Séance en hémicycle du 25 juin 2009 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, vous me permettrez de saluer et de féliciter les nouveaux membres du Gouvernement qui se trouvent aujourd'hui présents

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

, avec une mention particulière pour MM. Henri de Raincourt et Michel Mercier.

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Nous formons des vœux pour que la fonction qui leur a été confiée par M. le Président de la République soit couronnée de succès, dans l’intérêt de notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Pierre Signé

M. René-Pierre Signé. Attendez les prochaines élections, et vous verrez !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Je rappelle que l’auteur de la question de même que la ou le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jean-Pierre Bel. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Chacun a en mémoire le discours du Président de la République à Versailles : « Je suis venu vous parler de l’avenir. […] Nous devons éviter qu’il y ait des exclus que l’on ne puisse réinsérer dans la société. » Il nous a promis pour demain « un monde dans lequel le progrès social, le progrès humain iront de pair avec les progrès économiques ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

En entendant ces propos, il m’est alors revenu à l’esprit que Nicolas Sarkozy avait occupé des fonctions ministérielles de premier plan pendant sept ans et qu’il était Président de la République depuis plus de deux ans.

Mes chers collègues, il arrive un moment où l’on se doit de répondre à la question du rapport entre le poids des mots et le choc de la réalité, à la question du décalage entre ce que vivent les gens sur le terrain, jour après jour, et les grands discours flamboyants qui, toujours, promettent pour demain ce que l’on ne fait pas aujourd’hui.

En Ariège, dans la région dont je suis l’élu, dans toute la France, on me parle des fins de mois de plus en plus difficiles, du chômage – 200 000 chômeurs en plus au premier trimestre –, de l’angoisse des jeunes sans perspective d’avenir, du désarroi des salariés qui ont travaillé toute leur vie et qui voient leur entreprise disparaître brutalement.

Quand le Président de la République dit « ne pas supporter l’idée de voir abandonnée une partie de nos territoires, [ni celle] d’une France sans usines ni ouvriers », comment ne voit-il pas qu’il s’agit non pas d’une idée abstraite, mais bien de ce que vivent nos concitoyens ? Ou alors veut-il continuer comme avant, comme lorsqu’il est allé promettre aux ouvriers d’Arcelor-Mittal, en Moselle, de garder leur usine ouverte, pour les laisser, quelques mois plus tard, la rage au cœur, assister à sa fermeture…

Monsieur le Premier ministre, qu’allez vous encore promettre aux salariés de Michelin, Continental, Alcatel et tant d’autres ? Quelles promesses pouvez-vous leur faire en dehors de celles que vous leur avez déjà prodiguées depuis sept ans ? « Un emprunt », dites-vous ! Telle est la recette miracle de l’intervention de Versailles. Dans un pays qui compte déjà 1 400 milliards d’euros de dette, on propose d’emprunter encore, de renvoyer les problèmes à l’après 2012, d’ajouter de la dette à la dette.

Répondez donc à ma question sur le rapport entre le poids des mots et le choc des réalités.

Monsieur le Premier ministre, plutôt que de pratiquer la fuite en avant, efforçons-nous, ensemble, de comprendre pourquoi vos recettes ne fonctionnent pas, sans renvoyer toujours à la crise, qui n’explique pas tout.

Marques d’impatience sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

M. Jean-Pierre Bel. Allez-vous enfin organiser un débat de politique générale suivi d’un vote, pour permettre à la représentation nationale de se saisir de ces enjeux, et engager votre responsabilité devant l’Assemblée nationale ? Ce débat, vous ne le devez pas seulement aux parlementaires ; vous le devez aussi, et surtout, aux Français !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Monsieur Bel, je vous remercie de me poser cette question : elle me permettra de répéter devant le Sénat ce que j’ai déclaré, hier, devant l’Assemblée nationale.

Après deux ans d’action intense – plus de soixante réformes ont été engagées –, le Président de la République et moi-même avons décidé de remanier le Gouvernement. Nous avons procédé à des modifications, mais nous n’avons pas changé de Gouvernement ! Cela signifie que nous n’avons pas changé de politique.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

M. François Fillon, Premier ministre. La politique que nous conduisons est celle à laquelle vous vous opposez depuis deux ans et que la majorité approuve.

Applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Dans ces conditions, je ne vois aucune raison de vous faire perdre votre temps

Marques d’approbation sur les travées de l’UMP. – Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Le Parlement, c’est du temps perdu, c’est bien connu !

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Monsieur Bel, la politique que mène le Gouvernement est simple : nous voulons amplifier l’effort de relance.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

En effet, je vous le rappelle, nous traversons une crise économique mondiale ; tous les pays européens connaissent la même situation, avec un taux de chômage qui, d'ailleurs, augmente souvent beaucoup plus fortement chez eux que dans notre pays.

Pour accroître l’effort de relance, nous définirons ensemble, avec la représentation nationale, des priorités et des secteurs stratégiques, auxquels nous consacrerons des moyens supplémentaires pour mieux préparer l’avenir, c'est-à-dire pour créer les emplois de demain.

Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Mais que faites-vous depuis sept ans ? Vous êtes tout de même au pouvoir depuis 2002 !

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Ainsi, monsieur le président du groupe socialiste, vous aurez le débat que vous souhaitez : dans les prochaines semaines, le Parlement décidera des secteurs stratégiques auxquels nous affecterons les moyens supplémentaires dégagés par un emprunt national.

La deuxième priorité du Gouvernement, c’est la mise en œuvre de tous les engagements du Grenelle de l’environnement, afin de réorienter le modèle économique français vers la croissance verte. Là encore, il n'y a rien de nouveau : nous tenons les promesses qui ont été prises devant le Sénat et l’Assemblée nationale.

Pour moderniser notre pays, nous voulons poursuivre les réformes de structure, dont les principales sont relatives à l’organisation de notre territoire et à notre fiscalité locale ; vous aurez l’occasion de vous prononcer sur ces questions à l’autonome.

Enfin, nous souhaitons renforcer notre contrat social. Ainsi, vous aurez à débattre de la réforme de la formation professionnelle et de l’extension du contrat de transition professionnelle. Nous souhaitons en effet que tous ceux qui pourraient perdre leur emploi, en particulier du fait des difficultés actuelles, bénéficient d’une année complète de salaire assurée, …

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

… et d’une formation qui leur permettra de rebondir lorsque nous sortirons de cette crise.

S'agissant toujours du contrat social, le Président de la République a proposé qu’un débat national ait lieu à la mi-2010 sur l’évaluation des réformes successives de nos régimes de retraite et sur les nouvelles décisions qui, le cas échéant, devraient être prises en la matière. Pourquoi anticiper un débat qui aura lieu à la mi-2010 ? Une concertation devra avoir lieu avec les partenaires sociaux et avec les Français avant que le Parlement se prononce.

Vous le voyez, monsieur le président du groupe socialiste, il n'y a aucune raison d’organiser un débat de politique générale.

En vérité, je vous le dis en toute amitié, …

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Il n’est pas question d’amitié ici ! Vous êtes un homme politique !

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

M. François Fillon, Premier ministre. … c’est moins au Gouvernement de réclamer la confiance de sa majorité qu’à l’opposition de s’interroger sur les raisons pour lesquelles elle n’a pas celle du peuple français !

Bravo ! et vifs applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

À chaque fois, nous avons droit à cet argument !

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Schurch

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, qui pourra, je le pense, reprendre à son compte le discours de politique générale que M. Nicolas Sarkozy a prononcé à Versailles et nous apporter quelques éclaircissements…

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Schurch

Mme Mireille Schurch. … sur les contradictions profondes de celui qui décide de chaque fait et geste du Gouvernement sans être le moins du monde responsable devant le Parlement.

Vives protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Schurch

M. Sarkozy, abusant de la méthode Coué, a martelé sa volonté de changer la France, l’Europe, le monde, et même le capitalisme… « Rien ne sera plus comme avant », a-t-il déclaré. Or, monsieur le Premier ministre, les oubliés du discours de Versailles ont le sentiment que les choses non seulement continuent « comme avant », mais s’aggravent, et qu’aucun signe de changement n’est à venir.

Les salariés sont toujours licenciés et le rythme des suppressions d’emploi s’accélère, les pauvres sont toujours plus pauvres, les précaires sont toujours aussi précaires et les salariés ne gagnent pas un sou de plus, bien au contraire, car beaucoup d’entre eux subissent le chômage partiel.

Brouhaha sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Schurch

Les services publics sont toujours autant menacés par vos dogmes libéraux de concurrence, de rentabilité et de réduction des dépenses publiques ; je pense, notamment, à l’hôpital, à l’école ou à la poste. Les retraités constatent amèrement, d’année en année, la baisse de leurs revenus.

Pour M. Sarkozy, l’éducation nationale, qu’il continue à démanteler avec 16 400 suppressions de postes cette année, relève sans doute du « mauvais déficit ». Le seul « bon déficit », à ses yeux, est-il celui des aides aux entreprises, qui s’opèrent sans contrôle, sans engagement réel et sans contrepartie ?

Monsieur le Premier ministre, pourquoi la situation continuera-t-elle comme avant, à mon avis, pour celles et ceux que je viens d’évoquer ? Parce que le chef de l’État n’entend ni répartir les richesses autrement, ni réduire les inégalités, ni s’attaquer au pouvoir des actionnaires. Il peut toujours affirmer vouloir partager différemment les revenus du capital et du travail : nous attendons des actes, depuis le discours de Toulon en septembre dernier, et ils ne viennent pas.

Dès lors, cessez l’hypocrisie : à l’évidence, la volonté n’est pas là !

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Schurch

Monsieur le Premier ministre, vos décisions le confirment : vous restez dans l’affichage et l’effet d’annonce.

Avant de vous attaquer aux retraités et aux chômeurs, avant d’achever le secteur public, et pour que, enfin, « rien ne soit plus comme avant », allez chercher l’argent là où il se trouve vraiment, mettez un terme au scandale du bouclier fiscal, des parachutes dorés et des revenus indécents des dirigeants d’entreprises, cessez de refuser nos propositions.

Marques d’impatience sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Schurch

Mme Mireille Schurch. Allez-vous, enfin, prendre cette mesure de justice fiscale que l’immense majorité de nos concitoyens attendent, à savoir l’abrogation du bouclier fiscal ?

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Schurch

Si vous ne le faites pas, monsieur le Premier ministre, tout va continuer comme avant !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Madame la sénatrice, vous demandez des actes prouvant que nous tenons les engagements qui ont été pris. Permettez-moi donc de vous en citer quelques-uns, en matière sociale comme en matière fiscale.

Dans le domaine social, qui a augmenté l’indemnisation du chômage partiel pour la faire passer à 90 % du salaire net ?

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

C’est notre majorité ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Qui a mis en place le RSA, …

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

… permettant ainsi à de nombreux Français de bénéficier de l’insertion ? C’est notre majorité !

Qui a mis en place les conventions de reclassement personnalisé et en a développé l’usage ?

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

C’est notre majorité !

Qui a porté de dix-sept à vingt-cinq le nombre de bassins d’emploi concernés par les contrats de transition professionnelle et fera en sorte que ce nombre augmente encore ?

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

C’est notre majorité !

Telles sont les mesures que nous avons mises en œuvre dans le domaine social, madame la sénatrice.

Vous m’interrogez également sur la partie fiscale de notre programme.

Qui a eu l’audace d’examiner chacune des niches fiscales et d’instaurer un plafonnement global de celles-ci ?

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

C’est notre majorité !

Qui, enfin, madame la sénatrice, a eu l’audace de faire part, sur la scène internationale, de sa détermination à éradiquer les paradis fiscaux

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Mme Christine Lagarde, ministre. …et à moraliser le paysage capitaliste ?

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Johnny Halliday paie ses impôts en Suisse et chante pour la fête nationale !

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Madame la sénatrice, vous revenez toujours sur le même sujet, celui du bouclier fiscal ! Je tiens à vous rappeler que le bouclier fiscal fonctionne vers le haut…

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Le 14 juillet, vous allez chanter l’Internationale !

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

… et vers le bas. Vous n’êtes pas sans savoir que deux tiers des bénéficiaires du bouclier fiscal sont des contribuables qui paient très peu d’impôt et qui, tout simplement, bénéficient du principe des 50 %.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Et si 14 000 contribuables bénéficient de l’essentiel du remboursement au titre du bouclier fiscal, c’est parce qu’eux-mêmes ont payé plus d’un milliard d’euros d’impôt à l’État français.

Il s’agit donc d’une mesure de justice fiscale fondée sur le principe selon lequel un contribuable n’a aucune raison de payer plus de 50 % de ses revenus à l’État.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Ma question s'adresse à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Le 12 juin dernier, le peuple iranien s’est rendu aux urnes pour élire le nouveau Président de la République. L’annonce de la victoire du président sortant et actuel maire de Téhéran, Mahmoud Ahmadinejad, a provoqué de très fortes réactions et de très nombreuses manifestations. La réponse des autorités, par la répression, a soulevé l’indignation au sein de la communauté internationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Depuis le 13 juin, les manifestants subissent arrestations sommaires, violences physiques, et comptent les civils sacrifiés.

Nous nous élevons contre de telles violences et ce déni de démocratie, mais la gravité des événements et leurs conséquences sur la scène internationale nous invitent nécessairement à la prudence. Aussi tragiques que puissent être ces événements, qui marqueront irrémédiablement l’histoire de ce pays, nous devons nous garder de toute stigmatisation qui, in fine, conduirait à l’isolement diplomatique du régime. Nous devons également éviter de donner à ce régime des arguments qui le renforceraient dans son appréhension anti-occidentale, d’autant que sa volonté de puissance nucléaire menace la paix internationale.

Cependant, nous ne pouvons pas assister à cette négation des droits de l’homme sans réagir.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Comment pouvons-nous imaginer que des observateurs internationaux puissent vérifier la régularité des élections et des résultats des scrutins, alors même que certains des diplomates étrangers doivent quitter le pays ?

Monsieur le ministre, entre ingérence et inaction, quelle position la France peut-elle adopter afin de témoigner son soutien au peuple iranien ?

Enfin, quelle sera la marge de manœuvre diplomatique de la France auprès des autres pays présents lors de la prochaine réunion du G8 ?

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Monsieur le sénateur, entre ingérence et inaction, la marge est étroite. Que voulez-vous que nous fassions ?

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre

Que n’avons-nous pas fait ?

Au départ, nous avons été les plus fermes. Nous avons été rejoints, depuis, par toutes les diplomaties, qui ont condamné cette répression avec la plus grande force.

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre

Il est évident que, pour le moment, nous n’envisageons en aucun cas de rompre les relations diplomatiques, à moins que des provocations à l’égard de nos diplomates ne nous y contraignent, ou que nous n’y soyons amenés pour manifester notre solidarité.

Nous surveillons la situation presque heure par heure. Deux diplomates anglais viennent d’être expulsés. Nous ne saurions rester sans réagir. Les vingt-sept pays de l’Union européenne condamneront unanimement ce type de comportement, et manifesteront leur solidarité active au peuple iranien.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

C’est vous qui parliez de faire la guerre il y a deux ans !

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre

Entre ingérence et inaction, il est très difficile de trouver une ligne médiane ! À moins, monsieur Boulaud, qu’au lieu de vous contenter de dire « et la Birmanie ? » vous n’ayez des solutions à nous proposer ! S’agissant de la Birmanie, nous avons été au moins aussi fermes que pour l’Iran !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Il y a deux ans, c’est vous qui parliez de faire la guerre !

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre

(M. René-Pierre Signé et M. Didier Boulaud s’exclament.) Je n’accepte pas qu’on le conteste ! Reportez-vous aux faits !

Bravo ! et applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre

Nous avons été les plus fermes des diplomaties du monde ! §

Entre l’inaction – qui n’est pas un mot péjoratif dans ma bouche – et l’ingérence, parfois nécessaire, nous nous tenons sur la crête.

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre

Nous sommes très attentifs et nous ne nous laisserons pas faire.

N’oublions pas que la menace ne pèse pas seulement sur les droits de l’homme : il y a aussi le problème du nucléaire militaire ; les Iraniens refusent de répondre aux questions de l’Agence internationale.

Nous devons donc être mesurés, mais très vigilants.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

situation en Iran

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Plancade

Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.

Cette question vient renforcer celle de mon excellent collègue : elle porte elle aussi sur la situation politique en Iran, qui ne cesse de se dégrader depuis l’élection du 12 juin. Je tiens à la formuler en d’autres termes, même si je partage l’essentiel de ce qu’a dit Rémy Pointereau.

L’Iran est un enjeu international majeur. Les membres du RDSE sont puissamment interpellés par les allégations, émanant de sources différentes et concordantes, de fraudes qui auraient entaché cette élection.

Arrestations d’opposants, de journalistes, censure de l’information, restriction de la liberté de communication, graves violences à l’encontre des manifestants, qui se sont soldées par de nombreuses victimes : nous condamnons fermement ces atteintes aux droits de l’homme dont le régime iranien se rend coupable.

Nous saluons le courage des manifestants qui, au péril de leur vie, bravent l’interdiction de se rassembler et continuent de lutter pour défendre leurs convictions, leur vision d’une société différente et de la démocratie.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Plancade

Vous comprendrez aussi, monsieur le ministre, que notre inquiétude soit accrue par la position géopolitique qu’occupe l’Iran dans la région : compte tenu de ses liens avec le Hamas palestinien, le Hezbollah libanais, la Syrie, le fort soupçon de possession de l’arme nucléaire qui pèse sur ce pays, sans parler des déclarations en permanence agressive de son Président, et les inquiétudes qu’elles génèrent non seulement pour l’état d’Israël, mais aussi pour le monde arabe voisin, une crise politique durable en Iran pourrait potentiellement être un facteur de déstabilisation pour la zone proche-orientale et, plus largement, pour les relations internationales. Sans compter qu’à nos yeux – bien que nous respections la souveraineté de l’Iran – il existe une contradiction manifeste entre l’ambition qu’affiche ce pays d’être l’une des grandes puissances régionales au Moyen-Orient et le non-respect des droits de l’homme et du droit international.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Plancade

Face à cette situation, la communauté internationale a, par la voix du secrétaire général des Nations unies, condamné les violences en Iran et appelé au respect des droits civiques dans ce pays.

Plusieurs États, ainsi que l’Union européenne, ont aussi individuellement condamné cette répression. La France a elle-même, à plusieurs reprises, exprimé sa vive préoccupation, et appelé à la libération immédiate des opposants arrêtés.

Monsieur le ministre, vous venez de faire le point, mais pourriez-vous nous indiquer, d’une part, la position que compte défendre la France lors de la réunion à cinq qui doit avoir lieu demain à Trieste, en marge du G8, et au cours de laquelle la situation en Iran sera évoquée, et, d’autre part, ce que la France pense de la proposition suédoise de réfléchir à un dispositif d’accueil, d’aide et d’assistance dans les ambassades européennes à Téhéran ?

Applaudissements sur les travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Monsieur le sénateur, la France respectera la tradition d’asile, comme, probablement, toutes les ambassades occidentales. Pour l’heure, le cas ne s’est pas présenté, et ce pour une raison assez simple : le dispositif policier en place autour de l’ambassade de France, comme autour de toutes les ambassades, est pratiquement hermétique.

Lors du sommet du G8, ce soir, nous devrons produire un texte ferme. Il est à l’étude, il est discuté : il n’y a pas que des partisans d’une condamnation de l’Iran.

J’ajoute à la liste déjà impressionnante des exactions que vous avez mentionnées qu’aujourd’hui devait être une journée de deuil, ce à la demande de l’un des candidats à l’élection présidentielle, M. Karoubi. Mais les autorités ont suffisamment influencé celui-ci pour qu’il y renonce.

Il faut savoir qu’au sommet du clergé chiite, c’est-à-dire au sommet de la hiérarchie de cet État, des voix, et non des moindres, se font fait entendre pour dénoncer ces pratiques ; elles ont mis en garde contre l’isolement de l’Iran et souligné que les sanctions pesaient surtout sur les couches moyennes et défavorisées.

L’Union européenne, les Etats-Unis et d’autres pays ont la même analyse : le mouvement de protestation sera profond et prolongé.

Nous devons donc être attentifs, sans provocations. Celles-ci viennent toujours du même côté, c’est-à-dire de l’Iran ! J’en veux pour preuve les déclarations insupportables qu’a faites aujourd’hui encore Mahmoud Ahmadinejad.

Je crains que n’interviennent d’autres expulsions de diplomates. Nous ne devrons pas rester cois.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Biwer

Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité, que je tiens avant tout à féliciter non seulement de se voir confirmée dans ses fonctions, mais aussi de voir ses compétences élargies, puisqu’elles s’étendent désormais à la solidarité. Ce rapprochement a une logique en ce qu’il permet d’appréhender dans son ensemble la problématique de l’égalité entre les hommes et les femmes.

Aujourd’hui, le Haut Conseil de la famille se réunit pour la première fois. Cette nouvelle instance remplace la conférence de la famille, avec un champ d’action plus important.

La France a la chance d’avoir le taux de fécondité le plus élevé d’Europe. Il est donc nécessaire d’avoir une politique familiale capable de répondre aux attentes de nos concitoyens en matière d’accueil des jeunes enfants, de congé parental ou encore d’articulation entre la vie professionnelle et la vie familiale.

Le Président de la République avait évoqué, voilà quelques mois, un droit opposable à la garde d’enfants pour les parents. Pouvez-vous nous indiquer, madame la secrétaire d’État, où en est cette réflexion ?

Par ailleurs, le Premier ministre a récemment insisté sur la nécessaire rénovation du congé parental, qui ne doit plus être un facteur d’exclusion du marché du travail. Vous aviez, quant à vous, évoqué un congé parental plus court et mieux rémunéré. Pouvez-vous nous indiquer où en est la réflexion du Gouvernement à cet égard ?

En effet, je ne voudrais pas qu’il en aille dans ce domaine comme pour les personnes âgées, et que la responsabilité étant partagée entre l’État et les départements, ces derniers éprouvent des difficultés en raison de leurs capacités financières ou de leur représentativité.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste.

Debut de section - Permalien
Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité

Monsieur Biwer, vous l’avez rappelé, la France peut s’enorgueillir de sa politique familiale, qui nous permet d’avoir le taux de natalité le plus élevé de toute l'Union européenne. Il nous faut cependant mieux accompagner les familles et, dans le cadre de l’égalité professionnelle entre les hommes les femmes, faciliter la conciliation entre vie privée et vie professionnelle.

C’est dans ce contexte que se réunit aujourd'hui le Haut Conseil de la famille. Cet organisme, doté d’une meilleure gouvernance, se veut un lieu de concertation et, surtout, de propositions. L’ordre du jour de la réunion a d’ailleurs été préparé en commun avec nous.

Le congé parental est un dispositif qui permet à près de 573 000 personnes de s’arrêter de travailler afin d’élever leurs enfants de moins de trois ans, pour un coût total de l’ordre de 2 milliards d'euros. Or seulement 1 % des bénéficiaires de ce congé sont des hommes.

Bien évidemment, le Haut Conseil de la famille aura à formuler des propositions pour favoriser une meilleure égalité entre les hommes et les femmes et inciter les premiers à prendre un congé parental. La moitié des femmes qui le prennent reconnaissent que, si elles s’arrêtent de travailler, c’est parce qu’elles n’ont pas trouvé un autre mode de garde pour leurs enfants. Il nous faut agir pour que le congé parental ne soit plus un choix par défaut.

Par ailleurs, en ce qui concerne le droit opposable, nous répondons d’abord à l’attente exprimée par nos concitoyens, qui nous demandent beaucoup plus d’équipements pour accueillir leurs enfants. Dans le cadre de la nouvelle convention d’objectif et de gestion signée entre l’État et la Caisse nationale d’allocations familiales, nous avons prévu près de 1, 3 milliard d'euros pour offrir, d’ici à 2012, environ 200 000 places de garde supplémentaires.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, avec Xavier Darcos, nous allons intensifier et dynamiser notre politique familiale au service des familles.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Ma question s’adresse à M. le Premier ministre et à Mme le garde des sceaux, et je la pose à la fois en tant que parlementaire, ancien maire de Cherbourg et ancien de DCN Cherbourg.

Elle concerne l’attentat survenu le 8 mai 2002 à Karachi contre des personnels de la Direction des constructions navales, la DCN. Lors des obsèques des victimes – ceux qui y ont assisté n’ont pas oublié –, promesse fut faite aux familles et aux milliers de salariés de DCN venus en cortège silencieux depuis leur entreprise rendre un ultime hommage à leurs compagnons que toute la vérité serait faite sur ce drame.

Sept ans plus tard, la piste terroriste d’Al-Qaïda, qui n’a jamais revendiqué l’attentat, semble s’effondrer, à telle enseigne que la justice pakistanaise a récemment remis en liberté deux personnes condamnées en première instance et innocentées en appel. Lors de la visite en France, le 15 mai dernier, du président pakistanais, les familles des victimes ont souhaité que le Président de la République obtienne de sa part des informations sur cette remise en liberté ; il n’en fut rien.

Le 18 juin dernier, lors d’un entretien avec les familles au tribunal de grande instance de Cherbourg, les deux juges d’instruction antiterroristes chargés de l’enquête ont avancé la thèse d’un règlement de compte lié à des non-versements de commissions, la qualifiant de « piste cruellement logique ».

Mes chers collègues, s’il convient d’aborder ce dossier complexe et sensible avec rigueur, le contexte judiciaire nouveau et les questions qui sont officiellement soulevées exigent que toute la lumière soit faite. Comme l’a dit l’une des victimes blessées dans cet attentat : « Si tout cela est bien vrai, alors on nous a sacrifiés. »

Je souhaite poser trois questions.

Premièrement, le Président de la République, qui, interrogé sur ce point à Bruxelles, a parlé d’une « fable », envisage-t-il, comme il s’y était engagé, de recevoir les familles des victimes ?

Deuxièmement, monsieur le Premier ministre, le Gouvernement dispose-t-il d’informations sur cet attentat ? Si oui et dans l’hypothèse où celles-ci relèveraient du secret-défense, est-il prêt à les déclassifier pour faciliter le travail des juges ?

Troisièmement, le Gouvernement entend-il faire la lumière sur le contrat de vente à l’État pakistanais des sous-marins Agosta, à l’origine de ces supposées commissions et donc, peut-être, de cet attentat ? Les déclarations dans la presse ce matin de M. Charles Millon, ministre de la défense en 1995, semblent conforter la thèse avancée par les juges antiterroristes.

Pour ce qui nous concerne, monsieur le président, nous souhaitons la constitution d’une mission d’information parlementaire sur ce sujet.

Toutes ces questions sont d’autant plus urgentes que le Gouvernement envisage la suppression des juges d’instruction et l’élargissement du champ du secret-défense, ce qui ne facilitera pas l’émergence de la vérité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

M. Jean-Pierre Godefroy. Au nom du respect de la mémoire de nos concitoyens victimes de leur devoir, nous exigeons vérité et transparence sur ce dossier !

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme la ministre d’État.

Applaudissements sur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur Godefroy, malheureusement, je connais bien le drame qui s’est déroulé le 8 mai 2002 à Karachi. J’avais pris mes fonctions de ministre de la défense six heures auparavant. Je suis donc allée sur place ; j’ai rendu un dernier hommage aux victimes et j’ai assisté à leurs obsèques ; vous le savez, puisque vous-même y étiez.

Au cours de ces cinq dernières années, et à de très nombreuses reprises, j’ai rencontré les familles, en les recevant ou en me rendant auprès d’elles.

Il est évident que toute la lumière doit être faite sur ce qui s’est passé ; j’y tiens particulièrement.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre d’État

Nous le devons aux victimes et à leurs familles. Nous ferons en sorte que ce soit fait, dans des circonstances dont vous avez dit vous-même, avec le sens des responsabilités qui vous distingue, qu’elles étaient très complexes. Vous qui connaissez ce dossier beaucoup mieux que certains toujours prompts à formuler des remarques, vous savez qu’il doit être traité non seulement avec détermination et sérieux, mais aussi avec sérénité.

Une information judiciaire est ouverte depuis le 27 mai 2002. Je puis vous l’assurer, les deux juges qui en sont chargés bénéficient de toute l’aide nécessaire, y compris en matière de coopération internationale, car les gouvernements sont très attachés à ce que la vérité soit faite et la justice rendue.

Vous avez émis le souhait que soit créée une mission d’information parlementaire à ce sujet. Il ne me revient pas d’intervenir à cet égard, car une telle décision relève de la Haute Assemblée, seule à même de juger de l’opportunité de cette création. Bien évidemment, cette mission agirait, comme toujours, dans le strict respect des principes de la séparation des pouvoirs et du secret de l’instruction.

Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Paul

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

Depuis l’accord du 3 juin dernier sur le prix du lait, le moins que l’on puisse dire est que, malgré l’action du Gouvernement, la situation s’est aggravée. De nombreuses exploitations sont ainsi au bord de la faillite et du dépôt de bilan.

Les prix moyens variant, selon l’accord prévu, de 262 euros à 280 euros pour 1 000 litres, ils ont, dès le départ, été déclarés insatisfaisants par la profession, malgré le plan d’aide de 30 millions d’euros pour les éleveurs laitiers en difficulté.

La semaine dernière, des producteurs de mon département, le Finistère, m’ont informé qu’ils avaient été payés 247 euros les 1 000 litres. Comme l’a dit ce matin notre collègue Jacques Muller lors du débat sur la crise de la filière laitière, l’entreprise Entremont a réglé, hier, les 1 000 litres 205 euros.

La semaine dernière, monsieur le ministre, une négociation s’est tenue à Bercy avec votre prédécesseur, le secrétaire d’État chargé de la consommation et les producteurs, mais en l’absence des grands distributeurs.

Tout semble fait pour que les producteurs perdent patience. Tout est également dit ou écrit. Comment expliquer cet écart – énorme ! – entre le prix payé aux producteurs et le prix de vente aux consommateurs ? La vérité doit être révélée. Vous-même, monsieur le ministre, l’avez affirmé ce matin : la transparence totale est une exigence républicaine !

Nos agriculteurs souffrent et voient, au fil des jours, leurs entreprises, qui nécessitent de lourds investissements, acculées à des difficultés majeures. Personne n’accepterait aujourd’hui de travailler à perte sans aucune perspective ni soutien. Or c’est toute une filière qui est au bord du gouffre.

À l’issue du conseil des ministres européens qui vient de se tenir à Luxembourg, nous savons que la France a appelé à une mobilisation de tous les outils de gestion du marché pour soutenir les cours. La réflexion porte effectivement sur une nouvelle gouvernance des marchés laitiers. Par ailleurs, nous en sommes tous conscients, la loi de modernisation de l'économie doit impérativement être amendée.

Au demeurant, les approches et solutions qui se mettent en place, que ce soit au niveau national ou européen, ne peuvent pas résoudre, dans l’immédiat, les difficultés des producteurs.

Monsieur le ministre, vous venez de prendre vos fonctions : la tâche sera rude ! Nous comptons sur vous pour que nos producteurs de lait, actuellement très fragilisés, puissent vivre décemment et dignement de leur métier.

Pouvez-vous nous assurer de votre détermination à faire tomber les tensions qui agitent le monde agricole et nous dire dans quelle direction vous allez porter vos efforts ?

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Claude Biwer applaudit également.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche

M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Monsieur Paul, je peux vous l’assurer avec autant de fermeté que ce matin : nous ne laisserons pas tomber la filière laitière en France !

Applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Les producteurs doivent en effet pouvoir vivre dignement et sereinement de leur travail.

D'ores et déjà, sous l’autorité du Premier ministre, nous avons pris un certain nombre de décisions, dont un soutien de 30 millions d'euros à la filière. Un accord conclu au niveau interprofessionnel a permis de fixer à 280 euros le prix des 1 000 litres. Il doit être rigoureusement respecté.

À l’échelle communautaire, nous avons demandé que toutes les possibilités de régulation soient mises en œuvre, qu’il s’agisse des restitutions ou du stockage communautaire des excédents laitiers. Voilà encore quelques minutes, j’ai eu un long entretien avec Mme Fischer Boel, et je lui ai demandé de faire le maximum en matière d’utilisation des marges de manœuvre communautaires.

Monsieur le sénateur, que pouvons-nous faire de plus ?

Tout d’abord, pour reprendre les mots que j’ai employés ce matin lors du débat, j’entends obtenir la transparence totale sur les prix. Je le redis, c’est une exigence républicaine !

À la demande du Premier ministre, une étude sera conduite pour déterminer très exactement, entre le producteur et le distributeur, où va l’argent. Cela devrait être de nature à répondre à l’attente non seulement des producteurs laitiers, mais aussi de l'ensemble des Français. Nous aurons les résultats de cette étude très prochainement.

Ensuite, nous devons mieux organiser la filière. Pour cela, la solution clé tient en un mot : contractualisation. Il revient aux producteurs, aux distributeurs et aux industriels agroalimentaires d’élaborer un contrat de production, avec des règles qui soient respectées par tous, afin de permettre aux producteurs laitiers de savoir où ils vont.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Aucun professionnel ne pourrait en effet supporter, dans le cadre de son activité économique, de subir des variations de prix de sa production de 30 % d’une année sur l’autre. Il faut introduire de la visibilité et de la prévisibilité pour cette filière.

Enfin, à l’échelle européenne, je l’ai dit très clairement à Mme Fischer Boel, notre action doit s’inscrire dans la perspective de la disparition programmée des quotas et en tirer les conséquences. D'ores et déjà, deux rendez-vous sont fixés, en 2010 et en 2012. De toute façon, il nous faudra envisager une régulation de la production, dont le secteur laitier ne peut se passer.

M. Jean-Pierre Raffarin applaudit.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

M. Bruno Le Maire, ministre. Pour avancer dans toutes ces directions, j’ai reçu Mme Fischer Boel. Dès la semaine prochaine, j’irai à Bruxelles rencontrer les autres commissaires ; je me rendrai également en Allemagne pour construire une alliance avec les Allemands sur ce sujet. Bien entendu, demain, je serai dans le département de la Seine-Maritime, auprès des producteurs laitiers, pour discuter avec eux de la situation.

Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. Je rappelle au Sénat que notre collègue Jean Bizet, membre de la commission des affaires économiques, vient de publier un excellent rapport d’information sur cette question.

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Ma question s'adresse à Mme Alliot-Marie, en tant que ministre des libertés.

Dans deux rapports qui viennent d’être déposés, deux autorités administratives indépendantes dressent un bilan inquiétant de l’état des libertés publiques dans notre pays.

Ainsi, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté nous rappelle, une nouvelle fois, l’état inhumain de nos prisons. Or force est de constater que le projet de loi pénitentiaire, adopté par le Sénat le 6 mars dernier, semble sommeiller sur les rives de la Seine !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Pendant ce temps, les règles pénitentiaires européennes restent lettre morte, les suicides des détenus, mais également des surveillants, se multiplient, et, pour reprendre une expression de notre assemblée, « l’humiliation de la République » perdure.

Un autre rapport intéressant émane de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, qui « pointe » les différentes bavures policières. Ce rapport dénonce le recours abusif aux menottes, des détentions irrégulières dans notre pays, des violences sur mineurs, des fouilles avec mise à nu quasi systématique.

La Commission déplore également que ses recommandations soient « si souvent méconnues et que la hiérarchie policière ne veille pas mieux à leur application ».

Voilà bien la difficulté, madame la garde des sceaux ! Nous avons affaire non pas à de simples bavures, mais à des comportements systématiques, à une culture qui relègue les droits de l’homme au second plan. Cette culture, malheureusement, le Gouvernement a largement contribué à la favoriser.

Devant le Congrès, le Président de la République a parlé des libertés publiques et des prisons. C’est bien ! Mettre en accord ses actes et ses paroles, c’est mieux !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

M. Alain Anziani. Madame la ministre d’État, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour faire respecter, en toutes circonstances, les droits fondamentaux de la personne humaine ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur le sénateur, le projet de loi pénitentiaire a été adopté par la Haute Assemblée au mois de mars dernier ; il revient maintenant à l’Assemblée nationale de l’examiner et de le voter.

Le Président de la République a souvent souligné l’attention extrême qu’il accordait à la question pénitentiaire. Il m’a confié ce dossier comme étant prioritaire.

Vous avez évoqué plusieurs points.

Tout d’abord, vous nous avez fait part d’un certain nombre de critiques formulées par la Commission nationale de déontologie de la sécurité sur l’attitude des policiers. J’ai déjà eu l’occasion, alors que j’assumais d’autres fonctions, de répondre très clairement à ces critiques : en cas de manquement à la déontologie, des sanctions sont prises à l’encontre des policiers, et ce bien plus fréquemment qu’on ne le pense généralement.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre d’État

Dans un souci de transparence, j’ai décidé, comme je l’avais annoncé lors de la synthèse des forums, que tous les rapports et toutes les condamnations seraient désormais publiés.

Il est vrai, et personne ne dira le contraire, que l’état actuel des prisons est tout à fait insatisfaisant, sur les plans tant quantitatif que qualitatif, notamment en termes de vétusté des locaux ; c’est très regrettable.

L’amélioration des conditions de détention est l’une de mes priorités, que je concrétiserai, d’une part, en faisant construire de nouveaux établissements et, d’autre part, en veillant à ce que certains établissements soient rénovés et réhabilités. Cela devra se conjuguer avec un aménagement des peines, notamment grâce au bracelet électronique.

Je tenterai de démontrer, au cours des prochaines semaines, que l’emprisonnement et l’aménagement des peines sont non pas antinomiques, mais au contraire complémentaires : il s’agit d’assurer à la fois la protection de nos concitoyens contre la délinquance, qui est une priorité, et le respect de la dignité humaine de chacun, y compris des détenus, qui est une exigence pour nous tous. Il est également indispensable de favoriser la réinsertion si nous voulons que notre société progresse dans le sens de la sécurité au bénéfice de tous.

J’ai toujours dit que la sécurité était une chaîne. En tant que garde des sceaux, je continuerai à y prendre ma part.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé des transports.

Nos pensées tristes et émues vont naturellement vers les familles et les proches des victimes de la tragédie du crash de l’airbus d’Air France qui reliait Rio à Paris et s’est abîmé en mer dans la nuit du 31 mai au 1er juin.

Avec mes collègues, nous nous sommes totalement associés à l’hommage que vous avez rendu, monsieur le président, lors de votre visite au Brésil, la semaine dernière, quand vous avez tenu à exprimer toute votre émotion et votre solidarité en jetant à la mer une couronne de fleurs jaunes et blanches.

Les familles des victimes ont été sensibles aux temps d’échange que Jean-Louis Borloo, ministre d’État, et vous-même, monsieur le secrétaire d’État, leur avez consacrés. La nomination de Pierre-Jean Vandoome, ambassadeur chargé des relations avec les familles des passagers, dont la mission est d’assister les familles des 228 passagers du vol AF 447, comptant trente-deux nationalités différentes, a été perçue comme un geste fort de la part du Gouvernement. Une forte mobilisation d’acteurs de tous horizons a aussi vu le jour.

Néanmoins, les familles, déchirées par ce drame, doivent faire face à une multiplication des démarches à accomplir. Elles ont, à ce stade, reçu quatre dossiers avec quatre adresses différentes : une lettre du procureur de la République, une lettre du Bureau d’enquêtes et d’analyses, le BEA, une lettre de la cellule de crise d’Air France et un document de l’ambassadeur. Les familles ne savent plus où téléphoner, qui contacter, et elles doivent constituer dès à présent plusieurs dossiers distincts, avec les difficultés matérielles et psychologiques que cela ne manque pas d’engendrer.

Aussi, je souhaiterais, monsieur le secrétaire d’État, que puisse être mis en place un guichet unique, qui centraliserait l’ensemble des dossiers et les redirigerait par la suite vers les autorités compétentes. Une adresse unique, réunissant les différents acteurs sur un même lieu, serait nécessaire pour la qualité de l’aide et des services aux victimes. Je vous remercie par avance d’accepter cette simplification des procédures pour les familles des victimes.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports

Je tiens à rappeler, à l’instar de Mme Des Esgaulx, à quel point les familles ont été sensibles, monsieur le président, au geste de solidarité que vous avez accompli lors de votre récent déplacement au Brésil.

Je sais combien vous êtes impliquée dans ce dossier, madame Des Esgaulx, puisqu’une entreprise de votre département compte de nombreuses victimes parmi ses salariés.

Il est vrai que les familles sont désemparées. Avec Jean-Louis Borloo, nous les avons reçues très longuement, à la demande du Premier ministre. Nous gardons le contact avec tous les membres de ces familles, celles des passagers, qui comptent trente-deux nationalités différentes, et celles des membres d’équipage de la compagnie Air France, qui étaient tous français, à l’exception d’un personnel navigant commercial brésilien.

Nous mesurons les nombreuses difficultés auxquelles se heurtent les familles. Il faut retrouver les corps ; nous en avons d’ores et déjà retrouvé cinquante et un. Il faut ensuite les autopsier et les identifier. Le processus de déclaration des décès, qui se déroule sous l’autorité des procureurs de la République, peut prendre du temps. Viennent ensuite les problèmes d’assurance, d’indemnisation, de relations avec la justice, de tutelle ; il faudra en effet confier les enfants qui se retrouvent orphelins à des familles.

Tout cela requiert la plus grande clarté. Air France fait son travail d’information. Le Premier ministre a souhaité nommer comme ambassadeur M. Vandoome. Un tel choix n’est pas dû au hasard : ce diplomate était ambassadeur au Venezuela lorsque s’est produit le crash qui a coûté la vie à plusieurs de nos compatriotes antillais. Il a fait preuve de beaucoup d’humanité dans ses relations avec les familles ; il a fait en sorte que chaque famille dispose d’un numéro de téléphone personnel, d’un téléphone portable et d’un site dédié pour accéder aux informations. Grâce à ces moyens et à cette méthode, je crois vraiment, madame le sénateur, que nous pourrons répondre très précisément à la demande que vous avez formulée.

Quant à l’enquête, elle est menée, sous l’autorité judiciaire, par le BEA, qui est également chargé du dossier du crash survenu en Isère le week-end dernier ; j’étais d’ailleurs aux côtés de votre collègue Bernard Saugey, dimanche, dans ce département. Le BEA tiendra une conférence de presse jeudi prochain, le 2 juillet, afin de donner les derniers éléments à sa disposition.

Je tiens à dire devant la Haute Assemblée qu’il faut faire très attention à toutes les informations qui nous parviennent. Je souhaite que les médias, par respect pour les familles, fassent preuve de la plus grande prudence tant que le BEA n’a pas confirmé l’identification des victimes.

Madame le sénateur, le Gouvernement mettra tout en œuvre pour accompagner avec humanité ces familles, pour lesquelles nous éprouvons beaucoup de compassion et d’affection.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Alex Türk

Ma question s’adresse à Mme la ministre de la santé et des sports.

Depuis trois ans, avec ma collègue Sylvie Desmarescaux, nous avons pris l’initiative de développer, dans le département du Nord, un projet d’installation de défibrillateurs cardiaques dans les communes. Nous menons ce projet en liaison avec les maires, et nous fêterons dans quelques jours l’installation du millième appareil, dans un territoire qui compte un peu moins de 400 communes.

Vous connaissez cette initiative, madame la ministre, puisque vous êtes venue dans notre département, voilà un an et demi environ, pour lancer le plan de développement de ces appareils dans le milieu sportif.

Si tout se passe bien dans l’ensemble, nous rencontrons cependant deux difficultés.

Tout d’abord, l’article 1er du décret du 4 mai 2007, qui libéralise l’usage du défibrillateur, n’est pas encore totalement appliqué, notamment s’agissant de deux dispositions très importantes.

La première concerne la localisation en amont des appareils, qui permet aux pompiers et aux services de secours du SAMU, dans les situations d’urgence, de gagner un temps précieux en se rendant directement sur les lieux.

La seconde mesure concerne la collecte des informations sur la survenance de ce type d’accidents et l’usage de l’appareil, ce qui doit permettre aux chercheurs de développer des études épidémiologiques afin de mieux comprendre les causes de cette affection, la défibrillation cardiaque, et favoriser la mise en place d’une véritable politique de prévention.

Aujourd’hui, comme vous le savez, nous nous heurtons à une vraie difficulté puisque le dispositif n’est pas encore en place. Ce sont à la fois la bonne volonté du SAMU et de nos permanences parlementaires, celle de Sylvie Desmarescaux et la mienne, qui permettent d’assurer la centralisation de manière artisanale. Il est donc urgent de mettre en application ce dispositif.

