Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, mon propos ne tranchera pas sur la tonalité générale de ce débat : la situation de Pôle emploi est catastrophique. Même Mme Procaccia, dont les remarques sur le poids des critiques sont tout à fait pertinentes, a reconnu que des difficultés existaient.
« Nous sommes sans doute le seul pays où le suivi de la recherche effective d’emploi est assuré par trois institutions : l’État, l’assurance chômage et l’ANPE. Autant dire qu’elle n’est suivie par personne. » Ainsi s’exprimait le Président de la République au mois de septembre 2007 ; il avait raison !
C’est dans cet esprit que la loi du 13 février 2008 organisant la fusion de l’ANPE et de l’UNEDIC a été adoptée. Le Pôle emploi, né de cette fusion, devait être l’un des outils majeurs de la lutte contre le chômage, le remède miracle permettant de passer sous la barre des 5 % de sans-emploi à l’horizon 2012.
Pourtant, moins de six mois après la mise en place de Pôle emploi, la réalité est tout autre : entre la surcharge du service, le mécontentement des agents et un afflux de chômeurs sans précédent, force est de constater que le fonctionnement de Pôle emploi n’est pas satisfaisant. C’est même un échec ! La journée de grève de la semaine dernière illustre le malaise dont souffre cette structure.
Le contexte est en effet tendu depuis plusieurs mois et le rapprochement des ex-ANPE et des ex-ASSEDIC s’opère dans la douleur, notamment en raison de l’insuffisance des formations à l’accompagnement des demandeurs d’emploi pour les anciens personnels des ASSEDIC et à l’indemnisation pour les anciens agents de l’ANPE. Parallèlement, on ne peut que déplorer le fort accroissement de la précarité pour le personnel et la dégradation des conditions de travail.
Mme Lagarde avait annoncé, à l’époque de la fusion de l’ANPE et de l’UNEDIC, que chaque conseiller n’aurait pas à suivre, à terme, plus de soixante personnes, voire trente pour les cas jugés les plus difficiles. En fait, sur le terrain, dans mon département, on constate que chaque agent s’occupe de cent à cent cinquante demandeurs d’emploi. L’afflux de nouveaux inscrits peut même parfois amener à porter ce chiffre jusqu’à trois cents !
On assiste donc à une véritable saturation des agences de Pôle emploi. Le mécontentement des usagers s’accroît, les files d’attente s’allongent et les délais pour obtenir un simple rendez-vous sont devenus beaucoup trop importants. Certes, le Gouvernement a annoncé la création de 1 840 postes dans les agences et de 500 sur les plateformes, mais cela n’est pas suffisant au regard des besoins !
Ce manque de moyens engendre une montée des tensions aux guichets, tant du côté des chômeurs, qui n’accèdent pas dans les meilleures conditions au service auquel ils ont droit, que du côté du personnel. On constate une multiplication des agressions physiques et verbales, des menaces et des insultes. La situation sur le terrain est donc dramatique, inadmissible, et, en l’état actuel des choses, il y a peu de chances, je le crains, qu’elle s’améliore.
Or nous avons grand besoin d’un Pôle emploi performant, à l’heure où la France subit sa plus grave crise économique de l’après-guerre. Très récemment, Pôle emploi faisait état de la destruction nette de 175 000 emplois salariés au premier trimestre de 2009, alors que, à la mi-mai, les statistiques provisoires du ministère de l’emploi n’en prévoyaient que 138 000. Le recul de l’emploi atteint ainsi 1, 1 % : il s’agit d’une chute d’une ampleur inédite dans l’histoire économique française, qui touche l’ensemble des secteurs. La dégradation de l’emploi devrait persister encore plusieurs trimestres.
La réforme aurait mérité d’être plus mûrement préparée et accompagnée de moyens humains plus importants. Monsieur le secrétaire d'État, comment le Gouvernement entend-il mettre un terme à ces dysfonctionnements graves ? Comment allez-vous remotiver un personnel excédé, qui n’en peut plus ? Quand les Français qui en ont le plus besoin pourront-ils bénéficier d’un service public de l’emploi performant ?
Personnellement, je tire deux enseignements de la mise en œuvre de cette réforme : d’une part, simplification n’est nécessairement synonyme d’amélioration ; d’autre part, on ne réforme pas contre les personnels concernés, mais avec eux.