Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 2 mars 2006 à 15h00
Égalité des chances — Article 9

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

Comme nous l'avons dit, cet article 9 porte sur la question des exonérations de cotisations sociales patronales accordées aux entreprises qui viennent s'implanter dans les zones franches urbaines, c'est-à-dire les quatre-vingt-cinq de première et seconde générations et les quinze qui devraient s'ajouter dans le droit-fil de la promulgation éventuelle de cette loi et que nous ne connaissons toujours pas à cette heure avancée.

Trois quarts des salariés employés par les entreprises implantées dans ces zones franches sont aujourd'hui couverts par ce dispositif.

Compte tenu des éléments à disposition, on doit mettre en évidence, dans un premier temps, le fait que ce ne sont que 13 500 des 37 000 entreprises implantées en zone franche qui bénéficient du dispositif. En clair, près des deux tiers des établissements des ZFU ne font pas valoir leur droit à exonération, notamment au motif très simple qu'ils n'ont strictement aucun salarié et, plus marginalement, parce qu'ils sont dans des secteurs d'activité non éligibles.

À l'occasion de la discussion des articles précédents, nous avons déjà souligné notre circonspection sur le caractère parfaitement indépendant des entrepreneurs individuels dans les zones franches urbaines, surtout quand une bonne partie des entreprises concernées oeuvrent dans le secteur des services aux entreprises ou dans celui de la construction.

Mais le fait est que 68 600 emplois sont couverts par 13 500 établissements au milieu d'un ensemble de 37 000 entreprises et établissements. Cela montre assez le caractère fragile du développement économique des zones franches. Et la faiblesse des rémunérations moyennes, inscrite dans le taux de prise en charge des cotisations sociales, atteste de réalités pour le moins discutables.

Quels sont en effet les emplois qui peuvent être offerts par les entreprises implantées dans les zones franches urbaines ? On peut toujours arguer des niveaux de qualification globalement faibles des personnes à la recherche d'un emploi dans les ZFU et du fait qu'à la limite les emplois proposés correspondent à la réalité de la demande. Mais les éléments disponibles mettent en cause cette apparence.

En effet, la part des demandeurs d'emploi disposant d'une qualification égale ou supérieure au baccalauréat dans les zones urbaines sensibles augmente régulièrement et atteint aujourd'hui 30 % du total des demandeurs d'emploi de ces quartiers. Or, malgré ces réalités en forte évolution, les emplois proposés risquent peu à peu de répondre de moins en moins à la formation initiale des demandeurs d'emploi.

On nous objectera peut-être que la persistance d'un taux de chômage élevé parmi les personnes privées de toute qualification reconnue - cela concerne, entre autres, les jeunes sortis du système scolaire sans avoir obtenu de diplôme - pourrait motiver la pérennisation du dispositif de l'article 9. En clair, il faudrait proposer des emplois sous-qualifiés parce qu'ils correspondraient à la demande. Mais pouvons-nous raisonnablement concevoir un développement économique durable des quartiers fondé sur la généralisation et l'incitation à la création d'emplois sous-payés ?

De manière générale, la même observation vaut pour la politique de l'emploi dans ce pays.

Comme chacun le sait, nous consacrons près de 22 milliards d'euros de ressources fiscales à exonérer les entreprises de cotisations sociales sur les bas salaires, qui sont, le plus souvent, le cache-misère de la non-reconnaissance des qualifications réelles des salariés. Nous devons sans cesse nous demander si là n'est pas la source d'une partie essentielle des difficultés économiques de notre pays, d'autant que cette politique a des coûts induits - la prime pour l'emploi, par exemple - et pèse sur le niveau des recettes fiscales. Comment n'aurions-nous pas plus de 50% des personnes non imposables au titre de l'impôt sur le revenu avec une telle incitation à la réduction des rémunérations ?

Non, décidément, les zones urbaines sensibles ont besoin d'autre chose que de primes budgétaires et fiscales, primes qui les enfoncent un peu plus chaque jour dans la dérogation au droit commun et entraînent les habitants des quartiers concernés dans l'impasse des emplois sous-rémunérés.

Ne plus gaspiller l'argent public impose donc clairement de supprimer l'article 9 et, dans ce contexte, d'envisager un autre type de soutien au développement de l'activité économique. C'est le sens de cet amendement que nous vous invitons à adopter.

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