Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 3 mars 2011 à 14h30
Garde à vue — Article 1er

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

Tout le monde semble souhaiter une diminution du nombre des gardes à vue, celles-ci ayant concerné, en 2008, 1 % de la population…

Cette dérive tout à fait inquiétante tient, bien entendu, à l’aggravation des sanctions pénales et au contexte politique, caractérisé par un discours sécuritaire et la mise en œuvre d’une politique du chiffre.

Dans ce contexte légal et politique, la rédaction du projet de loi ne nous semble pas suffisante pour atteindre l’objectif affiché par le Gouvernement, et partagé par tous, de réduire le nombre des gardes à vue.

Je voudrais plus particulièrement m’attarder sur la condition définie à l’article 62-3 du code de procédure pénale, qui prévoit que, pour pouvoir être placée en garde à vue, la personne doit être « soupçonnée d’avoir commis un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement ».

Comme le note très justement le Syndicat de la magistrature, cette disposition, présentée par le Gouvernement comme un gage de réduction du nombre des gardes à vue, aura en réalité une portée très limitée. En effet, seules 7 % des condamnations délictuelles prononcées le sont pour des infractions qui ne sont pas punies d’une peine d’emprisonnement. Force est donc de constater que le nombre de procédures concernées est minime ! D’ailleurs, les officiers de police judiciaires appliquent déjà cette règle dans la pratique.

Nous proposons de relever à trois ans le quantum de peine en deçà duquel il est impossible de placer une personne en garde à vue. Nous sommes parfaitement conscients des éventuels effets pervers que pourrait avoir l’instauration d’un tel seuil, eu égard notamment à la possibilité de voir rehausser, à terme, les peines encourues pour certaines infractions ou encore de constater un recours systématique à une « surqualification de la peine ».

Nous sommes également tout à fait conscients de l’inadaptation de l’échelle des peines, compte tenu de l’aggravation sécuritaire, qui a entraîné un alourdissement des peines sanctionnant divers délits, tels que l’occupation d’un hall d’immeuble, désormais susceptible de déboucher sur un emprisonnement… En revanche, il est vrai que d’autres infractions n’ont pas donné lieu à la même évolution, sans doute en raison d’un manque de visibilité médiatique.

Quoi qu’il en soit, l’instauration d’un tel seuil nous paraît être le moyen le plus efficace d’obtenir une diminution significative du nombre des gardes à vue, sans que cela nuise aucunement aux enquêtes.

En adoptant cet amendement, le Sénat enverrait un véritable message et montrerait qu’il est attaché à faire de la garde à vue une mesure de contrainte exceptionnelle. Pour l’heure, une peine d’un an de prison pouvant s’appliquer à toutes sortes de délits, la garde à vue ne saurait être une mesure d’exception.

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