Intervention de Virginie Klès

Réunion du 3 mars 2011 à 14h30
Garde à vue — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Virginie KlèsVirginie Klès :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour ma part, et je pense que cela ne vous étonnera pas, je ne partage pas vraiment l’optimisme de notre rapporteur quant à l’avenir et à l’évolution de ce projet de loi, qu’il a qualifié de largement imparfait, si tant est que cet avenir et cette évolution restent entre vos mains.

Il en aura fallu de l’énergie, de la volonté et même des condamnations pour en arriver là où nous en sommes : un tout petit pas pour l’Homme, comme pour la justice, en l’occurrence. Et pourtant, on ne demandait pas la lune !

Pourquoi agit-on toujours contraint et forcé, une fois le dos au mur ? Car vous avez été sourd et aveugle à toutes les propositions, qu’elles émanent de l’opposition ou parfois même des rangs de votre majorité, mais aussi des professionnels, quel que soit le texte et quelle que soit la réforme.

Oui, mille fois oui, ce texte est nécessaire, indispensable. La gauche et d’autres le disent et le répètent, et ce sans avoir attendu la condamnation de la Cour européenne des droits de l’homme ni l’avis du Conseil constitutionnel.

Oui, mille fois oui, les officiers de police judiciaire, tous les intervenants au sein de la justice sont aujourd’hui d’accord pour travailler mieux ensemble. Et vous le savez !

Tout changement proposé suscite au départ des inquiétudes, ce qui est normal. Mais si ce changement annoncé est accompagné d’une vraie concertation et d’un vrai débat avec les professionnels concernés, s’il est expliqué, voire amendé à l’écoute des propositions des acteurs et des intervenants, il fera l’objet d’un réel consensus et deviendra pleinement efficace.

Oui, mille fois oui, les principes énoncés sur le papier sont indispensables. Mais, tels qu’ils sont énoncés, seront-ils efficaces ? Seront-ils applicables ? Seront-ils appliqués ? Certains, oui, sans doute : je pense à la notification du droit de se taire, à la disparition de certaines fouilles humiliantes, à la possibilité de faire avertir son entourage, au fait de ne plus être condamné sur la base de simples aveux, notamment obtenus sans l’intervention de l’avocat.

Mais qu’en sera-t-il des autres mesures ? Pour ma part, je doute fortement de leur application.

Quelles sont les raisons de ce nouveau ratage ?

C’est, monsieur le garde des sceaux, la manière de gouverner du gouvernement auquel vous appartenez, certes depuis peu, et de la majorité, à laquelle vous appartenez depuis un bon moment : agir dans l’immédiateté, avec un calendrier uniquement lié aux échéances électorales et aux faits divers.

Je le répète, vous n’engagez des réformes que contraints et forcés, une fois que vous avez le dos au mur. Quand on n’a plus le temps d’avoir un réel débat ni de mener une vraie concertation, on n’est plus dans le calendrier de la Politique avec un « p » majuscule. Celle-ci doit se faire sur le long terme, surtout quand on touche aux structures mêmes de notre société et de notre démocratie, surtout quand on touche à la justice et à la sécurité.

Nous attendions une réforme du code de procédure pénale. Il nous vient un texte réducteur, un texte d’affichage. Chacun le sait ici, pas grand-chose de concret, malheureusement, n’en sortira.

Le Gouvernement et le Président de la République, en particulier, ont ce véritable don de transformer tout ce qui aurait dû être une grande réforme, fondatrice de nouveaux liens sociaux, en de « petits textes minimalistes à visée électorale ou de mise en conformité apparente ».

Le Gouvernement et le Président de la République, en particulier, ont ce véritable don de transformer tout ce qui aurait dû être un débat de fond, un débat d’idées, un débat de société, en affichage de réformes, en affrontements interinstitutionnels, les uns étant montés contre les autres et chacun à tour de rôle.

Sait-on assez que l’assistance de l’avocat au gardé à vue est rendue tellement obligatoire en Turquie qu’aucune déposition faite en dehors de la présence d’un avocat ne peut être versée au dossier de l’instruction sans confirmation par la personne des faits incriminés ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion