Chaque armée poursuivra ainsi dans la concurrence confidentielle. Un secteur important de la population jeune continuera à ignorer son existence même. La journée d'appel de préparation à la défense n'y changera rien. Elle est obligatoire pour toutes et pour tous, mais sa durée symbolique la prive d'un impact réel.
Il serait d'ailleurs intéressant, madame la ministre, de connaître le pourcentage de réservistes qui n'ont pas connu l'armée avant d'être réservistes, car, vous le savez, il existe de sérieux concurrents à la réserve citoyenne : je citerai les sapeurs-pompiers, les ONG, les associations caritatives.
Deuxièmement, le développement de la réserve en quantité et en qualité nécessite un budget important. Pour 2006, il est de 160 millions d'euros. En 2012, il devrait atteindre 317 millions d'euros. Il devrait donc doubler en six ans. Or les difficultés budgétaires actuelles et passées me rendent très pessimiste.
Troisièmement, les employeurs sont de plus en plus confrontés à une concurrence féroce. La recherche d'une rentabilité toujours plus forte tourne à l'obsession. Dans ce climat économique, les mesures d'aide envisagées dans votre texte ne sont pas suffisamment attractives pour les entreprises. Ces dernières, à quelques exceptions, préféreront un personnel disponible à un personnel périodiquement absent.
Le contrat de première embauche aura, je le redoute, plus d'influence sur les uns et sur les autres que vos propositions en matière de crédit d'impôt et de crédit de formation.
Quant aux jeunes, la précarisation de leur situation les fera hésiter à s'engager. Entre le désir de servir son pays et la peur de perdre son emploi, je sais que la peur l'emportera.
Vous souhaitez élever le taux d'activité du réserviste à vingt-sept jours. Il s'agit, bien sûr, d'une moyenne, qui, selon moi, est paradoxalement à la fois trop importante et pas assez importante.
Elle n'est pas assez importante au regard des besoins croissants de nos forces armées afin de répondre aux interventions extérieures, à la vigilance qu'exigent les menaces des terroristes, à la nécessité d'intervenir dans les banlieues agitées, dans les trains dangereux, sur les réseaux routiers et partout où l'insécurité éclate.
Mais cette durée moyenne peut être lourde et contraignante pour les employeurs, notamment pour les petits, mais aussi pour les jeunes. D'autres priorités, d'autres préoccupations les habitent et les angoissent ; la survie de leur emploi, par exemple.
Ainsi, votre texte vient dans un environnement qui ne lui est pas favorable. Il comporte des mesures positives, je le reconnais et je les approuve, que vous avez rappelées. Il va dans la bonne direction, mais, notamment pour la réserve citoyenne, je crains qu'il n'aille pas très loin. Les moyens envisagés pour encourager l'adhésion des jeunes, des entreprises et des administrations ne sont pas adaptés à la situation.
Malgré tout, je voterai votre projet de loi, madame la ministre, en songeant, sans en être convaincu, qu'il peut apporter un léger mieux. Dans ce domaine, comme dans d'autres, un petit pas en avant est préférable à l'immobilité.
Votre projet de loi, comme celui de 1999, porte en lui un lourd handicap originel : le volontariat. S'agissant des jeunes, je crains qu'il ne soit aujourd'hui, et plus encore demain, une utopie. Je souhaite ardemment me tromper, mais je ne peux m'empêcher de croire que la prochaine étape qui s'imposera à vous ou à votre successeur sera le retour à l'obligation de répondre à la réserve, que l'on appellera certainement différemment.
Autrement dit, le prochain grand pas sera le remplacement du volontariat par la conscription obligatoire pour toutes et pour tous. Ce n'est qu'une opinion personnelle, elle ne saurait évidemment engager le groupe politique auquel j'appartiens.
Seule l'obligation d'un service national est susceptible d'atteindre et d'intéresser cette tranche importante de notre population, notamment jeune, qui s'éloigne des valeurs de notre société. L'appel obligatoire peut être un facteur essentiel de l'intégration réussie dont notre société a besoin.
La suppression de la conscription a été une erreur : il fallait modifier, transformer, mais surtout pas supprimer. Il faudra du courage, beaucoup de courage, pour éventuellement rétablir une nouvelle obligation qui concernera toutes celles et tous ceux qui seront aptes à servir leur pays.
La nécessité, souvent, impose des réflexions que l'on n'a pas souhaité avoir. C'est donc la nécessité, et non mes propres convictions, qui me porte à croire à ce retour inéluctable. Je souhaiterais, madame la ministre, que vous nous donniez votre opinion sur ce sujet.