J’en viens à la situation laitière dans son ensemble, dont vous avez tous dressé un tableau très clair. Jacqueline Gourault a évoqué sa participation à un comice agricole dans son département. Moi-même, samedi dernier après-midi, lors d’un comice agricole dans la commune des Andelys, j’ai eu l’occasion de discuter de ce sujet. Je reprendrai un terme que j’ai employé tout à l'heure au cours du débat précédent, la détresse des producteurs laitiers est perceptible en France, comme dans les autres pays européens. Il nous faut donc y répondre.
Cela ne vous étonnera pas, mesdames, messieurs les sénateurs, la réponse doit d’abord venir de l’Union européenne. À cet égard, je voudrais revenir très précisément sur quelques points qui ont été soulevés à juste titre par l’ensemble de ceux qui se sont exprimés.
Le bilan de santé de la PAC, la politique agricole commune, a permis de réintroduire un vrai pilotage économique et politique de la production et des marchés laitiers. Nous avons deux rendez-vous politiques en 2010 et en 2012 pour décider des options à retenir, notamment sur l’avenir des quotas laitiers, ainsi que je l’ai déjà dit tout à l'heure.
Je partage totalement – et je l’assume pleinement – l’analyse de Jean Bizet. Après avoir examiné attentivement le dossier depuis mon entrée en fonctions, je constate que la question est non pas celle de l’offre, mais celle de la demande. Il ne s’agit pas de savoir s’il faut maintenir les quotas laitiers, il faut déjà savoir si nous les remplissons ! Or tel n’est pas le cas !
Je veux bien plaider matin, midi et soir auprès de la Commission européenne et du Conseil européen pour le rétablissement de quotas laitiers, mais je n’aime pas livrer des batailles inutiles ou perdues d’avance. Je préfère me battre pour essayer d’améliorer la situation concrète de nos concitoyens.
Tout d’abord, je ne suis pas sûr d’obtenir la majorité nécessaire au Conseil européen pour obtenir le rétablissement de quotas laitiers. Ensuite, à supposer que j’obtienne ces quotas, j’ai bien peur de rétablir une ligne Maginot qui ne permettra pas de répondre aux interrogations des producteurs laitiers en France.
Cela signifie-t-il qu’il ne faut prévoir aucune régulation et qu’il faut laisser la libre concurrence gérer ce secteur ? Comme je l’ai dit précédemment, la réponse est clairement non. Nous avons besoin d’une régulation, parce que la production laitière n’est pas une production comme les autres : le marché n’y est pas systématiquement stable, le climat serein, la production et la demande ne sont pas systématiquement garanties.
Face à l’instabilité caractéristique de ce marché, il faut donc mettre en place une régulation de la production ; nous devons nous battre sur ce point.
La vraie question est de définir le type de régulation qui sera efficace pour garantir, à long terme, une stabilité des cours du lait en France et en Europe, et donc la soutenabilité de l’activité économique de la production laitière en Europe ? Ne nous focalisons pas sur le débat des quotas, qui risque d’être, à mon sens, un débat plus théologique que pratique.
Pour instaurer cette régulation de la production dans les meilleures conditions possible et essayer d’offrir un avenir cohérent à la production laitière, il est indispensable de savoir sur quels partenaires européens nous pourrons nous appuyer. C’est pourquoi je me rendrai très rapidement en Allemagne, comme je l’ai indiqué tout à l'heure, pour mener une stratégie d’alliance très utile et tout à fait nécessaire.
L’accord que nous avons conclu à l’échelle européenne a permis de limiter les effets de la crise, même si ce fut insuffisant.
Les aides au stockage privé de beurre ont été mises en place dès le 1er janvier 2009 ; les restitutions à l’exportation ont été réintroduites à la fin du mois de janvier dernier pour une large gamme de produits laitiers ; et, à partir du 1er mars dernier, les achats à l’intervention publique sont d’abord intervenus à prix fixe, puis par adjudication à des prix très proches des prix d’intervention. Ces mesures ont permis de stabiliser la situation, les cours du beurre et de la poudre de lait se situant quasiment aujourd'hui au prix d’intervention. Certes, ce n’est pas parfait, mais, je le dis simplement, ces décisions ont permis d’améliorer la situation.
Néanmoins, pour reprendre ce que j’ai dit lors du précédent débat, des incertitudes persistent et l’insatisfaction subsiste. Lors du dernier Conseil européen, la France a donc demandé, conjointement avec l’Allemagne, une plus forte mobilisation des outils de régulation des marchés. La Commission l’a fait, notamment concernant les restitutions à l’exportation et les mesures de stockage, qui sont efficaces et cohérentes, et qui pourraient être, selon moi, utilisées davantage sur le long terme. Elles devraient être prolongées au-delà des dates actuellement prévues par la réglementation.
Ces questions feront également l’objet de mon entretien avec Mme Fischer Boel tout à l’heure. J’essaierai de la convaincre d’aller plus loin dans ces mesures, de façon à répondre aux interrogations des producteurs laitiers.
Enfin, comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, l’accord sur le bilan de santé de la politique agricole commune permet également à chaque État membre d’orienter une partie des aides directes en fonction de choix nationaux. C’est une nouveauté dont nous avons su tirer profit.
Les mesures qui ont été décidées le 23 février dernier conduiront ainsi à réorienter en 2010 près de 1, 4 milliard d’euros, soit 18 % des aides directes reçues par les agriculteurs, en faveur de l’élevage à l’herbe.
Une enveloppe de 45 millions d’euros sera également consacrée à la production laitière en montagne, par le biais d’une aide couplée au litre de lait, de l’ordre de 20 euros les 1 000 litres.
Je le répète, la direction que j’entends donner à ces négociations communautaires est simple : il s’agit de la mise en place d’une régulation efficace de la production dans le secteur laitier, fondée sur des alliances solides avec nos partenaires européens.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez eu la gentillesse de me reconnaître une expérience européenne. Elle me permet d’affirmer que rien n’est pire, au niveau communautaire, qu’il s’agisse du Conseil européen ou de la Commission, que de s’arc-bouter sur une position sans disposer des alliances nécessaires pour la soutenir. En effet, vous risquez, à un moment ou un autre de la négociation, d’être contourné. À force d’avoir tenu une position trop rigide et peu raisonnable qui ne soit pas tournée vers l’avenir, vous devez ensuite céder face à des partenaires plus nombreux et revenir en France avec un accord qui n’est pas bon pour nos concitoyens. C’est précisément ce que je m’efforcerai d’éviter pour le secteur agricole.
Au niveau national, mon prédécesseur, M. Michel Barnier, avait décidé de geler la première hausse de 1 % des quotas, j’en ai parlé tout à l’heure.
Une mission de médiation a également été mise en place, conjointement avec le secrétariat d’État chargé de l’industrie et de la consommation.
Nous avons aussi proposé un nouveau cadre de régulation pour le secteur laitier. Vous le connaissez parfaitement, il repose sur le rôle central de l’interprofession laitière, tel qu’il a été défini en décembre dernier dans la loi de finances pour 2009. Il donne à l’interprofession les moyens de construire de nouvelles relations contractuelles durables, qui porteront notamment sur la définition du prix, les engagements sur les volumes, les calendriers de livraison – cet aspect, qui n’a pas été soulevé, est également important –, les modalités de règlement, de renégociation et de résiliation des contrats.
La question de la contractualisation est absolument majeure. Dans aucun secteur économique, on ne peut avancer et progresser sans savoir comment et quand sont fixés les prix et quels sont les délais de livraison et de paiement.