Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 2 mars 2006 à 10h00
Égalité des chances — Article 4 ter

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

L'article L. 311-10 du code du travail dispose que « des maisons de l'emploi, dont le ressort, adapté à la configuration des bassins d'emploi, ne peut excéder la région ou, en Corse, la collectivité territoriale, contribuent à la coordination des actions menées dans le cadre du service public de l'emploi et exercent des actions en matière de prévision des besoins de main-d'oeuvre et de reconversion des territoires, notamment en cas de restructurations ».

Les maisons de l'emploi sont organisées, si l'on peut dire. Ainsi, aux termes de l'article L. 311-10-1 du code du travail, « les maisons de l'emploi peuvent prendre la forme de groupements d'intérêt public. Ces groupements associent obligatoirement l'État, l'Agence nationale pour l'emploi, les organismes mentionnés à l'article L. 351-21 et au moins une collectivité territoriale ou un établissement public de coopération intercommunale. Le groupement est administré par un conseil d'administration composé de représentants de ses membres constitutifs. Ce conseil élit son président en son sein. »

Pour mémoire, les dispositions de l'article L. 351-21 du code du travail concernent expressément les ASSEDIC.

Nous sommes en présence d'une extension de compétences, au demeurant toute relative, des maisons de l'emploi, qui constituent aujourd'hui, selon les éléments dont on dispose, cent vingt-six structures interinstitutionnelles réparties sur l'ensemble du territoire.

En l'espèce, il s'agit pour ces maisons de l'emploi de mener des actions d'information et de sensibilisation aux phénomènes de discrimination à l'embauche et dans l'emploi. Quelles formes cette sensibilisation peut-elle objectivement prendre ?

Sans préjuger le contenu des réunions d'information qui pourraient être organisées sur le sujet, force est de constater que cet article additionnel, qui, soulignons-le, n'a pas été débattu par l'Assemblée nationale, mais qui a été validé par l'application de l'article 49-3 de la Constitution, procède quelque peu du voeu pieux.

Vous voulez informer et sensibiliser les employeurs aux phénomènes de discrimination, monsieur le ministre. Mais, à qui fera-t-on croire qu'un employeur pratiquant de manière plus ou moins ouverte la discrimination répondra à l'invitation d'une maison de l'emploi ? Je doute qu'il ait la moindre envie de venir justifier en public son attitude.

De même, ceux qui seront informés et sensibilisés n'auront pas à reconnaître de telles pratiques. Tout au plus, seront-ils peut-être plus attentifs à quelques candidatures émanant de personnes souffrant de cette discrimination, sans que, cependant, leur stratégie d'embauche soit réellement modifiée.

À la vérité, l'information et la sensibilisation au sujet de ces questions est sans doute utile, mais c'est bien loin d'être nécessaire. Ce qui serait nécessaire, c'est de renforcer, pour une fois, les procédures, notamment juridiques, visant à pénaliser les pratiques discriminatoires. Le racisme, l'ostracisme, le refus d'embaucher tel ou tel demandeur d'emploi au motif de la consonance étrangère de son nom, de sa pigmentation, de son sexe - ne l'oublions jamais, les discriminations frappent singulièrement les femmes -, de sa supposée appartenance religieuse ou philosophique, se combattent avec des armes juridiques, avec des dispositions pénales qui soient à la hauteur du préjudice moral subi et des atteintes à la dignité dont souffrent les victimes.

Au demeurant, rien dans ce texte ne vient réellement combattre ces pratiques ; vous ne visez, monsieur le ministre, qu'à renforcer les pouvoirs de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, laquelle ne peut décemment pas se substituer à des procédures juridiques renforcées. Car il s'agit bien de cela, monsieur le ministre. Au-delà d'une insupportable atteinte à la dignité de la victime, la discrimination à l'embauche et dans l'emploi constitue une atteinte à l'ensemble du corps social. C'est en ce sens que nous devons renforcer les procédures juridiques qui sont offertes pour poursuivre les auteurs de discriminations.

Vous nous proposez donc ici, monsieur le ministre, une mesure sans portée normative.

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