Intervention de André Vantomme

Réunion du 25 juin 2009 à 15h00
Fonctionnement du pôle emploi — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de André VantommeAndré Vantomme :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, le Pôle emploi est-il vraiment une réponse efficiente et suffisante à la question inquiétante de la progression du chômage à laquelle nous sommes actuellement confrontés ? Avant de répondre à cette question, il me paraît essentiel d’évoquer la problématique de l’augmentation du chômage, qui nous touche cruellement depuis le début de l’année.

Voilà quelques semaines, un grand quotidien national titrait : « L’emploi salarié s’est effondré au premier trimestre 2009 », et la situation n’évolue pas favorablement. Aucun secteur n’est épargné, la France ayant perdu 187 800 emplois salariés au cours des trois premiers mois de l’année, selon l’INSEE. C’est la plus forte perte nette d’emplois depuis 1945 ! Tout laisse à penser que la barre des 10% de chômeurs devrait être franchie avant la fin de l’année.

Aussi, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous donner votre vision de la situation de l’emploi dans notre pays dans un proche avenir ? Après avoir entendu votre réponse, nous aurons à nous mettre à la place de nos concitoyens qui connaissent ou connaîtront la perte de leur emploi, le chômage partiel, total, voire la fin de leurs droits.

Sachez que nous aurons à cœur de relayer nos administrés, touchés de plein fouet par la crise actuelle : ils vivent des situations d’anxiété, de détresse et de désespoir. Ayez bien en tête, monsieur le secrétaire d'État, les conséquences terribles de cette crise sur leur vie personnelle, familiale et sociale ! Nous partagerons, n’en doutez pas, ces inquiétudes, ces craintes, ces angoisses, qui ont souvent pour corollaires la dégradation de la santé ainsi que celle des rapports sociaux et familiaux, et les drames qui en sont bien trop souvent l’écho.

Monsieur le secrétaire d’État, au-delà des divergences politiques qui nous séparent, nous avons l’espoir, cet après-midi, que les valeurs républicaines et humanistes que nous partageons vont nous permettre d’avancer. Parvenons à faire de ce moment un temps de lucidité et d’introspection s’agissant des réponses institutionnelles à apporter à nos concitoyens, qui sont de plus en plus nombreux à être concernés par les affres du chômage.

Je pense aussi à notre jeunesse, qui, à l’issue d’une scolarité plus ou moins longue et réussie, éprouve de nombreuses difficultés pour accéder à un emploi.

Bien sûr, le Gouvernement n’est pas l’unique responsable de la situation. La crise actuelle est internationale, nous ne sommes pas les seuls touchés. Mais, monsieur le secrétaire d'État, je tiens tout de même à souligner que les excès du capitalisme financier qui nous ont menés là où nous sommes aujourd’hui n’ont pu être possibles que grâce à l’idéologie et à la politique ultralibérales prônées sans discernement ni scrupules par nombre de vos amis.

La cupidité sans limite de certains a complètement dérégulé l’économie mondiale, qui était déjà, par bien des aspects, tellement inégalitaire. Cette réalité, croyez bien que nos concitoyens en ont pris conscience !

S’il est bien un domaine où le Gouvernement et la majorité qui le soutient sont pleinement responsables, c’est le choix des questions sur lesquelles ils entendent légiférer et je vais précisément pointer du doigt aujourd’hui la réforme du service public de l’emploi. Cette réforme, annoncée à maintes reprises par le Président de la République durant la campagne présidentielle, était sous-tendue par un objectif majeur : l’amélioration des conditions de prise en charge des demandeurs d’emploi.

Il avait ainsi été annoncé que la fusion ANPE-ASSEDIC serait un facteur de simplification et d’économies qui permettraient de dégager des moyens supplémentaires pour l’amélioration du suivi des demandeurs d’emploi. Pièce maîtresse d’un projet électoral sur lequel il avait été élu, le Président entendait coûte que coûte voir mener à bien cette réforme et déclarait l’urgence pour son projet de loi relatif à la réforme de l’organisation du service public de l’emploi. Sa volonté s’est ainsi concrétisée dans la loi du 13 février 2008.

Or, si une opération de fusion est toujours un exercice délicat, celle-ci est encore plus complexe du fait de la différence opposant les deux institutions qui ont fusionné. En effet, d’un côté, nous avions les ASSEDIC et ses salariés de droit privé, familiers de la partie indemnisation, de l’autre, l’ANPE et ses agents de droit public, qui s’occupaient du suivi des chômeurs. Avec la fusion, ce sont deux métiers et deux statuts distincts qui se retrouvent sous un même pôle, avec toutes les problématiques qu’engendrent deux grilles de salaires affichant un différentiel d’environ 30 %.

Le personnel du Pôle emploi va donc être confronté, dans les mois qui viennent, à la négociation d’une convention collective, ce que beaucoup redoutent

Concernant la polyvalence des agents, comment acquérir les réflexes et apprendre un métier nouveau en quelques jours de formation seulement ?

S’y ajoutent les problèmes de locaux et de systèmes informatiques, la réalisation des 956 sites mixtes qui devaient être sur pied pour fin septembre ayant pris du retard.

De même, se pose la question des inégalités territoriales qu’entraînera cette mise en place.

