Intervention de François-Noël Buffet

Réunion du 29 avril 2008 à 16h00
Mobilité et parcours professionnels dans la fonction publique — Adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence, amendements 22 10

Photo de François-Noël BuffetFrançois-Noël Buffet :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la mobilité des fonctionnaires est un enjeu essentiel de la réforme de l’État.

Elle ne doit plus être pénalisante pour l’agent, bien sûr. Au contraire, elle doit être valorisée. Elle doit être perçue comme un outil de promotion et donc d’évolution. L’administration doit en faire un élément essentiel de gestion des ressources humaines.

Les fonctionnaires espèrent en effet une plus grande mobilité dans leur carrière. Il faut leur donner la possibilité de varier les postes entre les trois fonctions publiques : la fonction publique d’État, la fonction publique territoriale, la fonction publique hospitalière. Certains fonctionnaires sont même prêts à tenter l’expérience – j’allais dire à franchir le pas ! – du secteur privé. Fonctionnaires et employeurs attendent donc aujourd’hui plus de souplesse.

Or, force est de le constater, la mobilité est difficilement pratiquée, car 5 % seulement des fonctionnaires exercent en dehors de leur administration d’origine.

Les règles statutaires doivent donc être moins rigides. Il faut permettre à chaque individu de négocier cette mobilité.

Le Président de la République l’a rappelé dans son discours du 19 septembre 2007 à l’Institut régional d’administration de Nantes, et nombre d’entre vous y ont fait référence : « Il faut faire circuler les hommes, les idées, les compétences. C’est une idée totalement étrangère à notre tradition administrative, à son organisation verticale, à sa gestion par corps, à ses cloisonnements statutaires […]. »

Un premier pas a été franchi le 2 février 2007 avec la loi de modernisation de la fonction publique, dont l’objet était de faciliter les progressions de carrière et d’accroître les échanges aussi bien entre administrations publiques qu’entre le secteur public et le secteur privé.

La loi du 19 février 2007 relative à la fonction publique territoriale a également été adoptée dans le but de donner plus de liberté aux élus locaux dans leur gestion des ressources humaines, de rendre la fonction publique territoriale plus attractive et plus efficace et de rationaliser son organisation institutionnelle.

Or, comme l’a très justement souligné M. le rapporteur, les obstacles demeurent encore nombreux et les résultats obtenus se révèlent jusqu’à présent décevants.

Le projet de loi dont nous sommes aujourd’hui saisis marque une nouvelle étape, en levant les obstacles juridiques et financiers à la mobilité des fonctionnaires.

Chacun aura bien compris que le Gouvernement nous propose, à travers ce texte, de placer la gestion des ressources humaines au cœur de la réforme de la fonction publique.

Il s’agit d’un enjeu majeur, compte tenu du rôle prépondérant que la fonction publique doit jouer dans le dynamisme et la compétitivité de la France.

De son organisation et de sa gestion dépend en effet la capacité de l’État, des collectivités locales et des autres organismes publics à exercer efficacement leurs missions, de manière à satisfaire non seulement les usagers du service public, mais également leurs agents.

Une fonction publique adaptée, c’est une fonction publique qui cesse de gérer des statuts et commence à « gérer des métiers, à savoir des hommes et des femmes, dont les idées et les compétences doivent circuler ».

Une fonction publique adaptée, c’est une fonction publique qui offre à ses agents des perspectives de carrière équivalentes à celles du secteur privé, en matière tant de rémunération que d’évolution de carrière.

Ce projet de loi apportera de réelles avancées, puisqu’il consacre un droit effectif au départ en mobilité, en assouplissant les conditions de détachement et d’intégration directe des fonctionnaires.

L’agent pourra en effet obtenir sa mobilité vers un autre corps, vers une autre fonction publique que sa fonction publique d’origine, ou vers le secteur privé, sans que l’administration puisse s’y opposer, sous réserve du respect d’un délai maximal de préavis de trois mois.

Ce texte offre également des outils financiers pour encourager la mobilité, en créant des primes pour ceux qui souhaiteraient changer de lieu ou d’administration d’affectation, et en instituant une indemnité de départ volontaire pour les agents désirant quitter la fonction publique afin de réaliser un projet personnel.

En conférant de nouveaux droits aux agents, ce projet de loi vise à permettre à ces derniers d’avoir la pleine maîtrise de leur parcours professionnel au sein de l’administration et à leur offrir ainsi de réelles opportunités de carrière.

Ces mesures me semblent particulièrement utiles et efficaces.

En effet, dans la perspective d’un allongement des carrières, il est impératif de diversifier les expériences des personnes, d’enrichir leurs compétences et de développer de vrais parcours professionnels.

