Intervention de Bernard Cazeau

Réunion du 5 avril 2011 à 14h30
Bioéthique — Discussion d'un projet de loi

Photo de Bernard CazeauBernard Cazeau :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, en 1994, la France a fait le choix de confier la définition des règles collectives en matière de bioéthique à la représentation nationale.

Ce faisant, notre société a considéré que ces règles n’étaient pas intangibles, qu’elles n’étaient pas limitables à de quelconques tabous moraux ou politiques. Au contraire, notre société a estimé qu’elles pouvaient à tout moment évoluer en réponse aux aspirations sociales et qu’il incombait au Parlement, aux élus du peuple, d’en être les arbitres et les garants.

Depuis cette date, grâce notamment aux révisions des années 2000, de nombreux progrès ont été accomplis.

Sur le terrain juridique, une codification du droit de plus en plus précise a été opérée. Sur le terrain démocratique, les modalités de la concertation et du débat public ont sans cesse été améliorées, comme le prouve d’’ailleurs l’association permanente des organismes consultatifs, du Conseil d’État et de la société civile aux travaux du Parlement sur ces sujets. Sur le terrain de l’analyse scientifique, la création de l’Agence de la biomédecine, qui autorise et évalue les protocoles de recherche, a permis – dans une certaine hypocrisie parfois – à la recherche de ne pas régresser.

Nous nous trouvons aujourd’hui dans la situation où le Parlement, après avoir écouté la société, loin des pressions et des conceptions intimes des uns et des autres, doit trancher.

Quelle est notre responsabilité en cet instant ? Il nous faut distinguer, parmi les évolutions rapides de la biologie et de la médecine, celles qui peuvent constituer de réels espoirs d’amélioration de la santé humaine et de la vie sociale et celles qui viseraient à servir des entreprises lucratives ou qui bafoueraient les droits de l’homme, socle fondateur de notre vie en commun.

Réguler le champ des sciences de la vie en les confrontant à l’éthique de la dignité de la personne humaine est donc une tâche complexe, mais aujourd’hui impérieuse. Aussi est-il légitime que nous réexaminions la législation en ce domaine afin de rechercher une nouvelle convergence entre le développement des techniques biomédicales et la continuité des normes bioéthiques.

Le texte que vous nous avez soumis, madame la secrétaire d'État, ne nous semble pas y parvenir complètement. Selon nous, il s’agit davantage d’un texte de réaffirmation, de précision, d’ajustement, que d’un texte de développement, en quelque sorte, encore incomplet sur plusieurs points majeurs.

Heureusement, dans un certain nombre de domaines, la commission des affaires sociales l’a bien fait évoluer. Je salue, à ce propos, la volonté dont a fait preuve M. le rapporteur.

Espérons, madame la secrétaire d'État, que nos débats permettront d’améliorer ce projet de loi et que vous aurez le souci d’être à l’écoute de nos propositions.

Je reprendrai les principaux aspects du texte, en commençant par ses points positifs.

J’insisterai, premièrement, sur l’accord de fond qui s’est dégagé entre les différentes sensibilités sur le terrain des frontières morales de nos travaux : d’une part, l’intégrité de la personne humaine et, d’autre part, le refus de la marchandisation du vivant. Ce consensus est primordial, car il nous préserve de toute dérive et constitue le socle d’un débat serein.

Nous approuvons la redéfinition de la procédure d’information de la parentèle en cas de repérage d’anomalie génétique. Les notions complexes telles que le respect du secret médical et le droit d’information des tiers concernés nous semblent être conjuguées habilement.

De la même façon, les ouvertures qui sont faites en matière de facilitation du don d’organe sont utiles. Les risques mercantiles sont écartés et les possibilités d’échange devraient être augmentées par l’autorisation encadrée du don croisé. Il ne faut toutefois pas perdre de vue que des efforts importants restent à développer en matière d’information et de promotion de la transmission d’organes, dans un pays où – il faut bien le dire – certaines pesanteurs culturelles continuent d’entourer cette pratique. Les articles 5 bis à 5 sexies portant, notamment, sur l’information en direction de la jeunesse vont, me semble-t-il, dans le bon sens.

En ce qui concerne la gestation pour autrui et la légalisation de la pratique des mères porteuses, dont il n’est d’ailleurs pas question dans le texte, mais qui ont été introduites à l’Assemblée nationale et qui ont également fait irruption – il faut bien le dire – dans le débat national depuis quelque temps, les avis convergent face aux dangers d’un détournement marchand d’une telle faculté. Sans nier la douleur des personnes dans l’incapacité d’avoir un enfant, nous pensons néanmoins que la société doit avant tout se prémunir de tout danger d’aliénation du corps humain. L’enfant n’est pas un produit, le corps de la femme n’est pas une matrice utilisable à loisir et par épisodes.

Reste, toutefois, le problème de la prolifération internationale de telles pratiques, qui exerce, il est vrai, une véritable pression sur la société française.

L’amendement présenté par M. le rapporteur sur ce sujet me paraît sinon empreint de naïveté, intéressant à analyser, car il est important que la législation française permette d’éviter la marchandisation dont je parlais précédemment. Et j’ai hâte de voir le sort qui lui sera réservé.

Pour beaucoup d’entre nous, l’adoption, qui est non pas un moindre mal, mais l’expression alternative d’un projet parental, répond parfaitement à notre conception de la parenté : le lien affectif et éducatif par-delà le lien génétique. Elle doit permettre de remédier aux souffrances vécues. Encore faut-il en améliorer les conditions d’accès, mais c’est un autre sujet qu’il conviendra de ne pas laisser de côté.

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