Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de vous remercier du temps que vous consacrez à ce sujet. J’ai apprécié le caractère approfondi et nourri de vos interventions, qui ont été très précises et constructives.
Je tiens à saluer la tonalité à la fois humaniste et républicaine des propos de M. Vantomme, qui a ouvert le débat en relevant ce qu’il considère être des axes d’amélioration possibles de l’action de Pôle emploi.
Madame David, même si nous ne sommes pas toujours d’accord, tant s’en faut, j’apprécie toujours votre droiture, votre précision et votre investissement incontestable sur le thème de l’emploi.
Mme Procaccia connaît parfaitement le sujet, pour avoir été rapporteur du projet de loi qui a donné naissance à Pôle emploi. Elle a eu le souci de faire le point, avec beaucoup d’objectivité, sur l’état d’avancement de la réforme, mesurant le chemin qui reste à parcourir, et a aussi évoqué plusieurs thèmes sur lesquels je vais revenir, notamment la convention collective.
J’ai écouté avec attention M. Plancade, même si je ne partage pas toujours son point de vue, marqué à mon sens par un certain défaitisme.
M. Jeannerot a fait appel à son expérience professionnelle acquise dans l’ancien système. Il a souligné le rôle essentiel d’amortisseur social joué malgré tout par Pôle emploi dans cette crise, relativisant ainsi bien des caricatures, ainsi que l’investissement des agents sur le terrain, auxquels je souhaite à mon tour rendre hommage.
M. Fouché a consacré principalement son intervention aux maisons de l’emploi. J’y reviendrai.
Enfin, M. Demuynck, avec la précision qu’on lui connaît, a mis en exergue les avantages fondamentaux de Pôle emploi, dans cette période de crise, par rapport à l’ancien système, tout en traçant des voies possibles d’amélioration, en particulier l’instauration de réunions d’échanges d’informations au sein des agences et l’optimisation de la détection des métiers en tension en vue de l’adaptation de la formation des demandeurs d’emploi. Ces propositions sont constructives et très intéressantes.
Il convient de prendre un peu de recul pour mener notre réflexion, afin d’éviter de se tromper de cible et de diagnostic. Notre pays traverse actuellement la crise de l’emploi la plus grave qu’il ait connue depuis cinquante ans. Qui peut croire qu’un service public de l’emploi, dans quelque pays d’Europe que ce soit, soit en mesure de répondre parfaitement à une hausse de 25 % en six mois du nombre de demandeurs d’emploi accompagnés ? Comment prétendre sérieusement qu’un service public de l’emploi, quel que soit son mode d’organisation, peut s’adapter du jour au lendemain à une situation aussi difficile ? La seule vraie question est de savoir si Pôle emploi permet ou non d’améliorer la situation et quels sont les voies de progrès envisageables en cette période de crise.
De ce point de vue, il n’est pas mauvais de faire retour sur un passé récent. En 1993, les demandeurs d’emploi formaient des files d’attente devant les guichets des ANPE, jusque dans la rue. Les antennes des ASSEDIC étaient obligées de fermer un jour sur deux parce qu’elles étaient dans l’incapacité de faire face au flot des demandes d’indemnisation. Les demandeurs d’emploi devaient attendre un mois avant d’être inscrits et d’obtenir le versement de leur indemnité. Telle était la situation en 1993, avec l’ancien système de l’ANPE et des ASSEDIC.
Je ne prétends pas un seul instant que tout est parfait aujourd’hui et que les 500 000 nouveaux demandeurs d’emploi sont pris en charge sans aucun problème par le service public. Néanmoins, je ne laisserai pas dire que Pôle emploi fait moins bien que l’ancien système poussiéreux que constituaient l’ANPE et les ASSEDIC, dont les défaillances furent catastrophiques en 1993. Rappelons-nous la situation apocalyptique de cette année-là, alors que la situation de l’emploi était pourtant trois fois moins grave qu’aujourd’hui ! Grâce à la motivation des agents de Pôle emploi, grâce à leur travail quotidien, grâce aux gains d’efficacité que permet d’obtenir, mois après mois, même dans l’adversité, la nouvelle structure, nous arrivons à faire face bien mieux qu’à l’époque à une situation beaucoup plus difficile. Pour autant, cela ne signifie pas qu’il n’y ait pas beaucoup de choses à améliorer.