Parallèlement, ce texte tend à imposer à l’administration de nouvelles obligations, notamment en matière de formation et de recherche d’activité.

L’administration aura aussi l’obligation de s’assurer du maintien du niveau de revenu de l’agent en cas de mobilité et, si besoin, de verser une indemnité. Elle sera tenue, dans le cadre d’un détachement, de prendre en compte les promotions obtenues précédemment dans l’administration d’origine. Elle devra également préparer, accompagner et aider l’agent, avant même la réorganisation effective d’un service, si celle-ci se traduit notamment par des suppressions de poste.

C’est tout le sens de la réorientation professionnelle prévue à l’article 7 du projet de loi, qui est destinée à favoriser la réaffectation d’un fonctionnaire de l’État dont l’emploi est susceptible d’être supprimé.

Là aussi, il s’agit d’une mesure efficace, qui permettra aux administrations d’accompagner les agents par la mise en œuvre d’actions de formation ou d’une reconversion professionnelle.

Dans ce cadre, l’administration établira, après consultation du fonctionnaire, un projet personnalisé d’évolution professionnelle visant à faciliter l’affectation de celui-ci dans un emploi correspondant à son grade, dans la fonction publique ou dans le secteur privé, ou à lui permettre de créer ou de reprendre une entreprise.

Le projet de loi a aussi pour objectif de créer les conditions permettant d’assurer la continuité et l’adaptation du service, d’une part, en autorisant le remplacement d’un fonctionnaire par le recours à l’emploi contractuel ou à l’intérim, d’autre part, en élargissant les possibilités de cumul d’emplois à temps non complet.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, un débat a eu lieu en commission des lois concernant le maintien de l’article 10 du projet de loi, lequel autorise le recours à l’intérim dans chacune des trois fonctions publiques.

Le texte prévoit en effet de légaliser le recours aux salariés intérimaires par les organismes publics pour pourvoir rapidement des emplois temporairement inoccupés ou pour faire face à un besoin ponctuel.

La commission des lois, sur l’initiative de son rapporteur, M. Hugues Portelli, a adopté un amendement de suppression de l’article 10, certains de nos collègues estimant que cette procédure pouvait être de nature à accentuer la précarité au sein de la fonction publique.

Je comprends les préoccupations légitimes de M. le rapporteur. Toutefois, l’évolution des administrations et l’obligation d’assurer la continuité du service public peuvent rendre nécessaire le recours à l’intérim de manière temporaire, lorsqu’il n’est pas possible de disposer de fonctionnaires.

Il s’agit de donner un outil supplémentaire à chaque administration, lorsqu’un service a un besoin immédiat compte tenu d’un surcroît ponctuel d’activité.

Il s’agit également de donner une base légale à ce recours, dans la mesure où l’intérim est souvent utilisé aujourd’hui dans la fonction publique hospitalière alors qu’aucun texte ne l’autorise, comme cela vient d’être rappelé.

C’est la raison pour laquelle je proposerai, avec un certain nombre des membres de la commission des lois, un amendement n° 22 visant à conserver le dispositif prévu à l’article 10, tout en l’encadrant mieux dans son objet et sa durée.

Il s’agit de préciser la durée des contrats de mission conclus par un employeur public, ainsi que les modalités de renouvellement de ces contrats, afin que ces règles soient spécifiques aux besoins de la fonction publique. Le recours à l’intérim pourra ainsi s’organiser dans un cadre juridique sécurisé.

Cet amendement équilibré, s’il était adopté, devrait permettre d’apaiser les inquiétudes exprimées par certains de nos collègues, tout en répondant au souhait du Gouvernement de rendre légal le recours à l’intérim dans la fonction publique. J’appelle donc l’ensemble de mes collègues du groupe UMP à le voter.

Le dernier volet du projet de loi comporte diverses dispositions de simplification, qui permettront d’accompagner cette réforme par un allégement des procédures de gestion des ressources humaines ou la mobilisation de nouveaux outils de gestion tels que la dématérialisation du dossier individuel du fonctionnaire.

L’adoption de ce projet de loi apportera de réelles avancées, non seulement pour le fonctionnement de nos administrations, mais aussi pour les besoins d’évolution de carrière des fonctionnaires qui les composent.

Ces mutations se font dans le bon sens. Elles tendent à rapprocher la gestion de la fonction publique de celle que connaissent les entreprises, c’est-à-dire une gestion toujours plus responsable, plus transparente et plus efficace.

Je me félicite, au nom du groupe UMP, de constater que ce projet de loi a pour ambition d’apporter un nouveau souffle dans la réglementation de la fonction publique. Pour l’ensemble de ces raisons, et sous réserve de ces observations, notre groupe votera ce texte.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion