Ensuite, elle porte atteinte au principe d’indisponibilité du corps humain. Enfin, elle ouvre inéluctablement la voie à la marchandisation du corps humain. Il s’agit d’enjeux particulièrement lourds, que je vous demande solennellement de bien peser.
Autoriser la gestation pour autrui ouvrirait une brèche dangereuse et fragiliserait le socle même de notre législation en matière de bioéthique. C’est une pente assurément glissante. Si cette mesure était adoptée, des voix ne manqueraient pas de s’élever demain pour autoriser la rémunération des mères porteuses, au motif d’encadrer des pratiques de fait. Peut-on, en effet, raisonnablement croire que, au-delà de quelques personnes remarquablement altruistes, les femmes qui accepteront de porter un enfant pour le compte d’autrui ne se feront pas rémunérer ? Peut-on accepter qu’un enfant à naître fasse l’objet de transactions, qu’il soit cédé à sa naissance par la femme qui l’a porté ?
En définitive, la question soulevée est la suivante : devons-nous, parce qu’une technique est aujourd’hui disponible et parce qu’elle fait l’objet d’une demande sociale, nécessairement y faire droit ? Devons-nous renoncer à fixer des limites ? Les aspirations individuelles doivent-elles être satisfaites, quelles qu’en soient les conséquences pour la société et les valeurs qui la soudent ?
Les questions soulevées par le transfert des embryons post mortem sont de même nature. Toute souffrance mérite d’être entendue, accompagnée et soulagée, dans la mesure du possible, mais la souffrance ne peut être créatrice de droits. Dans le cas du transfert post mortem, la souffrance de la veuve est à mettre en balance avec celle de l’enfant, délibérément privé de père. La vocation de la loi doit rester de protéger les plus vulnérables.
Les dons d’organes ont également fait l’objet d’une réflexion, qui a progressivement évolué.
Il existe, vous le savez, une pénurie préoccupante d’organes pouvant être greffés. Pourtant, les techniques chirurgicales et les traitements anti-rejet ont fait la preuve de leur efficacité. De même, la qualité de vie des patients ayant bénéficié d’une greffe s’est incomparablement améliorée.
Or, depuis 2004, le nombre de greffes n’a que très faiblement augmenté, de 3 900 à 4 600, avec un nombre très réduit et stable de donneurs vivants : 213 en 2004, 235 en 2009.
Le Conseil d’État, dans son rapport d’avril 2009, comme l’Agence de la biomédecine avaient insisté sur le fait que cette pratique du don croisé d’organes devait être rigoureusement encadrée, dans la mesure où, en élargissant le cercle des donneurs, elle rompt le lien direct entre le donneur et le receveur. Il était impératif d’empêcher toute possibilité de pression sur le donneur : je pense aux dons en retour et au danger de marchandisation du corps humain.
Le projet de loi présente une avancée significative car il prévoit la possibilité d’organiser la pratique du don croisé entre donneurs vivants, en ne réservant donc plus ce type de greffes à la seule parentèle proche, mais en assurant un encadrement renforcé de ce type de prélèvement.
Ces dispositions sont de nature à augmenter de 25 % à 50 % le nombre de greffes, cela concernerait cinquante à cent greffes par an.
Toutefois, en 2009, les donneurs vivants ont représenté moins de 8 % des donneurs et ils constituent, en fait, un complément aux dons post mortem.
Il s’agit donc de tout faire pour augmenter le nombre de dons post mortem, car c’est une procédure délicate. Il convient de mieux accompagner les équipes hospitalières dans un moment éprouvant pour les proches afin de développer la confiance à l’égard des greffes d’organes et d’augmenter ainsi les dons.
En ce qui concerne l’exclusion des personnes homosexuelles du don d’organes et de sang, la question a été débattue en commission et je souhaite y revenir.
Lors de la discussion du projet de loi en commission des affaires sociales la semaine dernière, un amendement précisant que « nul ne peut être exclu du don en raison de son orientation sexuelle » a été débattu. M’appuyant sur l’exemple du don de sang, j’ai notamment évoqué le fait que, si des hommes ayant des relations avec des hommes se voyaient écartés du don, il s’agissait non pas d’une exclusion mais d’une contre-indication, cette dernière s’expliquant par un risque sanitaire avéré.