Se pose ensuite le problème de la signalisation. Alors que, dans une situation d’urgence, chacun peut facilement reconnaître un extincteur, car cet appareil bénéficie d’une signalétique uniforme, ce n’est pas le cas pour les défibrillateurs cardiaques qui, dans notre département, arborent des couleurs – rouge, vert, jaune, etc – et des symboles divers.

Il faut donc absolument uniformiser cette signalétique, probablement sur le plan européen, afin de faire naître des réflexes civiques. Je vous rappelle que, grâce à ce dispositif, nous avons déjà sauvé plusieurs personnes dans le Nord. Il serait intéressant de réfléchir à une généralisation du système.

Applaudissements sur plusieurs travées.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Je sais que vous êtes un militant du défibrillateur, monsieur Türk ! Je me souviens qu’à l’occasion d’une visite, comme président de la Commission nationale informatique et libertés, vous m’en aviez fait une démonstration.

Rires

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Le fait que je sois toujours au Gouvernement prouve combien ces appareils sont efficaces !

Nouveaux rires.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Effectivement, le taux de survie, limité à 2 % en cas de fibrillation ventriculaire, monte à 30 % si des défibrillateurs sont utilisés. C’est donc entre 2 500 à 3 500 vies que ces appareils permettent de sauver.

Nous pouvons constater, hélas ! plus de 500 décès au cours d’un exercice sportif, dont 45 % survenant sur les lieux mêmes. Nous en avons tiré les conséquences en mettant en œuvre une politique très ambitieuse d’installation de défibrillateurs.

L’année dernière, j’ai consacré 2 millions d’euros à l’équipement d’un certain nombre d’institutions. Les collectivités territoriales et des établissements publics se sont joints à cet effort ; c’est ainsi que la SNCF a équipé en défibrillateurs cent cinquante gares et toutes ses rames de TGV. Un certain nombre d’opérateurs privés, par exemple des grandes surfaces ou des galeries marchandes, ont également installé des défibrillateurs.

Un décret a été publié en mai 2007, mais un arrêté reste à prendre sur l’harmonisation et le recueil de données. Nous allons très prochainement disposer d’une fiche uniformisée de recueil de données, ce qui nous permettra d’assurer un suivi beaucoup plus fin.

Quant à la géolocalisation, il n’est évidemment pas obligatoire de déclarer les défibrillateurs, mais mes services sont en train de rédiger un arrêté sur ce point. Je compte beaucoup sur les Agences régionales de santé

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

J’en termine en évoquant la signalétique. L ’ILCOR, qui est le Comité international de liaison de la réanimation – le terme scientifique exact est resuscitation –, a proposé un logo avec un cœur blanc sur fond vert, un éclair vert et une petite croix blanche sur le côté. Bien sûr, il ne s’agit que d’une préconisation, mais nous demandons à l’ensemble des opérateurs d’utiliser ce logo, qui sera bientôt connu par tous nos concitoyens.

J’étudie la meilleure façon de généraliser cette signalétique et de la rendre obligatoire.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Catherine Tasca.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L’ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 43 de M. André Vantomme à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur le fonctionnement des Pôles emploi.

Cette question est ainsi libellée :

« M. André Vantomme demande à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi de bien vouloir l'informer sur la situation de la nouvelle entité issue de la fusion ANPE-ASSEDIC, Pôle emploi, dans le cadre du nouveau service public de l'emploi. En effet, de nombreux dysfonctionnements sont apparus en raison de la précipitation avec laquelle cette opération a été conduite. Tout particulièrement, les métiers des agents de l'ANPE et des salariés des ASSEDIC ne peuvent être confondus et les compétences respectives ne sont pas interchangeables. De plus, la question des deux statuts différents n'est pas réglée.

« Ces graves difficultés internes portent préjudice aux demandeurs d'emploi déjà inscrits, ainsi qu'aux 300 000 chômeurs supplémentaires que compte notre pays depuis le début 2009. Les plates-formes téléphoniques sont totalement saturées, les rendez-vous ne peuvent être assurés par des agents submergés, les entretiens mensuels personnalisés annoncés comme un nouveau service de Pôle emploi ne peuvent avoir lieu. On compte aujourd'hui jusqu'à 200 demandeurs d'emploi par conseiller, alors que le Gouvernement s'engageait à diminuer le nombre déjà excessif de 120 demandeurs d'emploi en moyenne par conseiller à 60.

« L'hypothèse d'un million de demandeurs d'emploi nouveaux en 2009, désormais crédible, conduit à s'interroger sur l'annonce du Président de la République de 1 840 agents supplémentaires qui seraient embauchés fin juin, sans que l'on sache exactement sous quel type de contrat ils seront embauchés, à quelles tâches ils seront affectés et quelle formation ils auront préalablement suivie. Cette annonce, si elle devait être suivie d'effet, ne serait manifestement pas à la hauteur d'une situation aussi grave.

« En conséquence, il la prie de lui indiquer ce qu'elle envisage de faire pour mettre un terme à cette situation, et pour que les demandeurs d'emploi, victimes des licenciements et de la précarité, trouvent auprès de Pôle emploi le service auquel ils ont droit dans le cadre du respect qui leur est dû. »

La parole est à M. André Vantomme, auteur de la question.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vantomme

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, le Pôle emploi est-il vraiment une réponse efficiente et suffisante à la question inquiétante de la progression du chômage à laquelle nous sommes actuellement confrontés ? Avant de répondre à cette question, il me paraît essentiel d’évoquer la problématique de l’augmentation du chômage, qui nous touche cruellement depuis le début de l’année.

Voilà quelques semaines, un grand quotidien national titrait : « L’emploi salarié s’est effondré au premier trimestre 2009 », et la situation n’évolue pas favorablement. Aucun secteur n’est épargné, la France ayant perdu 187 800 emplois salariés au cours des trois premiers mois de l’année, selon l’INSEE. C’est la plus forte perte nette d’emplois depuis 1945 ! Tout laisse à penser que la barre des 10% de chômeurs devrait être franchie avant la fin de l’année.

Aussi, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous donner votre vision de la situation de l’emploi dans notre pays dans un proche avenir ? Après avoir entendu votre réponse, nous aurons à nous mettre à la place de nos concitoyens qui connaissent ou connaîtront la perte de leur emploi, le chômage partiel, total, voire la fin de leurs droits.

Sachez que nous aurons à cœur de relayer nos administrés, touchés de plein fouet par la crise actuelle : ils vivent des situations d’anxiété, de détresse et de désespoir. Ayez bien en tête, monsieur le secrétaire d'État, les conséquences terribles de cette crise sur leur vie personnelle, familiale et sociale ! Nous partagerons, n’en doutez pas, ces inquiétudes, ces craintes, ces angoisses, qui ont souvent pour corollaires la dégradation de la santé ainsi que celle des rapports sociaux et familiaux, et les drames qui en sont bien trop souvent l’écho.

Monsieur le secrétaire d’État, au-delà des divergences politiques qui nous séparent, nous avons l’espoir, cet après-midi, que les valeurs républicaines et humanistes que nous partageons vont nous permettre d’avancer. Parvenons à faire de ce moment un temps de lucidité et d’introspection s’agissant des réponses institutionnelles à apporter à nos concitoyens, qui sont de plus en plus nombreux à être concernés par les affres du chômage.

Je pense aussi à notre jeunesse, qui, à l’issue d’une scolarité plus ou moins longue et réussie, éprouve de nombreuses difficultés pour accéder à un emploi.

Bien sûr, le Gouvernement n’est pas l’unique responsable de la situation. La crise actuelle est internationale, nous ne sommes pas les seuls touchés. Mais, monsieur le secrétaire d'État, je tiens tout de même à souligner que les excès du capitalisme financier qui nous ont menés là où nous sommes aujourd’hui n’ont pu être possibles que grâce à l’idéologie et à la politique ultralibérales prônées sans discernement ni scrupules par nombre de vos amis.

La cupidité sans limite de certains a complètement dérégulé l’économie mondiale, qui était déjà, par bien des aspects, tellement inégalitaire. Cette réalité, croyez bien que nos concitoyens en ont pris conscience !

S’il est bien un domaine où le Gouvernement et la majorité qui le soutient sont pleinement responsables, c’est le choix des questions sur lesquelles ils entendent légiférer et je vais précisément pointer du doigt aujourd’hui la réforme du service public de l’emploi. Cette réforme, annoncée à maintes reprises par le Président de la République durant la campagne présidentielle, était sous-tendue par un objectif majeur : l’amélioration des conditions de prise en charge des demandeurs d’emploi.

Il avait ainsi été annoncé que la fusion ANPE-ASSEDIC serait un facteur de simplification et d’économies qui permettraient de dégager des moyens supplémentaires pour l’amélioration du suivi des demandeurs d’emploi. Pièce maîtresse d’un projet électoral sur lequel il avait été élu, le Président entendait coûte que coûte voir mener à bien cette réforme et déclarait l’urgence pour son projet de loi relatif à la réforme de l’organisation du service public de l’emploi. Sa volonté s’est ainsi concrétisée dans la loi du 13 février 2008.

Or, si une opération de fusion est toujours un exercice délicat, celle-ci est encore plus complexe du fait de la différence opposant les deux institutions qui ont fusionné. En effet, d’un côté, nous avions les ASSEDIC et ses salariés de droit privé, familiers de la partie indemnisation, de l’autre, l’ANPE et ses agents de droit public, qui s’occupaient du suivi des chômeurs. Avec la fusion, ce sont deux métiers et deux statuts distincts qui se retrouvent sous un même pôle, avec toutes les problématiques qu’engendrent deux grilles de salaires affichant un différentiel d’environ 30 %.

Le personnel du Pôle emploi va donc être confronté, dans les mois qui viennent, à la négociation d’une convention collective, ce que beaucoup redoutent

Concernant la polyvalence des agents, comment acquérir les réflexes et apprendre un métier nouveau en quelques jours de formation seulement ?

S’y ajoutent les problèmes de locaux et de systèmes informatiques, la réalisation des 956 sites mixtes qui devaient être sur pied pour fin septembre ayant pris du retard.

De même, se pose la question des inégalités territoriales qu’entraînera cette mise en place.

Cette réforme ne doit en aucun cas, et j’insiste sur ce point, servir de prétexte à un nouveau desserrement du maillage territorial de l’institution dans les zones rurales.

N’oublions pas, monsieur le secrétaire d’État, que la question du déplacement est cruciale. Comment un demandeur d’emploi peut-il se rendre à une convocation obligatoire s’il habite à 30 kilomètres de son Pôle emploi ? La possession d’un véhicule n’est pas une condition de l’inscription, rappelons-le, et il faut donc que les sites soient accessibles par tous et partout sur nos territoires.

De plus, cette fusion s’opère malheureusement sur fond de crise économique et sociale, alors qu’elle avait été conçue sur la base d’une baisse du chômage, avec un objectif de plein emploi pour 2012.

Il va sans dire que plus personne ne croit à ce schéma.

Selon ses dernières prévisions, l’UNEDIC envisage, pour l’année 2009, 640 000 chômeurs de plus, dont beaucoup de jeunes. Les perspectives les plus pessimistes tablent sur 1 million de chômeurs supplémentaires ! Ainsi, pour les seuls trois premiers mois de l’année, Pôle emploi a enregistré 250 000 inscriptions nouvelles.

Les 45 000 salariés de Pôle emploi sont donc débordés, désorganisés. Insuffisamment formés, ils doivent apprendre leurs nouvelles missions tout en s’occupant d’au moins 120 demandeurs d’emploi chacun, voire 200 sur certains sites ! Les 1 840 embauches prévues ne sauraient suffire pour améliorer des conditions de travail devenues extrêmement difficiles. Il en résulte une démobilisation et une lassitude du personnel, qui ne peut plus effectuer correctement ses missions ni honorer les rendez-vous mensuels avec les inscrits, et ne s’occupe finalement plus que du suivi des chômeurs indemnisés.

Effectifs insuffisants, manque de temps, formations inadéquates, croissance exponentielle du nombre de dossiers à traiter : Pôle emploi n’est absolument pas opérationnel, et ce quels que soient les efforts de l’agence de communication que, avec vos faibles moyens, vous avez engagée pour tenter de faire accroire le contraire ! Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous préciser le coût de cette communication ?

De surcroît, est intervenue, depuis le 1er juin, la mise en application généralisée du revenu de solidarité active, le RSA. Selon M. Martin Hirsch lui-même, 7 millions de Français sont concernés. Pôle emploi voit donc arriver en masse de nouveaux dossiers à instruire, de nouvelles personnes à accompagner. La difficulté est d’autant plus grande que ces personnes sont, le plus souvent, très éloignées du marché du travail, généralement depuis longtemps déjà. Enfin, il convient de prendre en compte la fin de la dispense de recherche d’emploi pour les personnes âgées de plus de 57 ans et demi. Aussi, afin de faire face, Pôle emploi a-t-il décidé de confier le traitement de 320 000 dossiers de chômeurs à des cabinets privés. Peut-on vraiment continuer à prétendre, monsieur le secrétaire d’État, que la mise en place de Pôle emploi améliore l’efficacité du service public de l’emploi et permettra des économies ?

Le système est indéniablement surchargé, la plateforme téléphonique – le 3949, numéro surtaxé, rappelons-le – est sous tension, le suivi mensuel est devenu impossible… Il en résulte l’impossibilité, pour les agents, d’assurer les visites aux entreprises, à un moment où le nombre d’offres d’emploi est pourtant en chute libre ! Ils n’ont plus le temps de mettre en relation recruteurs et demandeurs d’emploi, ni de préparer les entretiens. Autant dire que l’accueil et le suivi des demandeurs d’emploi en souffrent et que le personnel vit de plus en plus mal la mise en place du dispositif d’offre raisonnable d’emploi. Les tensions montent, à la fois chez les agents et chez les usagers, lesquels ne bénéficient plus que d’un accompagnement répressif et sont l’objet de menaces répétées de radiation.

La longue liste des problèmes posés par la mise en place de Pôle emploi que je viens de dresser n’est pas exhaustive pour autant. Ma question est simple, monsieur le secrétaire d’État. La crise ne peut, à elle seule, expliquer tous ces dysfonctionnements. Par conséquent, quelles actions comptez-vous mener pour mettre fin à cette dégradation des conditions de travail que subissent les agents de Pôle emploi ? Que proposez-vous pour redonner vie à notre service public de l’emploi, qui, à cause d’une fusion préparée dans la négligence et la précipitation, perd encore plus, jour après jour, en humanité et en efficacité, au détriment de ses usagers ?

Vous nous apporterez vos réponses, monsieur le secrétaire d’État, sous un triple regard : celui de la représentation nationale, qui, par ses contacts répétés avec nos concitoyens confrontés au chômage, est de plus en plus sensibilisée à la question de l’efficacité du dispositif ; celui des agents de Pôle emploi, qui vivent au quotidien la dégradation de leurs conditions de travail et doivent, dans des circonstances déplorables, apprendre un nouveau métier ; celui de nos concitoyens concernés par le chômage et la recherche d’emploi, enfin, qui, tout en sachant qu’il ne faut pas accuser le baromètre si l’orage tonne, sont en droit d’attendre et d’espérer du service public de l’emploi une indispensable contribution à la résolution de leurs problèmes.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Christiane Kammermann applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, un peu plus d’un an après l’adoption de la loi organisant la fusion de l’ANPE et des ASSEDIC, censée faciliter les démarches du demandeur d’emploi, qui devait bénéficier d’un guichet unique, la réalité est loin d’être celle que l’on nous annonçait. Plutôt que d’un guichet unique, je parlerais pour ma part d’une vitrine unique !

Considérant que cette fusion dissimulait en réalité un projet d’ampleur destiné à accroître la coercition sur les salariés privés d’emploi et à renforcer l’employabilité – notion chère au Gouvernement comme au patronat – tant des demandeurs d’emploi que des personnels de la nouvelle agence, mon groupe s’était opposé à ce texte. Nous dénoncions alors les risques de la gestion par une seule personne des missions de placement, d’indemnisation, de contrôle et de sanction. Nous déplorions que cette réforme, adoptée en urgence, ne tire aucune conséquence des expérimentations menées dans plusieurs départements, notamment avec les maisons de l’emploi. Il s’agissait pourtant là d’un exemple de dispositif de guichet unique évitant l’écueil de la concentration des missions, l’une des principales causes des difficultés de mise en place de Pôle emploi.

Ces difficultés sont tellement nombreuses que tous les acteurs concernés – les demandeurs d’emploi comme les organisations syndicales, y compris celles qui étaient pourtant initialement favorables à la fusion – dénoncent aujourd’hui des conditions de travail qui ne permettent de répondre ni aux besoins des usagers ni à l’attente légitime des salariés.

Le premier des problèmes est celui de la double compétence. En effet, la fusion exige des salariés qu’ils accomplissent deux missions, pourtant distinctes et radicalement différentes : l’aide au placement et l’indemnisation.

En janvier 2008, nous vous mettions déjà en garde, monsieur le secrétaire d’État, contre les risques d’une fusion précipitée, qui ne permettrait pas aux salariés de la nouvelle agence de maîtriser les spécificités de leurs nouveaux métiers. Notre mise en garde ne visait naturellement pas à stigmatiser les agents ; elle procédait des inquiétudes qu’ils exprimaient. On s’aperçoit aujourd’hui que nos critiques étaient fondées : la fusion se réalise dans la douleur et la souffrance pour bon nombre d’entre eux. D’après M. Charpy, directeur général de Pôle emploi, 4 500 salariés seraient d’ores et déjà formés à la double compétence. Cependant, de quelle formation parle-t-il ? Là où, par le passé, la formation était de six mois, elle dure aujourd’hui de trois à sept jours ! Et comment, en cinq mois à peine, 4 500 agents auraient-ils pu être formés pour être des « interlocuteurs uniques » ?

Dans le même temps, Pôle emploi a créé le 3949, numéro surtaxé destiné à informer les salariés privés d’emploi sur leurs droits et les démarches à entreprendre. Il est inacceptable que le service public de l’emploi ne soit pas accessible gratuitement, c’est pourquoi nous exigeons la gratuité de ce numéro, d’autant que, depuis l’adoption de cette réforme, les demandeurs d’emploi ne peuvent plus bénéficier d’un accueil immédiat et sans rendez-vous par un conseiller : ils sont obligés de passer par le 3949. Ce n’est pas tant la modernité de l’outil qui est importante que son utilité sociale ! Or ce service vous permet, dans les faits, d’éloigner les demandeurs d’emploi de l’agence et de minimiser la gravité de la situation.

Pourtant, durant les débats parlementaires, vous présentiez cette réforme comme le gage d’une plus grande proximité. Or, avant la fusion, il y avait 650 antennes des ASSEDIC et 900 ANPE, soit plus de 1 500 sites répartis sur l’ensemble du territoire national. M. Charpy, lors de son audition au Sénat, a annoncé que, en octobre 2009, Pôle emploi comprendrait 946 sites, chiffre à peine supérieur, par conséquent, à celui des implantations de l’ex-ANPE ! Nous sommes bien loin d’une présence au plus près des besoins ; il s’agit plutôt d’une vaste opération immobilière…

Cette réforme s’opère donc contre les intérêts des demandeurs d’emploi. C’est d’ailleurs l’avis de M. Franck Marlin, député-maire d’Étampes, en Essonne, qui, réagissant à la fermeture du point-relais Pôle emploi de La Ferté-Alais, dénonçait une remise en cause de la qualité de ce service public et des prestations offertes aux usagers et déclarait que « cela mettra un terme [au] suivi personnalisé ». Nous ne pouvons que souscrire à ces propos.

Par ailleurs, le délai de traitement des dossiers ne cesse de s’allonger. Cette situation est sans doute à mettre en relation avec l’important manque de personnel. Pôle emploi compte 42 000 salariés, alors que le rapport de notre collègue Serge Dassault estime à 18 000 le nombre d’agents supplémentaires nécessaires pour tenir l’engagement, pris par Mme Lagarde lors de nos débats, de limiter le nombre de personnes suivies par chaque conseiller à 60, voire 30 pour les cas jugés les plus difficiles. Aujourd’hui, les organisations syndicales dénoncent le fait que ce chiffre puisse s’élever jusqu’à 100 ou à 150.

Eu égard à ce constat, le recrutement en urgence de 1 840 salariés supplémentaires n’est pas satisfaisant : il s’agit davantage d’une mesure destinée à résorber une partie de la crise que d’une réponse durable aux besoins des demandeurs d’emploi. En outre, ces recrutements – 1 000 se feront sous CDI, 500 sous CDD – concerneront surtout la plateforme téléphonique du 3949. Cela permettra un renforcement des effectifs à hauteur d’à peine un salarié supplémentaire par agence, ce qui n’est qu’une goutte d’eau au regard des quelque 2 000 nouvelles inscriptions quotidiennes. Là encore, les interrogations sont grandes : de quelle formation bénéficieront ces nouveaux recrutés ? Quelle sera sa durée ? Quand ces salariés seront-ils effectivement en mesure d’être des « interlocuteurs uniques » pour les demandeurs d’emploi ? Quant au recrutement supplémentaire de salariés sous contrats aidés, il témoigne d’une méconnaissance de la situation actuelle de l’emploi de la part tant du directeur général de Pôle emploi que du Gouvernement : la crise sera malheureusement durable, et elle exige des pouvoirs publics une réponse tout aussi durable.

Dans ce flot de recrutements, de nombreuses interrogations se font également jour au sujet des personnels d’orientation de l’AFPA, l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, qui devraient intégrer l’agence. Où seront-ils affectés ? Ces salariés étant environ 960, en comptera-t-on un par agence ? Quel sera ensuite leur lien avec l’AFPA ? Quel sera leur statut professionnel ? Cette question se pose d’ailleurs aussi pour les agents de Pôle emploi, issus de deux structures bien différentes.

En lieu et place de la mobilisation de moyens à la hauteur des défis à relever, nous assistons plutôt à une privatisation toujours plus étendue des missions du service public de l’emploi, au bénéfice des opérateurs privés de placement, les OPP. Cette privatisation est d’autant plus incontournable que les salariés de Pôle emploi se voient aujourd’hui contraints de confier à ces sociétés les demandeurs d’emploi correspondant au profil attendu. Cela explique sans doute pourquoi le budget de Pôle emploi consacré aux OPP est passé de 88 millions d’euros en 2008 à 100 millions d’euros en 2009 et devrait atteindre 200 millions d’euros l’année prochaine.

