 000. Vous citiez le chiffre de 100 personnes à interroger. Multipliez 100 000 par 100, et vous arrivez au chiffre de dix millions d’enquêtes de police !

Nous allons nous trouver, et c’est pourquoi j’insiste auprès de vous, devant une situation paradoxale : nous voulons tous lutter de façon déterminée et efficace contre les usurpations d’identité, nous savons comment faire, et pourtant nous ne le faisons pas !

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° 1, présenté par Mme Klès et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

La gestion des données, conservées séparément dans la carte nationale d’identité, permettant à la personne de s’identifier sur les réseaux de communications électroniques et de mettre en œuvre sa signature électronique, prévue au premier alinéa de l’article 3, est confiée, dans des conditions fixées en Conseil d'État, à un organisme placé sous l’autorité de l’État mais ne relevant pas exclusivement du ministère de l’Intérieur.

La parole est à Mme Virginie Klès.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Je me félicite que l’amendement n° 2 n’ait pas été adopté.

Mais je me tourne vers M. le ministre, qui s’interrogeait tout à l’heure : et si la victime ne figure pas dans la base ? Au risque de sembler un peu simpliste, je me permets de vous répondre, que, dans la mesure où tout le monde a une carte nationale d’identité – c’est du moins un point sur lequel vous aviez l’air d’être d’accord tout à l’heure, monsieur le ministre – alors, il faut en déduire que, si la victime n’est pas dans la base, c’est qu’elle n’a pas de carte d’identité : il n’y a donc pas de victime ! Une identité fictive a été utilisée, mais il n’y a pas de victime.

Pour le reste, je partage bien entendu l’avis de M. le rapporteur.

L’article 5 porte sur les puces, notamment sur la puce « régalienne », celle qui contient les données d’état civil du titulaire de la carte et ses données biométriques, données dont, bien entendu, la délivrance et la conservation doivent relever de la responsabilité exclusive du ministère de l’intérieur et non du ministère de la justice, s’il devait y avoir des utilisations judiciaires de ces données. Nous ne le contestons pas.

Néanmoins, je rappelle, comme je l’ai déjà dit dans la discussion générale, que cette carte contient une autre puce, qui n’est certes mise en place qu’à la demande du titulaire et qui lui permet de s’identifier sur les réseaux de communications électroniques.

Cette puce pourra être lue – c’est son utilité – par des dispositifs commerciaux raccordés à des ordinateurs personnels. Ainsi, l’authentification électronique par la carte d’identité bénéficiera d’un degré de sécurisation supérieur.

Selon nous, la gestion des informations incluses dans ces puces ne peut relever de l’autorité du ministère de l’intérieur. Elle doit, en revanche, être confiée à un organisme placé sous l’autorité de l’État.

Nous avons évoqué tout à l’heure les croisements d’informations sur les systèmes de traitement de données à liens faibles ayant permis de remonter, par déduction humaine, et non seulement grâce à l’informatique, jusqu’à des usurpateurs d’identité, ainsi qu’à l’identification de personnes désorientées, voire de cadavres.

Il nous semble que, de même, le ministère de l’intérieur pourrait, en croisant les données, savoir beaucoup de choses qu’il n’a pas à connaître sur la vie privée des 56 millions de Français qui auront demain une carte d’identité électronique sécurisée.

Les conditions de mise en œuvre et de gestion des informations contenues dans cette puce facultative « vie quotidienne » doivent être fixées par un décret en Conseil d’État et après avis de la CNIL. L’organisme devrait, par ailleurs, mettre en place un comité de surveillance.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Votre amendement, chère collègue, tend à confier à un organisme placé sous l’autorité de l’État la gestion des données d’identification électroniques contenues dans la puce de la carte nationale d’identité électronique.

Je comprends votre position, mais, à mon avis, un tel dispositif ne se justifie pas. La compétence du ministère de l’intérieur en matière de lutte contre l’usurpation d’identité n’est pas contestable et la gestion de la fonctionnalité d’identification électronique participe exactement du même objectif.

C'est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Même avis !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Je rappelle que la carte ne permet pas seulement de contrôler l’identité de son titulaire ; elle fournit également l’occasion d’apprendre bien des choses sur sa vie privée, sur ses actes quotidiens, comme les achats effectués ou encore les bases de données consultées. Il nous semble donc important que la gestion des données figurant sur cette carte et qui sont autant de traces d’actes de la vie quotidienne, ne soit pas sous le contrôle du ministère de l’intérieur.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° 14, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Les données mentionnées dans cet article sont supprimées à compter de l’expiration de la carte nationale d’identité ou du passeport mentionné à l’article 2.

Cet amendement a été précédemment défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

L’effacement des données personnelles immédiatement après l’expiration du titre d’identité ne permettrait pas, au moment du renouvellement de ce titre, de s’assurer de l’identité du demandeur, ce qui ruinerait totalement les efforts engagés pour lutter contre l’usurpation d’identité.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement, même si l’on peut en effet s’interroger sur la durée maximum de conservation de ces données ; c’est un débat dont pourra se saisir l’Assemblée nationale.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Même avis, pour les mêmes raisons.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 5 est adopté.

La vérification de l’identité du possesseur de la carte nationale d’identité ou du passeport est effectuée à partir des données inscrites sur le document lui-même ou sur le composant électronique sécurisé mentionné à l’article 2.

