Intervention de Nora Berra

Réunion du 5 avril 2011 à 14h30
Bioéthique — Discussion d'un projet de loi

Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé :

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi qui vous est soumis répond à l’obligation de révision prévue par la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique.

La France s’est progressivement dotée d’une législation importante afin de garantir le respect des valeurs fondamentales dans les applications biomédicales, notamment le respect de la dignité humaine, l’indisponibilité et l’inviolabilité du corps humain, le refus de la marchandisation, l’anonymat du don.

Pour élaborer son projet de loi, le Gouvernement a disposé de multiples travaux et avis d’instances. Les états généraux de la bioéthique ont donné la parole aux citoyens.

L’Assemblée nationale avait modifié sur certains points le texte déposé par le Gouvernement. La commission des affaires sociales du Sénat est revenue sur certains de ces points et a fait d’autres propositions, au terme de débats d’une grande qualité. À cet égard, je tiens à saluer le travail de votre commission et de son rapporteur, qui a permis de débattre avec justesse et profondeur des grands enjeux de ce texte.

Il revient maintenant à votre assemblée, mesdames, messieurs les sénateurs, d’examiner ce texte et de se prononcer sur ces questions sensibles et complexes de la bioéthique, qui touchent à l’individu et à la société, à l’intime et au « vouloir vivre ensemble ».

Le Gouvernement sera, bien évidemment, très attentif à vos échanges.

Le projet de loi précise et complète la législation actuelle dans quatre grands domaines : la génétique, le diagnostic prénatal, l’assistance médicale à la procréation, l’AMP, et les recherches sur l’embryon.

Avant de vous laisser la parole, mesdames, messieurs les sénateurs, je m’arrêterai sur les enjeux liés à quatre questions particulièrement sensibles de ce projet de loi : la clause de révision, la levée de l’anonymat, l’accès à l’assistance médicale à la procréation, notamment avec la grossesse pour autrui, la GPA, et le transfert post mortem, les recherches sur l’embryon.

J’évoquerai tout d’abord la clause de révision, dont le projet de loi prévoit la suppression. Il faut, bien sûr, exercer toute la vigilance nécessaire sur les avancées biomédicales et apporter des réponses aux nouvelles attentes de la société, mais une clause de révision périodique n’est pas le seul moyen d’y parvenir.

Réviser les lois de bioéthique tous les cinq ans présente, en effet, de sérieux inconvénients. Une telle clause risque d’empêcher le législateur de faire preuve de réactivité face à de nouvelles menaces. Elle bloque tous les ajustements, utiles et nécessaires, qui se trouveront différés à l’échéance de la révision. Elle nécessite une procédure lourde, qui aboutit dans les faits à allonger sensiblement les délais prévus. Enfin, elle tend à radicaliser les positions des uns et des autres, alors que la bioéthique est un sujet qui nécessite, au contraire, de cheminer sereinement vers de justes compromis.

En outre, les lois relatives à la bioéthique constituent aujourd’hui un socle juridique abouti et équilibré, qui ne nécessite plus de remise en chantier récurrente.

Enfin, le projet de loi prévoit d’organiser une procédure de veille et de suivi, ainsi que des débats publics autour des questions soulevées. Le Parlement disposera ainsi de tous les éclairages nécessaires pour proposer, le cas échéant, des ajustements et des novations, avec toute la fluidité requise.

À l’inverse, une clause de révision figerait toute adaptation et toute évolution des textes. Sa suppression est donc pleinement justifiée.

La levée de l’anonymat est assurément une question délicate. La version initiale du projet de loi du Gouvernement comportait une mesure de levée de l’anonymat. Le dispositif prévu visait à assurer l’équilibre des intérêts de toutes les parties : l’enfant issu d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur, le donneur de gamètes et les parents de l’enfant. L’enfant pouvait accéder à l’identité du donneur à sa majorité, sous réserve du consentement de ce dernier.

L’Assemblée nationale avait supprimé ces dispositions. La commission les a rétablies.

Les positions sont très partagées sur cette question difficile. Le droit de l’enfant à connaître ses origines a été rappelé. Ce n’est pas une mauvaise chose que le débat se poursuive en séance publique.

Pour ma part, j’ai entendu les arguments des députés sur les inconvénients de la levée de l’anonymat. Toutes les options en comportent. Certains députés ont craint l’importance donnée au biologique par rapport à l’éducatif et une baisse des dons de gamètes.

Je note par ailleurs que le dispositif voté en commission ne prévoit pas le consentement du donneur pour la levée de l’anonymat, celui-ci étant implicite. Je pense que c’est un risque accru de voir diminuer le don de gamètes. En outre, les parents ne seront-ils pas tentés de taire aux enfants leur mode de conception ?

Enfin, les enfants nés avant 2014 seraient exclus du bénéfice de la mesure. Pour remédier à la souffrance des uns, on risque d’attiser celle des autres.

J’en viens maintenant à la gestation pour autrui et au transfert post mortem.

La gestation pour autrui vise à supprimer une cause de souffrance individuelle, et pas n’importe laquelle : celle de ne pas pouvoir donner la vie. Les progrès remarquables de l’assistance médicale à la procréation ont permis de remédier à de multiples causes de stérilité. Les personnes qui ne peuvent malheureusement pas en bénéficier sont confrontées à une souffrance d’autant plus difficile à accepter.

Néanmoins, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement est résolument opposé à la légalisation de la gestation pour autrui, et ce pour trois raisons essentielles. Tout d’abord, la gestation pour autrui est incompatible avec le respect de la dignité humaine.

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