Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 3 mars 2011 à 9h30
Garde à vue — Discussion d'un projet de loi

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

Les débats sur la garde à vue que nous avons eus ici même à trois reprises sur l’initiative de parlementaires ont montré combien le Gouvernement était résistant à toute réforme, alors que toutes les données étaient pourtant sur la table.

En effet, la France a été condamnée et, eu égard au nombre important de gardes à vue, l’opinion publique a fini par s’émouvoir, car elles peuvent toucher tout un chacun ; elle ne le faisait guère quand elle considérait que seuls les criminels étaient concernés !

En réalité, il y a matière à aller plus loin que ce qui est proposé tant par le Gouvernement que par la commission, d’ailleurs. Mais nous avons bien l’impression que vous n’y êtes pas décidés.

À l’origine, la garde à vue avait pour objet de garder les personnes interpellées en flagrant délit ou sur la base de charges résultant d’investigations le temps de leur déferrement devant le juge. Il est vrai que c’était une autre époque, durant laquelle les droits de la défense étaient moindres. Toutefois, force est de le constater, au fur et à mesure que les droits de la défense se sont accrus dans l’instruction, la garde à vue a été utilisée comme un élément de l’enquête à part entière sans défense. Elle était en quelque sorte la compensation imaginée par le pouvoir pour avoir, par l’intermédiaire du procureur et de la police, une procédure de nature à aboutir à l’aveu, qui était la pierre angulaire de toute la durée de l’instruction.

Il faut bien le dire, la garde à vue est employée comme un moyen d’intimidation. Au fil du temps, elle est devenue un indicateur de la performance en matière policière. Nous respectons la police républicaine, à telle enseigne que nous la défendons contre toute tentative de la dessaisir de ses prérogatives au profit de polices privées. Cela dit, on ne peut pas considérer que la performance qui vient de la hiérarchie et non pas de la police elle-même aboutit à la politique du chiffre que nous connaissons, et qui est d’ailleurs dénoncée non seulement par les professionnels de la justice, mais également par les services de police. En effet, nul n’ignore que les commissaires de police touchent des primes en fonction du nombre de gardes à vue réalisées dans leur commissariat !

Cette inflation répressive inscrite dans la politique pénale du Gouvernement explique en partie l’augmentation exponentielle du nombre de gardes à vue. Les chiffres ont déjà été communiqués, je n’y reviendrai pas. Cela étant, il est étonnant que certains, dont vous n’êtes pas, essaient par tous les moyens de les contester.

Quoi qu’il en soit, on a largement dépassé, en 2009, les 800 000 gardes à vue. À cela s’ajoute l’augmentation de la durée des gardes à vue : plus de 74 % d’entre elles durent plus de vingt-quatre heures. Avant d’être juridique, la banalisation de la garde à vue est donc politique.

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