Sont seuls habilités à procéder à cette vérification à partir des données mentionnées au e de l’article 2, les agents habilités à cet effet dans des conditions définies par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

En cas de doute sérieux sur l’identité de la personne, ou lorsque le titre présenté est défectueux ou paraît endommagé ou altéré, la vérification d’identité peut être effectuée en consultant les données conservées dans le traitement prévu à l’article 5.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° 15, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer les mots :

ou sur le composant électronique sécurisé mentionné à l’article 2

par une phrase ainsi rédigée :

La consultation des données biométriques figurant sur le composant électronique sécurisé mentionné à l’article 2 ne peut être effectuée qu’à la demande ou sous le contrôle du juge judiciaire.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Cet amendement vise à mettre en œuvre le principe défendu et réaffirmé par la Cour européenne des droits de l’homme selon lequel l’ensemble des citoyens ne peuvent être traités de la même manière que les personnes coupables ou inculpées.

Étendre la consultation des données biométriques à tous les possesseurs de cartes de nouvelle génération, c’est méconnaître le principe de la présomption d’innocence.

Pour ces raisons, nous considérons que ces données ne doivent pouvoir être consultées que sous l’autorité d’un juge de l’ordre judiciaire.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Actuellement, les contrôles d’identité ne s’effectuent pas nécessairement sous l’autorité du juge. Il n’y a pas de raison d’interdire aux douaniers ou aux policiers de procéder à ces contrôles, sachant qu’ils se limiteront, sauf doutes sérieux, à s’assurer que les empreintes du titulaire du titre sont bien les mêmes que celles qui sont inscrites sur ledit titre. La commission a d’ailleurs été très vigilante sur ce point.

Par ailleurs, la commission a également veillé à définir strictement les agents compétents en la matière, nous y reviendrons en examinant un amendement du Gouvernement.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Défavorable également.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 8, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

Sont seuls autorisés à procéder à cette vérification à partir des données mentionnées au e de l'article 2, les agents chargés des missions de recherche et de contrôle de l’identité des personnes, de vérification de la validité et de l’authenticité des passeports et des cartes nationales d’identité électroniques.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Cet amendement, madame la présidente, a pour objet de simplifier le dispositif. Un régime d’habilitation individuel nous semble en effet très difficilement opérationnel. Il ne paraît pas vraiment raisonnable d’envisager de délivrer cette habilitation aux milliers de policiers ou de gendarmes qui effectuent quotidiennement des vérifications et des contrôles d’identité.

Je vous propose donc d’adopter le système en vigueur pour le passeport, lequel semble plus approprié, et de confier les possibilités de vérification aux agents chargés des missions de recherche et de contrôle de l’identité des personnes et de vérification de la validité et de l’authenticité des titres.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° 16, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après les mots :

pris après avis

insérer le mot :

conforme

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Cet amendement vise à prévoir un avis conforme de la CNIL sur l’utilisation des données biométriques contenues dans les nouvelles cartes et la gestion du fichier national.

Il serait en effet pour le moins paradoxal que la CNIL émette des avis réservés exigeant plus de précautions et que le Conseil d’État n’en tienne pas compte.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

L’amendement du Gouvernement vise à remplacer la procédure d’habilitation des personnes autorisées à lire l’empreinte digitale inscrite sur la puce électronique du titre d’identité par une définition des personnes compétentes.

Une telle rédaction est apparue préférable, puisqu’elle indique à l’autorité réglementaire quels agents publics pourront être autorisés à procéder aux contrôles d’identité à partir des empreintes digitales.

La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement n° 8.

Si cet amendement est adopté, l’amendement n° 16 n’aura plus d’objet. En tout état de cause, aux termes de l’article 26 de la loi relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, les fichiers biométriques mis en œuvre pour le compte de l’État ne relèvent pas d’un régime d’autorisation par la CNIL. Il n’y a donc pas lieu de prévoir un avis conforme.

La commission émet par conséquent un avis défavorable sur l’amendement n° 16.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

En conséquence, l'amendement n° 16 n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 5 bis, modifié.

L'article 5 bis est adopté.

Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, définit les conditions dans lesquelles le traitement prévu à l’article 5 peut être consulté par les administrations publiques et certains opérateurs économiques spécialement habilités à cet effet, pour s’assurer de la validité de la carte nationale d’identité ou du passeport français présentés par son titulaire pour justifier de son identité.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Cet article résulte de l’adoption par la commission des lois d’un amendement du rapporteur qui autorise les administrations publiques, mais aussi, et c’est plus grave, des opérateurs économiques privés, à consulter le fichier national prévu à l’article 5 de la proposition de loi.

Pour notre part, contrairement à M. le rapporteur, nous n’assimilons pas ce fichier à celui qui est actuellement en vigueur pour les chèques irréguliers, le Fichier national des chèques irréguliers, le FNCI. Ces deux fichiers sont très différents, et ce pour deux raisons.

En premier lieu, le fichier prévu à l’article 5 de cette proposition de loi intègre des données biométriques, ce qui en fait un fichier particulièrement sensible. C’est d’ailleurs pourquoi la CNIL précise que cette proposition de loi, pour être recevable, doit impérativement respecter le principe de proportionnalité entre les besoins ou les problèmes posés et les réponses formulées.

Or nous considérons que permettre à des opérateurs commerciaux privés, c’est-à-dire à des commerçants, d’accéder à des données biométriques n’est pas acceptable. Une telle disposition ne respecte pas le principe de proportionnalité.

En second lieu, ce fichier est sans commune mesure avec le FNCI, auquel M. le rapporteur fait référence. Le FNCI centralise les déclarations de perte ou de vol de chèques. À cette fin, il enregistre les numéros des comptes bancaires des interdits bancaires, la référence des comptes, de même que les caractéristiques des faux chèques.

Ainsi, le FNCI, contrairement à ce que laisse entendre M. le rapporteur, et contrairement au fichier prévu dans cette proposition de loi, ne recense aucune donnée nominative – aucune, mes chers collègues.