Si la fusion ayant conduit à la création de Pôle emploi était une opération facile, pourquoi, en vingt ans, aucune majorité n’a-t-elle eu le courage de s’attaquer à ce sujet épineux et délicat ? En réalité, la fusion est difficile, la mettre en œuvre nécessite du courage politique, mais nous gardons le cap et allons de l’avant. Je ne me lasse pas de le répéter, le défi que nous devons relever, c’est, mois après mois, de mieux protéger ceux de nos concitoyens qui en ont besoin et d’améliorer progressivement la situation, en lien étroit avec les agents de Pôle emploi. Vous l’avez d’ailleurs relevé, monsieur Vantomme : le problème, ce n’est pas le vaisseau, c’est la tempête. Notre travail est de faire en sorte que les voiles soient bien carguées, que le cap soit tenu afin que, progressivement, nous puissions sortir de la tempête.
Où en sommes-nous ?
Tout d’abord, la fusion des deux organismes se déroule de façon toujours plus opérationnelle. Nous avons réussi à unifier le fonctionnement interne de Pôle emploi, avec la mise en place de vingt-six directions régionales. D’ores et déjà, 430 directeurs locaux ont été nommés, l’ensemble des managers de la direction générale, les directeurs régionaux et territoriaux ont été désignés et, d’ici à la fin du mois de juillet 2009, la totalité des 930 directeurs des pôles locaux seront nommés. Un contrat de performance fixe les objectifs et les moyens assignés à chacun de ceux-ci. Je rejoins tout à fait M. Demuynck sur la nécessité de bien encadrer cette possibilité ouverte à chaque structure de s’organiser au mieux en fonction des réalités du terrain. Je sais que le Sénat est extrêmement vigilant sur ce point.
En ce qui concerne la future convention collective, sujet important abordé par Mme Procaccia, il a été décidé d’attendre la tenue des élections professionnelles, à la fin de septembre et au début d’octobre, parce qu’une négociation aussi cruciale ne peut être menée qu’avec les nouveaux représentants des agents, ceux qui feront vivre la nouvelle structure. Notre objectif, que je m’engage à atteindre, est cependant d’aboutir avant la mi-2010, car il est important pour les agents de savoir dans quel cadre ils vont travailler. Je rappelle que les agents publics de Pôle emploi auront la possibilité de choisir entre la nouvelle convention collective et leur statut actuel.
Quels gains d’efficacité tangibles a d’ores et déjà apportés la création de Pôle emploi ?
La synergie obtenue, l’élimination des doublons entre l’ANPE et les ASSEDIC nous permettront de mettre progressivement au service direct du public, demandeurs d’emploi et entreprises, l’équivalent de 3 000 conseillers. Dans les douze mois qui viennent, nous enregistrerons ainsi des gains d’efficacité très substantiels. Cela représente l’équivalent d’environ quatre conseillers par agence, chaque structure comprenant entre trente et quarante agents en moyenne. Cela s’ajoutera aux 1 840 agents supplémentaires actuellement en cours de recrutement et qui arriveront sur le terrain dans les jours à venir.
Je rappelle que la fusion, qui progresse chaque jour, débouche sur la création d’une entité comportant 45 000 agents et 1 500 implantations sur l’ensemble du territoire. Je ne suis pas de ceux qui croient qu’une telle révolution culturelle se fait en claquant des doigts. Elle s’opère progressivement, en affrontant les difficultés, mais elle avance.
Un autre point très important est l’amélioration du service rendu.
Madame David, chaque semaine, je me rends sur le terrain, dans une agence de Pôle emploi, pour dialoguer avec le personnel. Ainsi, comme l’a rappelé M. Demuynck, j’ai passé une journée complète à Saint-Ouen, où, hors la présence de caméras ou de journalistes, j’ai écouté les agents.
À cette occasion, j’ai pu me rendre compte des améliorations apportées au service rendu aux demandeurs d’emploi. Quelles sont-elles ?
Tout d’abord, bien entendu, le demandeur d’emploi n’a plus à se rendre qu’en un seul lieu pour obtenir l’ensemble des informations dont il a besoin. Cela change tout ! Un demandeur d’emploi n’est pas un schizophrène dont le cerveau aurait érigé une séparation mentale absolue entre sa recherche d’un emploi et son indemnisation. Dans sa démarche et dans son esprit, les deux sujets sont totalement imbriqués.
