Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 3 mars 2011 à 14h30
Garde à vue — Article 1er

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

Dans le droit fil des très pertinentes observations de M. Badinter, nous souhaitons que l’officier de police judiciaire qui décide le placement en garde à vue soit placé sous le contrôle du juge des libertés et de la détention.

La difficulté tient à la définition de l’autorité judiciaire. Pour la Cour européenne des droits de l’homme, la réponse est claire : la notion autonome de magistrat, dont découle celle d’autorité judiciaire au sens de l’article 5, paragraphe 3, de la Convention européenne des droits de l’homme, est garantie à la fois par l’impartialité et par l’indépendance à l’égard de l’exécutif. Toujours selon la CEDH, le statut du parquet français ne remplit pas cette seconde condition, comme elle l’a rappelé très clairement dans l’arrêt Moulin c. France du 23 novembre 2010.

Dans ces conditions, la référence à l’autorité judiciaire comme autorité de contrôle de la garde à vue est clairement insuffisante. En outre, comment le parquet pourrait-il exercer un contrôle sur quelque 800 000 gardes à vue ? Nous savons tous ce qu’il en est à cet égard…

L’article préliminaire du code de procédure pénale dispose que « les mesures de contrainte dont [une] personne peut faire l’objet sont prises sur décision ou sous le contrôle effectif de l’autorité judiciaire ».

Or, pour le Gouvernement, le parquet est une autorité judiciaire. Mais c’est bien parce que le parquet est placé sous l’autorité hiérarchique de la chancellerie qu’il est à nos yeux impossible qu’il puisse contrôler la garde à vue. Ce contrôle ne saurait, en effet, se limiter aux seules nécessités de l’enquête ; il doit aussi concerner l’appréciation du respect de l’indispensable équilibre entre l’action des forces de l’ordre et les droits de la personne privée de liberté. Or, comme l’a rappelé M. Badinter, le procureur de la République est, par définition, partie à l’enquête. C’est bien ce qu’a jugé la Cour de cassation dans son arrêt du 15 décembre 2010, aux termes duquel c’est à tort que la chambre d’instruction a retenu que le ministère public est une autorité judiciaire au sens de l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme, alors qu’il ne présente pas les garanties d’indépendance et d’impartialité requises par ce texte et qu’il est partie poursuivante.

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