Intervention de François Zocchetto

Réunion du 3 mars 2011 à 14h30
Garde à vue — Article 1er A, amendements 14 2

Photo de François ZocchettoFrançois Zocchetto, rapporteur :

Il s’agit d’une question importante, qui a donné lieu à de longs débats à l’Assemblée nationale.

Les amendements n° 14 et 2 rectifié, bien que formulés de manière différente, ont les mêmes effets et appellent les mêmes observations.

L’article 1er A prévoit qu’aucune condamnation ne doit reposer sur le seul fondement de déclarations faites hors la présence d’un avocat. En d’autres termes, cet article admet que des déclarations recueillies dans ces conditions puissent être prises en compte dès lors qu’elles sont complétées par d’autres preuves. Il faut le dire clairement, même si ce n’est pas écrit.

Les auteurs des amendements n° 14 et 2 rectifié entendent retirer toute valeur probante aux déclarations faites hors la présence de l’avocat, même si elles sont corroborées par d’autres preuves. Une telle modification du dispositif s’imposerait, selon eux, au vu de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et de deux arrêts récents de la Cour de cassation. La commission ne suivra pas ce raisonnement pour quatre raisons.

Premièrement, dans l’arrêt Yoldas contre Turquie du 23 février 2010, la Cour européenne des droits de l’homme semble admettre que des déclarations, mêmes faites hors la présence d’un conseil, peuvent être prises en compte à la condition qu’elles soient étayées par d’autres éléments de preuve.

La Cour de cassation, quant à elle, a précisé que, même si c’est à tort que des cours d’appel ont prononcé la nullité de la garde à vue avant la mise en œuvre de la réforme, les arrêts n’encourent pas la censure dès lors qu’ils ont pour seule conséquence que « les actes annulés n’ont pas constitué des éléments de preuve fondant la décision de culpabilité du prévenu ». La Cour de cassation ne s’est donc pas prononcée sur le cas où les éléments recueillis au cours de la garde à vue auraient été étayés par d’autres preuves.

Deuxièmement, la suppression du mot « seul », monsieur Gautier, risquerait de fragiliser beaucoup de procédures. Ainsi, on peut se demander si des éléments de preuve tout à fait objectifs identifiés à partir des déclarations faites hors la présence de l’avocat pourraient être pris en compte. La suppression du mot « seul » serait ainsi source d’un nombre considérable de nullités.

Troisièmement, l’article 1er A marque d’ores et déjà un progrès réel et tangible par rapport au droit en vigueur, chacun en conviendra. Cet article constitue une garantie très appréciable, en particulier – nous aurons l’occasion d’y revenir – dans l’hypothèse, prévue par l’article 7, où le procureur de la République aura différé l’assistance de l’avocat lors des auditions.

Quatrièmement, la commission des lois a amélioré la disposition issue des travaux de l’Assemblée nationale, afin d’indiquer que la valeur probante des déclarations de la personne implique qu’elle ait pu s’entretenir avec son conseil et qu’elle ait pu être assistée par lui. Nous avons rendu ces deux conditions cumulatives.

Pour l’ensemble de ces raisons, l’avis de la commission est défavorable sur les amendements n° 14 et 2 rectifié.

Quant à l’amendement n° 68, il me semble être plutôt en retrait par rapport au texte que nous examinons. Par ailleurs, sa rédaction est directement inspirée du droit anglo-saxon : je ne suis pas sûr qu’il soit très opportun d’inscrire dans notre droit le terme d’« auto-incrimination ». La situation du gardé à vue nous paraît beaucoup mieux garantie par la notification du droit à garder le silence reconnu par la nouvelle rédaction du code de procédure pénale proposée.

En conséquence, la commission a également émis un avis défavorable sur l’amendement n° 68.

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