Avec cet article, un cap supplémentaire vers l’utilisation à des fins privées de fichiers publics est franchi, ce qui nous apparaît inacceptable au regard du droit de chacun au respect de sa vie privée.

Nous voterons donc contre cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° 19, présenté par M. Pillet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après le mot :

avis

Insérer le mot :

motivé et publié

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Il s’agit d’un amendement de coordination. Il tend à reprendre l'expression utilisée à l'article 27 de la loi relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés s'agissant des décrets créant des fichiers biométriques mis en œuvre pour le compte de l'État.

Cela évitera que le juge administratif ne considère qu'en employant une expression différente le législateur a entendu créer un régime spécial dispensant de l'obligation de motivation et de publication.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Le Gouvernement est favorable à cet amendement.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après les mots :

administrations publiques

insérer les mots :

, des opérateurs assurant une mission de service public

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Cet amendement rédactionnel, madame la présidente, a pour objet de permettre aux organismes de protection sociale – les caisses d’allocations familiales, d’assurance maladie, d’assurance retraite, Pôle emploi, notamment – et aux centres de formalités des entreprises de consulter le traitement prévu à l’article 5.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

L’article 5 ter autorise la consultation du fichier prévu à l’article 5 à la seule fin de connaître le statut, valide ou non, d’un titre d’identité, sur le modèle de ce qui se pratique pour les chèques irréguliers.

L’amendement du Gouvernement vise à ajouter à la liste des opérateurs compétents ceux qui assurent des missions de service public. Cette addition est tout à fait opportune.

La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° 3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer les mots :

spécialement habilités à cet effet

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Il s’agit encore d’une question d’habilitation, après le problème d’habilitation individuelle que nous avons rencontrée tout à l’heure.

Pour des raisons opérationnelles, il vous est proposé de recourir à un dispositif reposant sur la définition.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

La précision selon laquelle les administrations et certains opérateurs économiques doivent être spécialement habilités à consulter l’information sur la validité du titre qui leur est présenté renvoie au pouvoir réglementaire le soin de fixer les critères pertinents en la matière.

Dans la mesure où le texte de l’article 5 ter renvoie d’ores et déjà aux conditions définies par un « décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés », la précision semble redondante. En outre, elle est effectivement susceptible d’imposer la mise en place d’un régime lourd d’habilitation, ce qui n’est pas utile, l’information communiquée étant limitée au seul statut, valide ou non, du titre d’identité.

Par conséquent, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Je voudrais juste poser une question de forme. Avec la nouvelle rédaction, l’article mentionnera « certains opérateurs économiques ». Mais de qui s’agira-t-il ?

Je ne comprends pas très bien cette rédaction, et je pense qu’elle risque de poser des problèmes d’interprétation.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Puis-je vous interrompre, madame Klès ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. le ministre, avec l’autorisation de l’orateur.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Madame la sénatrice, compte tenu des amendements qui ont été adoptés, le texte se lira ainsi : « […] le traitement prévu à l’article 5 peut être consulté par les administrations publiques, des opérateurs assurant une mission de service public […] ».

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Non. Cela résulte de l’adoption de l’amendement n° 4.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Monsieur le ministre, l’amendement n° 3 vise simplement à supprimer les mots : « spécialement habilités à cet effet ». Le texte sera donc ainsi rédigé : « les administrations publiques et certains opérateurs économiques ».

Si vous souhaitez à présent écrire « les opérateurs économiques », il faut rectifier votre amendement pour remplacer « certains » par « les ».

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Ce ne sont pas « les » opérateurs économiques ; ce sont « des » opérateurs !

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

C’est simplement un problème de forme. La rédaction de l’article ne correspond pas à ce que M. le ministre vient de nous indiquer.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Ma chère collègue, le début de l’article sera ainsi rédigé : « Un décret en Conseil d’État, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, définit les conditions dans lesquelles le traitement prévu à l’article 5 peut être consulté par les administrations publiques, des opérateurs assurant une mission de service public et certains opérateurs économiques », la suite de l’article n’étant pas modifiée.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Mais qui seront les « certains » en question ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

M. François Pillet, rapporteur. C’est le décret qui en fixera la liste ; il pourra s’agir, par exemple, des chambres de commerce ou des centres de formalités des entreprises.

Mme Virginie Klès proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à Mme Virginie Klès, pour achever cet échange.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Monsieur le rapporteur, je veux bien vous entendre, mais, dans la rédaction qui nous est proposée, le décret définit seulement les « conditions » dans lesquelles une consultation est possible, il ne détermine pas la qualité de ces « certains » qui seront habilités à consulter.

C’est pourquoi je m’interroge. Est-il juridiquement correct d’écrire « certains opérateurs économiques » ? Mais peut-être me posé-je trop de questions…

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Le problème peut trouver une solution dans le cadre de la navette.

Je mets aux voix l'amendement n° 3.

L'amendement est adopté.

L'article 5 ter est adopté.

(Non modifié)

Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, fixe les modalités d’application de la présente loi. Il définit notamment les modalités et la date de mise en œuvre des fonctions électroniques mentionnées à l’article 3.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 17, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Première phrase

Après les mots :

pris après avis

insérer le mot :

conforme

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° 20, présenté par M. Pillet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Première phrase

Après le mot :

avis

Insérer le mot :

motivé et publié

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 17.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

L’amendement n° 20 est également un amendement de coordination.

La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 17.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 17 et un avis favorable sur l’amendement n° 20.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté.

L'article 6 est adopté.