Pourtant, de l’aveu même de M. Charpy, directeur de l’ANPE à l’époque où il tenait ces propos, « pour des populations comparables, les résultats sont identiques entre l’ANPE et le privé […], mais pour un coût trois fois plus faibles à l’ANPE. […] On peut être public et efficace. » Le discours a radicalement changé aujourd’hui, alors que le service public reste pourtant largement moins coûteux que le secteur privé. Le rapport du Centre de recherche en économie et en statistique, le CREST, et de l’École d’économie de Paris remis en juin 2008 au Gouvernement le confirme : l’effet positif du recours aux opérateurs privés de placement est « jugé trop faible pour être statistiquement significatif ». À l’horizon de neuf mois, le taux de placement est de 5, 7 % dans le privé alors qu’il est de 16, 9 % dans le secteur public, pour des prestations facturées en moyenne 3500 euros pour chaque demandeur d’emploi par le privé, alors que le coût du placement n’est que de 700 euros dans le secteur public.

Monsieur le secrétaire d’État, nous continuons de penser que cette réforme procédait non pas, contrairement à ce que vous affirmez, d’un souci d’efficacité, mais bien de motivations dogmatiques et idéologiques. Il s’agissait, pour le Gouvernement, de permettre au patronat de disposer d’une main-d’œuvre à moindre coût en recourant, notamment par le biais du projet personnalisé d’accès à l’emploi et de l’offre raisonnable d’emploi, à la coercition sociale.

Les salariés privés d’emploi subissent cette politique de rigueur. Cette situation est d’autant plus inacceptable qu’ils sont par ailleurs victimes d’une politique entrepreneuriale reposant principalement sur une exigence de rentabilité et considérant la masse salariale comme une variable d’ajustement. Là encore, monsieur le secrétaire d'État, en refusant de prendre les mesures nécessaires pour limiter le recours à ce qui s’apparente à de véritables licenciements boursiers, le Gouvernement engage sa responsabilité.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en tant que rapporteur du projet de loi relatif à la réforme de l’organisation du service public de l’emploi que nous avons examiné voilà près de dix-huit mois, je me félicite de l’implication et de la vigilance du Parlement sur ce dossier. Ainsi, la commission des finances du Sénat a auditionné le mois dernier M. Christian Charpy, directeur général de Pôle emploi, tandis que, à l’Assemblée nationale, mon homologue Dominique Tian remettait un rapport d’information sur la mise en application de la loi.

La question orale avec débat organisée aujourd'hui sur l’initiative de notre collègue André Vantomme s’inscrit donc bien dans la continuité de nos travaux et témoigne une fois encore, à mon sens, de l’intérêt que porte le Parlement à Pôle emploi et aux personnes qui ont recours à ce service.

Bien entendu, il n’est nullement dans mes intentions de mettre en cause Pôle emploi. J’entends en revanche profiter de ce débat pour soulever un certain nombre de questions, dont certaines rejoindront peut-être celles des précédents orateurs.

J’insiste sur le fait que Pôle emploi n’a que six mois d’existence : laissons-le vivre et essayons de faire en sorte qu’il puisse être efficace. N’accablons pas de critiques un bébé qui apprend à marcher et à parler sous la contrainte !

M. René-Pierre Signé s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Monsieur le secrétaire d'État, mes questions s’articuleront selon trois thèmes : la structure de Pôle emploi telle qu’elle a été définie dans la loi en concertation avec les partenaires sociaux, les actions que mène cet organisme face à la crise, ses relations avec les collectivités locales.

Le cœur de Pôle emploi, c’est son personnel. Lors de l’examen du projet de loi, nous avions estimé essentiel qu’une convention collective commune régisse l’ensemble des salariés. Pour ma part, j’aurais souhaité qu’une échéance proche soit fixée pour sa conclusion, afin que le personnel, plutôt que de s’interroger sur son avenir, puisse se consacrer pleinement à ses missions, au profit des demandeurs d’emploi, que l’on ne pensait d’ailleurs pas, à l’époque, devoir être aussi nombreux. Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous dire où en sont les négociations ? Quand aboutiront-elles ? Il me semble en effet fondamental de développer une culture d’entreprise commune à l’ensemble du personnel.

À ce propos, je relève que la presse fait état d’une défiance du personnel à l’égard d’une structure où l’ex-ANPE semble prédominer et l’information ne pas descendre jusqu’à la base. Je rappelle que, sur mon initiative, le Parlement a voté une disposition permettant au conseil d’administration de Pôle emploi de débloquer les situations de conflit, le cas échéant en mettant en cause le directeur général si nécessaire. S’il n’a pas été recouru à cette possibilité, c’est que le point de rupture n’a pas encore été atteint. Néanmoins, il faut mettre l’accent sur l’information de l’ensemble du personnel.

Les précédents orateurs ont déjà évoqué la formation des conseillers, qui est la pierre angulaire de la réussite de la fusion entre l’ANPE et l’UNEDIC. À mon tour, je vous interroge sur ce point, monsieur le secrétaire d'État : dans quel délai les 1 840 conseillers supplémentaires en voie d’être embauchés seront-ils opérationnels ? Ce rôle ne s’improvise pas.

J’en viens à la politique suivie par Pôle emploi. Ce service public a vocation à être un outil à la disposition non seulement des demandeurs d’emploi, mais également de ceux qui souhaitent changer d’activité. Pôle emploi est-il aujourd’hui en mesure de répondre aux attentes de ces derniers, compte tenu de l’actuel afflux de chômeurs ? Certaines agences ou certains personnels ont-ils reçu mission d’accueillir spécifiquement ces publics ?

Monsieur le secrétaire d'État, vous avez récemment évoqué un éventuel recours à des opérateurs privés, ce qui a suscité les critiques de M. Vantomme et de Mme David. Or, cela se pratique déjà. Ainsi, dans mon département, le Val-de-Marne, la société A4e a développé un savoir-faire dans ce domaine. Je lui ai adressé des personnes handicapées et des seniors. En période de chômage, il me semble préférable de multiplier les sources d’expertise plutôt que de soutenir que Pôle emploi doit tout gérer. Des personnes particulièrement fragiles peuvent avoir besoin d’un accompagnement spécifique. Il reste à savoir si les publics éligibles à celui-ci doivent être définis à l’échelon local ou à l’échelon national.

Enfin, j’aborderai la question des liens de Pôle emploi avec les collectivités locales, qui intéresse particulièrement le Sénat. Dans quelques jours, le revenu de solidarité active sera mis en place de façon très différenciée selon les départements, en fonction des moyens mobilisés. Cela étant, des instructions sont-elles données, à l’échelon national, pour que soit respecté le principe de l’égalité de traitement des allocataires, quelle que soit l’implication du conseil général concerné ?

Je ne reviendrai pas sur les maisons de l’emploi et les missions locales, puisque ce sujet a déjà été abordé.

Ce débat m’offre l’occasion de réaffirmer la nécessité d’une meilleure information des élus locaux, que j’avais déjà soulignée devant M. Charpy. Rien ne peut se faire sans eux ! Ils doivent avoir une vision précise de ce qui se passe sur leur territoire : des regroupements sont prévus, des locaux sont maintenus, d’autres sont cédés. Certes, j’ai conscience que le contexte est difficile pour Pôle emploi, qui a peut-être d’autres priorités. Toutefois, monsieur le secrétaire d'État, il faut donner des consignes claires pour que les élus, quelle que soit la nature de leur mandat, soient informés des projets concernant leur territoire. Personne n’est mieux qu’eux à même d’orienter cette organisation.

Pour conclure, à titre personnel, je forme le vœu que Pôle emploi soit un peu moins soumis au feu des critiques, tant au Parlement que dans la presse. En effet, les reproches qui lui sont adressés, même si certains sont justifiés, ne peuvent que susciter la défiance des chômeurs et les faire douter de l’efficacité de cet organisme.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Plancade

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, mon propos ne tranchera pas sur la tonalité générale de ce débat : la situation de Pôle emploi est catastrophique. Même Mme Procaccia, dont les remarques sur le poids des critiques sont tout à fait pertinentes, a reconnu que des difficultés existaient.

« Nous sommes sans doute le seul pays où le suivi de la recherche effective d’emploi est assuré par trois institutions : l’État, l’assurance chômage et l’ANPE. Autant dire qu’elle n’est suivie par personne. » Ainsi s’exprimait le Président de la République au mois de septembre 2007 ; il avait raison !

C’est dans cet esprit que la loi du 13 février 2008 organisant la fusion de l’ANPE et de l’UNEDIC a été adoptée. Le Pôle emploi, né de cette fusion, devait être l’un des outils majeurs de la lutte contre le chômage, le remède miracle permettant de passer sous la barre des 5 % de sans-emploi à l’horizon 2012.

Pourtant, moins de six mois après la mise en place de Pôle emploi, la réalité est tout autre : entre la surcharge du service, le mécontentement des agents et un afflux de chômeurs sans précédent, force est de constater que le fonctionnement de Pôle emploi n’est pas satisfaisant. C’est même un échec ! La journée de grève de la semaine dernière illustre le malaise dont souffre cette structure.

Le contexte est en effet tendu depuis plusieurs mois et le rapprochement des ex-ANPE et des ex-ASSEDIC s’opère dans la douleur, notamment en raison de l’insuffisance des formations à l’accompagnement des demandeurs d’emploi pour les anciens personnels des ASSEDIC et à l’indemnisation pour les anciens agents de l’ANPE. Parallèlement, on ne peut que déplorer le fort accroissement de la précarité pour le personnel et la dégradation des conditions de travail.

Mme Lagarde avait annoncé, à l’époque de la fusion de l’ANPE et de l’UNEDIC, que chaque conseiller n’aurait pas à suivre, à terme, plus de soixante personnes, voire trente pour les cas jugés les plus difficiles. En fait, sur le terrain, dans mon département, on constate que chaque agent s’occupe de cent à cent cinquante demandeurs d’emploi. L’afflux de nouveaux inscrits peut même parfois amener à porter ce chiffre jusqu’à trois cents !

On assiste donc à une véritable saturation des agences de Pôle emploi. Le mécontentement des usagers s’accroît, les files d’attente s’allongent et les délais pour obtenir un simple rendez-vous sont devenus beaucoup trop importants. Certes, le Gouvernement a annoncé la création de 1 840 postes dans les agences et de 500 sur les plateformes, mais cela n’est pas suffisant au regard des besoins !

Ce manque de moyens engendre une montée des tensions aux guichets, tant du côté des chômeurs, qui n’accèdent pas dans les meilleures conditions au service auquel ils ont droit, que du côté du personnel. On constate une multiplication des agressions physiques et verbales, des menaces et des insultes. La situation sur le terrain est donc dramatique, inadmissible, et, en l’état actuel des choses, il y a peu de chances, je le crains, qu’elle s’améliore.

Or nous avons grand besoin d’un Pôle emploi performant, à l’heure où la France subit sa plus grave crise économique de l’après-guerre. Très récemment, Pôle emploi faisait état de la destruction nette de 175 000 emplois salariés au premier trimestre de 2009, alors que, à la mi-mai, les statistiques provisoires du ministère de l’emploi n’en prévoyaient que 138 000. Le recul de l’emploi atteint ainsi 1, 1 % : il s’agit d’une chute d’une ampleur inédite dans l’histoire économique française, qui touche l’ensemble des secteurs. La dégradation de l’emploi devrait persister encore plusieurs trimestres.

La réforme aurait mérité d’être plus mûrement préparée et accompagnée de moyens humains plus importants. Monsieur le secrétaire d'État, comment le Gouvernement entend-il mettre un terme à ces dysfonctionnements graves ? Comment allez-vous remotiver un personnel excédé, qui n’en peut plus ? Quand les Français qui en ont le plus besoin pourront-ils bénéficier d’un service public de l’emploi performant ?

Personnellement, je tire deux enseignements de la mise en œuvre de cette réforme : d’une part, simplification n’est nécessairement synonyme d’amélioration ; d’autre part, on ne réforme pas contre les personnels concernés, mais avec eux.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC -SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, pour avoir consacré plus de trente années de ma vie professionnelle d’abord à l’ANPE, puis à l’AFPA, je suis viscéralement attaché au service public de l’emploi.

Dans ce contexte de crise, malgré les dysfonctionnements décrits par mes collègues de tous horizons politiques et les incertitudes actuelles, Pôle emploi joue une fonction irremplaçable d’amortisseur social. C’est pourquoi je veux rendre un hommage appuyé à ses 45 000 agents, tous animés de la volonté d’offrir le meilleur service au public. Ils ne sauraient évidemment être tenus responsables des graves difficultés observées. Premiers témoins de la détresse des demandeurs d’emploi qu’ils accueillent jour après jour, ils font tout ce qui est en leur pouvoir pour atténuer les conséquences d’une réorganisation dévastatrice. D’ailleurs, appelés à cesser le travail au cours de la semaine dernière par les organisations syndicales, ils ont fait preuve d’un grand sens des responsabilités. J’ai le sentiment qu’ils n’ont pas voulu ajouter, par un mouvement social fort justifié néanmoins, des désagréments supplémentaires à la détresse des demandeurs d’emploi.

C’est une évidence, la mission dévolue à Pôle emploi est d’une importance majeure, particulièrement dans le présent contexte de forte dégradation de la situation de l’emploi. Le fonctionnement de ce service public devrait être optimal, Pôle emploi devrait notamment pouvoir se consacrer totalement à un accueil et à un suivi personnalisés du demandeur d’emploi, le système d’indemnisation devrait être le plus réactif possible. Or c’est loin d’être le cas ! Aujourd’hui, d’une certaine manière, le service public de l’emploi est en chantier. Les conséquences de cette situation sont évidemment fortement préjudiciables tant aux demandeurs d’emploi qu’aux entreprises, que je n’entends pas oublier, monsieur le secrétaire d’État.

Les demandeurs d’emploi sont soumis à une double peine. Lorsqu’ils se présentent à Pôle emploi à la suite de la perte de leur travail, dans un état d’inquiétude et de désordre psychologique aggravé par l’acuité de la crise, ils se retrouvent prisonniers de démarches qui prennent souvent l’allure d’un parcours kafkaïen – ce constat est unanime – et accroissent encore leur angoisse et leurs incertitudes. Les retards et les embouteillages sont manifestes.

Afin de rendre mon propos plus concret, je prendrai l’exemple de ma région : un agent de Pôle emploi y suit en moyenne 200 dossiers individuels. Nous sommes loin de l’objectif visé par l’institution, à savoir 60 dossiers par agent ! Que dire en outre de l’accueil téléphonique au 3949, onéreux et totalement impersonnel ? Mes collègues ayant évoqué ce point, je n’y insisterai pas. Par ailleurs, la mise en place du RSA au moment même où Pôle emploi est en pleine restructuration m’inquiète beaucoup en tant que président de conseil général. Pour les départements, en effet, l’enjeu est non seulement social, mais aussi financier.

Pour ce qui concerne les entreprises, chaque jour apporte son lot de mauvaises nouvelles. Dans mon département, à quarante-huit heures d’intervalle, deux entreprises industrielles ont disparu, à savoir la Papeterie du Doubs, à Novillars, et l’entreprise GFD, à l’Isle-sur-le-Doubs. Une sorte de fatalisme devant le spectacle permanent de la destruction industrielle semble s’installer. Dans ce climat, nous devrions pouvoir compter sur un service public de l’emploi offensif, à la recherche de tous les emplois disponibles, capable de promouvoir des dispositifs d’accompagnement vers l’emploi et d’orienter vers les parcours de formation. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez besoin d’un tel service pour mener votre politique de l’emploi, et nous-mêmes en avons besoin dans nos territoires.

À Versailles, le Président de la République a affirmé la nécessité de promouvoir les parcours de transition professionnelle. Mais ne risque-t-on pas d’en rester aux incantations ? Comment Pôle emploi pourrait-il remplir cette double mission essentielle de prospection et de conseil à l’entreprise, alors qu’il ne peut plus assurer sa fonction élémentaire d’accueil des demandeurs d’emploi ? Monsieur le secrétaire d’État, les statistiques émanant de vos services indiquent que Pôle emploi a collecté au mois d’avril dernier 25, 7 % d’offres d’emploi de moins, toutes catégories confondues, qu’au mois d’avril 2008. Cette baisse traduit, à l’évidence, la détérioration de la situation de l’emploi, mais je suis convaincu que ce chiffre témoigne aussi de l’incapacité de Pôle emploi à mobiliser l’ensemble des potentialités du marché du travail.

Quelles sont les causes de ces dysfonctionnements ?

Fusionner les ANPE et les ASSEDIC pouvait sembler une idée séduisante, puisqu’il s’agissait de mettre en place un guichet unique et, par conséquent, de faciliter la vie des usagers. En 1967, lorsque Jacques Chirac, alors jeune secrétaire d’État aux affaires sociales, a créé l’ANPE par ordonnance, d’aucuns avaient appelé de leurs vœux la création d’un service unique. M. Chirac n’avait pas suivi cette voie, compte tenu des nombreux inconvénients qu’une telle fusion paraissait comporter. Le gouvernement actuel a estimé que cette fusion était possible et l’a réalisée. Hélas ! tous s’accordent à reconnaître que c’est un échec, tant pour les usagers que pour les personnels.

Vous avez réuni les ingrédients du désastre, même si, je vous l’accorde, toute la responsabilité de cette situation ne peut vous être imputée.

En premier lieu, cette réforme intervient au pire moment, eu égard à la dégradation actuelle du marché de l’emploi. Les statistiques font ainsi apparaître que l’on dénombrait 2, 5 millions de demandeurs d’emploi de catégorie A au mois d’avril, ce qui marque une progression de 24 % par rapport à avril 2008. Dans ma seule région, la Franche-Comté, qui, vous le savez, est frappée par le déclin industriel, cette augmentation atteint presque 40 %. Les travaux de restructuration d’un grand magasin doivent-ils avoir lieu au moment des plus fortes ventes ?

Une cause plus profonde de l’échec est d’ordre culturel et structurel. L’ANPE et les ASSEDIC sont de culture différente : la première est un organisme administratif, les secondes sont d’essence paritaire. Les agents des ASSEDIC ont un statut de droit privé et, à grade équivalent, leur salaire est de 30 % supérieur à celui de leurs homologues de l’ANPE.

Au-delà et surtout, les métiers sont différents. L’ANPE assure une fonction d’intermédiation sur le marché du travail, qui comporte deux missions complémentaires : d’une part, l’accompagnement du demandeur d’emploi, d’autre part, la prospection et le conseil à l’entreprise. Les ASSEDIC, quant à elles, procèdent à l’indemnisation des chômeurs et recueillent les cotisations auprès des entreprises : c’est tout autre chose.

Monsieur le secrétaire d’État, vos services ont probablement mal mesuré ces différences. De ce fait est apparu un troisième ingrédient de l’échec : l’effort de formation est insuffisant, avec seulement trois jours de formation pour acquérir les techniques d’indemnisation, sept pour apprendre à accompagner les demandeurs d’emploi ! L’ampleur de la réforme ayant sans doute été sous-estimée, les modalités de cette fusion n’ont pas fait l’objet d’un dialogue suffisant avec les organisations syndicales. Voulant aller vite dans l’intérêt du service public– je ne vous fais pas de procès d’intention –, vous avez agi à la hussarde, sans réfléchir suffisamment à l’organisation du travail.

Vous vous apprêtez, de surcroît, à intégrer les 900 psychologues de l’AFPA au sein de Pôle emploi. Dans le contexte actuel, est-il vraiment opportun d’ajouter une difficulté et de créer un désordre supplémentaire au sein de cette autre composante du service public de l’emploi ?

Monsieur le secrétaire d’État, comment permettre aujourd’hui au service public de sortir de cette situation, indigne pour les demandeurs d’emploi et que la représentation sénatoriale ne peut accepter de voir perdurer ? Elle entrave en outre la fluidité du marché du travail, précisément à un moment où il est plus que jamais nécessaire de faire preuve de réactivité.

J’attends que vous dressiez un état précis de la situation actuelle. Je souhaite, en particulier, que vous fassiez un inventaire exhaustif des conséquences de cette réforme pour les demandeurs d’emploi et pour les entreprises.

J’attends aussi que vous nous fassiez part des mesures correctrices que vous entendez prendre. Il faudra nécessairement, me semble-t-il, redéfinir les conditions du dialogue social au sein de Pôle emploi et revoir les dispositions relatives à l’organisation, en particulier la définition du contenu des différents postes de travail. La polyvalence doit-elle s’imposer immédiatement ? Du point de vue des ressources humaines, les exigences en matière de formation et de recrutement devront être revues.

Enfin, quelles seront les conséquences immobilières, informatiques et financières de la réforme ? Alors que celle-ci devait déboucher sur la mutualisation et l’optimisation des ressources des deux institutions, on peut craindre, monsieur le secrétaire d’État – mais j’espère me tromper –, qu’elle ne coûte très cher au contribuable au regard du gain de service enregistré, indépendamment des effets de la conjoncture.

N’en doutez pas, monsieur le secrétaire d’État, votre réponse sera examinée avec la plus grande attention par la représentation nationale, par l’ensemble des personnels et, j’en suis sûr, par les millions de demandeurs d’emploi qui, aujourd’hui, attendent du service public un accompagnement qu’ils ne trouvent plus.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pour favoriser la mise en œuvre d’un service public de l’emploi plus efficace au profit de ses usagers, un opérateur unique, Pôle emploi, a été créé, regroupant l’ANPE et les ASSEDIC, en vue d’en faire, selon sa direction, l’opérateur « exclusif » de l’accompagnement vers l’emploi des demandeurs d’emploi.

Cette démarche est pertinente. Cependant, surtout en cette période de crise économique, les incidences de la baisse de l’activité et des nombreuses liquidations judiciaires d’entreprises, qui entraînent un accroissement du nombre des demandeurs d’emploi, ne peuvent être gérées par le seul Pôle emploi. Celui-ci doit régler ses problèmes internes d’organisation et de différence de statut des personnels, faire face à l’instauration du suivi mensuel personnalisé ainsi qu’à la généralisation du RSA et à ses conséquences sur le flux de demandeurs d’emploi. En dépit du recrutement de 3 300 agents supplémentaires sous contrats à durée déterminée ou indéterminée, le nombre de personnes suivies par chaque conseiller s’élève, selon les sites, à 120 ou à 130, voire plus.

