Intervention de Michel Mercier

Réunion du 3 mars 2011 à 14h30
Garde à vue — Suite de la discussion d'un projet de loi

Michel Mercier, garde des sceaux :

… en prenant sa défense. La démocratie peut être apaisée, mesdames, messieurs les sénateurs. On peut se dire les choses, mais il faut tout mettre sur la table.

De même, la loi du 4 mars 2002, défendue par Mme Lebranchu, tout en maintenant le report de l’intervention de l’avocat pendant deux jours dans les deux matières précitées, facilitait le placement en garde à vue en exigeant non plus des « indices » de culpabilité, mais des « raisons plausibles » ; elle donnait un délai de trois heures aux enquêteurs pour mettre en œuvre le droit du gardé à vue d’informer un proche ou d’être examiné par un médecin.

Si je rappelle ces faits, ce n’est pas pour critiquer mes prédécesseurs, c’est simplement pour montrer que ces affaires sont complexes, demandent réflexion et doivent nous conduire à analyser dans le détail ce que veut la Cour de Strasbourg.

Les récentes décisions ne mettent pas le Gouvernement le dos au mur ; elles permettent de connaître clairement les exigences constitutionnelles et conventionnelles, éclairant ainsi le Gouvernement et le Parlement sur le contenu de la réforme.

Le Gouvernement s’est astreint à intégrer dans ce texte l’ensemble des décisions du Conseil constitutionnel, de la Cour de Strasbourg et de la chambre criminelle de la Cour de cassation, ce qui n’était pas toujours chose facile.

De nombreux orateurs ont soulevé la question de l’encadrement de la garde à vue par la fixation d’un seuil minimal d’emprisonnement encouru. Le rapporteur a également expliqué la raison pour laquelle la commission avait écarté cette formule, et je partage son point de vue. MM. Mézard et Anziani, Mme Borvo Cohen-Seat, souhaitent instaurer un seuil – un an, trois ans, cinq ans, suivant les cas – en deçà duquel la garde à vue serait impossible.

La commission des lois du Sénat a eu raison de ne pas retenir ces propositions, qui auraient conduit à priver les enquêteurs d’un moyen d’enquête essentiel, même s’il ne doit pas être banalisé.

Comme l’a très justement souligné M. Pillet, l’article 1er du texte comporte une définition de la garde à vue selon des critères précis, ce qui est nouveau et important.

Plusieurs d’entre vous considèrent que ce projet de loi ne nous permet pas de nous mettre en conformité avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

Je me suis longuement expliqué sur ce point dans mon intervention liminaire et j’aurai l’occasion d’y revenir au moment de la discussion des articles. Je rappellerai simplement que la France n’a jamais été spécifiquement condamnée pour une garde à vue réalisée sous le contrôle du parquet, comme l’a souligné M. Pillet. Cela ne signifie pas pour autant qu’il n’y a pas de problème.

Je l’ai dit dans mon intervention liminaire et je le répète à Mme Alima Boumediene-Thiery, dont l’extrême sévérité l’a entraînée bien au-delà de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg : le procureur n’est pas une « autorité judiciaire », au sens de la Cour européenne des droits de l’homme.

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