… qui considèrent que la part de l’agriculture dans le budget européen est trop importante.
Par ailleurs, les réductions de tarifs selon la méthode de l’étagement frapperaient plus sévèrement l’Union européenne que ses concurrents potentiels.
Pour l’Union européenne, l’abaissement prévu est de 70 % pour les tarifs supérieurs à 75 %, de 64 % pour les tarifs compris entre 50 % et 75 %, de 57 % pour les tarifs compris entre 20 % et 50 % et de 50 % pour les tarifs inférieurs à 20 %
Que resterait-il de la protection tarifaire pour l’agriculture européenne ? Par comparaison, les pays dits en voie de développement - parmi lesquels figurent certains pays du groupe de Cairns - verraient abaisser de 46, 7 % les tarifs supérieurs à 130 %, de 42, 7 % les tarifs compris entre 80 % et 130 %, de 38 % les tarifs compris entre 30 % et 80 % et de 33, 3 % seulement les tarifs inférieurs à 30 %
C’est donc d’un véritable démantèlement tarifaire qu’il s’agirait pour l’Europe, démantèlement de surcroît asymétrique, si l’on tient compte du fait que certains pays, comme le Brésil, disposent d’avantages comparatifs supérieurs aux nôtres ; je pense en particulier à la viande bovine.
La politique agricole commune initiale avait été fondée sur le principe des prélèvements à l’importation, remplacés par des droits de douane, d’abord variables, puis fixes. Le dernier acte sera accompli avec le démantèlement tarifaire, dont le projet de l’OMC a dessiné la perspective.
Si l’on peut admettre que les pays les moins avancés d’Afrique disposent de contingents tarifaires en franchise de droits, il est légitime de protéger nos agriculteurs contre la concurrence de ce que l’on appelait autrefois « les pays neufs », qui, pour des raisons géographiques, peuvent produire à très bas coût sur des exploitations latifundiaires.
Une troisième catégorie de mesures concerne l’élimination d’ici à 2013 des subventions à l’exportation. Je ne suis pas du tout certain que ces mesures bénéficieront aux agriculteurs des pays les moins avancés, qui, en cas de famine ou de crise alimentaire grave ou même de pénurie structurelle, peuvent avoir besoin d’importer à bas prix.
En tout cas, il faudrait veiller que, au-delà de l’aide alimentaire, nos exportations vers les grands pays importateurs de demain ne soient pas handicapées. La visibilité manque aujourd’hui pour prendre de pareils engagements. J’admets cependant que plutôt que de verser des subventions à l’exportation on préfère développer des possibilités de stockage pour reporter la production sur une période moins excédentaire. Une certaine régulation de la production éviterait tout écart durable entre production et consommation.
D’une manière générale, il faut opposer au libre-échangisme doctrinaire le principe d’une concurrence équitable dans les échanges internationaux. Nous voyons les produits industriels fabriqués dans les pays à bas coût envahir nos marchés à des prix de dumping, qu’il s’agisse de dumping social, monétaire ou environnemental. La France et l’Europe seraient bien inspirées de ne pas poursuivre dans le domaine agricole le désarmement unilatéral auquel elles ont procédé en matière industrielle.
De lourdes menaces pèsent sur l’avenir de l’agriculture française à l’OMC et au niveau européen.
Nous savons très bien que d’autres intérêts sont en jeu, notamment dans les services. Nous craignons que le Gouvernement ne soit tenté de faire prévaloir l’intérêt de quelques multinationales qui ne sont bien souvent françaises que de nom. Leur logique de développement, essentiellement financière, est très éloignée des intérêts de l’économie française.
Nous demandons donc, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, à être rassurés quant à votre détermination pour éviter que la Commission européenne ne soit tentée, encore une fois, de brader les intérêts de l’agriculture. Ce n’est pas le protectionnisme qui a créé la crise économique actuelle, c’est la liberté absolue laissée aux capitaux de spéculer et aux multinationales de se déplacer, dans une économie totalement ouverte qui nous désarme face à la concurrence sauvage du dollar ou de pays à très bas coûts salariaux.
Je souhaite que la France défende ses intérêts, qui sont aussi ceux de l’Europe.
L’Europe doit assumer pour l’essentiel son autosuffisance alimentaire. Elle doit veiller à l’équilibre de sa société ; il n’est pas nécessaire que l’exode rural vienne gonfler le nombre des chômeurs. Elle doit aussi veiller à la protection de ses paysages et à la qualité de son alimentation. Bien entendu, il convient de traiter à part les pays les moins avancés dont le destin est lié au nôtre ; j’ai déjà évoqué la question des pays d’Afrique et des Caraïbes.
Nous attendons donc, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, que la France utilise, le cas échéant, son droit de veto à l’OMC afin de faire obstacle à la conclusion d’une négociation qui empêcherait une réorientation efficace de la politique agricole commune.
Il est temps de remettre les pendules à l’heure et d’avoir une vraie discussion avec nos partenaires européens. Mieux vaut, selon moi, une absence d’accord qu’une négociation bâclée, car l’avenir de l’agriculture française et européenne est incompatible avec l’acceptation du cadre libéral mondialisé.
L’OMC mériterait mieux son nom si les marchés étaient véritablement organisés. C’est l’organisation qui manque. Dans le sigle de l’OMC, le « O » aujourd’hui n’a pas sa place. Nous ne voulons pas que notre agriculture disparaisse comme ont déjà disparu des pans entiers de notre industrie. Nous voulons une Europe qui protège et non une Europe ouverte et offerte, simple relais du libéralisme mondialisé.