Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 2 mars 2006 à 15h00
Égalité des chances — Article 7

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

L'article 44 sexies du code général des impôts dispose notamment : « Les entreprises soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et qui exercent une activité industrielle, commerciale ou artisanale au sens de l'article 34 sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés, à l'exclusion des plus-values constatées lors de la réévaluation des éléments d'actif, jusqu'au terme du vingt-troisième mois suivant celui de leur création et déclarés selon les modalités prévues à l'article 53 A. Dans les zones de revitalisation rurale mentionnées à l'article 1465 A, le bénéfice des dispositions du présent article est également accordé aux entreprises qui exercent une activité professionnelle au sens du 1 de l'article 92, ainsi qu'aux contribuables visés au 5° du I de l'article 35. Le contribuable exerçant une activité de location d'immeubles n'est exonéré qu'à raison des bénéfices provenant des seuls immeubles situés dans une zone de revitalisation rurale. Les bénéfices ne sont soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés que pour le quart, la moitié ou les trois quarts de leur montant selon qu'ils sont réalisés respectivement au cours de la première, de la seconde ou de la troisième période de douze mois suivant cette période d'exonération. »

La simple lecture des dispositions de cet article, pour le moins rébarbative, montre l'extrême complexité d'un dispositif dont aucune évaluation sérieuse ne permet de mesurer l'impact effectif sur la situation de l'activité économique et de l'emploi dans les zones prioritaires d'aménagement du territoire.

D'autant que les dispositions que je viens de citer sont suivies de trois autres paragraphes - II à IV - précisant les conditions d'application de l'article 44, notamment la structure juridique des entreprises bénéficiaires, le nombre et la qualité des entreprises exclues de l'application du dispositif, et le montant de l'aide maximale accordée à chaque entreprise.

Sur ce point, d'ailleurs, le maximum de réduction d'impôt sur les sociétés accordé aux entreprises assujetties s'élève à 25 000 euros par an.

Là encore, comme pour l'article 44 octies, cette aide, versée à partir du moment où l'entreprise dégage un résultat d'activité, pourrait sans doute être bien mieux utilisée.

L'affaire nous coûte aujourd'hui 170 millions d'euros en termes de dépense fiscale.

Un tel montant laisse donc escompter que 510 millions d'euros de base taxable sont, au mieux, délivrés de toute imposition. Avec un plafond de 75 000 euros par an, cela signifie que, dans le meilleur des cas, environ 70 000 entreprises implantées en zone prioritaire bénéficient de la disposition.

Si la moyenne de l'aide est plus faible - c'est probablement le cas -, ce sont au mieux 150 000 à 200 000 entreprises qui bénéficient de la mesure.

Mais plus le nombre est élevé, moins le montant de l'aide est important.

Allons jusqu'au bout de la réflexion : pour peu qu'une entreprise recueille 7 500 euros environ d'économie d'impôt, cela signifie qu'elle récupère concrètement l'équivalent du demi-salaire brut annuel - sans les cotisations sociales de la part patronale - d'un salarié payé au SMIC...

L'article 44 sexies est donc un dispositif complexe, de faible portée financière et dont l'effet de levier est particulièrement limité.

À dire vrai, l'impôt sur les sociétés est devenu tellement incompréhensible aujourd'hui qu'on s'interroge même sur la pertinence des choix qui ont pu être opérés en la matière depuis plusieurs années.

Ce sont en effet des dispositifs complexes, incompréhensibles, de véritables « usines à gaz » - pour reprendre l'expression de l'un de nos rapporteurs - qui ont été construites au fil des ans pour alléger, prétend-on, les contraintes fiscales pesant sur les entreprises et qui nuisent en fait à la parfaite lisibilité des textes.

Notons d'ailleurs, pour conclure, qu'en matière d'allégement de l'impôt sur les sociétés nous sommes en présence de mesures dont l'efficacité et la portée sont fort diverses et que les dispositions des articles 44 sexies et 44 octies n'ont rien à voir avec le régime des sociétés mères visé aux articles 223 A à 223 U du code général des impôts. Tout le monde suit

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