En faisant du droit au silence une exigence à valeur constitutionnelle, le Conseil constitutionnel a, dans sa décision du 30 juillet 2010, imposé un revirement législatif. Dès lors, le projet de loi qui nous est soumis tend naturellement à rétablir ce droit.
L’histoire chaotique du droit au silence au cours de la garde à vue est à l’image de la conception française consistant à rendre antinomiques les impératifs de préservation de l’efficacité de l’enquête et les impératifs de protection de la présomption d’innocence et des droits de la défense. Cette conception doit aujourd’hui être dépassée.
Le rétablissement du droit au silence constitue une petite avancée dans ce sens, bien que nous regrettions – une fois n’est pas coutume – que le Gouvernement n’envisage pas cette fois-ci de suivre son « modèle » d’outre-Atlantique. Celui-ci conçoit effectivement le droit au silence, droit érigé en principe constitutionnel, de manière beaucoup plus large, cette notion comprenant non seulement le droit de se taire, mais également celui de ne pas être interrogé.
Par ailleurs, il est consternant de voir, à la lecture de cet article 2, les pouvoirs qui sont dévolus à l’officier de police judiciaire.
L’officier de police judiciaire décide seul du placement en garde à vue et celle-ci est prolongée à sa seule demande, certes sous le contrôle théorique du parquet – cela nous a été dit et redit au moment de l’examen de l’article 1er –, mais un parquet dont l’information est assurée par le même officier de police judiciaire. Ainsi, le placement en garde à vue, pour vingt-quatre heures ou plus, se fait sur l’initiative et sous le contrôle quasi-exclusif de la police, le parquet ne portant sur l’affaire qu’un regard lointain.
Cette remarque ne doit pas nous amener à voir de la défiance systématique envers les forces de l’ordre. Il s’agit uniquement de nous interroger sur la place réelle qui est accordée, dans notre société, à un principe aussi fondamental que celui du droit à la sûreté, entendu comme le droit d’aller et venir sans être détenu arbitrairement.
Une prise en compte réelle de ce principe impliquerait idéalement que le gardé à vue soit interrogé par un magistrat. Toutefois, au vu du contenu du projet de loi que vous nous soumettez, monsieur le ministre, je crois que ce souhait est aujourd’hui proche de l’utopie.
Cet article 2 est également consternant en ce qu’il n’intègre pas réellement tous les enseignements de la décision rendue par le Conseil constitutionnel. Selon celle-ci, les textes en vigueur violent effectivement la Constitution dans la mesure où la prolongation de la garde à vue n’est pas réservée aux « infractions présentant une certaine gravité ».
Loin de là, le projet de loi tend à réserver le placement en garde à vue à tous les crimes et aux délits punis d’une peine d’emprisonnement. Quant à la prolongation de la garde à vue, elle concernerait ceux qui sont punis d’une peine de prison supérieure ou égale à un an, puisque – hélas ! les amendements déposés à ce sujet n’ont pas été adoptés.
Vous devez prendre conscience, monsieur le ministre, que, comme l’écrit très justement l’un des auteurs ayant porté un regard critique sur votre projet, les mots ont un sens. Lorsqu’il est précisé que la prolongation doit être réservée aux « infractions présentant une certaine gravité », vous vous devez tout de même de respecter ces exigences.