Les articles 323-1, 323-2 et 323-3 du code pénal sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque cette infraction a été commise à l’encontre d’un système de traitement automatisé de données à caractère personnel mis en œuvre par l’État, la peine est portée à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 € d’amende. »

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° 5, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le code pénal est ainsi modifié :

1° L’article 323-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque les infractions prévues aux deux alinéas précédents ont été commises à l’encontre d’un système de traitement automatisé de données à caractère personnel mis en œuvre par l’État, la peine est portée à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 € d’amende. »

2° Les articles 323-2 et 323-3 sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque cette infraction a été commise à l’encontre d’un système de traitement automatisé de données à caractère personnel mis en œuvre par l’État, la peine est portée à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 € d’amende. »

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Cet amendement a pour objet de maintenir la cohérence de l’échelle des peines.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

L’amendement vise à renforcer la répression pénale du piratage des fichiers mis en œuvre par l’État. Ce renforcement des peines encourues semble justifié eu égard à la sensibilité toute particulière des fichiers concernés.

La peine de sept ans est notamment encourue pour les atteintes au secret de la défense nationale ou la constitution de faux aggravé.

Une autre possibilité pour renforcer la répression pénale était d’élever l’amende à 300 000 euros. C’est ce que prévoyait initialement la proposition de loi, s’inspirant en cela des peines habituellement encourues pour non-respect des prescriptions de la CNIL.

Mais il est opportun de réprimer plus sévèrement les atteintes portées aux fichiers mis en œuvre par l’État. C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis favorable sur cet amendement.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° 6, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le cinquième alinéa de l’article 9 de la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« – le système de gestion commun aux passeports et aux cartes nationales d’identité ; »

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

L’article 9 de la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme autorise les services de police et de gendarmerie spécialisés, désignés par arrêté, à accéder à certains fichiers administratifs pour les besoins de leurs missions administratives ou judiciaires.

Parmi ces fichiers figurent le système de gestion des cartes nationales d’identité et le système de gestion des passeports.

Dans la mesure où la proposition de loi crée une base nouvelle, commune aux cartes d’identité et aux passeports, mais juridiquement distincte des deux bases actuelles, il semble opportun d’ajouter ce nouveau système de gestion à la liste prévue à l’article 9 de la loi du 23 janvier 2006.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Il n’y a aucune difficulté sur ce point.

Cet amendement de coordination vise à donner accès aux services de lutte contre le terrorisme au fichier commun des cartes nationales d’identité et des passeports.

Actuellement, ces services ont accès à chacun des deux fichiers séparés de gestion des cartes nationales d’identité et des passeports sans pouvoir utiliser les empreintes digitales. Or, précisément, le système que vous avez accepté en adoptant le texte de la commission est conforme à cette situation.

Par conséquent, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 7.

Toute décision rendue en raison de l’usurpation d’identité dont une personne a fait l’objet et dont la transcription ou la mention sur les registres de l’état civil est ordonnée, doit énoncer ce motif dans son dispositif. –

Adopté.

(Non modifié)

La présente loi est applicable sur l’ensemble du territoire de la République. –

Adopté.

(Non modifié)

Les éventuelles conséquences financières résultant pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 9, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Cet amendement vise à lever le gage sur l’ensemble de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° 18, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

1° Après les mots :

de la présente loi

insérer les mots :

à l’exception des frais engendrés par l’application de l’article 3

2° Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Les taux de l’impôt mentionné au second alinéa de l’article 219 du code général des impôts sont augmentés à due proportion des dépenses engagées en raison de l’application de l’article 3 de la présente loi. Un décret précise les modalités d’application de cet alinéa.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Je retire cet amendement, madame la présidente.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L'amendement n° 18 est retiré.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 9 ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

M. François Pillet, rapporteur. Avis très favorable !

Sourires

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Comme je l’ai indiqué dans la discussion générale, le groupe socialiste est évidemment favorable à la protection de l’identité et à la lutte contre l’usurpation d’identité.

Nous soutenons également les dispositions adoptées dans la présente proposition de loi, à quelques exceptions près, dont une essentielle : nous n’avons pas obtenu ce que nous demandions sur la gestion des données contenues dans la puce « vie quotidienne », cette puce facultative dont pourra être dotée la future carte nationale d’identité électronique.

C’est pourquoi nous nous abstiendrons sur ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

La proposition de loi est adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L’ordre du jour appelle la suite de l’examen de la proposition de résolution instituant une « journée nationale de la laïcité », présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par M. Claude Domeizel et les membres du groupe socialiste et apparentés (proposition n° 269).

Je vous rappelle que nous avons entamé la discussion de cette proposition de résolution le 28 avril dernier

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mlle Sophie Joissains.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Joissains

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà quinze mois, j’ai déposé sur le bureau de notre Haute Assemblée une proposition de résolution instituant une journée nationale de la laïcité et de la cohésion républicaine le 9 décembre, date anniversaire de l’adoption de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État.

Si cette proposition a été déposée dans un contexte particulier, sa justification n’était malheureusement pas conjoncturelle. Notre société souffre de l’effritement et de la remise en cause progressive de ses valeurs, du cloisonnement plus concret chaque jour entre les communautés ethniques, religieuses, mais également entre les différents niveaux sociaux.

Égalité des chances, ascenseur social sont des notions en perte de sens. La laïcité est au premier rang des acquis de la Révolution française. C’est l’un des rouages qui permettent l’égalité de chacun face à ses droits et à ses devoirs, un rouage essentiel à la définition d’un espace du « vivre ensemble » où les différences sont symboliquement abolies.

Née de violents conflits anticléricaux, la laïcité, comme la République, toutes deux baignées du sang révolutionnaire, sont aujourd'hui devenues les gardiennes sages et vigilantes des droits et des devoirs fondamentaux de tous et de chacun.

