Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cet article a trait à la branche vieillesse. Si les précédents PLFSS ne comportaient que peu de mesures se rattachant à cette dernière, le présent PLFSS n’en comprend qu’une : l’article 48.
Il est vrai que nous nous inscrivons dans la continuité de deux textes essentiels, la loi portant réforme des retraites et la loi relative à la gestion de la dette sociale, et, par conséquent, dans la continuité de la politique que mène la majorité depuis 2002 en matière de protection sociale, à savoir patiemment, tout faire pour inscrire la protection sociale dans une spirale de déficits, l’amener progressivement à l’état de faillite, tout en reportant la charge sur les générations à venir et en assurant une nette évolution du marché assurantiel.
La branche vieillesse, comme toutes les autres branches, est en situation de déficit, ce qui n’est pas nouveau. Malheureusement, je note que ce déficit progresse, passant ainsi de 7, 2 milliards d’euros en 2009 à 8, 6 milliards d’euros cette année ; il est estimé à 10, 5 milliards d'euros en 2011.
Plus précisément, les déficits de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la CNAV, et du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, atteignent cette année respectivement 6, 9 milliards d'euros et 3, 8 milliards d’euros.
Cette situation est plus que préoccupante. Pourtant, le précédent ministre chargé des affaires sociales assurait que, si la loi portant réforme des retraites n’avait pas été adoptée, le déficit général aurait atteint 10 milliards d’euros ! Pour ma part, j’observe que ce résultat est dû à une réduction des dépenses de 0, 7 milliard d’euros et à une hausse des ressources de 2, 9 milliards d’euros, laquelle procède du nouveau transfert au FSV du financement d’une partie des dépenses liées au minimum contributif.
Reste que ces nouvelles recettes, réparties entre le projet de loi de finances et, notamment, les articles 10, 11 et 12 du présent PLFSS, sont aujourd’hui affectées non au système des retraites, mais au budget de l’État et à la CNAM.
Ce n’est donc que par le truchement de l’article 14 qui prévoit un dispositif de transfert des recettes de la CNAM vers le FSV – lequel prendra à sa charge, je le répète, une partie des dépenses du minimum contributif –, que nous parvenons à ce déficit minoré.
La situation de la branche vieillesse est plus qu’inquiétante pour quatre raisons majeures.
La première d’entre elles tient au fait qu’une partie des ressources du FSV n’est pas pérenne. La seconde a trait à la scandaleuse opération de siphonage des 34 milliards d’euros du Fonds de réserve pour les retraites, le FRR – nous vous proposerons d’ailleurs un amendement pour nous y opposer et pérenniser l’existence de ce fonds. La troisième raison concerne le transfert de 130 milliards d’euros à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, dont 62 milliards d’euros proviennent des déficits cumulés de la branche vieillesse, soit le report sur les générations à venir de la charge de la dette. Enfin, la dernière raison tient au fait que la loi portant réforme des retraites génère de nouveaux déficits.
À ce sujet, l’ancien ministre Éric Woerth affirmait que cette réforme devait « apporter une réponse durable et structurelle à cette situation et sauvegarder notre régime par répartition, en revenant à l’équilibre dès 2018 ». Quant au ministre du budget, M. François Baroin, il considère que « cette réforme courageuse apporte une réponse juste et équilibrée à un problème démographique ». Il affirme qu’il s’agit d’une réponse ni dogmatique ni idéologique.
Nous lui opposons qu’un PLFSS construit sur un taux de croissance du PIB en volume de 2, 5 % pour les années à venir et une augmentation de la masse salariale de 4, 5 % glissant jusqu’en 2014 n’est pas crédible, et ce à plus d’un titre.
Selon toute vraisemblance, le taux de croissance sera compris entre 1, 7 % et 2 % et le taux de chômage devrait être de l’ordre de 10 % en 2011. Or le report de l’âge de départ à la retraite suppose que l’on trouve 1, 4 million d’emplois supplémentaires.
Si l’on veut réussir à embaucher les seniors avec un taux de chômage de 5 % en 2020, comme le prévoit le texte sur les retraites, il faudrait une croissance annuelle de 2, 7 %, ce qui est peu probable. Autre scénario, le plus crédible : une croissance médiocre s’accompagnera d’une hausse du chômage des personnes âgées de 58 à 62 ans qui ne réussiront pas à se maintenir dans l’emploi, et quand bien même, l’emploi des jeunes en subirait assez nettement les conséquences.
Malheureusement, le Gouvernement reste arc-bouté sur des considérations idéologiques qui pénalisent l’emploi. Je pense, notamment, aux exonérations de cotisations sur les heures supplémentaires, ou bien au dispositif de rupture conventionnelle qui, selon le Centre d’analyse stratégique, a connu une montée en charge spectaculaire depuis sa création voilà deux ans, avec 400 000 ruptures validées.
Le bilan de cette politique apparaît aussi dans une récente étude de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, selon laquelle la proportion de chômeurs parmi les jeunes actifs a augmenté et s’élève aujourd’hui à 16, 9 % en moyenne en France sur l’ensemble de l’année 2009. Le taux de chômage des moins de 30 ans a même bondi à 17, 3 % à la fin de la même année, niveau jamais atteint depuis 1975.
Il en va de même pour les seniors qui connaissent un taux d’emploi de 38, 3 % après 55 ans, et de 21, 7 % après 60 ans.
Mécaniquement, votre réforme paramétrique va gonfler le nombre de chômeurs et donc augmenter les charges du FSV via le minimum vieillesse.
L’article 48 traduit la logique de régression sociale et d’injustice qui fonde la loi portant réforme des retraites. Nous nous y opposons donc.