Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 31 mai 2011 à 22h15
Journée nationale de la laïcité — Suite de la discussion et adoption d'une proposition de résolution

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est avec grand plaisir que j’ai entendu à l’instant Mme Joissains et M. Domeizel s’exprimer dans le même sens. Je ne doute pas que M. Signé fera de même.

La loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État est, assurément, un texte fondateur de la République. Or, comme vous le savez, mes chers collègues, le mot « laïcité » n’y figure pas, même si l’article 1er de ce texte en définit l’esprit : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public. » Notez bien, mes chers collègues, qu’il s’agit d’une loi de séparation « des Églises » et de l’État…

La Constitution de 1958 a repris cette formulation : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. »

Le mot « laïcité », si important pour nous, se suffit à lui-même. Ici ou là, j’ai pu entendre parler de « laïcité positive » ; mais si la laïcité est vécue dans l’esprit qui est le sien, elle est nécessairement positive : elle ne peut pas être négative.

J’ai également entendu parler de « laïcité ouverte » ; mais si la laïcité est vécue dans l’esprit qui est le sien, elle ne saurait être fermée.

Aussi bien, mes chers collègues, ne parle-t-on jamais de la République « positive » ou de la République « ouverte » ; on dit simplement « la République ». On ne parle pas non plus de l’égalité « positive » ou de l’égalité « ouverte » ; on dit simplement « l’égalité ». Idem pour la liberté.

Oui, la notion de « laïcité » se suffit à elle-même.

J’entends que certains veulent revenir sur la loi de 1905, Claude Domeizel y a fait allusion à l’instant. Tel n’est pas notre souhait, car ce texte est devenu un symbole, au même titre que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et le préambule de la Constitution de 1946.

La loi de 1905 fait partie des textes fondateurs de la République, elle est le symbole d’une République fraternelle, où tous les enfants apprennent les uns à côté des autres, dans la même école, quelles que soient les convictions de leurs parents. Chacun a sa place dans la République laïque, fraternelle, avec ses certitudes, ses incertitudes, ses croyances ou ses absences de croyances, ses doutes, ses convictions, ses recherches, sa quête intime, profonde, solitaire ou partagée avec d’autres, du sens, de la vérité, de sa part de vérité, de ce qu’il pense être le vrai.

Nous sommes tous là, dans le respect de l’humaine fraternité.

Cette laïcité n’est pas forcément majoritaire dans le monde, et de nombreux systèmes ne s’en réclament pas. Pourtant, nous pouvons voir en France combien ce principe emporte de bienfaits, si bien que nous avons raison de proclamer qu’il a valeur universelle, qu’il vaut pour le monde.

Nous ne sommes pas forcément, les uns et les autres, des adeptes de la multiplication des commémorations. Mais ce que nous voulons instaurer ici est, me semble-t-il, autre chose qu’une commémoration un peu rituelle. Il s’agit en effet que le 9 décembre, jour de la promulgation de cette loi de séparation des églises et de l’État, dans tous les établissements scolaires de la République française, on appelle à la réflexion sur ce principe de laïcité si important pour notre pays et au-delà, ce principe qui définit les règles du « vivre ensemble », dans le respect de chaque être humain, ce principe qui est pour nous une source profonde d’humanisme.

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