Dans le contexte de crise majeure qui est le nôtre aujourd’hui, les allocations versées par notre système de solidarité nationale sont devenues le dernier filet de sécurité pour des millions de nos concitoyens. Au premier rang des allocations les plus importantes, on trouve l’aide personnalisée au logement, l’APL.
Pour bien mesurer ce qui se joue au détour de cet article 54, glissé au milieu du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, je rappelle, une fois de plus, que l’APL concerne 2, 6 millions de personnes. Cela fait autant de personnes qui ne pourraient pas se loger sans cette ressource. Pourquoi ? Parce que 76 % des bénéficiaires d’une aide au logement gagnent moins que le SMIC, parce qu’il manque 900 000 logements sociaux en France, et parce que 700 000 personnes sont inscrites sur les listes d’attente d’attribution des HLM. En matière de logement, l’APL est ce qui maintient le navire à flot.
Comme l’a rappelé M. André Lardeux, 80 % des personnes concernées par cette rétroactivité sont des jeunes. Or on sait à quel point la précarité des jeunes et des étudiants s’aggrave dans notre pays.
Jeunes, étudiants avec peu de ressources, travailleurs précaires, personnes âgées à la retraite modeste, familles monoparentales, en passant par les familles à faibles revenus … Ce sont encore les plus modestes que nous allons enfoncer avec ces économies dérisoires. Pendant ce temps, nous devrions célébrer le bouclier fiscal, censé avoir remédié au terrible drame de l’exode fiscal des grandes fortunes !
Il est tout de même dommage que le Président et le Gouvernement ne vivent pas dans le même monde que les Français !
Bien sûr, il y a une bonne raison à la suppression de ces trois mois d’APL. L’argument reste inchangé : il faut faire des économies. En l’occurrence, on parle d’une économie de 240 millions d’euros.
Cette économie est sans doute notable pour le commissaire aux comptes qui la vérifie sur son tableau Excel, mais on sait pertinemment qu’elle est dérisoire au regard des déficits publics qui ne cessent de se creuser. Entre 2002 et 2009, la dette publique a quasiment doublé, passant de 800 milliards à 1 500 milliards d’euros. En réalité, nous parlons d’une économie de pacotille pour l’État, qui correspond pourtant à un transfert de charge énorme sur les plus vulnérables !
Avec cette mesure, madame la ministre, vous allez favoriser l’endettement des plus précaires, fragiliser les budgets des bailleurs sociaux, mettre dans le rouge les associations qui font de l’intermédiation locative, accompagnant au quotidien les familles en grande difficulté.
En dernière analyse, l’APL est, pour 2, 6 millions de nos concitoyens, la condition sine qua none pour accéder à un logement ou conserver le sien. Autrement dit, l’APL aide à remplir un besoin primaire. Or, selon la définition du dictionnaire le Petit Robert, un besoin primaire est « un besoin indispensable à la survie ».
Est-il vraiment nécessaire que j’aille plus avant dans mon exposé pour vous convaincre, mes chers collègues, de voter ces amendements de suppression ?
Comme n’importe laquelle d’entre nous, vous savez, madame la ministre, que pour être reconnues dans un monde d’hommes, les femmes doivent faire la preuve qu’elles sont deux fois meilleures qu’eux. J’imagine bien la ministre chargée des solidarités que vous êtes – c’est la première des missions que vous avez citées tout à l’heure ! – affirmer sa place et sa nouvelle nomination en ne suivant pas ses collègues du Gouvernement sur cette disposition relative aux trois mois d’APL qu’il faudrait rogner à ceux qui ont le moins. Cette attitude aurait « de la gueule » !