Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 3 mars 2011 à 14h30
Garde à vue — Article 1er

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

En présentant, dans un premier temps, une définition de la garde à vue et une série de conditions régissant le recours à celle-ci, l’article 1er donne l’illusion d’une avancée significative. Mais en confiant, dans un second temps, le contrôle de la garde à vue au procureur de la République, il témoigne de votre obstination, monsieur le garde des sceaux…

L’article 1er, en énumérant les conditions du placement en garde à vue, semble dresser un rempart contre d’éventuels abus de pouvoirs, ce qui peut de prime abord paraître satisfaisant. Mais une mise en perspective permet vite de se rendre compte qu’il s’agit d’un simple trompe-l’œil. En effet, l’objectif affiché est de « maîtriser le nombre des gardes à vue, en constante augmentation depuis plusieurs années ». Dans cette optique, la limitation du champ d’application de cette mesure aux seules infractions punies d’une peine d’emprisonnement est présentée comme une innovation majeure. Mais cette affirmation est fallacieuse, dans la mesure où les infractions qui ne sont pas punies d’une peine d’emprisonnement sont très peu nombreuses.

De plus, n’oublions pas que l’application de la théorie des apparences permettra aisément de valider le recours à une garde à vue lorsque, au moment des faits, les circonstances rendaient vraisemblable la commission d’une infraction punie d’une peine d’emprisonnement.

Ainsi, à la lecture des premiers alinéas de l’article 1er, on constate que « la maîtrise du nombre de garde à vue » souhaitée est bien loin d’être acquise et que les libertés individuelles, auxquelles nous sommes attachés, n’en ressortent malheureusement pas renforcées.

Quant aux derniers alinéas de l’article, ils démontrent votre obstination, monsieur le garde des sceaux.

Lors de la tenue de la conférence annuelle des bâtonniers, le 28 janvier dernier, vous avez réaffirmé votre position sur la question du contrôle des gardes à vue par le parquet. Vous avez alors indiqué à une assemblée experte en la matière que votre lecture des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, du Conseil constitutionnel et de la Cour de cassation était la bonne. Si vous êtes parvenu à vous persuader que le texte, en l’état, est conforme à l’ensemble des principes rappelés dans ces décisions, force est de constater que vous ne réussissez pas à en convaincre vos interlocuteurs.

Vous vous obstinez néanmoins dans votre choix de confier le contrôle de la garde à vue au parquet, lequel serait, selon vous, une autorité judiciaire indépendante et impartiale, quoi qu’en pense la Cour de Strasbourg. Aux termes des arrêts Medvedyev c. France et Moulin c. France, ce contrôle devrait être confié à un juge du siège. Que la chancellerie l’accepte ou non, le message est parfaitement clair ! Il n’est pas satisfaisant que le contrôle de la garde à vue soit laissé, pour les premières quarante-huit heures, au procureur de la République.

Avec le soutien des magistrats et des avocats, nous continuerons à porter ce combat, car il est pour nous déroutant que le procureur de la République, pourtant partie au procès, puisse être le garant des droits reconnus à la personne gardée à vue.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion