En fait, l’origine de ce concept remonte déjà à quelques années. Il s’agit pour la Cour de définir le moment à partir duquel le juge doit intervenir pour contrôler la garde à vue. Il n’y a pas de règle générale et l’appréciation se fait cas par cas. Toutefois, l’analyse de la jurisprudence montre que le délai d’intervention du juge n’est jamais inférieur à trois ou quatre jours.
Il en résulte – et la Cour le mentionne d’ailleurs dans trois arrêts –, que, en deçà de ce délai de trois à quatre jours, il appartient à chaque État d’organiser la garde à vue suivant son droit interne.
Le présent projet de loi respecte la jurisprudence européenne puisque la garde à vue sera contrôlée par un juge des libertés et de la détention dès la quarante-huitième heure. Il s’agit d’une garantie conventionnelle tirée de la mise en œuvre à la fois de la convention européenne des droits de l’homme et de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg.
Une fois ce délai de quarante-huit heures posé, la question est de savoir ce que l’on fait pendant les deux premières journées de la garde à vue. Le contrôle de la garde à vue doit-il être confié à un officier de police ou de gendarmerie ou bien à un magistrat ? Dans notre pays, la tradition veut que l’on confie le contrôle de la garde à vue à un magistrat, et ce pour une raison simple. Ainsi que le rappelle avec force le Conseil constitutionnel dans sa décision du 30 juillet 2010, dans notre pays, c’est l’autorité judiciaire – composée des magistrats du siège et du parquet – qui est la gardienne de la liberté individuelle, comme le prévoit d’ailleurs l’article 66 de la Constitution.
Pour le Gouvernement, en application de la Constitution et de la décision du Conseil constitutionnel, les membres du parquet sont des magistrats. Ils appartiennent à l’autorité judiciaire. En cette qualité, ils sont notamment chargés de veiller au respect de la liberté individuelle et, à ce titre, de contrôler la garde à vue dans les quarante-huit premières heures. Il appartient au procureur de la République de contrôler la mise en œuvre de la garde à vue et son exécution, et de décider d’une éventuelle première prolongation. Au-delà de la quarante-huitième heure, c’est le juge des libertés et de la détention qui prend le contrôle de la garde à vue.
Ce système offre à nos concitoyens une double garantie : une garantie conventionnelle tirée de la convention européenne des droits de l’homme et une garantie constitutionnelle issue de l’article 66 de la Constitution.
Nous sommes un des rares pays à offrir cette double garantie. La Grande-Bretagne, que l’on cite souvent en exemple, n’offre pas cette double garantie puisque c’est l’officier de police, haut gradé de la police, qui mène, dirige la garde à vue, laquelle peut d’ailleurs durer jusqu’à vingt-six jours.
Avec le présent projet de loi, nous opérons une réforme en profondeur de la garde à vue. Nous établissons un contrôle qui me paraît particulièrement efficace et qui tient compte de nos engagements internationaux. Ce contrôle allie le respect de la Constitution à celui de la convention européenne des droits de l’homme, et cette double garantie est essentielle.
Si le Sénat veut bien apporter sa pierre à la construction de ce texte – et je tiens en cet instant à remercier le président de la commission des lois, son rapporteur et tous ses membres pour la qualité du travail qu’ils ont accompli –, notre nouveau droit de la garde à vue deviendra, dans le concert des États qui ont signé la convention européenne des droits de l’homme, un des plus protecteurs des libertés constitutionnellement garanties. C’est en tout cas le travail auquel je vous invite.