Le principe de l’égalité des droits de l’homme et de ceux de la femme est la problématique majeure, le débat fondamental, qui a ramené la laïcité au cœur de la scène publique. Le port de vêtements vus, vécus, à tort ou à raison, comme des symboles religieux marquant une infériorité de la femme par rapport à son homologue masculin ne pouvait qu’inquiéter nos consciences républicaines.

Liberté religieuse, vestimentaire, d’opinion, égalité des droits et des statuts, le chemin menant à la vérité est difficile à trouver. La laïcité doit être présente pour limiter les excès et imposer un corpus de règles communes à tous.

Une laïcité de fermeté, mais également une laïcité de tolérance, qui soit le bannissement de tous les intégrismes religieux ou laïques, qui permette l’identité jusqu’à la limite du respect de l’autre, de la loi et des principes républicains les plus fondamentaux.

La proposition de résolution qui vous est présentée ce soir, mes chers collègues, a été retravaillée par Claude Domeizel et par moi-même dans un objectif d’épure républicaine. Ce n’est pas habituel : ce texte n’est ni de droite ni de gauche. Nous ne partageons pas les mêmes options politiques, mais nos familles de pensée respectives reposent sur une grande idée qui nous est commune à tous : celle de la France et de la République. C’est de cela qu’il s’agit ici.

Le texte ne prévoit pas d’instituer une journée commémorative, il n’y en a que trop, mais il met en place un symbole républicain vivant qui, l’espace d’une journée, ni fériée ni chômée, au sein des écoles, des ministères, du monde associatif, interroge enfants, professeurs, chercheurs, politiques sur ce qu’est la laïcité, sur ce que doit être et devenir cet espace particulier de respect, de partage, de curiosité, de « vivre ensemble ».

Cette proposition de résolution est un symbole, mais elle se veut aussi une amorce. D’autres mesures d’intérêt général, issues du même esprit de cohésion, concernant tant l’éducation que le service civique, devront prendre place dans notre édifice républicain, pour nos enfants, pour l’avenir de la France, pour son rayonnement philosophique, dans un monde où une mondialisation aveugle et tendant à l’uniformisation se développe. Une mondialisation difficilement évitable et face à laquelle nous devons, en confiance, imposer et défendre un des systèmes les plus beaux qui soit au monde.

Ce système, cette philosophie, mélange de liberté et de fraternité qui a fait le siècle des Lumières, a permis à chacun d’exister en tant que citoyen, de bénéficier de soins et des vertus de l’enseignement en dehors de toutes considérations financières.

Je ne connais pas, je me répète, de plus beau système au monde. Cet esprit frondeur, humaniste, généreux et libre-penseur pourrait, demain, disparaître. Le souvenir doit rester vivant. L’histoire s’efface de la mémoire de nos enfants, et c’est alors le sens des choses qui s’enfuit. Pourquoi la fraternité ? Pourquoi l’égalité, la liberté, la laïcité ? À quoi correspondent-elles si en soi rien ne résonne ?

La laïcité est un principe dont le fondement législatif doit, à mon sens, rester inchangé. Toucher à un symbole comporte toujours le risque de l’altérer. C’est dangereux, trop dangereux…

Ce principe doit pénétrer la conscience de nos enfants et la nôtre. Cette journée, sans être une panacée, doit et peut donner du sens à ce qui est, dans notre République, le fondement du « vivre ensemble ». Laïcité ne signifie plus haine du religieux, laïcité ne signifie pas reniement de notre histoire, de notre culture ou négation de notre patrimoine historique. Laïcité signifie, aujourd'hui, transmuer le choc des cultures en richesse des civilisations.

Portons haut cette valeur, ce ciment de la République, et donnons-lui toute sa place dans la reconstitution de notre grand socle républicain.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. Claude Domeizel, auteur de la proposition de résolution.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de la séance du 28 avril dernier, la discussion sur cette proposition de résolution a été interrompue pour respecter notre règlement, ce que je peux comprendre.

Pour autant, je regrette profondément cette interruption, car elle a cassé la dynamique et l’unité du débat sur un sujet aussi sensible que celui de la laïcité. Du 28 avril à aujourd'hui, la coupure fut un peu longue…

Certes, les Français ont d’autres préoccupations, le pouvoir d’achat, la montée des prix des carburants, l’insécurité, la scolarité de leurs enfants... Mais, justement, en période de difficultés économiques, l’histoire a montré que la réaction primaire consiste à chercher un bouc émissaire. Souvent, le responsable désigné, c’est l’autre, celui qui n’a pas la même culture ou la même religion.

C’est bien la preuve que le concept de laïcité, fondement d’un destin commun pour des hommes et des femmes qui ne partagent pas les mêmes croyances, devient très flou dans l’adversité.

Dans ces circonstances, pourquoi ne pas consacrer une journée par an pour rendre ce concept plus vivant et pour mieux l’expliquer aux uns et aux autres. ? Notre pays y gagnerait en tolérance, en acceptation réciproque et donc en paix sociale.

Faut-il laisser aux seules autorités publiques, c'est-à-dire à l’État et aux collectivités territoriales, le soin de veiller au respect de ce principe et de répondre, au cas par cas, aux problèmes posés ? Que ce soit pour l’utilisation des salles, pour la mise à disposition de la piscine ou pour l’offre dans les restaurants scolaires, les solutions oscillent selon les communes entre stigmatisation et laxisme. L’égalité de traitement du citoyen, autre principe républicain, nous oblige donc à apporter une réponse uniforme sur tous ces sujets.