Il est certes incontestable que les difficultés actuelles de Pôle emploi résultent, en grande partie, de la montée brutale du chômage. Cela étant, le mécontentement à l’égard du service public de l’emploi ne date pas d’aujourd’hui : le fonctionnement de l’ANPE n’était pas toujours idéal, faut-il le rappeler !

Ce contexte d’aggravation du chômage rend d’autant plus incompréhensibles, monsieur le secrétaire d’État, les relations qu’entretient Pôle emploi avec les maisons de l’emploi. En effet, si je considère le projet originel de maison de l’emploi, en particulier pour mon département, la Vienne, je constate que l’axe 2 de la convention pluriannuelle d’objectifs signée en janvier 2008 entre l’État, le conseil général et les intercommunalités concerne l’accompagnement et le retour à l’emploi. Or, aujourd’hui, cet axe est supprimé et l’État demande que les maisons de l’emploi ne fassent que du pré-accompagnement, c’est-à-dire qu’elles se bornent à délivrer une information sur l’offre de services de Pôle emploi. Cette situation est aberrante, permettez-moi de le dire !

Certes, l’offre de services de Pôle emploi a évolué : elle comporte désormais un conseiller personnel, un suivi mensuel, un accompagnement individualisé, etc. Cependant, sur le terrain, une maison de l’emploi qui propose une ouverture quotidienne, un espace numérique – Cyber-base emploi –, avec un accueil et un conseil, alors que Pôle emploi n’assure qu’une présence partielle – parfois une seule journée par semaine –, doit-elle se limiter au rôle de simple relais vers un site distant de Pôle emploi ? Ne peut-elle pas faire plus ? Des synergies, des complémentarités ne peuvent-elles pas être développées, au service des travailleurs menacés par le chômage et des demandeurs d’emploi, particulièrement dans les zones rurales ? Force est de constater que les antennes des maisons de l’emploi, bien implantées dans les territoires, sont parfaitement identifiées comme un lieu de ressources incontournable pour les personnes en recherche d’emploi.

Vous aviez vous-même estimé, monsieur le secrétaire d’État, lors de la discussion du projet de loi relatif à la réforme de l’organisation du service public de l’emploi, que « les maisons de l’emploi doivent être un outil permettant de simplifier et de rendre l’action de Pôle emploi plus efficace ». Dès lors, pourquoi s’obstiner à refuser la contribution des ressources qualifiées des maisons de l’emploi ? Comment ne pas y voir la seule manifestation d’une volonté malvenue de conserver un « pré carré » ? Des sénateurs de divers horizons politiques me disaient tout à l’heure que les agences de Pôle emploi constituent aujourd’hui un « État dans l’État », qui fonctionne en circuit fermé, en ignorant les élus et les maisons de l’emploi.

Monsieur le secrétaire d’État, en même temps que le nouveau cahier des charges des maisons de l’emploi, nous attendons une convention régissant, au plan national, les relations entre Pôle emploi et ces dernières : il ne faut pas casser ce que vous nous avez fait mettre en place voilà quelques mois ! L’urgence est grande, et je vous remercie de nous éclairer sur ce point car, dans la situation économique actuelle, ce sont les territoires qui connaissent les vraies difficultés et ce sont les acteurs locaux qui sont en position d’apporter les meilleures réponses.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Demuynck

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, rassemblant au sein d’une seule entité la gestion des offres d’emploi et celle des allocations, Pôle emploi a dû faire face, après quelques mois d’existence, à une explosion du nombre des demandeurs d’emploi : notre pays a vu plus de 600 000 personnes perdre leur travail depuis août 2008.

Devant cet afflux, Pôle emploi s’est engagé à répondre plus efficacement à trois priorités : inscrire, indemniser, accompagner.

Afin d’améliorer le taux d’accès au numéro unique, le 3949, des postes seront créés dès le mois prochain : cette initiative permettra de répondre, dans les meilleurs délais et les meilleures conditions, aux interrogations des demandeurs d’emploi.

De même, des crédits importants seront débloqués au cours de l’été afin que les indemnisations ne soient pas retardées. Ils permettront également de répondre aux besoins des futurs inscrits qui auront recours aux services de Pôle emploi après la période estivale – je pense, notamment, aux nouveaux diplômés ou aux emplois d’été qui ne seront pas reconduits.

Nous le savons tous, le nombre de demandeurs d’emploi augmentera fortement au cours du mois de septembre. Pôle emploi anticipe donc cette période délicate, qui fera suite à un début d’année déjà très difficile.

Enfin, l’accompagnement sera lui aussi renforcé, grâce à l’appel à des opérateurs privés qui viendront aider Pôle emploi à trouver, chaque année, des solutions pour 150 000 à 170 000 demandeurs d’emploi.

Au-delà de la forte augmentation du nombre de chômeurs, la presse ne manque pas de stigmatiser les difficultés rencontrées par la nouvelle entité, par exemple le manque de formation des conseillers – alors que, sur les 20 000 agents qui doivent être formés au cours de l’année 2009, 13 000 l’ont déjà été –, le prétendu découragement des personnels ainsi que les mouvements de grève.

Le travail accompli, chaque jour, par les conseillers et le personnel passe ainsi au second plan, alors que l’accomplissement de leur mission difficile appelle notre soutien, en particulier en cette période délicate. Il convient de dire haut et fort que le personnel est concentré sur ses missions et déploie toute son énergie pour que Pôle emploi atteigne ses objectifs. Toutes ces polémiques font oublier l’importance de la création de cette structure et des résultats obtenus, même si les difficultés sont réelles, je le reconnais volontiers.

La création de Pôle emploi, qui correspond à un engagement pris par Nicolas Sarkozy lors de la campagne pour l’élection présidentielle, répond à une véritable nécessité. En effet, voilà quelques mois encore, la France était le seul pays d’Europe où le suivi de la recherche d’emploi était assuré par trois institutions bien distinctes : l’État, le réseau des ASSEDIC et l’ANPE, auxquels il convient d’ailleurs d’ajouter les missions locales d’insertion, les permanences d’accueil, d’information et d’orientation, les PAIO, etc. Cet enchevêtrement de structures était illisible pour les demandeurs d’emploi, nuisait à la rapidité du retour sur le marché du travail et induisait un coût de fonctionnement important : 2, 2 milliards d’euros pour la seule ANPE, qui, soulignons-le, ne participait au placement que de 11 % des chômeurs de notre pays. Cette situation devait donc changer, et il était nécessaire de concentrer tous les éléments contribuant à un rapide retour à l’emploi autour d’un chef de file, capable de trouver des solutions sur mesure. Tel est l’esprit qui a présidé à la création de Pôle emploi.

Cependant, comme pour tout nouveau dispositif, des améliorations sont nécessaires. La création de Pôle emploi et la fusion des agences ont été engagées alors que la situation du marché du travail n’était pas aussi difficile qu’aujourd’hui. Des ajustements doivent donc être apportés et un nouvel équilibre trouvé, compte tenu de la crise, pour que cette nouvelle gouvernance aboutisse à une efficacité optimale.

Au-delà, la mise en place de réunions d’échanges régulières, au sein de chaque agence, permettrait de réunir un maximum d’informations provenant du terrain et de les diffuser. Elles seraient également l’occasion de préciser les choses. En effet, nombre de décisions prises par le Gouvernement ne sont pas toujours bien comprises par les conseillers : vous-même l’avez souligné, monsieur le secrétaire d’État, lors de votre déplacement dans une antenne de Pôle emploi sise à Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis.

De plus, il convient de veiller à la rapide mise en place des référents uniques : avec la crise actuelle, on ne peut attendre. Au-delà de leur nombre, j’insiste sur la qualité de leurs conseils, qui s’avère cruciale. Ma conviction est qu’il est indispensable de fournir aux conseillers un outil de pilotage sur les métiers qui embauchent, afin d’optimiser l’accompagnement des demandeurs d’emploi. Les conseillers doivent non seulement être en mesure de connaître la situation du marché de l’emploi dans leur zone géographique, grâce à la prospection des métiers en tension, mais également être capables de formuler des recommandations précises et efficaces sur les métiers porteurs à moyen terme, voire à long terme. Dans le cadre du rapport de la mission commune d’information sur la politique en faveur des jeunes, mes collègues et moi-même avions d’ailleurs souligné cette faiblesse. Je ne doute pas qu’elle sera vite corrigée.

En outre, nous devons débloquer des fonds plus importants afin de financer les formations destinées aux demandeurs d’emploi, notamment pour qu’ils puissent répondre aux besoins en personnel des nouveaux marchés, tels l’écologie, le développement durable ou l’aide à la personne. Même si Pôle emploi, avec l’appui des conseils régionaux, a d’ores et déjà pris les devants en augmentant le nombre des formations qui seront proposées, il faut prendre la mesure des difficultés et veiller à ce que ces formations répondent aux attentes des secteurs en tension.

Vous l’aurez compris, en tant que représentant d’un département, la Seine-Saint-Denis, où le taux de chômage est particulièrement élevé, je considère que la création de Pôle emploi était nécessaire, même si ses débuts ont été marqués par quelques difficultés. Plutôt que de m’attacher à les stigmatiser, je préfère m’engager dans une démarche positive : certes, le dispositif est perfectible, mais sa création est très récente. Notre pays ne pouvait plus fonctionner avec un modèle de service public de l’emploi inadéquat : Pôle emploi apporte une réponse ambitieuse, nécessaire, adaptée aux enjeux de notre époque et aux attentes des demandeurs.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de vous remercier du temps que vous consacrez à ce sujet. J’ai apprécié le caractère approfondi et nourri de vos interventions, qui ont été très précises et constructives.

Je tiens à saluer la tonalité à la fois humaniste et républicaine des propos de M. Vantomme, qui a ouvert le débat en relevant ce qu’il considère être des axes d’amélioration possibles de l’action de Pôle emploi.

Madame David, même si nous ne sommes pas toujours d’accord, tant s’en faut, j’apprécie toujours votre droiture, votre précision et votre investissement incontestable sur le thème de l’emploi.

Mme Procaccia connaît parfaitement le sujet, pour avoir été rapporteur du projet de loi qui a donné naissance à Pôle emploi. Elle a eu le souci de faire le point, avec beaucoup d’objectivité, sur l’état d’avancement de la réforme, mesurant le chemin qui reste à parcourir, et a aussi évoqué plusieurs thèmes sur lesquels je vais revenir, notamment la convention collective.

J’ai écouté avec attention M. Plancade, même si je ne partage pas toujours son point de vue, marqué à mon sens par un certain défaitisme.

M. Jeannerot a fait appel à son expérience professionnelle acquise dans l’ancien système. Il a souligné le rôle essentiel d’amortisseur social joué malgré tout par Pôle emploi dans cette crise, relativisant ainsi bien des caricatures, ainsi que l’investissement des agents sur le terrain, auxquels je souhaite à mon tour rendre hommage.

M. Fouché a consacré principalement son intervention aux maisons de l’emploi. J’y reviendrai.

Enfin, M. Demuynck, avec la précision qu’on lui connaît, a mis en exergue les avantages fondamentaux de Pôle emploi, dans cette période de crise, par rapport à l’ancien système, tout en traçant des voies possibles d’amélioration, en particulier l’instauration de réunions d’échanges d’informations au sein des agences et l’optimisation de la détection des métiers en tension en vue de l’adaptation de la formation des demandeurs d’emploi. Ces propositions sont constructives et très intéressantes.

Il convient de prendre un peu de recul pour mener notre réflexion, afin d’éviter de se tromper de cible et de diagnostic. Notre pays traverse actuellement la crise de l’emploi la plus grave qu’il ait connue depuis cinquante ans. Qui peut croire qu’un service public de l’emploi, dans quelque pays d’Europe que ce soit, soit en mesure de répondre parfaitement à une hausse de 25 % en six mois du nombre de demandeurs d’emploi accompagnés ? Comment prétendre sérieusement qu’un service public de l’emploi, quel que soit son mode d’organisation, peut s’adapter du jour au lendemain à une situation aussi difficile ? La seule vraie question est de savoir si Pôle emploi permet ou non d’améliorer la situation et quels sont les voies de progrès envisageables en cette période de crise.

De ce point de vue, il n’est pas mauvais de faire retour sur un passé récent. En 1993, les demandeurs d’emploi formaient des files d’attente devant les guichets des ANPE, jusque dans la rue. Les antennes des ASSEDIC étaient obligées de fermer un jour sur deux parce qu’elles étaient dans l’incapacité de faire face au flot des demandes d’indemnisation. Les demandeurs d’emploi devaient attendre un mois avant d’être inscrits et d’obtenir le versement de leur indemnité. Telle était la situation en 1993, avec l’ancien système de l’ANPE et des ASSEDIC.

Je ne prétends pas un seul instant que tout est parfait aujourd’hui et que les 500 000 nouveaux demandeurs d’emploi sont pris en charge sans aucun problème par le service public. Néanmoins, je ne laisserai pas dire que Pôle emploi fait moins bien que l’ancien système poussiéreux que constituaient l’ANPE et les ASSEDIC, dont les défaillances furent catastrophiques en 1993. Rappelons-nous la situation apocalyptique de cette année-là, alors que la situation de l’emploi était pourtant trois fois moins grave qu’aujourd’hui ! Grâce à la motivation des agents de Pôle emploi, grâce à leur travail quotidien, grâce aux gains d’efficacité que permet d’obtenir, mois après mois, même dans l’adversité, la nouvelle structure, nous arrivons à faire face bien mieux qu’à l’époque à une situation beaucoup plus difficile. Pour autant, cela ne signifie pas qu’il n’y ait pas beaucoup de choses à améliorer.

Si la fusion ayant conduit à la création de Pôle emploi était une opération facile, pourquoi, en vingt ans, aucune majorité n’a-t-elle eu le courage de s’attaquer à ce sujet épineux et délicat ? En réalité, la fusion est difficile, la mettre en œuvre nécessite du courage politique, mais nous gardons le cap et allons de l’avant. Je ne me lasse pas de le répéter, le défi que nous devons relever, c’est, mois après mois, de mieux protéger ceux de nos concitoyens qui en ont besoin et d’améliorer progressivement la situation, en lien étroit avec les agents de Pôle emploi. Vous l’avez d’ailleurs relevé, monsieur Vantomme : le problème, ce n’est pas le vaisseau, c’est la tempête. Notre travail est de faire en sorte que les voiles soient bien carguées, que le cap soit tenu afin que, progressivement, nous puissions sortir de la tempête.

Où en sommes-nous ?

Tout d’abord, la fusion des deux organismes se déroule de façon toujours plus opérationnelle. Nous avons réussi à unifier le fonctionnement interne de Pôle emploi, avec la mise en place de vingt-six directions régionales. D’ores et déjà, 430 directeurs locaux ont été nommés, l’ensemble des managers de la direction générale, les directeurs régionaux et territoriaux ont été désignés et, d’ici à la fin du mois de juillet 2009, la totalité des 930 directeurs des pôles locaux seront nommés. Un contrat de performance fixe les objectifs et les moyens assignés à chacun de ceux-ci. Je rejoins tout à fait M. Demuynck sur la nécessité de bien encadrer cette possibilité ouverte à chaque structure de s’organiser au mieux en fonction des réalités du terrain. Je sais que le Sénat est extrêmement vigilant sur ce point.

En ce qui concerne la future convention collective, sujet important abordé par Mme Procaccia, il a été décidé d’attendre la tenue des élections professionnelles, à la fin de septembre et au début d’octobre, parce qu’une négociation aussi cruciale ne peut être menée qu’avec les nouveaux représentants des agents, ceux qui feront vivre la nouvelle structure. Notre objectif, que je m’engage à atteindre, est cependant d’aboutir avant la mi-2010, car il est important pour les agents de savoir dans quel cadre ils vont travailler. Je rappelle que les agents publics de Pôle emploi auront la possibilité de choisir entre la nouvelle convention collective et leur statut actuel.

Quels gains d’efficacité tangibles a d’ores et déjà apportés la création de Pôle emploi ?

La synergie obtenue, l’élimination des doublons entre l’ANPE et les ASSEDIC nous permettront de mettre progressivement au service direct du public, demandeurs d’emploi et entreprises, l’équivalent de 3 000 conseillers. Dans les douze mois qui viennent, nous enregistrerons ainsi des gains d’efficacité très substantiels. Cela représente l’équivalent d’environ quatre conseillers par agence, chaque structure comprenant entre trente et quarante agents en moyenne. Cela s’ajoutera aux 1 840 agents supplémentaires actuellement en cours de recrutement et qui arriveront sur le terrain dans les jours à venir.

Je rappelle que la fusion, qui progresse chaque jour, débouche sur la création d’une entité comportant 45 000 agents et 1 500 implantations sur l’ensemble du territoire. Je ne suis pas de ceux qui croient qu’une telle révolution culturelle se fait en claquant des doigts. Elle s’opère progressivement, en affrontant les difficultés, mais elle avance.

Un autre point très important est l’amélioration du service rendu.

Madame David, chaque semaine, je me rends sur le terrain, dans une agence de Pôle emploi, pour dialoguer avec le personnel. Ainsi, comme l’a rappelé M. Demuynck, j’ai passé une journée complète à Saint-Ouen, où, hors la présence de caméras ou de journalistes, j’ai écouté les agents.

À cette occasion, j’ai pu me rendre compte des améliorations apportées au service rendu aux demandeurs d’emploi. Quelles sont-elles ?

Tout d’abord, bien entendu, le demandeur d’emploi n’a plus à se rendre qu’en un seul lieu pour obtenir l’ensemble des informations dont il a besoin. Cela change tout ! Un demandeur d’emploi n’est pas un schizophrène dont le cerveau aurait érigé une séparation mentale absolue entre sa recherche d’un emploi et son indemnisation. Dans sa démarche et dans son esprit, les deux sujets sont totalement imbriqués.

L’un de mes premiers souvenirs, en tant que secrétaire d’État à l’emploi, concerne un demandeur d’emploi de Lille, que j’avais accompagné dans son parcours d’insertion et d’indemnisation. Lors de son premier entretien, il avait expliqué à l’agent des ASSEDIC qui le recevait qu’une entreprise de logistique lui avait proposé de l’embaucher sous contrat à durée indéterminée, à condition qu’il soit titulaire d’un certificat d’aptitude à la conduite en sécurité, un CACES, et qu’il souhaitait, en conséquence, pouvoir suivre cette formation immédiatement. Il lui fut alors répondu qu’il n’était pas possible d’aborder cette question à ce stade et qu’il fallait au préalable procéder à l’inscription administrative en vue de l’indemnisation. Je vous laisse imaginer le visage de cette personne qui venait de perdre son travail et avait besoin d’être soutenue… On la renvoyait, pour présenter sa demande, à un autre guichet, située en un lieu différent ! Voilà l’un des changements qu’apporte la création de Pôle emploi : le demandeur d’emploi peut obtenir les réponses à toutes ses questions en un même lieu.

Notre objectif est de parvenir, à terme, à mettre en place un réseau cohérent de 946 sites mixtes sur l’ensemble du territoire, madame David, à partir des 1 500 implantations dont nous avons hérité. Cela constitue pour nous une priorité.

À ce sujet, j’attache la plus haute importance, comme vous tous, à l’accessibilité du service public de l’emploi. Étant élu d’un territoire rural, je sais très bien ce que représente, pour un demandeur d’emploi, le fait d’être confronté à des difficultés de déplacement. J’en prends à nouveau solennellement l’engagement devant le Sénat : non seulement la couverture territoriale assurée par la nouvelle entité ne sera nullement amoindrie, mais elle sera au contraire renforcée. Par exemple, de nouvelles antennes seront ouvertes dans la région Rhône-Alpes et dans la région Centre, notamment dans la partie sud, où une nouvelle agence de Pôle emploi sera également créée. Mon objectif n’est en aucun cas de réduire la présence sur le terrain du service public de l’emploi, il est à l’inverse de profiter du gain d’efficacité permis par la fusion de l’ANPE et des ASSEDIC pour mieux couvrir l’ensemble du territoire. Je le réaffirme, il y aura une amélioration de la couverture territoriale, en aucun cas une régression. Il s’agit d’un progrès historique.

Madame David, 150 sites mixtes étaient opérationnels à la date du 18 juin. Il est vrai que nous avons pris du retard sur le calendrier initial, en raison du processus de consultation des partenaires sociaux. En effet, nous avons choisi de prendre le temps de discuter avec eux. Maintenant que les fondations sont saines, nous allons pouvoir rattraper ce retard pendant l’été pour aboutir au chiffre de 946 sites mixtes.

L’accueil téléphonique est un autre point sur lequel nous essayons de progresser. L’objectif est de mettre en place un numéro unique d’accès au service de Pôle emploi, le 3949, pour que, là encore, le demandeur d’emploi puisse poser l’ensemble de ses questions à un même interlocuteur. Les choses se sont améliorées, mais la situation n’est pas encore satisfaisante. Le paramètre à prendre en compte pour évaluer le fonctionnement d’une plateforme téléphonique, c’est le taux de décroché, à savoir le pourcentage d’appels aboutissant à une communication. On considère, en règle générale, qu’un numéro d’appel fonctionne très bien si le taux de décroché est, au minimum, de 80 %. Pour le 3949, il est actuellement de 70 %. Ce numéro est opérationnel, mais atteindre un taux de décroché de 80 % est l’une des priorités fixées à Pôle emploi pour la rentrée.

Dans cette perspective, nous allons revoir l’organisation en mettant en place des plateformes régionales, internes et mutualisées qui nous permettront d’optimiser l’accueil téléphonique. Je ne veux plus que les conseillers de Pôle emploi perdent un temps précieux, qu’ils pourraient consacrer au contact direct avec les demandeurs d’emploi, à fixer des rendez-vous par téléphone. J’ai demandé à ce que cette situation change. M. Charpy, avec qui nous travaillons en pleine confiance, a pris ce problème à bras-le-corps.

Madame David, vous avez, à juste titre, évoqué la surtaxation des appels au 3949. Il s’agit d’un héritage du passé, puisqu’elle frappait déjà les appels aux numéros préexistants, mais le taux de décroché, notamment aux ASSEDIC, était alors apocalyptique.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Leur numéro était pratiquement inaccessible !

Debut de section - Permalien
Laurent Wauquiez, secrétaire d'État

Je vous remercie de le reconnaître. De ce point de vue, grâce à l’engagement des agents sur le terrain, nous avons tout de même amélioré les choses.

