Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 3 mars 2011 à 14h30
Garde à vue — Article 1er

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

… au lieu d’adopter une vision prospective, innovante du droit pénal.

M. le rapporteur nous a affirmé que si l’on fixait le seuil à trois années d’emprisonnement, il ne pourrait pas y avoir de placement en garde à vue dans le cas de certaines atteintes sexuelles. Je pourrais tirer du code pénal des exemples d’infractions réprimées par des peines d’emprisonnement de cinq ans ou plus qui feraient sourire notre assemblée… Je pense en particulier aux jeux, à la pêche maritime et à bien d’autres domaines encore. Il faudrait revoir tout cela, car une telle échelle des peines n’a plus guère de sens.

En tout cas, considérer que le placement en garde à vue doit être possible quel que soit le quantum de la peine d’emprisonnement encourue, ce n’est pas aller dans le sens de la décision du Conseil constitutionnel et de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

En effet, dans sa décision du 30 juillet 2010, le Conseil constitutionnel avait fondé la censure des articles 62, 63-1 et autres du code de procédure pénale relatifs à la garde à vue sur le fait que l’évolution de la pratique avait contribué à en banaliser l’usage, de telle sorte que la procédure était devenue déséquilibrée au détriment de la personne gardée à vue. Il avait notamment relevé que la garde à vue pouvait être prolongée sans que cette faculté soit réservée à des infractions présentant une certaine gravité.

Nous sommes vraiment là au cœur du débat.

Monsieur le ministre, si vous voulez réellement réduire le nombre des gardes à vue, dont l’augmentation est devenue intolérable et va à l’encontre d’une bonne administration de la justice, ce n’est pas en refusant de fixer un seuil de peine encourue que vous y parviendrez.

Il est illusoire d’affirmer que limiter la garde à vue aux seules infractions passibles d’emprisonnement en fera diminuer le nombre. Nous savons tous que seuls 7 % des délits ne sont pas punis d’emprisonnement et qu’il s’agit d’infractions mineures, comme les outrages les moins graves ou le défaut d’assurance. Il s’agit donc d’être raisonnables, tout simplement.

Quand M. le rapporteur nous dit que fixer un quantum de peine risquerait d’entraîner un développement sans frein du recours à la prétendue audition libre prévue à l’article 11 bis, il nous fait un aveu : s’il soutient cet argument irrecevable, cela signifie que, hors de la garde à vue, il n’existe aucune garantie pour les personnes mises en cause ni aucun respect de la liberté individuelle.

Dans l’intérêt général, dans l’intérêt des forces de l’ordre et dans celui de la justice, il convient d’aller dans le sens que nous proposons, car c’est le sens de la mesure, monsieur le garde des sceaux. Puisque vous entendez être un homme d’équilibre et de mesure, suivez-nous sur ce point !

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