Au cours de la journée de la laïcité, les rencontres, les initiatives, les tables rondes entre citoyens de toutes origines ont plus de chances de déboucher, dans la sérénité, sur des analyses consensuelles et respectueuses, barrant la route à une instrumentalisation haineuse de ces thèmes.

L’objet de cette proposition de résolution n’est pas non plus de raviver des polémiques. Cependant, celles-ci ne se régleront pas toutes seules, et l’on ne fera pas l’économie d’une prise de conscience collective. Organiser une journée sur la laïcité peut permettre d’agir et de prévenir pour endiguer toute dérive.

Il se trouve, d’ailleurs, que les députés de la majorité, ont déposé également une proposition de résolution « sur l’attachement au respect des principes de laïcité, fondement du pacte républicain, et de liberté religieuse », qui a été discutée, par le plus grand des hasards, et le hasard fait bien les choses, hier, à l’Assemblée nationale. Ce 31 mai – et nous sommes encore dans la séance du 31 mai - se trouve donc consacré, en quelque sorte, par le calendrier parlementaire « journée parlementaire sur la laïcité ».

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

J’ose espérer que par « liberté religieuse », M. Copé et les cosignataires de ce texte entendent « liberté de conscience ». Sinon, ils commettent une grossière erreur sur le sens de la laïcité. Bien involontairement, sans doute, ils donnent du grain à moudre à notre argumentation.

Que trouve-t-on dans cette proposition ? Une exigence de clarification des règles – jusque-là, nous sommes d’accord –même si nous préférons que cette clarification s’opère au travers d’une journée de sensibilisation, d’échanges et de prise de conscience plutôt qu’en décrétant son caractère obligatoire. Mais, au final, la proposition de M. Copé vise uniquement à mettre en cause les termes de la loi de 1905, ce qui, à mes yeux, est inacceptable.

La loi de 1905 n’a pas à être modifiée, car elle répond à tous les cas de figure.

Je le répète, la laïcité n’a pas à être débattue, elle se vit et s’applique en tant que principe fondateur de la République, et qui lui est consubstantiel.

Avec mes collègues socialistes, nous proposons de prendre le temps d’expliquer le concept de laïcité, plus particulièrement au cours d’une journée qui lui serait dédiée.

Bien sûr, certains diront qu’il s’agit encore d’une journée à thème, d’autant qu’il y en a déjà beaucoup. Je leur répondrai que de telles journées, comme les jours de fête, prouvent leur utilité... Au vu de l’écho favorable suscité par notre proposition et des nombreux encouragements que nous avons reçus, je ne doute pas un instant qu’une journée de la laïcité provoquera l’engouement et l’adhésion de nombre de nos concitoyens, qui, à leur niveau, voudront participer à cet élan et apporter leur pierre à la consolidation de la laïcité.

Mes chers collègues, je vous demande de nouveau de réfléchir aux bénéfices considérables que peut nous apporter, en termes de cohésion républicaine, une journée dédiée à la laïcité.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mlle Sophie Joissains applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est avec grand plaisir que j’ai entendu à l’instant Mme Joissains et M. Domeizel s’exprimer dans le même sens. Je ne doute pas que M. Signé fera de même.

La loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État est, assurément, un texte fondateur de la République. Or, comme vous le savez, mes chers collègues, le mot « laïcité » n’y figure pas, même si l’article 1er de ce texte en définit l’esprit : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public. » Notez bien, mes chers collègues, qu’il s’agit d’une loi de séparation « des Églises » et de l’État…

La Constitution de 1958 a repris cette formulation : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. »

Le mot « laïcité », si important pour nous, se suffit à lui-même. Ici ou là, j’ai pu entendre parler de « laïcité positive » ; mais si la laïcité est vécue dans l’esprit qui est le sien, elle est nécessairement positive : elle ne peut pas être négative.

J’ai également entendu parler de « laïcité ouverte » ; mais si la laïcité est vécue dans l’esprit qui est le sien, elle ne saurait être fermée.

Aussi bien, mes chers collègues, ne parle-t-on jamais de la République « positive » ou de la République « ouverte » ; on dit simplement « la République ». On ne parle pas non plus de l’égalité « positive » ou de l’égalité « ouverte » ; on dit simplement « l’égalité ». Idem pour la liberté.

Oui, la notion de « laïcité » se suffit à elle-même.

J’entends que certains veulent revenir sur la loi de 1905, Claude Domeizel y a fait allusion à l’instant. Tel n’est pas notre souhait, car ce texte est devenu un symbole, au même titre que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et le préambule de la Constitution de 1946.

La loi de 1905 fait partie des textes fondateurs de la République, elle est le symbole d’une République fraternelle, où tous les enfants apprennent les uns à côté des autres, dans la même école, quelles que soient les convictions de leurs parents. Chacun a sa place dans la République laïque, fraternelle, avec ses certitudes, ses incertitudes, ses croyances ou ses absences de croyances, ses doutes, ses convictions, ses recherches, sa quête intime, profonde, solitaire ou partagée avec d’autres, du sens, de la vérité, de sa part de vérité, de ce qu’il pense être le vrai.

Nous sommes tous là, dans le respect de l’humaine fraternité.

Cette laïcité n’est pas forcément majoritaire dans le monde, et de nombreux systèmes ne s’en réclament pas. Pourtant, nous pouvons voir en France combien ce principe emporte de bienfaits, si bien que nous avons raison de proclamer qu’il a valeur universelle, qu’il vaut pour le monde.

