L’article 1er A du projet de loi, qui résulte de l’adoption par l’Assemblée nationale d’un amendement du Gouvernement, vise à modifier l’article préliminaire du code de procédure pénale en prévoyant que, « en matière criminelle et correctionnelle, aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le seul fondement de déclarations qu’elle a faites sans avoir pu s’entretenir avec un avocat et être assistée par lui ».
À juste titre, M. le rapporteur a fait adopter un amendement tendant à préciser que cela implique à la fois que la personne en question ait pu s’entretenir avec son conseil et qu’elle ait été assistée par lui.
Cette précision est très importante, car elle souligne la nécessité que l’assistance de l’avocat soit organisée de telle sorte qu’elle permette à ce dernier d’assurer une défense effective des droits de son client, conformément à la jurisprudence européenne.
En revanche, la commission, en choisissant de maintenir l’adjectif « seul », prive dans une large mesure l’article 1er A de sa portée vertueuse.
En effet, comme le relève le rapport sans en tirer les conséquences, une telle rédaction revient à admettre que les déclarations d’une personne mise en cause qui n’aurait pas bénéficié du droit essentiel d’être assistée d’un avocat puissent néanmoins corroborer des preuves.
L’article 1er A tend à inscrire dans la loi que des déclarations incriminantes faites hors la présence d’un avocat peuvent faire partie intégrante du processus conduisant à prononcer une condamnation. Il n’impose pas que les déclarations recueillies dans le cadre d’une procédure irrégulière soient écartées des débats ; il prévoit seulement qu’aucune condamnation ne pourra être prononcée contre une personne sur leur seul fondement, ce qui constitue une différence substantielle au regard des droits de la défense. Certains avocats ont d’ailleurs exprimé leurs craintes que cet article ne soit utilisé pour éviter la nullité de la procédure.
Dernièrement, la chambre criminelle de la Cour de cassation a considéré que, bien qu’une garde à vue hors l’assistance d’un avocat ne puisse être annulée avant le 1er juillet 2011, les éléments recueillis lors de l’interrogatoire d’une personne n’ayant pas eu accès à un avocat ne peuvent constituer des éléments de preuve suffisants pour fonder une condamnation. Ainsi, si la procédure ne peut être annulée, du moins les éléments recueillis en violation de droits qui devraient être immédiatement garantis ne peuvent servir de preuves.
Cela étant dit, pour la période postérieure au 1er juillet 2011, nous estimons nécessaire, au regard des exigences européennes et dans l’intérêt du justiciable, de revoir la rédaction de l’article 1er A. En effet, l’arrêt Salduz contre Turquie stipule qu’ « il est en principe porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense lorsque des déclarations incriminantes faites lors d’un interrogatoire de police subi sans assistance possible d’un avocat sont utilisées pour fonder une condamnation ».
Toute déclaration faite hors la présence d’un avocat implique donc une violation substantielle des droits de la défense, qui doit conduire à une annulation de la condamnation. Non seulement l’atteinte aux droits de la défense est irrémédiable, mais elle doit s’étendre à l’ensemble de la procédure.