Cela étant, j’ai exercé une pression infernale sur les opérateurs de téléphonie, notamment sur ceux de téléphonie mobile, qui avaient quelque peu profité de la situation, alors que les demandeurs d’emploi rencontrent déjà suffisamment de difficultés financières. Aujourd’hui, si nous avons fait le choix politique de ne pas instaurer la gratuité pour ce numéro, il est néanmoins le moins coûteux de tous les numéros de service public.

Parallèlement, monsieur Jeannerot, nous allons mettre en place un numéro court unique réservé aux employeurs, de manière que la relation entre entreprises et demandeurs d’emploi soit facilitée et plus rapide.

Voilà pour ce qui concerne l’accueil des demandeurs d’emploi. Je vais maintenant évoquer l’amélioration des prestations d’accompagnement.

Quelle était la situation initiale ? Je reprendrai, pour illustrer mon propos, l’exemple de ce demandeur d’emploi de Lille auquel je me suis déjà référé tout à l'heure. La première question qu’on lui a posée, quand il s’est ensuite rendu à l’ANPE, portait non pas sur la pertinence, dans son cas, de suivre la formation qu’il demandait, mais sur le point de savoir s’il était indemnisé par les ASSEDIC, car cela conditionnait la prise en charge de la formation. Hors indemnisation par les ASSEDIC, point de salut, même si la formation demandée doit déboucher sur la conclusion d’un CDI !

Nous sommes maintenant sortis de ce raisonnement typiquement français : aujourd’hui, le demandeur d’emploi qui est accueilli par la nouvelle structure est interrogé non plus sur son statut, mais sur les perspectives d’embauche que lui ouvrira la formation envisagée ; si elles sont réelles, la formation sera financée.

Cette attitude nouvelle nous a également amenés, en particulier, a doublé les aides à la mobilité. Nous avons pu faire exploser ce carcan inepte dont nous étions prisonniers : désormais, les aides sont apportées en fonction des besoins du demandeur d’emploi, et non de son statut. C’est là un changement majeur dans la culture de notre service public de l’emploi et une source importante de simplification. Je sais, monsieur Fouché, que c’est un point auquel vous êtes sensible.

Par ailleurs, la mise en place de l’entretien unique se poursuit. Je rappelle que, dans le système antérieur, le délai maximal d’inscription, qui était en réalité un délai moyen, était de cinq jours. Désormais, les entretiens ont lieu le même jour, l’un à la suite de l’autre, et nous allons progressivement basculer vers un système d’entretien unique personnalisé, un même conseiller s’occupant à la fois de l’indemnisation et de la mise en place d’actions de placement. C’est là le fameux projet personnalisé d’accès à l’emploi.

Mme Procaccia l’a relevé avec beaucoup de justesse, il nous reste à repenser les partenariats entre Pôle emploi et les acteurs qui l’entourent.

À cette fin, nous avons engagé un travail avec l’ensemble des parties prenantes. Je pense bien entendu à Cap emploi, qui joue un rôle essentiel dans l’insertion professionnelle des personnes handicapées, question ô combien importante. Je pense aussi aux missions locales, qui sont des partenaires extrêmement précieux, notamment pour relever les défis s’imposant à nous en matière d’emploi des jeunes. Je pense enfin aux opérateurs privés, qui peuvent, à condition que l’on ne touche pas à la colonne vertébrale du service public, apporter un renfort appréciable en matière d’accompagnement dans cette période où nous avons besoin du concours de tels intervenants, directement opérationnels.

Je voudrais revenir sur la question du partenariat entre les maisons de l’emploi et Pôle emploi, qui a été soulevée par M. Fouché. Je sais à quel point vous êtes attaché à ces structures, monsieur le sénateur. Mme Procaccia a d’ailleurs souligné que Pôle emploi ne devait pas être une citadelle fermée au monde extérieur. Je sais que ce risque peut exister, dans une période où l’énergie des personnels est absorbée dans une large mesure par les questions internes.

Nous avons donc envoyé un message clair à ce sujet : les cadres de Pôle emploi doivent être à la disposition des élus locaux pour les informer de l’évolution de la situation de l’emploi sur leur territoire. En tant que maire du Puy-en-Velay, je suis bien placé pour savoir que c’est par un travail d’équipe que l’on parvient à appliquer les dispositifs au plus près des réalités du terrain.

De ce point de vue, monsieur Fouché, les maisons de l’emploi sont des lieux importants, où peuvent se retrouver autour d’une même table l’ensemble des acteurs de la politique de l’emploi à l’échelle d’un territoire. Elles doivent également émerger en tant que forces de proposition, d’expérimentation locale et d’innovation : je pense, par exemple, à des actions opérationnelles sur le terrain en matière de lutte contre l’illettrisme, à certaines actions transfrontalières ou à la mise en place de modes de garde innovants, autant de domaines dans lesquels Pôle emploi n’est pas en mesure, particulièrement en cette période, de jouer un rôle de pionnier. Les maisons de l’emploi peuvent donc constituer un renfort extrêmement précieux.

En revanche, je le dis pour qu’il n’y ait aucune ambiguïté en la matière, je ne souhaite pas que les maisons de l’emploi soient des opérateurs de placement. J’ai été amené à dénoncer le fait que, sur certains territoires, un jeu de concurrence malsain s’est établi entre les maisons de l’emploi et Pôle emploi.

Debut de section - Permalien
Laurent Wauquiez, secrétaire d'État

Je le répète, il n’est pas possible que les maisons de l’emploi et Pôle emploi accomplissent le même travail sur un même territoire.

En ce qui concerne la maison de l’emploi de Chevigny, monsieur Fouché, …

Debut de section - Permalien
Laurent Wauquiez, secrétaire d'État

Bien sûr, mais l’examen d’une situation locale peut nous permettre de comprendre comment les choses fonctionnent et d’en tirer des leçons à l’échelle nationale.

Il est bien évident que Pôle emploi continuera à animer une antenne dans votre maison de l’emploi, comme il le fera dans toutes celles auxquelles il est associé. Ce que je ne veux pas, c’est que, sur un territoire où coexistent une antenne de Pôle emploi et une maison de l’emploi, les deux services fassent le même travail, car ce serait réintroduire de la complexité dans le dispositif.

Mon souhait est donc que les maisons de l’emploi et Pôle emploi travaillent le plus possible dans un esprit d’association, de complémentarité – mot que vous avez employé avec raison, monsieur Fouché. Pôle emploi doit pouvoir tenir des permanences à l’intérieur des maisons de l’emploi. En revanche, je ne continuerai pas à financer des actions de placement sur des territoires où les maisons de l’emploi et Pôle emploi entreraient dans un jeu de concurrence malsain, faisant parfois l’objet d’une exploitation politique. Je le redis pour être tout à fait clair, en référence à des réalités locales que je connais très bien.

Dans ce cadre, je vous soumettrai avec plaisir, si vous le souhaitez, le cahier des charges que nous élaborons pour les maisons de l’emploi et qui sera mis en place au début de 2010. Nous avons notamment la volonté de répondre à une revendication forte des élus locaux, celle de sortir de ce système surréaliste de financement des maisons de l’emploi qui donnait lieu à une circulation complexe des dossiers, épuisante tant pour les services des maisons de l’emploi que pour la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle. Nous allons passer à un système fondé sur la confiance et la contractualisation, avec évaluation a posteriori. Il n’y aura plus ces versements de crédits au compte-gouttes qui aboutissent à susciter de graves difficultés de trésorerie pour un trop grand nombre de maisons de l’emploi. Cette évolution vers un dispositif beaucoup plus moderne de gestion de ces structures ne pourra être que positive.

Je voudrais maintenant mettre l’accent sur un sujet qui n’a guère été abordé.

Certains outils de la politique de l’emploi font l’objet de demandes pressantes des élus locaux auprès de mes services. Je pense notamment aux contrats de transition professionnelle, désormais gérés par Pôle emploi, ce qui permet d’améliorer la situation sur le terrain, dans les territoires les plus durement frappés par la crise. Je pense également au dispositif « zéro charges », qui, à ce stade, a permis l’équivalent de 310 000 embauches dans les entreprises de moins de dix salariés. Avant la création de Pôle emploi, dans l’ancien système constitué de l’ANPE et des ASSEDIC, nous n’aurions jamais réussi à monter un dispositif d’une telle simplicité, avec un formulaire téléchargeable sur internet, très aisé à remplir. Cela représente une autre amélioration très concrète permise par la création de Pôle emploi. On peut discuter du contenu du dispositif, mais tous les acteurs de terrain s’accordent à reconnaître son utilité pour les entreprises de moins de dix salariés.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’avez compris, je ne cherche nullement à minimiser les difficultés, ni à nier les circonstances adverses auxquelles sont confrontés les agents de Pôle emploi et les demandeurs d’emploi en cette période. Je ne cherche en aucun cas à jeter un voile pudique sur les problèmes afin de pouvoir prétendre que tout est absolument parfait.

Cependant, je pense que chacun d’entre nous doit, en son âme et conscience, se poser des questions simples : voulons-nous revenir à l’ancien dispositif à deux guichets distincts et à deux entretiens, avec un décalage pouvant dépasser trois semaines, en période de crise, entre l’inscription à l’ANPE et l’indemnisation par les ASSEDIC ? Voulons-nous réinstaurer un système où obtenir une réponse exigeait de se lancer dans un jeu hasardeux de ping-pong entre deux numéros de téléphone et deux sites internet, avant de savoir auquel des deux conseillers, celui des ASSEDIC ou celui de l’ANPE, il fallait s’adresser ? Voulons-nous rétablir un système dans lequel les aides étaient séparées et où l’on raisonnait en termes de statut, et non en fonction des besoins des demandeurs d’emploi, un système incapable de soutenir des innovations telles que les contrats de transition professionnelle ou le dispositif « zéro charges » ? Je ne le pense pas !

Nous sommes, à l’échelle de la politique de l’emploi, devant un vrai défi historique. Le choix est clair : allons-nous opter pour l’immobilisme, en revenant à l’ancien dispositif de l’ANPE et des ASSEDIC, ou allons-nous décider de nous diriger vers la modernisation du service public de l’emploi, certes soumis, dans cette période de crise, à de très fortes turbulences, et qui doit encore être amélioré ? Pour ma part, je rejette le choix du conservatisme et les combats d’arrière-garde. Nous devons au contraire nous battre pour que le nouveau système soit efficace et permette d’accompagner au mieux, de façon personnalisée, les demandeurs d’emploi et les employeurs, afin d’améliorer, mois après mois, la situation, comme s’y efforcent chaque jour les agents de Pôle emploi sur le terrain.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vantomme

J’ai le sentiment, cet après-midi, que la vérité est pluraliste. Elle s’est exprimée au travers des propos des différents intervenants, y compris bien sûr les vôtres, monsieur le secrétaire d’État.

Globalement, le jugement qui est porté sur Pôle emploi est, convenons-en, mitigé. J’espère que nos interventions, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, contribueront à éclairer les décisions que vous serez amené à prendre pour remédier à une situation qui reste très perfectible aux yeux de bon nombre d’entre nous. C’est là votre responsabilité, et le temps presse pour agir. Nous suivrons avec attention vos propositions et votre action.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

En application de l’article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

L’ordre du jour appelle le débat européen sur le suivi des positions européennes du Sénat.

Mes chers collègues, je vous rappelle que ce débat sera organisé autour des deux thèmes suivants :

- la publication des données « passagers » des vols internationaux (nos 252, 402, 401 et résolution du Sénat n° 84) ;

- le congé de maternité (nos 340, 439, 440 et résolution du Sénat n° 97).

Chacun de ces sujets donnera lieu à un échange.

J’indique au Sénat que, compte tenu de l’organisation du débat décidée par la conférence des présidents, pour chacun des deux sujets, interviendront :

- le représentant de la commission compétente, pour cinq minutes ;

- le Gouvernement, pour cinq minutes.

Une discussion spontanée et interactive…

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

… de dix minutes au total sera ensuite ouverte sous la forme de questions-réponses de deux minutes maximum par intervention.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Sur la publication des données « passagers » des vols internationaux, la parole est à M. Yves Détraigne, au nom de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le 30 mai dernier, le Sénat a adopté la résolution n° 84 sur la proposition de décision-cadre relative à l’utilisation de données des dossiers « passagers », dites PNR, à des fins répressives.

Cette résolution est le fruit d’une initiative de notre collègue Simon Sutour - il ne peut malheureusement être présent aujourd’hui -, au nom de la commission des affaires européennes.

Étant le premier orateur, je rappellerai que les données dites PNR, pour Passenger Name Record, sont celles qui sont recueillies par les compagnies aériennes et les agences de voyage auprès des passagers à l’occasion de la réservation d’un vol.

Le projet européen de collecte des données PNR à des fins de lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée fait naturellement écho au système mis en place par les États-Unis à la suite des attentats de 2001. La création de ce système a d’ailleurs donné lieu à d’âpres négociations entre l’Union européenne et les États-Unis pour définir les conditions dans lesquelles les compagnies opérant des vols transatlantiques pouvaient transmettre ces données.

Cette négociation et ses rebondissements ont eu un double effet.

Tout d’abord, les pouvoirs publics et les opinions ont été à cette occasion alertés sur les risques liés à une utilisation extensive de données recueillies initialement dans un but commercial. L’Union européenne s’est efforcée, avec un succès très mitigé, de faire valoir la conception européenne de la protection des données personnelles.

Dans le même temps, cette négociation a éveillé l’intérêt des services de sécurité européens pour ces données dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, voire dans la lutte contre la criminalité organisée.

Du point de vue du respect des droits fondamentaux, les risques sont, à nos yeux, de plusieurs ordres.

Les systèmes PNR peuvent être comparés à des filets dérivants, capturant de nombreuses données relatives à des citoyens ordinaires afin, d’une part, de détecter des activités terroristes ou criminelles et, d’autre part, de pouvoir « réveiller » ces données au bout de plusieurs années en cas de besoin. Cette démarche est distincte de celle des fichiers de police traditionnels, qui ont pour objet d’accumuler des données sur des personnes déjà connues des services.

Le principal reproche fait à cette collecte indifférenciée est que chaque utilisateur est considéré comme un suspect a priori : les données personnelles le concernant sont conservées au cas où elles se révéleraient intéressantes ultérieurement.

En conséquence, le principe de proportionnalité requiert de mettre en balance les sacrifices consentis au détriment du respect des droits fondamentaux et les gains pour la sécurité. Or, de ce point de vue, force est de constater que les éléments précis et chiffrés manquent. Pour des raisons compréhensibles, mais dommageables pour le débat public, les services de sécurité restent discrets sur les résultats obtenus…

En outre, par nature, il est très difficile d’isoler la plus-value qu’apportent ces données. Comme l’a précisé le directeur de la DCRI, la Direction centrale du renseignement intérieur, en matière de renseignement, il est très rare qu’une donnée soit à elle seule décisive. Les données PNR ne dérogent pas à cette règle : venant compléter une panoplie documentaire, elles fournissent une multitude de petites informations qui, agrégées à d’autres, peuvent constituer autant de signaux d’alarme.

Dans ces conditions, que penser du projet de PNR européen ?

La résolution du Sénat en prend acte, sans l’approuver ni le dénoncer.

À titre personnel, et compte tenu des auditions que j’ai menées et des premiers retours d’expérience, j’estime que ces données ne sont pas redondantes par rapport à d’autres systèmes d’information en vigueur. Elles m’apparaissent également comme une aide précieuse pour les services de sécurité.

Toutefois, une limite me semble ne pas devoir être franchie : l’extension de la collecte des données PNR à des vols nationaux ou intracommunautaires. Si tel devait être le cas, l’équilibre entre liberté et sécurité serait rompu.

Si donc la résolution du Sénat ne rejette pas le principe d’un PNR européen, elle pose plusieurs conditions nécessaires au respect du principe de proportionnalité. Compte tenu du temps qui m’est imparti, et qui sera vite atteint, je n’insisterai que sur quelques points.

Premièrement, les finalités du système doivent être précisées. La référence à des infractions graves ou à la criminalité organisée est trop floue.

La piste dégagée par les travaux du Conseil est intéressante ; il s'agit de se référer aux trente-deux catégories d’infractions permettant de recourir au mandat d’arrêt européen. Toutefois, elle ne saurait exonérer d’un examen de chacune de ces catégories afin de s’assurer de leur pertinence par rapport à l’exploitation des données PNR.

Deuxièmement, si la plupart des données PNR collectées apparaissent utiles, un point délicat demeure, celui des données sensibles, c’est-à-dire celles qui révèlent « la race ou l’origine ethnique, les convictions religieuses, les opinions politiques, l’appartenance à un syndicat, la santé ou l’orientation sexuelle ».

Ces informations ne constituent pas à proprement parler l’une des catégories de données PNR et, lorsqu’elles figurent parmi les données PNR transmises, elles se trouvent en réalité dans la rubrique « 12) Remarques générales ». Cette rubrique est un champ libre dans lequel les compagnies aériennes peuvent inscrire des informations relatives au handicap d’une personne ou à ses préférences alimentaires, par exemple.

La résolution du Sénat préconise une solution simple et claire : exclure purement et simplement cette rubrique de la liste des données PNR qui seraient transmises, ce qui présenterait plusieurs avantages.

Ainsi, la question technique du filtrage des données sensibles au sein de la rubrique « Remarques générales » ne se poserait plus. En outre, cette solution répondrait à la fois aux critiques formulées contre l’utilisation des données sensibles et aux réticences plus générales de la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, quant à l’utilisation de ces « champs libres ».

Surtout, cette exclusion permettrait d’apaiser le débat sur le PNR européen sans que les capacités opérationnelles des services de sécurité en soient pour autant véritablement affectées. En effet, les auditions des responsables de ces services ont fait apparaître que cette rubrique était en définitive la moins utile.

Troisièmement, s’agissant de la conservation des données par les services de sécurité, qui est un point important, la durée initialement envisagée de treize ans était inacceptable. Si les durées actuellement discutées sont plus raisonnables - entre six et dix ans -, elles semblent encore excessives compte tenu des besoins exprimés par les services de sécurité. Pour ces derniers, une durée de cinq ans serait suffisante, les comportements des terroristes et des filières étant très mouvants.

Pour ces raisons, la résolution du Sénat préconise de distinguer une première phase de conservation de trois ans, à laquelle succéderait une phase de préservation de trois ans des seules données ayant présenté un intérêt particulier au cours de la première phase. Le fichier des données PNR se rapprocherait ainsi, au cours de cette seconde phase, du format habituel d’un fichier de police.

La résolution du Sénat soulève bien d’autres problèmes que je ne ferai que citer : la désignation précise des destinataires des données, le renforcement des droits des personnes concernées ou l’encadrement strict des transmissions de données à des États tiers.

Pour résumer la résolution du Sénat, on peut la qualifier d’exigeante au nom du respect de la vie privée et de la liberté d’aller et venir.

Nous n’ignorons pas que les négociations européennes ont déjà permis de faire évoluer le projet dans le bon sens sur plusieurs points. Il reste néanmoins en retrait par rapport à la position de la Haute Assemblée.

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous préciser le stade d’avancement des négociations ainsi que la position du Gouvernement par rapport à la résolution dans son ensemble mais aussi par rapport aux points particuliers que j’ai soulevés, à savoir les données sensibles, la durée de conservation et l’exclusion des vols intracommunautaires ?

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je vous remercie, monsieur Détraigne, d’avoir fait l’impossible pour tenir un temps de parole il est vrai bien restreint.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, comme vient de le rappeler excellemment M. Détraigne, la lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale appelle une mobilisation de chaque instant face à des organisations ou à des réseaux qui savent exploiter tous nos points faibles.

L’utilisation des informations commerciales contenues dans les bases de données des compagnies aériennes, dites PNR, c'est-à-dire, dans une traduction française que je préfère à la version anglaise, enregistrement des données « passagers », s’est progressivement imposée comme une réponse efficace à des fins de prévention et de répression de ces phénomènes.

À la demande des États-Unis, l’Union européenne a négocié un accord permettant aux transporteurs aériens de transférer les données PNR aux autorités américaines pour les vols transatlantiques. Un cadre juridique a également été mis en place avec le Canada et l’Australie, et il faut s’attendre à des demandes similaires d’autres pays tiers à l’avenir.

Certains États membres de l’Union européenne, à l’instar de la Grande-Bretagne, ont également commencé à développer leur propre système PNR. En France, comme vous le savez, la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers a ouvert cette possibilité.

À titre d’exemple, il faut savoir que les douanes françaises, dans le cadre des pouvoirs dont elles disposent, réalisent d’ores et déjà plus de 60 % des saisies annuelles de stupéfiants dans les aéroports de Roissy et d’Orly en exploitant les données PNR. Le chiffre parle de lui-même.

La Commission européenne a présenté, en novembre 2007, une proposition de décision-cadre afin de permettre à l’Union européenne de mettre en place un système cohérent à l’échelle de son territoire.

Cette initiative était la bienvenue pour trois raisons.

Tout d’abord, il est paradoxal que l’Union européenne accepte de transmettre à un nombre croissant de pays tiers des données PNR sans prévoir pour elle-même la possibilité de les exploiter.

Ensuite, la lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale appelle des réponses européennes harmonisées, d’autant que, dans un marché intérieur des transports unifié, il est logique de soumettre les entreprises concernées aux mêmes obligations.

Enfin, il appartient à l’Union européenne, compte tenu de ses valeurs, de développer un modèle de PNR reposant sur la double volonté de protéger les citoyens face à des menaces qu’il n’est pas possible d’ignorer et de garantir le respect des droits fondamentaux des personnes, à commencer par leur droit à la vie privée.

Comme vous l’avez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, le principal enjeu de la négociation sur la proposition de la Commission européenne consiste à parvenir à un équilibre entre efficacité dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité et protection des données à caractère personnel.

Je peux vous confirmer que c’est bien sous cet angle que ce dossier a été appréhendé, en particulier lorsque la France exerçait la présidence du Conseil de l’Union européenne.

Après une première lecture de la proposition de la Commission, sous présidence slovène, la France a estimé qu’il n’était pas possible de poursuivre la négociation au Conseil selon la méthode habituelle.

