Intervention de Michel Mercier

Réunion du 3 mars 2011 à 14h30
Garde à vue — Demande de renvoi à la commission

Michel Mercier, garde des sceaux :

Il est exact que notre droit progresse selon un long chemin ; tous les gouvernements ont tenté d’apporter leur pierre à l’édifice. Vous regrettez, monsieur Badinter, que le Sénat n’ait pas voté l’exception d’inconstitutionnalité en 1990 : nous pouvons toujours nous consoler en nous disant que, pour notre part, nous l’aurions fait si nous avions été sénateurs à l’époque. En tout cas, nous ne pouvons que nous réjouir de l’introduction de l’exception d’inconstitutionnalité dans notre droit, quels qu’en aient été les promoteurs.

La situation est analogue s’agissant du statut des magistrats. Sur ce point, j’ai trouvé vos propos quelque peu sévères. Longtemps, la nomination des magistrats du siège par le Gouvernement n’a été soumise qu’à un avis simple du Conseil supérieur de la magistrature. Ce n’est qu’en 1993 que Pierre Méhaignerie, alors garde des sceaux, a décidé que cet avis devrait être conforme.

Quant aux magistrats du parquet, leur nomination est désormais soumise à un avis simple du CSM. Il ne s’agit donc pas d’un avis conforme, certes, mais, jusqu’à présent, je ne suis jamais allé à l’encontre d’un avis du CSM. Je ne prétends nullement qu’il en ira toujours de même à l’avenir, mais dès lors que le CSM sera composé différemment, qu’il jouira d’une plus grande indépendance et ne sera plus présidé par le Président de la République ou par le garde des sceaux, ses avis sur la nomination des magistrats du parquet, qui seront plus largement rendus publics qu’ils ne le sont à ce jour et pourront être, s’il le souhaite, motivés, auront plus de poids. Le pouvoir exécutif sera nécessairement amené à en tenir compte, nous le savons bien, vous comme moi.

Je ne prétends pas que le présent projet de loi soit parfait – la perfection n’existe d’ailleurs pas –, néanmoins il permettra d’établir un équilibre nouveau entre deux exigences essentielles : la sûreté et la liberté.

Dès lors que l’avocat sera présent dès le début de la garde à vue, la valeur probante de l’enquête conduite au cours de celle-ci par l’officier de police judiciaire s’en trouvera renforcée. C’est en tout cas ma conviction. Il ne faut donc pas opposer les officiers de police judiciaire aux avocats.

Nous pourrions longuement discuter les termes de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, et sans doute ne manquerons-nous pas de le faire au cours du débat. Néanmoins, nous nous accorderons certainement sur un point : cette jurisprudence, au fil de son évolution, tend à étendre la notion de procès équitable – et donc de juge –, non seulement au procès lui-même, mais à l’ensemble de la procédure qui peut conduire à celui-ci. Vous n’avez pas dit autre chose, monsieur Badinter, lorsque vous nous avez expliqué que l’on se devait d’appliquer à la garde à vue les règles du procès équitable.

Toutefois, cela ne correspond pas au droit français et telle n’était pas nécessairement, en outre, la volonté des signataires de la Convention européenne des droits de l’homme. Sinon, pourquoi auraient-ils établi une distinction entre les mesures qui précèdent le procès, figurant à l’article 5, et celles qui concernent le procès, inscrites à l’article 6 ?

Que la jurisprudence de la Cour de Strasbourg ait connu des évolutions, c’est évident, mais je soutiens que le présent projet de loi se situe dans le droit fil de celle-ci.

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