Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le 15 juin dernier, sur l’initiative de sa commission des affaires sociales, le Sénat a adopté une résolution européenne sur la proposition de directive portant modification de la directive 92/85/CEE concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail, actuellement en cours de discussion à Bruxelles.
Je sais que, depuis cette date, aucune nouvelle discussion n’a eu lieu au Conseil à ce sujet. Le débat d’aujourd’hui aura donc pour objet sinon, à proprement parler, de nous permettre de contrôler la bonne application par le Gouvernement des résolutions du Parlement, du moins de nous faire connaître le détail des intentions de l’exécutif sur cette directive inquiétante à plusieurs égards.
Notre résolution reconnaît les avancées introduites par ce nouveau texte communautaire - je pense notamment à l’allongement du congé de maternité à dix-huit semaines -, mais elle soulève quatre difficultés qui pourraient le rendre inacceptable si elles n’étaient pas tranchées.
La première difficulté résulte de l’interdiction faite aux États membres d’inciter les femmes enceintes à prendre un congé prénatal. Je crois savoir que, sur ce point, le Parlement et le Gouvernement sont d’accord : cette interdiction non seulement serait contraire au principe de subsidiarité, mais encore, en encourageant les femmes à travailler jusqu’au dernier jour avant l’accouchement, nuirait à leur santé et à celle des nouveau-nés. Pouvez-vous nous confirmer, madame la secrétaire d’État, que le Gouvernement restera intransigeant sur ce point ?
La deuxième difficulté tient à la timidité des mesures prévues par la directive pour assurer l’égalité des chances entre les hommes et les femmes dans le domaine professionnel. Pour vous avoir entendue cet après-midi, madame la secrétaire d’État, je sais que ce point vous tient à cœur.
Il n’est pas contestable que le fait d’avoir des enfants constitue souvent un frein dans la carrière professionnelle des femmes. Bien sûr, ce désavantage n’est jamais reconnu ou assumé par l’employeur, ne serait-ce que pour des raisons juridiques.
Puisque l’interdiction de défavoriser les femmes enceintes ne suffit pas à garantir l’égalité des chances, une disposition plus contraignante doit y pourvoir. Il faut donc reconnaître, au niveau européen, l’équivalent de la loi française du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, texte qui donne aux femmes ayant bénéficié d’un congé de maternité le droit aux mêmes augmentations salariales et aux mêmes avantages que ceux qui ont été accordés, pendant leur absence, aux salariés appartenant à la même catégorie socioprofessionnelle.
Avez-vous l’intention, madame la secrétaire d’État, de vous appuyer sur cet exemple pour promouvoir le droit des femmes dans toute l’Union européenne ?
Quant au troisième sujet, la commission des affaires sociales y est particulièrement attentive. Au nom de la lutte contre les discriminations envers les femmes enceintes, le texte communautaire propose d’introduire une présomption de culpabilité, ce que nous avons jugé irrecevable. En effet, comment permettre que, dans un État de droit, de simples présomptions aient valeur juridique de preuves et qu’il suffise de présenter quelques indices pour qu’une faute soit reconnue par un tribunal ?
Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous dire ce que fera le Gouvernement face à une disposition contraire aux principes fondamentaux de la République ? Et, je vous en prie, ne fuyez pas le débat en nous répondant qu’il n’y a de présomption d’innocence, techniquement, formellement, qu’en matière pénale ! Que ce soit au civil ou au pénal, condamner quelqu’un pour discrimination ou juger qu’une personne a eu un comportement discriminatoire, ce qui est très grave dans les deux cas, ne peut se faire à partir de simples hypothèses : c’est une règle fondatrice de l’État de droit, le reste n’est qu’une question de vocabulaire juridique. C’est pourquoi j’attache beaucoup d’importance à votre réponse sur ce point, madame la secrétaire d’État.
Je souhaite enfin connaître la position du Gouvernement sur l’introduction d’un congé européen de paternité préconisée dans notre résolution. Bien sûr, ce congé ne figure pas dans le texte initial de la directive. C’est une lacune regrettable, je le dis clairement, voire une faute politique, car comment espérer atteindre l’égalité des chances, dans le domaine professionnel, entre les hommes et les femmes, si l’on n’incite pas, d’une manière ou d’une autre, les pères à s’impliquer davantage à l’occasion de la naissance de leur enfant ?
Cet après-midi, en répondant à M. Biwer, vous n’avez évoqué que le congé parental, madame la secrétaire d’État, mais je sais que la question du congé de paternité vous importe.
Telles sont, madame la secrétaire d’État, les questions que le Sénat suivra avec vigilance et sur lesquelles il aimerait, dès à présent, connaître votre position.