En juillet dernier, Michèle Alliot-Marie, alors ministre de l’intérieur, a donc proposé à ses collègues, au sein du conseil « Justice et affaires intérieures », de laisser provisoirement de côté le texte de la Commission et de privilégier un débat de fond sur plusieurs éléments clés afin de dégager des orientations politiques qui permettraient d’aborder la suite de la procédure législative sur des bases plus solides. Elle a également tenu, à juste titre, à associer à ce débat les principales parties prenantes : les organisations de transporteurs aériens, les autorités répressives des États membres, mais aussi le Contrôleur européen de la protection des données et le Parlement européen.

Pour la première fois, et c’est intéressant, l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne a été formellement consultée par la présidence du Conseil dans le cadre d’une procédure législative et elle a rendu un avis qui a été dûment pris en compte dans les travaux.

Cette méthode, dont le caractère inédit répond à la volonté d’équilibre que je viens de rappeler, a produit des résultats qui rejoignent pour une large part les préoccupations exprimées dans la résolution adoptée par la Haute Assemblée. À cette occasion, je tiens à saluer la qualité du travail de M. Yves Détraigne, à qui je rends hommage.

Le Sénat souhaite une définition précise des finalités d’un PNR européen. Un tel système devrait en effet avoir pour objet la prévention et la détection des infractions terroristes et des formes graves de criminalité ainsi que les enquêtes et les poursuites en la matière, les crimes graves étant définis par référence au mandat d’arrêt européen.

Le Sénat plaide en faveur de la transmission des données selon la méthode « PUSH ». Celle-ci est en effet considérée comme la plus susceptible d’offrir les meilleures garanties en matière de protection des données à caractère personnel.

Afin de permettre aux transporteurs aériens de s’adapter à cette exigence, une période transitoire est envisagée, qui pourrait être de trois ans, conformément au dispositif retenu dans des accords antérieurs avec les pays tiers. Toutefois, au terme de ce délai, il appartiendra bien aux transporteurs aériens de transmettre les données vers la base de l’autorité publique, qui n’aura donc plus la possibilité d’aller elle-même les chercher auprès du transporteur.

Comme vous le savez, le système devrait reposer sur des « unités de renseignements passagers » qui seront créées pour recevoir et traiter les données PNR.

Les travaux que nous avons menés sous présidence française ont permis de constater un consensus sur un certain nombre de garanties qui permettront d’assurer un niveau optimal de protection des données.

Ainsi, ces unités devront avoir le caractère d’autorité publique. L’intervention d’intermédiaires, contrairement à ce qui était envisagé initialement par la Commission, devrait être exclue.

Chaque État membre adoptera une liste des autorités compétentes habilitées à demander et à recevoir de ces « unités de renseignements passagers » des données ou des analyses à partir du traitement des données PNR, en respectant certains critères.

Conformément au vœu de la Haute Assemblée, les personnes ayant accès aux données seront soumises à des règles de confidentialité et à des dispositions en matière de protection des données.

L’accès aux installations devra être contrôlé, tout comme l’accès aux données.

La France ne verrait que des avantages à ce que la violation éventuelle de ces règles par les personnels concernés soit dûment sanctionnée et qu’une disposition oblige les États membres à mettre en place de telles sanctions.

Plus généralement, s’agissant du contrôle de l’ensemble du dispositif, il est envisagé d’obliger chaque État membre à prévoir qu’une ou plusieurs autorités publiques seront chargées de contrôler l’application sur son territoire du texte européen tel qu’il aura été transposé dans le droit national. Ces autorités devront exercer leur mission en toute indépendance et disposer de pouvoirs d’investigation et d’intervention, notamment celui de saisir l’autorité judiciaire.

Le traitement des données sensibles, en particulier s’agissant des indications sur le régime alimentaire des passagers, continue à faire l’objet de débats. En tout état de cause, il est clairement acquis que l’évaluation du risque ne pourra en aucun cas reposer sur des critères liés à la race ou à l’origine ethnique d’une personne, pas plus que sur ses convictions religieuses ou philosophiques, ses opinions politiques, son appartenance à un syndicat, son état de santé ou son orientation sexuelle.

Cela étant, si le Conseil s’orientait vers une exclusion totale de l’exploitation des données sensibles, l’obligation d’effacement pourrait difficilement être mise à la charge des transporteurs aériens. Je ne peux que me réjouir, en ce qui me concerne, qu’un accord se soit clairement dégagé pour ne pas alourdir les contraintes qui pèsent sur le secteur aérien, soumis aux aléas de l’économie mondiale et actuellement en difficulté.

Si, au contraire, le Conseil estimait que l’utilisation de ces données, en particulier dans le contexte d’une enquête criminelle, pouvait se révéler utile, cette exploitation devrait être strictement encadrée.

Le Gouvernement est d’accord avec le Sénat pour considérer comme très importante la question de la durée de conservation des données. D’ores et déjà, le Conseil s’oriente nettement vers une révision à la baisse de la durée de treize ans qui figurait dans la proposition initiale.

À ce stade, une durée de conservation de trois ans, assortie d’une période supplémentaire d’archivage allant de trois à sept ans, est envisagée. La France pourrait parfaitement se satisfaire d’une période totale ne dépassant pas six ans.

Enfin, comme le suggère la Haute Assemblée, le régime applicable en matière de protection des données, avec toutes les garanties appropriées pour les personnes, doit être clarifié.

Nous étions parvenus, sous la présidence française de l’Union européenne, à l’idée d’appliquer à la transmission des données PNR par les compagnies aériennes un régime équivalent à celui qui est prévu par la directive n° 95/46/CE du 24 octobre 1995 et, en aval, de garantir un niveau de protection correspondant au moins à celui qui résulte des standards du Conseil de l’Europe.

En ce qui concerne la transmission des données à des pays tiers, plusieurs autres conditions devront être réunies, notamment celle qui est relative au niveau adéquat du système de protection des pays concernés.

Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les grandes options qui se sont dégagées à l’issue d’un travail de fond accompli au second semestre 2008. Elles reposent sur une large consultation. La présidence tchèque a commencé à en tirer les conséquences et a repris l’examen du texte pour le modifier dans le sens voulu par le Conseil. La présidence suédoise prendra naturellement le relais.

La perspective de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne est susceptible de modifier le cours des événements. Si ce nouveau cadre institutionnel s’applique à la fin de l’année, comme le souhaite le Président de la République, les progrès réalisés serviront de base à l’adoption d’un texte législatif en codécision.

L’association du Parlement européen à la suite des travaux constituera une garantie supplémentaire dans la recherche de l’équilibre qu’il est fondamental de préserver entre la volonté de mieux protéger nos citoyens et l’exigence de respecter pleinement leurs libertés individuelles.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Mes chers collègues, nous allons maintenant procéder à la discussion interactive et spontanée.

Chaque sénateur peut intervenir pour deux minutes maximum.

La parole est à M. Guy Fischer.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, si mon groupe partage les réserves formulées par le Sénat dans la résolution qu’il a adoptée, nous continuons de nous interroger sur l’opportunité même de l’adoption d’un tel dispositif au regard de la forte contestation qu’il a suscitée aussi bien parmi les spécialistes de la protection des données qu’au Parlement européen.

En effet, nous constatons que les objectifs de la lutte contre le terrorisme, qui ont pris une dimension quasi sacrée depuis les attentats du 11 septembre 2001, poussent les États à légiférer sans que les bases juridiques soient clairement établies et que la protection des données relatives aux citoyens soit préservée.

Nous ne pouvons que constater, à cet égard, que, dans de nombreux pays, la lutte contre le terrorisme s’est accompagnée d’atteintes caractérisées aux droits fondamentaux des citoyens, notamment aux États-Unis, et ce sans que nous puissions pour autant mesurer l’efficacité des dispositifs mis en place.

À ce titre, je vous rappelle que le Parlement européen, dans une résolution du 20 novembre 2008, s’interrogeait sur la « valeur ajoutée » de la formule proposée.

Je souhaite également vous rappeler que la Cour de justice des Communautés européennes a sanctionné, en 2006, un accord conclu entre l’Union européenne et les États-Unis qui préfigurait cette décision-cadre, au motif que ses bases juridiques étaient erronées et que la Commission ne pouvait avoir compétence en matière pénale.

Dans ces conditions, j’estime que la décision doit faire l’objet d’une profonde révision et qu’une étude aurait dû être engagée par la Commission sur les bénéfices réels d’un tel fichier dans les États qui appliquent déjà le système PNR.

Je crois également que l’ambiguïté entretenue par nos institutions entre la lutte contre l’immigration illégale et la lutte contre le terrorisme n’est pas saine.

Construire une Europe des libertés, de la sécurité et de la justice, ce qui est l’objectif du programme de Stockholm, exige, certes, une meilleure coopération entre les États membres, mais sur des bases juridiques claires et respectueuses des droits des individus.

Une telle orientation ne peut donc en aucun cas se traduire par des atteintes caractérisées à la Convention européenne des droits de l’homme, convention à laquelle l’Union a par ailleurs l’intention d’adhérer.

Je sollicite donc le Gouvernement pour qu’il prenne l’initiative, au niveau du Conseil, de geler les négociations autour de cette décision-cadre tant qu’une étude d’opportunité sérieuse n’aura pas été réalisée et que toutes les craintes sur le respect des droits fondamentaux n’auront pas été levées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Le sujet est particulièrement important et M. Simon Sutour, auteur de la proposition de résolution, est désolé de ne pouvoir être présent pour en débattre avec nous. Il m’a donc demandé de m’exprimer sur le sujet, ce que je fais très volontiers.

Notre groupe aborde cette question avec le souci de la responsabilité, mot clé en la matière. En effet, sachant l’horreur des attentats et leurs conséquences atroces sur les victimes, qui pourrait ne pas souscrire à la nécessité de prendre des mesures pour lutter efficacement contre le terrorisme et contre la criminalité organisée ?

C’est cette première considération qui a guidé Simon Sutour dans la rédaction du projet de résolution.

Mais nous avons aussi le souci du respect de la vie privée et des libertés, comme vient de le dire mon collègue Guy Fischer.

L’objet même de la proposition de résolution présentée par Simon Sutour était donc de prendre en compte ces deux dimensions, d’une part, la responsabilité, d’autre part, le respect des droits fondamentaux et des libertés de chacun. À cet égard, il est important que la future présidence suédoise ait d’ores et déjà indiqué son souhait d’avancer sur ces deux plans.

Le texte qui a été élaboré par la commission enrichit la proposition initiale d’une manière que nous considérons comme particulièrement opportune. À cet égard, je remercie M. Détraigne de la grande qualité de son rapport.

Dans le temps très court qui nous est imparti malgré l’importance du sujet abordé, je vous poserai, monsieur le secrétaire d’État, quelques questions précises.

D’abord, dans l’un des alinéas de la résolution adoptée par la commission des lois, il est écrit explicitement que « seuls des agents individuellement désignés et dûment habilités devraient pouvoir accéder aux données PNR », à quoi vous avez répondu, monsieur le secrétaire d’État, que les règles de confidentialité devraient être respectées. Mais ce n’est pas la même chose !

Pouvez-vous nous garantir que la France défendra la position selon laquelle « seuls des agents individuellement désignés et dûment habilités » pourront accéder à ces données ?

Ensuite, vous avez indiqué, après l’auteur du rapport, qu’il ne saurait être question pour nous d’enregistrer au titre du programme PNR les données relatives à la race et à l’origine ethnique, aux convictions religieuses, aux opinions politiques, à l’appartenance à un syndicat, à la santé ou à l’orientation sexuelle. Ma deuxième question est donc la suivante : la France sera-t-elle clairement opposée à la prise en compte de la rubrique « 12) Remarques générales » ?

Enfin, puisque vous avez répondu sur le problème de la durée de conservation des données et que votre position rejoint celle de la commission des lois, je n’y reviendrai pas, mais je vous poserai une troisième et dernière question, particulièrement importante pour les parlementaires que nous sommes.

Vous avez vu que le Sénat, par cette résolution, « considère que la transposition de la proposition de décision-cadre devra être réalisée par la loi compte tenu des enjeux pour assurer un respect effectif des droits fondamentaux. » Le Gouvernement prend-il l’engagement de se présenter devant le Parlement pour la transposition expresse de cette décision-cadre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La parole est à M. Yves Détraigne, au nom de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Monsieur le secrétaire d’État, après notre collègue Jean-Pierre Sueur, je tiens à insister sur le fait que le Sénat, par sa résolution, demande que soit purement et simplement exclue la transmission des données figurant dans la rubrique « 12) Remarques générales ». Je rappelle que cette rubrique ne contient pas uniquement des données sensibles.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Si j’ai bien compris votre réponse, monsieur le secrétaire d’État, vous considérez que ces données peuvent être transmises, même si certaines ne sont pas exploitées. Or, si j’ai proposé au Sénat l’exclusion de ces données de toute transmission, c’est parce que, outre les problèmes de tri que cela ne manquerait pas d’entraîner – des données très diverses figurent sous cette rubrique -, j’ai acquis la conviction, au fil des auditions auxquelles j’ai procédé, qu’il n’était ni nécessaire ni indispensable de disposer des données en question pour procéder aux recoupements permettant la surveillance plus particulière de tel ou tel passager.

Fort du rapport que j’ai cosigné avec ma collègue Anne-Marie Escoffier et qui est intitulé La vie privée à l'heure des mémoires numériques. Pour une confiance renforcée entre citoyens et société de l'information, je crois pouvoir dire qu’il serait sage, monsieur le secrétaire d’État, de suivre sur ce point la résolution du Sénat.

J’ai bien noté, par ailleurs, que vous penchiez globalement pour la durée de six ans préconisée par la résolution du Sénat, avec cependant une nuance. Dans la résolution, nous demandons qu’il y ait une première durée de conservation générale de trois ans, puis une seconde durée de conservation, également de trois ans, mais pour les seules données qui, au cours de la première période, auraient présenté un intérêt. Or, si j’ai bien compris votre propos, c’est la totalité des données qui serait conservée pendant six ans.

Je vous demande donc de bien vouloir préciser sur ce point votre réponse, monsieur le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, secrétaire d'État

Je répondrai tour à tour aux différents orateurs qui m’ont interrogé.

Monsieur Fischer, la conservation de ces données a fait la preuve de son intérêt dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée. Elle a, par exemple, permis récemment, en Grande-Bretagne, le démantèlement d’importants réseaux pédophiles.

Cela ne doit pas pour autant se faire aux dépens des libertés individuelles, comme je l’ai dit tout à l’heure. C’est pourquoi nous avons demandé, durant notre présidence de l’Union, l’établissement d’un certain nombre de garde-fous.

Nous avons ainsi contribué à ce que soit prise en compte la protection des données, conformément aux textes existants, notamment la directive européenne de 1995. Sur ce point, vous pouvez donc être rassuré !

Monsieur Sueur, aux termes de l’article 7 de la loi du 23 janvier 2006 que j’ai citée tout à l’heure, seuls les agents habilités des services de renseignement ont accès à ces données. C’est une garantie qui n’est pas remise en cause.

Le débat se poursuit concernant le contenu de la rubrique n° 12. Certains des États qui ont déjà développé un système PNR national – j’ai évoqué la Grande-Bretagne dans mon propos liminaire – sont très attachés à ce que cette possibilité ne soit pas écartée d’emblée. Il convient de souligner que la rubrique concernée des dossiers de réservation, qui se présente sous la forme d’un champ libre, ne peut donner lieu à un traitement automatisé.

Au reste, dans la rubrique n° 12, toutes les données ne présentent pas le même degré de sensibilité, puisqu’elles vont des réservations d’hôtel et des moyens de transport à l’arrivée jusqu’à l’état de santé du passager en passant par son régime alimentaire.

Si le Conseil, dans la phase ultérieure des travaux que j’évoquais précédemment, autorisait une utilisation raisonnée des données sensibles, il faudrait naturellement encadrer strictement cette possibilité.

En revanche, si le Conseil excluait totalement l’exploitation des données sensibles, l’obligation d’effacement ne pourrait être mise à la charge des transporteurs aériens, sauf à leur imposer d’importantes contraintes.

Ce sont donc vos collègues du Parlement européen, si, comme nous le souhaitons tous, le traité de Lisbonne entre en vigueur, qui seront à même d’assurer de la meilleure manière la défense des droits fondamentaux.

S’agissant de la transposition, j’ai également pris bonne note de votre souhait, monsieur Sueur. Il est assez difficile, en l’état d’inachèvement de nos travaux, d’identifier le bon véhicule législatif, et je parle sous le contrôle du président de la commission des lois du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Il faut que le Parlement soit saisi, quel que soit le véhicule choisi.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, secrétaire d'État

Quoi qu’il advienne, quand il s’agit de libertés individuelles, le Parlement a toujours son mot à dire.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, secrétaire d'État

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Cela relève en effet du domaine de la loi, comme le rappelle opportunément le président de la commission compétente.

Sourires

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, secrétaire d'État

M. Yves Détraigne a soulevé la question, très importante, de la durée de conservation. Nous proposons une solution intermédiaire, à savoir trois ans auxquels s’ajouteraient quatre ans de stockage technique.

Mesdames, messieurs les sénateurs, si nous devons garder constamment à l’esprit la nécessaire lutte contre le terrorisme et la grande criminalité, notamment les trafics de drogues, il ne faut pas pour autant oublier que nous touchons ici aux droits des personnes, ce qui est toujours compliqué et mérite bien des précautions.

Répondant tout à l’heure à une question de votre collègue Marie-Hélène Des Esgaulx sur le vol Air France 447, j’ai insisté sur la prudence à observer tant que l’identité de tous les passagers n’était pas confirmée. Communiquer une liste de passagers après un accident peut emporter une série de conséquences complexes. Un nom mal orthographié peut créer une confusion sur l’identité d’une personne décédée ; une famille peut également découvrir qu’un père voyageait avec une amie…

C’est donc au nom de la protection de la vie privée et des libertés individuelles que l’on doit se garder de publier la liste de passagers après un accident aérien.

Mesdames, messieurs les sénateurs, dans la lutte contre le terrorisme comme dans le combat contre la grande criminalité, il faut raison garder, même si les deux objectifs sont une priorité.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Personne ne demande plus la parole ?...

Nous en avons terminé avec le premier thème de ce débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Sur le congé de maternité, la parole est à Mme Annie David, au nom de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le 15 juin dernier, sur l’initiative de sa commission des affaires sociales, le Sénat a adopté une résolution européenne sur la proposition de directive portant modification de la directive 92/85/CEE concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail, actuellement en cours de discussion à Bruxelles.

Je sais que, depuis cette date, aucune nouvelle discussion n’a eu lieu au Conseil à ce sujet. Le débat d’aujourd’hui aura donc pour objet sinon, à proprement parler, de nous permettre de contrôler la bonne application par le Gouvernement des résolutions du Parlement, du moins de nous faire connaître le détail des intentions de l’exécutif sur cette directive inquiétante à plusieurs égards.

Notre résolution reconnaît les avancées introduites par ce nouveau texte communautaire - je pense notamment à l’allongement du congé de maternité à dix-huit semaines -, mais elle soulève quatre difficultés qui pourraient le rendre inacceptable si elles n’étaient pas tranchées.

La première difficulté résulte de l’interdiction faite aux États membres d’inciter les femmes enceintes à prendre un congé prénatal. Je crois savoir que, sur ce point, le Parlement et le Gouvernement sont d’accord : cette interdiction non seulement serait contraire au principe de subsidiarité, mais encore, en encourageant les femmes à travailler jusqu’au dernier jour avant l’accouchement, nuirait à leur santé et à celle des nouveau-nés. Pouvez-vous nous confirmer, madame la secrétaire d’État, que le Gouvernement restera intransigeant sur ce point ?

La deuxième difficulté tient à la timidité des mesures prévues par la directive pour assurer l’égalité des chances entre les hommes et les femmes dans le domaine professionnel. Pour vous avoir entendue cet après-midi, madame la secrétaire d’État, je sais que ce point vous tient à cœur.

Il n’est pas contestable que le fait d’avoir des enfants constitue souvent un frein dans la carrière professionnelle des femmes. Bien sûr, ce désavantage n’est jamais reconnu ou assumé par l’employeur, ne serait-ce que pour des raisons juridiques.

Puisque l’interdiction de défavoriser les femmes enceintes ne suffit pas à garantir l’égalité des chances, une disposition plus contraignante doit y pourvoir. Il faut donc reconnaître, au niveau européen, l’équivalent de la loi française du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, texte qui donne aux femmes ayant bénéficié d’un congé de maternité le droit aux mêmes augmentations salariales et aux mêmes avantages que ceux qui ont été accordés, pendant leur absence, aux salariés appartenant à la même catégorie socioprofessionnelle.

Avez-vous l’intention, madame la secrétaire d’État, de vous appuyer sur cet exemple pour promouvoir le droit des femmes dans toute l’Union européenne ?

Quant au troisième sujet, la commission des affaires sociales y est particulièrement attentive. Au nom de la lutte contre les discriminations envers les femmes enceintes, le texte communautaire propose d’introduire une présomption de culpabilité, ce que nous avons jugé irrecevable. En effet, comment permettre que, dans un État de droit, de simples présomptions aient valeur juridique de preuves et qu’il suffise de présenter quelques indices pour qu’une faute soit reconnue par un tribunal ?

Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous dire ce que fera le Gouvernement face à une disposition contraire aux principes fondamentaux de la République ? Et, je vous en prie, ne fuyez pas le débat en nous répondant qu’il n’y a de présomption d’innocence, techniquement, formellement, qu’en matière pénale ! Que ce soit au civil ou au pénal, condamner quelqu’un pour discrimination ou juger qu’une personne a eu un comportement discriminatoire, ce qui est très grave dans les deux cas, ne peut se faire à partir de simples hypothèses : c’est une règle fondatrice de l’État de droit, le reste n’est qu’une question de vocabulaire juridique. C’est pourquoi j’attache beaucoup d’importance à votre réponse sur ce point, madame la secrétaire d’État.

Je souhaite enfin connaître la position du Gouvernement sur l’introduction d’un congé européen de paternité préconisée dans notre résolution. Bien sûr, ce congé ne figure pas dans le texte initial de la directive. C’est une lacune regrettable, je le dis clairement, voire une faute politique, car comment espérer atteindre l’égalité des chances, dans le domaine professionnel, entre les hommes et les femmes, si l’on n’incite pas, d’une manière ou d’une autre, les pères à s’impliquer davantage à l’occasion de la naissance de leur enfant ?

