La garde à vue est une mesure de contrainte décidée par un officier de police judiciaire sous le contrôle de l’autorité judiciaire, cette dernière étant composée, aux termes de la Constitution, de magistrats du siège et de magistrats du parquet, comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 30 juillet 2010.
Le texte, tel qu’il est rédigé, précise que c’est d’abord le procureur qui intervient, au cours des quarante-huit premières heures de la garde à vue, puis un magistrat du siège. Ces deux magistrats appartiennent bien à l’autorité judiciaire.
La lecture de l’arrêt rendu le 15 décembre 2010 par la chambre criminelle de la Cour de cassation dans l’affaire Creissen montre parfaitement que nous nous conformons à la position des hauts magistrats de ce pays : le procureur de la République n’est pas, n’a jamais été et ne prétend pas être une autorité judiciaire indépendante au sens de l’article 5-3 de la Convention européenne des droits de l’homme, mais le fait qu’il dirige la garde à vue durant les premières heures n’a pas pour conséquence de rendre illégale cette dernière. En effet, l’arrêt n’encourt pas la censure dès lors que le demandeur a été libéré à la suite d’une privation de liberté d’une durée compatible avec l’exigence de brièveté imposée par le texte conventionnel.
J’ai veillé à ce que la rédaction de la disposition soumise à la Haute Assemblée respecte parfaitement l’arrêt en question de la chambre criminelle de la Cour de cassation, ainsi que les jurisprudences du Conseil constitutionnel et de la CEDH. Nous avons consenti de gros efforts à cette fin ! Le procureur, membre de l’autorité judiciaire, interviendra durant les premières heures de la garde à vue, et le juge des libertés et de la détention à partir de la quarante-huitième heure. Dans les deux cas, c’est toujours l’autorité judiciaire qui exerce le contrôle.
Je conclurai, monsieur Mézard, sur l’indépendance du parquet. J’entends fréquemment dire que le parquet est soumis au garde des sceaux et que, par conséquent, les procureurs lui obéissent.
Peut-être suis-je un peu naïf, voire benêt, mais depuis que j’occupe les fonctions de garde des sceaux, je n’ai pas encore vu un procureur qui m’obéisse ! D’ailleurs, je ne leur ai jamais rien demandé, sinon d’appliquer la loi.
J’observe que c’est sous un gouvernement issu de la même majorité qu’aujourd’hui, dont le garde des sceaux était d’ailleurs centriste, que l’autonomie des magistrats, spécialement celle des membres du parquet, a progressé. C’est en effet M. Méhaignerie qui, en 1993, a défini comment s’exerçait l’autorité de l’exécutif sur le parquet : le ministre de la justice peut adresser des instructions générales aux procureurs généraux ; dans des affaires particulières, il peut, s’il le souhaite, donner des instructions écrites, qui sont versées au dossier. Je m’inscris pleinement dans cette lignée.
Les procureurs de la République ont toute latitude lorsqu’ils mènent l’action publique. La seule règle est l’obéissance à la loi. Cette règle, tous les magistrats de ce pays la respectent, c’est pourquoi je les défends toujours quand ils sont attaqués. Ils appliquent la loi telle que le Parlement l’a votée, dans toute sa rigueur et son exigence.