La Cour a indiqué que sa première tâche était de concilier ces deux versions, de façon que le but du traité soit bien atteint par les décisions prises sur la base de ces deux textes différents.
Pour avoir une analyse la plus exacte et la plus complète possible de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg, je ne peux mieux faire que de renvoyer celles et ceux d’entre vous qui sont intéressés par cette question aux conclusions présentées par l’avocat général Marc Robert devant la chambre criminelle de la Cour de cassation à propos d’un arrêt rendu le 15 décembre 2010.
Ces conclusions sont passionnantes parce qu’elles montrent bien l’évolution de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg.
La convention européenne des droits de l’homme prévoit des mesures relatives aux peines privatives de liberté et à la sûreté, visées à l’article 5, paragraphe 3, et des mesures relatives au droit à un procès équitable, visées à l’article 6, paragraphes 1 et 3.
L’article 5, qui traite des mesures privatives de liberté et de sûreté, exige, dans son paragraphe 3, que la personne arrêtée ou détenue soit présentée rapidement à une autorité judiciaire ou à un juge pour décider du maintien de la privation de liberté.
L’article 6, qui concerne le droit à un procès équitable, dispose, dans son paragraphe 1, que c’est le juge, au sens de juge du siège, qui est compétent pour statuer sur la vérification et le contrôle de la mesure privative de liberté.
La Cour européenne des droits de l’homme souhaite donc que ce soit un juge, au sens de juge du siège, qui soit compétent pour contrôler les mesures privatives de liberté non seulement dans le procès, mais également dans la procédure d’enquête. Or, sa jurisprudence a évolué vers une assimilation du magistrat au juge. Il en résulte que le magistrat du parquet français est disqualifié pour contrôler la mesure privative de liberté.
La Cour de Strasbourg s’appuie sur deux arguments. Le premier, secondaire, tient aux conditions de nomination des magistrats du parquet. Le second, essentiel, est que le parquet étant partie poursuivante, il n’est pas impartial. C’est là qu’apparaît la confusion entre les articles 5 et 6 de la convention européenne des droits de l’homme.
L’évolution de la jurisprudence a donc conduit la Cour à exclure tout contrôle fait par quelque autre autorité judiciaire qu’un juge, au sens de juge du siège selon le droit français.
Dès lors, la question qui se pose est de savoir quand doit intervenir le juge dans le contrôle de la garde à vue.
Dans le projet de loi qui vous est soumis, le Gouvernement se plie à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et admet que, si les membres du parquet sont des magistrats, ils ne sont pas des juges. D’ailleurs, si les parquetiers se reconnaissent comme des magistrats – j’y reviendrai dans quelques instants –, aucun n’a jamais revendiqué la qualité de juge.
Si l’on reprend toute la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, dont je vous ferai volontiers grâce en cet instant, l’on constate que la Cour, compte tenu de l’existence de deux versions différentes du traité faisant également foi, a créé un concept nouveau, le concept de promptitude, …