Nous ne sommes pas forcément, les uns et les autres, des adeptes de la multiplication des commémorations. Mais ce que nous voulons instaurer ici est, me semble-t-il, autre chose qu’une commémoration un peu rituelle. Il s’agit en effet que le 9 décembre, jour de la promulgation de cette loi de séparation des églises et de l’État, dans tous les établissements scolaires de la République française, on appelle à la réflexion sur ce principe de laïcité si important pour notre pays et au-delà, ce principe qui définit les règles du « vivre ensemble », dans le respect de chaque être humain, ce principe qui est pour nous une source profonde d’humanisme.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Pierre Signé

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la laïcité a permis à la France d’entrer dans la modernité et en démocratie. Elle marque la séparation du civil et du religieux dans l’État. L’adjectif « laïc » s’oppose au mot « clérical » pour désigner l’indépendance par rapport à toute autorité religieuse, ce qui, pour les républicains de la IIIe République, renvoyait à la prétention du personnel religieux à régir un État au nom de Dieu.

Le concept de laïcité, au sens de laos, « du peuple », est ancien. Il est apparu au XIIIe siècle mais surtout au XVIe siècle, par opposition aux institutions proprement religieuses.

Il trouve ses racines dans les écrits des philosophes grecs et romains tels que Marc-Aurèle et Épicure, ceux des penseurs des Lumières comme Diderot et Voltaire, ou Thomas Jefferson et Thomas Paine aux États-Unis, et en France à travers les lois de Jules Ferry ainsi que les écrits des libres penseurs modernes, agnostiques ou athées. Pour eux, le triomphe du théologico-politique, c’est l’étouffement de la liberté de conscience et le retour des procès d’intention avec la traque du passé non conforme.

Le principe de laïcité affirme donc que le politique et le religieux n’ont rien de commun. Les tables de la loi religieuse ne doivent pas peser sur l’organisation de la vie de la cité qui correspond à une certaine conception du « vivre ensemble » – la chose a déjà été dite –, dans le respect des droits humains auxquels chacun peut prétendre. Selon ce principe, la croyance religieuse relève de l’intimité de l’individu.

La laïcité permet la sanctuarisation de l’espace public. Elle est soucieuse que les croyants puissent se faire entendre dans un esprit de tolérance et d’humanité.

Pour reprendre la formule de Jean Baubérot, la laïcité se définit par la sécularisation de l’État, la liberté des cultes et l’égalité des croyances entre elles.

Ce principe est simple. Il n’a pas pour objet de concevoir un discours spécifiquement pensé pour, ou plutôt à l’encontre de telle ou telle catégorie de population, de telle ou telle religion. Il rejette tout processus qui menace ou séduit les pouvoirs temporels ou spirituels sans pour autant organiser une déshumanisation qui aboutirait au refus de laisser les croyants et leurs institutions s’exprimer sereinement.

Radicale dans son principe, la conception française n’est pas totale. Le système éducatif français, construit autour de l’école laïque, gratuite et obligatoire, souligne que la formation religieuse ne fait pas partie du cursus des élèves, mais que les établissements peuvent disposer d’aumôneries et que des groupes de pratiquants actifs peuvent être créés – ils le sont d’ailleurs dans certaines écoles.

Aujourd’hui, cette loi acquiert une nouvelle actualité et invite à ouvrir un débat qui serait pour le moins surprenant si, monsieur le ministre, l’objectif électoral n’était pas évident. On parle de laïcité comme si on venait de la découvrir ! On évoque les difficultés rencontrées par les pratiques religieuses islamiques, comme les prières dans la rue, alors que la construction de mosquées est passée en dix ans de 1 000 à 2 000 ! Le débat sur les signes ostentatoires religieux portés dans les lieux publics, l’habillement, l’alimentation, la date des examens adaptée au calendrier des fêtes juives ou islamiques, ont ou vont trouver solution.

En vérité, la question tient à la place réservée à l’islam au sein de la société française. Le débat ne doit pas être prétexte à créer une tension qui, en filigrane, aurait pour objet de récupérer les thèmes sécuritaires et identitaires, alors qu’il pourrait être engagé, s’il doit l’être, dans des perspectives de réflexion, de proposition et de confiance.

Il semble que cet objectif soit oublié pour se résumer à une opposition à la montée de l’islamisme.

Par principe, la laïcité est un concept étroitement lié à celui de la liberté d’expression et d’opinion où l’État s’affirme areligieux et non pas antireligieux. Y voir une sorte d’hostilité de principe à la religion serait le plus grand contresens que l’on puisse faire à propos de la laïcité.

Que chercher de plus ? La laïcité est un principe intangible. C’est le socle de la République et de la démocratie, c’est un bien commun. Le mouvement de laïcisation et de sécularisation engagé en 1789 a connu, le 9 décembre 1905, sa dernière étape.

C’est donc une date capitale qui met fin au concordat napoléonien et à l’union entre l’Église catholique et le pouvoir politique. Les écoles doivent en faire un enseignement prioritaire dès l’école primaire.

Instituer une journée de la laïcité, ni fériée ni chômée, affichant la cohésion républicaine et affirmant que la préservation et l’approfondissement de notre démocratie doivent nous soucier quotidiennement n’est donc pas inutile.

Ce n’est pas commémorer dans le vide un reliquat poussiéreux des antiques luttes pour construire notre démocratie. C’est dire que l’on mesure le danger de l’emprise du religieux sur le politique et du politique sur le religieux, emprise qui peut s’imposer aux esprits et violer l’intimité des individus. Telle est la raison de notre demande quelque peu insistante quant à cette journée de la laïcité.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, au travers de cette proposition de résolution, la Haute Assemblée se saisit de la place du principe de laïcité dans notre société et de l’application de ce dernier.

Cette proposition déposée en janvier dernier démontre – faut-il le souligner ? – que le débat qui a traversé la société française ces dernières semaines répond à une attente réelle de nos concitoyens, une attente de clarification des règles et de réaffirmation d’un certain nombre de principes pour mieux vivre ensemble.

