Intervention de Brigitte Gonthier-Maurin

Réunion du 16 novembre 2010 à 9h30
Questions orales — Diminution des moyens accordés par l'état à l'institut de radioprotection et de sûreté nucléaire

Photo de Brigitte Gonthier-MaurinBrigitte Gonthier-Maurin :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget 2011 prévoit une diminution de 30 millions d’euros de la subvention d’État allouée à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l’IRSN, celle-ci chutant à 213 millions d’euros. Cette baisse aura une incidence directe sur le budget de l’expertise en sûreté nucléaire, réduit de près de 40 %.

Or, selon des estimations internes à l’IRSN, il faudrait à ce dernier, pour faire face à la demande croissante d’expertise, 15 millions d’euros supplémentaires.

Il était d’ailleurs indiqué, dans le fascicule bleu budgétaire de la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour 2010, que « la stratégie de l’IRSN est de renforcer son expertise pour être plus en phase avec le redémarrage du programme électronucléaire français et de faire face aux nouvelles exigences réglementaires issues de la loi relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire dite « loi TSN » […] ». Un an plus tard, l’État se désengage.

Pourtant, la demande d’expertise continue de croître. Elle porte notamment sur la création de nouvelles installations nucléaires, la modification des conditions d’exploitation et l’évolution des règles de sûreté nucléaire.

Madame la ministre, pour pallier ce désengagement, vous proposez une « redevance » que les exploitants nucléaires devraient verser à l’IRSN pour chaque dossier soumis à l’Autorité de sûreté nucléaire, l’ASN, et faisant l’objet d’une saisine de l’IRSN. Dans le projet de loi de finances pour 2011, le produit de cette redevance est estimé à 30 millions d’euros !

C’est une heureuse coïncidence, alors même que le projet de barème exigé fin juin des services de l’IRSN a été réalisé dans la précipitation, avec tous les risques d’erreurs et d’approximations que cela implique. Ce montant est donc loin d’être garanti.

Une telle décision, prise au seul motif d’afficher une baisse des dépenses publiques, suscite l’inquiétude et le désaccord des personnels de l’IRSN. Le comité d’entreprise a donné à ce sujet un avis négatif à l’unanimité des élus. Le conseil d’administration de l’IRSN a également voté contre ce projet de redevance.

Comment pourrait-il en être autrement ? En effet, ce que vous proposez aujourd’hui est un dangereux retour en arrière, madame la ministre.

Il est dangereux tout d’abord au regard de l’esprit même qui a prévalu à la création de l’Institut en 2002 : rendre l’expertise indépendante de tout exploitant. Cela n’allait pas de soi mais, en dix ans, l’IRSN a acquis une image d’indépendance maintenant reconnue.

Il est dangereux également parce que l’instauration d’une telle redevance bouleversera le cœur, le sens même du métier de l’expertise en sûreté nucléaire. L’ASN, qui a également émis un avis négatif, souligne ceci : « cette évolution remettrait en cause le principe du pilotage de l’expertise, conduisant, de fait, à un profond changement du système de contrôle de la sûreté nucléaire et à un affaiblissement de la robustesse et de la légitimité de la décision prise par l’ASN ».

Il est d’ailleurs impensable qu’un tel changement soit pris par décret et ne soit pas soumis au vote du Parlement.

Dès lors, comment comptez-vous garantir la qualité et l’indépendance de l’expertise en sûreté nucléaire si ce n’est en renonçant à diminuer les moyens de l’IRSN et à instaurer cette redevance, comme le souhaitent les personnels, dont certains sont présents ce matin dans les tribunes ?

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