Cet après-midi, en répondant à M. Biwer, vous n’avez évoqué que le congé parental, madame la secrétaire d’État, mais je sais que la question du congé de paternité vous importe.

Telles sont, madame la secrétaire d’État, les questions que le Sénat suivra avec vigilance et sur lesquelles il aimerait, dès à présent, connaître votre position.

Applaudissements

Debut de section - Permalien
Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité

Madame David, la présidence de l’Union européenne a été l’occasion pour la France de montrer combien l’Europe, quand elle le voulait, pouvait mener une politique sociale ambitieuse.

Dès le 20 octobre 2008, dans le cadre de l’agenda social, la présidence française a ouvert les discussions sur la proposition de directive modifiant la directive de 1992 relative à la sécurité des femmes enceintes, accouchées et allaitantes au travail. C’est dire l’importance que la France attache à ce sujet et aux questions que soulève la résolution de la Haute Assemblée.

Les débats, riches et nourris, ont montré que les États membres soutenaient la protection des travailleuses et l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes et, dans le même temps, qu’ils tenaient à faciliter le retour vers l’emploi des femmes après leur grossesse.

Cet objectif est évidemment partagé par les partenaires sociaux français, qui ont à plusieurs reprises été consultés sur le projet de directive dans le cadre du Comité du dialogue social pour les questions européennes et internationales.

Notre pays connaît une démographie dynamique, avec un taux de fécondité de 2, 018 enfants par femme pour l’année 2008, et nous concilions cette forte natalité avec un excellent taux d’emploi féminin de 82 % pour les 25-50 ans.

Cette double tendance est un phénomène que l’on observe de façon plus générale dans les pays occidentaux : plus le taux d’emploi des femmes est important, plus le taux de fécondité est élevé.

Pour continuer à soutenir ce dynamisme, il faut faire en sorte que les femmes n’aient pas à renoncer à leur carrière ou à la mettre entre parenthèses pour s’occuper de leurs enfants. Il faut aussi permettre aux pères de s’impliquer davantage dans l’éducation de leurs enfants, et peut-être aussi dans les tâches ménagères…

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Vous avez raison, madame la secrétaire d’État !

Debut de section - Permalien
Nadine Morano, secrétaire d'État

C’est tout le sens de la politique menée par le Gouvernement en matière d’égalité entre les hommes et les femmes et de conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle.

Le projet de directive soulève plusieurs questions que je voudrais évoquer devant vous.

En ce qui concerne d’abord la durée du congé de maternité, la proposition de directive prévoit de l’allonger de quatorze à dix-huit semaines dans l’ensemble des pays de l’Union européenne.

Vous le savez, les salariées françaises bénéficient déjà d’un régime très protecteur en la matière puisqu’elles disposent de seize semaines de congés légaux, et de vingt-six semaines à partir du troisième enfant. Dans les faits, les femmes prennent même souvent un congé plus long que le minimum obligatoire : sept femmes sur dix bénéficient ainsi d’un congé pathologique de deux semaines accordé sur avis médical, qui vient s’ajouter au congé de maternité proprement dit.

Le dispositif français se situe donc dans la moyenne supérieure des États membres. Ainsi, les Belges bénéficient d’un congé de quinze semaines, et celui des Allemandes n’excède pas quatorze semaines.

Désireux d’être toujours à la pointe de la politique sociale, le Gouvernement n’est cependant pas opposé à l’allongement du congé de maternité.

L’indemnité journalière de maternité est très proche du salaire dans notre pays, apparaissant comme l’une des plus favorables d’Europe. Dans de nombreux autres États, l’indemnisation est nettement inférieure ou encore diminue progressivement en fonction de la durée du congé. L’augmentation du montant des indemnités de maternité ne fait donc pas aujourd’hui partie de nos priorités. De plus, nous devons avoir conscience du coût supplémentaire pour les finances publiques qu’entraînerait le passage à dix-huit semaines du congé légal.

En ce qui concerne maintenant le déroulement du congé de maternité, et notamment le congé prénatal, les travaux au Conseil ont montré qu’il existe actuellement une très grande disparité dans l’ensemble de l’Union, avec des durées de congé pouvant s’échelonner jusqu’à un an en Bulgarie. Chaque État est d’ailleurs fort légitimement attaché à ses propres règles.

Pour sa part, la France fait partie de ces États qui estiment indispensable de garder une période obligatoire de repos prénatal pour protéger la mère de la fatigue du travail et limiter le nombre de naissances prématurées. §Je rappelle que celles-ci représentent, en France, 6% de l’ensemble des naissances.

La durée de notre repos prénatal – six semaines, éventuellement réduites à trois après accord médical – fait consensus dans notre pays. Nous souhaitons pouvoir la maintenir.

Debut de section - Permalien
Nadine Morano, secrétaire d'État

Le Gouvernement partage ainsi la position exprimée par la commission des affaires sociales du Sénat : la directive devrait s’en tenir à quelques principes généraux, laissant les États libres de poser ou non le principe d’un repos prénatal et d’en prévoir le cas échéant la durée.

Debut de section - Permalien
Nadine Morano, secrétaire d'État

En ce qui concerne les cas particuliers de naissances dites « atypiques », il convient de distinguer des situations très diverses. Dans l’hypothèse d’une naissance de jumeaux ou de triplés, d’un accouchement prématuré ou tardif ou encore d’une hospitalisation du nouveau-né, la réglementation française en vigueur protège davantage la femme salariée. En effet, dans toutes ces situations, la durée de son congé maternité, donc de son indemnisation, est augmentée.

Nous savons que la naissance d’un enfant handicapé n’a pas d’incidence sur la durée du congé maternité. En revanche, des allocations spécifiques peuvent être versées par la caisse d’allocations familiales aux parents d’un enfant handicapé.

Il s’agit, d’une part, de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé, qui est destinée à compenser les frais d’éducation, mais également de soins, d’un enfant handicapé. Au 31 mars 2009, elle concernait 150 000 allocataires.

Il s’agit, d’autre part, de l’allocation journalière de présence parentale, octroyée lorsque l’enfant handicapé, gravement malade ou accidenté, a impérativement besoin de la présence soutenue de l’un de ses parents auprès de lui. Au 31 mars 2009, elle concernait 4 500 allocataires.

Par ailleurs, vous avez soulevé un point relatif au mécanisme d’aménagement de la charge de la preuve. Vos réflexions sur ce sujet ont retenu mon attention. En droit commun, le plaignant doit établir les faits allégués. En matière de discrimination – cela est consacré dans différents textes européens et en droit interne –, le salarié peut présenter au juge les éléments laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, et c’est à l’employeur de prouver que la décision est justifiée. Il s’agit d’un aménagement, et non d’un renversement, de la charge de la preuve. Cela existe d’ores et déjà en droit du travail.

Pour conclure, je voudrais souligner toute l’importance que le Gouvernement accorde à l’aménagement de dispositifs fondés sur le principe de libre choix et destinés à favoriser le retour à l’activité des femmes.

Le congé de maternité se traduit parfois par une rupture dans un parcours professionnel, alors même que nos efforts doivent porter sur la recherche d’un meilleur équilibre au sein de la famille pour aider les femmes dans leur carrière.

Je partage donc votre avis sur l’importance de l’inscription du congé de paternité dans la directive pour ne pas faire peser l’ensemble du dilemme lié à la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle sur les épaules des seules femmes.

En parallèle, nous devons poursuivre nos efforts pour développer et diversifier l’offre de garde d’enfants. Aujourd’hui, près d’une femme sur deux prend un congé parental par défaut, faute d’avoir trouvé un mode d’accueil adapté. Comme vous le savez, le Président de la République m’a fixé l’objectif de créer 200 000 places d’accueil supplémentaires d’ici à la fin du quinquennat. Nous nous sommes donné les moyens d’y parvenir.

À présent, le travail de négociation va se poursuivre au sein du Conseil, sous présidence suédoise. Gardant à l’esprit la résolution du Sénat, la France s’efforcera de peser dans les discussions pour parvenir à un texte équilibré, qui, je le rappelle, doit être adopté à la majorité qualifiée et en codécision avec le Parlement européen.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il s’agit là d’un thème qui me tient à cœur et qui illustre concrètement la façon dont l’Europe peut améliorer les conditions de vie et de travail des citoyens européens.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Mes chers collègues, nous allons maintenant procéder à la discussion interactive et spontanée.

Chaque sénateur peut intervenir pour deux minutes maximum.

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le 3 octobre dernier, la Commission européenne a lancé une initiative forte en soumettant au Conseil et au Parlement européen une proposition de directive relative à la sécurité et à la santé au travail des femmes enceintes.

Plusieurs avancées sont à relever. Le principe de l’interdiction de licenciement des femmes enceintes est enfin posé au niveau européen, tout comme le droit pour une femme enceinte de bénéficier de l’ensemble des avantages accordés à ses collègues pendant son absence. La possibilité de demander une modification des horaires et rythmes de travail est également acquise. Cependant, il faudra veiller à faire en sorte que cette disposition englobe le travail de nuit, afin que toute salariée enceinte ou ayant accouché puisse être affectée sur un poste de jour sans diminution de salaire.

Mais le texte manque cruellement d’ambition sur d’autres points.

C’est tout d’abord le cas s’agissant de la durée du congé de maternité. Pour certains États, dix-huit semaines peuvent constituer une avancée. Mais faut-il rappeler que l’Organisation internationale du travail en recommande vingt et que l’Organisation mondiale de la santé, l’OMS, et l’UNICEF en préconisent vingt-quatre ?

En outre, les États membres pourront décider de critères d’éligibilité au congé maternité. Mais si ces derniers sont trop restrictifs, ils pourraient limiter le champ des bénéficiaires et la mobilité des travailleurs. Nous devons faire preuve de vigilance sur ce point.

Par ailleurs, si le principe d’une rémunération équivalente au salaire perçu avant le congé est posé par la directive, il n’a pas un caractère obligatoire et risque ainsi de rester lettre morte dans nombre d’États. De plus, la possibilité ouverte de rémunérer le congé maternité à hauteur du congé maladie assimile une femme enceinte à une femme malade. Cette ambiguïté doit être levée, madame la ministre.

Enfin, le texte fait l’impasse sur certains aspects essentiels, notamment le rôle des pères. À cet égard, certains pays sont exemplaires. C’est le cas de la Suède, où les couples peuvent partager seize mois de congé de parenté. Ne pensez-vous pas que l’Union européenne doive proposer un dispositif approchant pour encourager le partage de l’éducation des enfants ? C’est essentiel pour atteindre une réelle égalité professionnelle.

La directive ne comporte rien non plus en faveur des femmes exerçant des professions non salariées – je pense notamment aux femmes chefs d’entreprise ou artisans –, qui sont trop souvent contraintes de reprendre rapidement leur travail.

En définitive, cette proposition n’apportera pas d’avancées significatives aux femmes françaises. Elle pourrait même constituer une régression s’agissant du congé prénatal. En effet, selon l’exposé des motifs, les États membres n’auraient plus la possibilité de l’imposer aux femmes enceintes. Ce congé relèverait alors du libre choix des femmes. Madame la secrétaire d’État, nous souhaitons connaître précisément la position du Gouvernement sur ce point.

Plus généralement, nous aimerions savoir quelles améliorations le Gouvernement proposera sur les points évoqués concernant cette directive, afin que cette dernière ne soit pas seulement une action a minima menée par la Commission européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, pour des raisons de temps, je ne reviendrai pas sur les critiques portées par notre groupe à l’égard de cette proposition de directive. D’ailleurs, nos critiques sont très proches de celles qui ont été formulées dans la résolution européenne adoptée par le Sénat le 15 juin dernier et à laquelle mon amie Annie David a fortement contribué.

La proposition de directive européenne concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail a fait naître, disons-le clairement, de grands espoirs.

En effet, pour la première fois depuis l’adoption de la directive de 1992, un texte européen allait enfin revenir sur les règles relatives au congé prénatal, en proposant de porter ce dernier de quatorze à dix-huit semaines partout en Europe, les États membres demeurant libres d’établir une période plus longue, comme l’avait d’ailleurs fait la France en portant ce congé de maternité minimum à seize semaines.

Cet espoir est aujourd’hui dissipé, puisque le groupe majoritaire au Parlement européen, le parti populaire européen, ou PPE, dans lequel siègent les eurodéputés de votre majorité, madame la secrétaire d’État, a repoussé à une date indéterminée l’adoption de cette directive européenne. Autrement dit, les femmes de France et d’Europe, qui se réjouissaient de l’adoption de cette mesure, pourront attendre. Il s’agissait pourtant d’une recommandation de l’Organisation internationale du travail, qui, constatant la croissance continue du nombre de grossesses à risques, y compris en France, avait proposé d’étendre la période minimum du congé de maternité.

Madame la secrétaire d’État, je vous poserai deux questions simples. Que comptez-vous faire pour que le Parlement européen ait à se prononcer rapidement sur ce projet de directive ? Pouvez-vous prendre devant la représentation nationale l’engagement que le Gouvernement interviendra auprès de la Commission et des eurodéputés de votre majorité pour faire adopter ce projet de directive, au moins sur les mesures prévoyant l’allongement du congé de maternité ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en premier lieu, je tiens à souligner que je soutiens pleinement l’attitude et l’intervention de la Haute Assemblée dans ce débat. Cela montre l’importance de la place que les parlements nationaux doivent tenir dans le processus décisionnel communautaire, notamment en termes de vigilance.

Nous devons améliorer ce qui est perfectible et souligner ce qui est positif. C’est le rôle de la commission des affaires européennes et des commissions saisies au fond.

Ainsi, comme l’a précisé Mme David, l’allongement du congé de maternité à dix-huit semaines ou le droit accordé aux femmes enceintes de demander la modification de leurs horaires et rythmes de travail constituent des avancées.

Mais l’interdiction, contraire au principe de subsidiarité, qui est faite aux États membres de définir eux-mêmes les modalités du congé de maternité ou le silence regrettable du texte sur le congé de paternité soulèvent des difficultés qui, si elles n’étaient pas résolues, rendraient la proposition de directive contestable.

Madame la secrétaire d’État, vos réponses ont, me semble-t-il, permis de lever les ambiguïtés que comporte cette proposition de directive.

Mais je souhaite aller un peu plus loin, tout en restant au cœur du problème traité par cette proposition de directive, c'est-à-dire la conciliation la meilleure possible entre la vie familiale et la vie professionnelle. La durée du congé de maternité et ses modalités d’application sont à l’évidence des éléments majeurs de cet équilibre.

Il est un autre élément à ne pas négliger, d’autant qu’il suscite une attente forte de la part des parents : je veux parler des solutions de garde d’enfant. Madame la secrétaire d’État, je sais que vous êtes particulièrement attentive à ce sujet. Je pense notamment au projet de création des jardins d’éveil. Où en sommes-nous aujourd’hui ? Quelles mesures comptez-vous mettre en place pour venir en aide aux familles ?

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Madame la secrétaire d’État, j’ai bien entendu votre réponse.

Je pense que nous sommes en fait d'accord sur la question de la charge de la preuve. En effet, c’est dans la directive que figure l’idée d’un renversement de la charge de la preuve. Pour ma part, je suggère un simple aménagement de cette charge. D’ailleurs, comme vous l’avez vous-même souligné, cela existe déjà en droit français.

C’est donc bien la directive qui contient une ambiguïté, ambiguïté que je vous demande de lever en précisant qu’il s’agit d’un aménagement, et non d’un renversement, de la charge de la preuve.

Debut de section - Permalien
Nadine Morano, secrétaire d'État

Je tiens tout d’abord à rappeler mon attachement au congé pathologique de deux semaines, qui s’ajoute au congé de maternité.

Madame Printz, la proposition de directive ne fait pas référence au travail de nuit des femmes enceintes, car une protection est déjà prévue à cet égard par l’article 12 de la directive de 1992 : les femmes enceintes ne sont pas tenues d’accomplir le travail de nuit.

Par ailleurs, un amendement à l’article 11 de la directive de 1992 de même que la législation française prévoient qu’une salariée ayant bénéficié d’un congé de maternité a droit aux mêmes améliorations des conditions de travail et aux mêmes augmentations salariales et avantages que ceux qui sont accordés aux salariés appartenant à la même catégorie professionnelle.

Monsieur Fischer, vous m’avez demandé d’agir afin que le Parlement européen examine cette directive au plus tôt. Je ne suis malheureusement pas maître de l’ordre du jour du Parlement européen.

En revanche, je me réjouis de vous indiquer que, au cours de la présidence française de l’Union européenne, j’ai organisé, le 18 septembre dernier, une réunion informelle de l’ensemble des ministres européens de la famille, articulée autour de plusieurs thèmes, notamment l’évolution démographique, les modes de garde d’enfants, la protection de l’enfance sur internet.

La République tchèque a accepté de poursuivre ce travail sous sa présidence, et la Suède fera de même. Lors de la prochaine rencontre informelle des ministres européens de la famille, je proposerai l’inscription rapide de ce texte à l’ordre du jour du Parlement européen, bien qu’il nous soit difficile, comme vous le savez, d’intervenir dans ce domaine.

Quant à la présomption d’innocence ou de culpabilité, madame David, l’idée est de protéger la victime sans faire peser de charge excessive sur l’employeur. Mais ce point fait déjà l’objet d’une disposition écrite. S’il subsiste une ambiguïté, elle résulte de la rédaction imprécise du texte, qu’il convient donc de clarifier, mais l’idée générale qui la sous-tend est la même.

Monsieur Magras, vous avez rappelé votre attachement au développement des modes de garde diversifiés dans notre pays. À titre d’information, je vous indique que la France est un exemple à cet égard, même si nous débattons, dans le cadre des réunions informelles des ministres européens de la famille, sur les thèmes de la démographie, de la protection de l’enfance sur internet, voire de la directive sur la maternité.

Ainsi, j’ai reçu récemment Ursula von der Leyen, ministre de la famille du gouvernement allemand – je vais la rencontrer de nouveau à Berlin mardi prochain –, ainsi que mon homologue polonaise venue à Paris pour recueillir des informations sur les assistantes maternelles, en particulier. La France est donc une référence en matière de diversification des modes de garde.

Nous nous sommes engagés à proposer 200 000 offres de garde supplémentaires, que l'État finance dans le cadre de la nouvelle convention d’objectifs et de gestion, ce qui représente, dans la période difficile actuelle, un effort de près de 1, 3 milliard d’euros.

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, cette politique familiale dynamique et ambitieuse, que nous voulons poursuivre, nous a permis d’enregistrer, l’année dernière, la naissance de 834 000 bébés !

Exclamations.

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

Je tiens à remercier tous nos collègues qui sont intervenus dans ce débat.

Je vous remercie également, madame la secrétaire d’État, pour les réponses que vous nous avez apportées. J’ai retenu de votre propos que vous et vos services aurez toujours à l’esprit la réflexion du Sénat, les interrogations et suggestions contenues dans l’excellent travail accompli par notre collègue Annie David.

Monsieur Fischer, le débat ne s’arrête pas aujourd’hui ! La commission des affaires européennes du Sénat veillera au grain et suivra ces dossiers jusqu’au bout !

Debut de section - Permalien
Nadine Morano, secrétaire d'État

Voilà !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

J’ajoute qu’il y a du nouveau, puisque nous avons décidé de travailler dorénavant autrement : nous avons en effet évoqué, lors d’une réunion avec les ministres des affaires étrangères et des affaires européennes à laquelle étaient conviés les députés européens français qui viennent d’être élus, les moyens d’une meilleure coopération entre députés, sénateurs et députés européens français.

Ce qu’il convient de voir, monsieur Fischer, c’est la meilleure façon de travailler ensemble, pas seulement avec les députés européens du PPE, mais avec l’ensemble des députés européens français ! Soyez donc rassuré, cher ami !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Nous en avons terminé avec le second thème de ce débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

J’informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation, d’une part, du sénateur appelé à siéger au sein de la Commission du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés et, d’autre part, du sénateur appelé à siéger au sein du conseil d’administration de FranceAgriMer.

Conformément à l’article 9 du règlement, j’invite la commission des affaires économiques à présenter des candidatures.

La nomination au sein de ces organismes extraparlementaires aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.

MJ’ai reçu de Mme Catherine Procaccia une proposition de loi tendant à renforcer le dialogue social et la continuité du service public dans les transports maritimes, aériens et ferroviaires.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 501, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

J’ai reçu de M. le Premier ministre les textes suivants, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 423/2007 du 19 avril 2007 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran ; ce texte sera imprimé et distribué sous le n° E-4541.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 29 juin 2009 :

À seize heures :

1. Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, tendant à modifier le mode de scrutin de l’élection de l’Assemblée de Corse et certaines dispositions relatives au fonctionnement de la collectivité territoriale de Corse (476, 2008-2009).

Rapport de M. Patrice Gélard, fait au nom de commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale (479, 2008-2009).

Texte de la commission (n° 480, 2008-2009).

2. Proposition de loi visant à autoriser la restitution par la France des têtes maories, présentée par Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Nicolas About, Philippe Richert, Philippe Adnot, Philippe Arnaud, Denis Badré, Pierre Bernard-Reymond, Laurent Béteille, Joël Bourdin, Auguste Cazalet, Marcel Deneux, Mme Béatrice Descamps, M. Yves Détraigne, Mme Muguette Dini, MM. Michel Doublet, Jean-Léonce Dupont, Louis Duvernois, Jean-Claude Etienne, Mme Françoise Férat, M. René Garrec, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Jacqueline Gourault, MM. Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Christiane Kammermann, MM. Jean-Claude Merceron, Philippe Nogrix, Mmes Monique Papon, Anne-Marie Payet, MM. Louis Pinton, Paul Raoult, Ivan Renar, Charles Revet, Daniel Soulage, Mme Odette Terrade, MM. André Vallet, Jean-Marie Vanlerenberghe et François Zocchetto (215, 2007-2008).

Rapport de M. Philippe Richert, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (482, 2008-2009).

Texte de la commission (n° 483, 2008-2009).

Le soir :

3. Proposition de loi visant à renforcer l’efficacité de la réduction d’impôt de solidarité sur la fortune au profit de la consolidation du capital des petites et moyennes entreprises, présentée par M. Jean Arthuis (398, 2008-2009).

Rapport de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de commission des finances (469, 2008 2009).

Texte de la commission (n° 470, 2008-2009).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à dix-neuf heures cinq.