Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 3 mars 2011 à 14h30
Garde à vue — Article 1er

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

L’alinéa 3 de l’article 1er prévoit que « la garde à vue est une mesure de contrainte décidée par un officier de police judicaire, sous le contrôle de l’autorité judiciaire, par laquelle une personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement est maintenue à la disposition des enquêteurs ».

Compte tenu de sa nature, la garde à vue doit rester une mesure exceptionnelle. Ce principe est fondamental, mais, pour l’heure, avec quelque 800 000 gardes à vue par an, il n’est guère respecté… Dans cette perspective, il nous semble préférable de prévoir que les raisons de soupçonner la personne devront être « sérieuses », l’adjectif « plausibles » ne paraissant pas assez fort. Il renvoie au champ lexical du vraisemblable, sinon du possible. À l’évidence, ce n’est pas suffisant pour garantir que le placement en garde à vue aura bien un caractère exceptionnel, surtout si le texte devait être adopté en l’état, c’est-à-dire si le recours à cette mesure devait être autorisé pour toute infraction passible d’une peine d’emprisonnement.

Nous souhaitons renforcer les critères de la garde à vue, sans toutefois faire peser de contraintes excessives sur les enquêteurs. Il nous apparaît donc indispensable que la garde à vue ne puisse être décidée qu’au vu d’éléments suffisamment sérieux, en d’autres termes beaucoup plus importants que ce que prévoit aujourd’hui le texte.

Certes, l’adjectif « plausible » figure aussi dans la loi Lebranchu de 2002 ou à l’article 5, paragraphe 1 c), de la Convention européenne des droits de l’homme. Mais nous rappelons que le paragraphe 3 de ce même article 5 de ladite convention précise bien qu’une personne détenue dans ces conditions « doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable ».

Or, en l’état, l’article 1er du projet de loi confie au procureur de la République le contrôle de la garde à vue, alors que la Cour européenne des droits de l’homme, dans son arrêt Moulin c. France du 23 novembre dernier, a dit que le procureur ne pouvait être considéré comme un « magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires ».

Dans ces conditions, il nous paraît important de relever le niveau des critères du placement en garde à vue.

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