Ce débat est légitime et la Haute Assemblée a eu raison de s’en saisir.

Il est du reste parfaitement réconfortant pour les républicains que nous sommes de constater la convergence des réflexions et des démarches pour redire toute l’importance que nous attachons au principe de la laïcité et aux conséquences pratiques que nous en tirons.

Mesdames, messieurs les sénateurs, voilà un peu plus de six ans, la France célébrait le centenaire de la loi du 9 décembre 1905, montrant par là l’attachement de la communauté nationale aux grands équilibres de la laïcité à la française qui garantit la liberté de croire ou de ne pas croire.

Cela n’a rien de contradictoire – je le dis par référence au débat qui avait été entamé voilà quelques semaines – avec le constat de nos racines historiques qui sont purement et simplement des faits.

Cette laïcité est le résultat d’une longue histoire qui n’a pas été simple. Mais en dépit des crises et des conflits, comme l’avait d’ailleurs prévu l’un de ses pères fondateurs, Ferdinand Buisson, la laïcité fait désormais pleinement partie du « patrimoine national français ».

La question qui est posée aujourd’hui par la Haute Assemblée est celle de la célébration d’une journée nationale de la laïcité. Ni fériée ni chômée, cette journée nationale serait l’occasion de « manifestations éducatives, associatives et des travaux proposés par les pouvoirs publics ».

Cette proposition de résolution vise à rappeler l’attachement de la communauté nationale au principe de la laïcité. L’Assemblée nationale œuvre également en ce sens. Elle a adopté une proposition de résolution hier après-midi. Pour avoir assisté à ces travaux, je peux dire que je n’y ai pas vu, en quoi que ce soit, une remise en cause de la loi de 1905.

Le Gouvernement est naturellement favorable à ce que la laïcité, valeur fondamentale du pacte républicain, soit réaffirmée et promue. Je considère donc de façon positive cette proposition de résolution.

Je crois pourtant utile et nécessaire de mieux faire connaître, tout au long de l’année, la portée du principe de laïcité dans l’organisation de notre société, que ce soit dans les services publics ou dans le partage de l’espace public.

La laïcité constitue une exigence de tous les jours au même titre que notre devise républicaine. À ce titre, j’ai donc proposé le 15 avril dernier, au nom du Gouvernement, un certain nombre de mesures, après avoir réaffirmé qu’il n’était pas question de modifier la loi de 1905 bien que, souvenons-nous en, cette dernière ait déjà été modifiée une dizaine de fois.

Permettez-moi de profiter de cette occasion pour présenter brièvement les mesures annoncées ce jour-là.

D’abord, un « code de la laïcité et de la liberté de conscience » sera élaboré et publié dans les tout prochains jours. Ce sera une compilation des textes existants et de la jurisprudence ; il ne s’agira donc, en aucune façon, d’une refonte de la loi de 1905.

Ce code permettra une meilleure connaissance du principe de laïcité et participera donc à la prévention de conflits éventuels. Il répond à l’objectif à valeur constitutionnelle d’accès et d’intelligibilité de la règle de droit.

La formation initiale et continue des fonctionnaires intégrera l’apprentissage de la laïcité.

L’enseignement à l’école de la laïcité sera mieux identifié dans le cadre de l’instruction civique ; c’est une réponse directe à la proposition de résolution qui est actuellement en débat.

Cet enseignement, qui a déjà sa place tout au long du parcours scolaire, sera renforcé par une circulaire du ministre de l’éducation nationale.

Des « correspondants laïcité » seront désignés dans les administrations au niveau tant central que local.

Ce dispositif, mesdames, messieurs les sénateurs, me semble de nature à répondre à votre souci de mieux faire respecter la règle et de mieux la faire connaître.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, de l ’ Union centriste et du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Personne ne demande plus la parole ?...

Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.

Le Sénat,

Vu l’article 34-1 de la Constitution,

Rappelant que l’article 1er de la Constitution proclame que la France est une République laïque,

Considérant que la laïcité doit être un principe fondamental constamment rappelé, car il est ce qui nous permet de vivre ensemble, dans le respect des croyances et pratiques religieuses, des opinions et convictions diverses de chacun ;

Demande que la République française instaure une Journée nationale de la laïcité, garante de la cohésion républicaine, non fériée ni chômée, fixée au 9 décembre, et permettant chaque année de faire le point sur les différentes actions menées en la matière par les pouvoirs publics, ainsi qu’être l’occasion de manifestations au sein du système associatif et éducatif.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explication de vote sur l’ensemble.

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix la proposition de résolution instituant une « journée nationale de la laïcité ».

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Je rappelle que l'avis du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Voici le résultat du scrutin n° 221 :

Le Sénat a adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 1er juin 2011, à quatorze heures trente :

1. Proposition de loi relative à la modernisation du congé maternité en faveur de la protection de la santé des femmes et de l’égalité salariale et sur les conditions d’exercice de la parentalité (492, 2009-2010).

Rapport de Mme Claire-Lise Campion, fait au nom de la commission des affaires sociales (555, 2010-2011).

2. Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique (510, 2010-2011).

Proposition de loi visant à interdire l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures de schiste (377, 2010-2011).

Proposition de loi visant à abroger les permis exclusifs de recherches d’hydrocarbures non conventionnels et à interdire leur exploration et leur exploitation sur le territoire national (417, 2010-2011).

Rapport de M. Michel Houel, fait au nom de la commission de l’économie (556, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 557, 2010-2011).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée le mercredi 1 er juin 2011, à deux heures quarante-cinq.