Madame la ministre, vous comprendrez que je demeure inquiète. Ce projet aura des incidences bien au-delà de la seule dimension budgétaire. À mon sens, sur ce point, rien n’est garanti.
Quand on paie, on décide ! Je tiens à rappeler une nouvelle fois le problème de la perte d’indépendance. Comment ne pas penser que ce lien financier direct avec les exploitants nucléaires n’influera pas sur la façon dont les expertises et les analyses seront menées ?
De plus, conditionner le financement d’une grande partie de l’expertise au versement de cette redevance, c’est imposer une priorité dans le traitement des dossiers, à la faveur des demandes des exploitations.
Cela signifiera donc beaucoup moins de temps pour le travail de fond, l’analyse et le traitement du retour d’expérience des « incidents ». Autant de sujets sur lesquels l’IRSN travaille afin de rendre à l’ASN des analyses sur la sûreté nucléaire, indépendamment de toute demande des exploitations. C’est ce travail qui permet de construire, dans le temps, une compétence interne à partir de laquelle se fonde une expertise en sûreté.
L’instauration de cette redevance mettra en place un système s’apparentant à la « tierce expertise ». La voie à la marchandisation est ouverte. Libre concurrence oblige, d’autres organismes techniques pourraient être choisis en lieu et place de l’IRSN.
Quid alors de l’obligation d’archivage et d’historique dans les expertises, si le marché est éclaté entre plusieurs experts ? Or nous savons bien que la question de la mémoire est fondamentale dans ce domaine.
Quid des missions de service public avec un tel désengagement de l’État ?
À toutes ces questions qui restent en suspens, le seul argument de réduction des dépenses publiques ne suffit pas à faire réponse. C’est pourquoi, madame la ministre, je vous demande de renoncer à ce projet de redevance et de réaffirmer l’engagement financier de l’État en faveur de la sûreté nucléaire.