L’un de mes premiers souvenirs, en tant que secrétaire d’État à l’emploi, concerne un demandeur d’emploi de Lille, que j’avais accompagné dans son parcours d’insertion et d’indemnisation. Lors de son premier entretien, il avait expliqué à l’agent des ASSEDIC qui le recevait qu’une entreprise de logistique lui avait proposé de l’embaucher sous contrat à durée indéterminée, à condition qu’il soit titulaire d’un certificat d’aptitude à la conduite en sécurité, un CACES, et qu’il souhaitait, en conséquence, pouvoir suivre cette formation immédiatement. Il lui fut alors répondu qu’il n’était pas possible d’aborder cette question à ce stade et qu’il fallait au préalable procéder à l’inscription administrative en vue de l’indemnisation. Je vous laisse imaginer le visage de cette personne qui venait de perdre son travail et avait besoin d’être soutenue… On la renvoyait, pour présenter sa demande, à un autre guichet, située en un lieu différent ! Voilà l’un des changements qu’apporte la création de Pôle emploi : le demandeur d’emploi peut obtenir les réponses à toutes ses questions en un même lieu.
Notre objectif est de parvenir, à terme, à mettre en place un réseau cohérent de 946 sites mixtes sur l’ensemble du territoire, madame David, à partir des 1 500 implantations dont nous avons hérité. Cela constitue pour nous une priorité.
À ce sujet, j’attache la plus haute importance, comme vous tous, à l’accessibilité du service public de l’emploi. Étant élu d’un territoire rural, je sais très bien ce que représente, pour un demandeur d’emploi, le fait d’être confronté à des difficultés de déplacement. J’en prends à nouveau solennellement l’engagement devant le Sénat : non seulement la couverture territoriale assurée par la nouvelle entité ne sera nullement amoindrie, mais elle sera au contraire renforcée. Par exemple, de nouvelles antennes seront ouvertes dans la région Rhône-Alpes et dans la région Centre, notamment dans la partie sud, où une nouvelle agence de Pôle emploi sera également créée. Mon objectif n’est en aucun cas de réduire la présence sur le terrain du service public de l’emploi, il est à l’inverse de profiter du gain d’efficacité permis par la fusion de l’ANPE et des ASSEDIC pour mieux couvrir l’ensemble du territoire. Je le réaffirme, il y aura une amélioration de la couverture territoriale, en aucun cas une régression. Il s’agit d’un progrès historique.
Madame David, 150 sites mixtes étaient opérationnels à la date du 18 juin. Il est vrai que nous avons pris du retard sur le calendrier initial, en raison du processus de consultation des partenaires sociaux. En effet, nous avons choisi de prendre le temps de discuter avec eux. Maintenant que les fondations sont saines, nous allons pouvoir rattraper ce retard pendant l’été pour aboutir au chiffre de 946 sites mixtes.
L’accueil téléphonique est un autre point sur lequel nous essayons de progresser. L’objectif est de mettre en place un numéro unique d’accès au service de Pôle emploi, le 3949, pour que, là encore, le demandeur d’emploi puisse poser l’ensemble de ses questions à un même interlocuteur. Les choses se sont améliorées, mais la situation n’est pas encore satisfaisante. Le paramètre à prendre en compte pour évaluer le fonctionnement d’une plateforme téléphonique, c’est le taux de décroché, à savoir le pourcentage d’appels aboutissant à une communication. On considère, en règle générale, qu’un numéro d’appel fonctionne très bien si le taux de décroché est, au minimum, de 80 %. Pour le 3949, il est actuellement de 70 %. Ce numéro est opérationnel, mais atteindre un taux de décroché de 80 % est l’une des priorités fixées à Pôle emploi pour la rentrée.
Dans cette perspective, nous allons revoir l’organisation en mettant en place des plateformes régionales, internes et mutualisées qui nous permettront d’optimiser l’accueil téléphonique. Je ne veux plus que les conseillers de Pôle emploi perdent un temps précieux, qu’ils pourraient consacrer au contact direct avec les demandeurs d’emploi, à fixer des rendez-vous par téléphone. J’ai demandé à ce que cette situation change. M. Charpy, avec qui nous travaillons en pleine confiance, a pris ce problème à bras-le-corps.
Madame David, vous avez, à juste titre, évoqué la surtaxation des appels au 3949. Il s’agit d’un héritage du passé, puisqu’elle frappait déjà les appels aux numéros préexistants, mais le taux de décroché, notamment aux ASSEDIC, était alors apocalyptique.