Je vous remercie de me laisser parler !
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 30 juillet dernier, a rappelé le texte de la Constitution : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. » C’est l’habeas corpus. « L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi. » Or l’autorité judiciaire est composée des magistrats du siège et du parquet, un point, c’est tout.
Nous avons donc fait le choix clair, et je pense que c’est un bon choix, de faire confiance au procureur, parce qu’il est un magistrat. §Madame, je peux entendre tout et son contraire, mais ne pas vouloir reconnaître le bien-fondé de ce raisonnement, c’est s’enfermer dans l’aveuglement.
Je rappelle que, en Grande-Bretagne, par exemple, le contrôle de la garde à vue est confié exclusivement à un officier de police pendant toute la durée de la mesure, qui peut atteindre, dans certains cas très spécifiques – ce n’est pas la règle –, jusqu’à vingt-six jours. Honnêtement, en termes de garantie des droits, notre situation est bien meilleure.
L’article 55 de la Constitution nous oblige, c’est tout à fait vrai, je l’admets, à introduire dans notre droit la jurisprudence de la Cour de Strasbourg. Tel est notre système, très particulier et différent de celui d’autres États européens. À cet égard, sachez que le Parlement britannique a rappelé voilà quelques jours la souveraineté absolue de la Chambre des communes face à la Cour de Strasbourg. Cette décision peut être discutée, mais force est de constater qu’elle a été votée par le Parlement anglais.
En France, nous savons depuis bien longtemps, grâce à Carré de Malberg, probablement parce qu’il a été professeur à Strasbourg, que le parlementarisme absolu est dépassé.
Nous disposons de deux garanties, l’une conventionnelle, l’autre constitutionnelle, ce qui nous place parmi les meilleurs pour ce qui est de la garde à vue.
Je ne reviendrai pas sur ce tout ce qui a été dit, mais je tiens à remercier les orateurs qui ont bien voulu reconnaître que ce texte contient des avancées, même s’il n’est pas parfait. La perfection absolue n’existe pas. L’important est de progresser.
Un nouvel équilibre est atteint, c’est une avancée, entre les exigences de l’enquête – trouver les responsables des crimes et des délits – et le respect des libertés fondamentales. Il nécessite de véritables efforts de la part des forces de gendarmerie et de police. Je tiens d’ailleurs ici à leur rendre hommage, car nous avons besoin d’elles. Il ne s’agit pas de les désarmer, et personne ne l’a proposé d’ailleurs, je le reconnais bien volontiers. Aujourd'hui, avec ce texte, nous nous adressons aussi à elles.
Des évolutions sont nécessaires. La présence de l’avocat dès la première minute constitue un changement fondamental. Nombre d’entre vous ont évoqué les moyens nécessaires pour rémunérer les avocats. Je sais parfaitement que ce problème est posé et qu’il doit être résolu.
Pour diverses raisons, les négociations sur cette question n’ont pas pu être entamées avant le vote du texte par l’Assemblée nationale. Des premiers contacts ont été pris, nous en aurons d’autres. Il nous faudra également trouver des modalités techniques. Comme beaucoup d’entre vous, je suis très opposé à tout regroupement des gardés à vue. Toutes les brigades de gendarmerie doivent être des brigades de plein exercice, avec donc chacune leurs officiers de police judiciaire.
Je suis ouvert à toutes modifications techniques. Aujourd’hui, le choix de l’avocat est libre. En revanche, le paiement de l’aide judiciaire ne l’est pas. Je suis prêt à négocier avec les barreaux afin de trouver un système efficace. Il doit être possible de choisir un avocat même à quelques kilomètres au-delà des limites du ressort, pourvu qu’il soit plus proche de la gendarmerie concernée qu’un autre de ses confrères du chef-lieu d’arrondissement ou d’une grande ville. S’il faut trouver de nouvelles modalités techniques, nous les trouverons. Je suis ouvert à de telles mesures.
Je sais parfaitement que les avocats doivent parfois parcourir des centaines de kilomètres pour assister un gardé à vue, mais, madame Klès, très honnêtement, de Rennes à Redon, il y a une deux fois deux voies, et le trajet est un plaisir toujours renouvelé !