Cette réforme ne doit en aucun cas, et j’insiste sur ce point, servir de prétexte à un nouveau desserrement du maillage territorial de l’institution dans les zones rurales.

N’oublions pas, monsieur le secrétaire d’État, que la question du déplacement est cruciale. Comment un demandeur d’emploi peut-il se rendre à une convocation obligatoire s’il habite à 30 kilomètres de son Pôle emploi ? La possession d’un véhicule n’est pas une condition de l’inscription, rappelons-le, et il faut donc que les sites soient accessibles par tous et partout sur nos territoires.

De plus, cette fusion s’opère malheureusement sur fond de crise économique et sociale, alors qu’elle avait été conçue sur la base d’une baisse du chômage, avec un objectif de plein emploi pour 2012.

Il va sans dire que plus personne ne croit à ce schéma.

Selon ses dernières prévisions, l’UNEDIC envisage, pour l’année 2009, 640 000 chômeurs de plus, dont beaucoup de jeunes. Les perspectives les plus pessimistes tablent sur 1 million de chômeurs supplémentaires ! Ainsi, pour les seuls trois premiers mois de l’année, Pôle emploi a enregistré 250 000 inscriptions nouvelles.

Les 45 000 salariés de Pôle emploi sont donc débordés, désorganisés. Insuffisamment formés, ils doivent apprendre leurs nouvelles missions tout en s’occupant d’au moins 120 demandeurs d’emploi chacun, voire 200 sur certains sites ! Les 1 840 embauches prévues ne sauraient suffire pour améliorer des conditions de travail devenues extrêmement difficiles. Il en résulte une démobilisation et une lassitude du personnel, qui ne peut plus effectuer correctement ses missions ni honorer les rendez-vous mensuels avec les inscrits, et ne s’occupe finalement plus que du suivi des chômeurs indemnisés.

Effectifs insuffisants, manque de temps, formations inadéquates, croissance exponentielle du nombre de dossiers à traiter : Pôle emploi n’est absolument pas opérationnel, et ce quels que soient les efforts de l’agence de communication que, avec vos faibles moyens, vous avez engagée pour tenter de faire accroire le contraire ! Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous préciser le coût de cette communication ?

De surcroît, est intervenue, depuis le 1er juin, la mise en application généralisée du revenu de solidarité active, le RSA. Selon M. Martin Hirsch lui-même, 7 millions de Français sont concernés. Pôle emploi voit donc arriver en masse de nouveaux dossiers à instruire, de nouvelles personnes à accompagner. La difficulté est d’autant plus grande que ces personnes sont, le plus souvent, très éloignées du marché du travail, généralement depuis longtemps déjà. Enfin, il convient de prendre en compte la fin de la dispense de recherche d’emploi pour les personnes âgées de plus de 57 ans et demi. Aussi, afin de faire face, Pôle emploi a-t-il décidé de confier le traitement de 320 000 dossiers de chômeurs à des cabinets privés. Peut-on vraiment continuer à prétendre, monsieur le secrétaire d’État, que la mise en place de Pôle emploi améliore l’efficacité du service public de l’emploi et permettra des économies ?

Le système est indéniablement surchargé, la plateforme téléphonique – le 3949, numéro surtaxé, rappelons-le – est sous tension, le suivi mensuel est devenu impossible… Il en résulte l’impossibilité, pour les agents, d’assurer les visites aux entreprises, à un moment où le nombre d’offres d’emploi est pourtant en chute libre ! Ils n’ont plus le temps de mettre en relation recruteurs et demandeurs d’emploi, ni de préparer les entretiens. Autant dire que l’accueil et le suivi des demandeurs d’emploi en souffrent et que le personnel vit de plus en plus mal la mise en place du dispositif d’offre raisonnable d’emploi. Les tensions montent, à la fois chez les agents et chez les usagers, lesquels ne bénéficient plus que d’un accompagnement répressif et sont l’objet de menaces répétées de radiation.

La longue liste des problèmes posés par la mise en place de Pôle emploi que je viens de dresser n’est pas exhaustive pour autant. Ma question est simple, monsieur le secrétaire d’État. La crise ne peut, à elle seule, expliquer tous ces dysfonctionnements. Par conséquent, quelles actions comptez-vous mener pour mettre fin à cette dégradation des conditions de travail que subissent les agents de Pôle emploi ? Que proposez-vous pour redonner vie à notre service public de l’emploi, qui, à cause d’une fusion préparée dans la négligence et la précipitation, perd encore plus, jour après jour, en humanité et en efficacité, au détriment de ses usagers ?

Vous nous apporterez vos réponses, monsieur le secrétaire d’État, sous un triple regard : celui de la représentation nationale, qui, par ses contacts répétés avec nos concitoyens confrontés au chômage, est de plus en plus sensibilisée à la question de l’efficacité du dispositif ; celui des agents de Pôle emploi, qui vivent au quotidien la dégradation de leurs conditions de travail et doivent, dans des circonstances déplorables, apprendre un nouveau métier ; celui de nos concitoyens concernés par le chômage et la recherche d’emploi, enfin, qui, tout en sachant qu’il ne faut pas accuser le baromètre si l’orage tonne, sont en droit d’attendre et d’espérer du service public de l’emploi une indispensable contribution à la résolution de leurs problèmes.

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