Intervention de Raymonde Le Texier

Réunion du 5 avril 2011 à 14h30
Bioéthique — Discussion d'un projet de loi

Photo de Raymonde Le TexierRaymonde Le Texier :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, au sein des commissions, que ce soit au cours des débats ou lors des auditions, le travail autour de ce projet de loi sur la bioéthique a été passionnant, riche et déstabilisant.

Nombreux sont ceux qui ont vu, au fil des discussions, leur avis se préciser ou, au contraire, les doutes surgir. Une chose est sûre : de telles interrogations appellent non pas tant des avis tranchés qu’un travail de raison, parfois ardu, quelquefois insatisfaisant mais toujours stimulant.

Le débat est passionnel parce qu’il touche à la vie et à sa transmission, parce qu’il parle à l’individu autant qu’il renvoie à la notion d’espèce.

Préserver la dignité de l’individu, tout en permettant le progrès médical, c’est accepter de gérer une tension permanente entre des valeurs à affirmer et un inconnu à déchiffrer.

La manipulation du vivant fait peur. Elle heurte la notion de sacré chez certains, mais fascine les hommes depuis très longtemps. Elle porte aussi en elle nombre de promesses et répond à nombre de détresses. Les couples qui ont fait appel à la procréation médicalement assistée peuvent en témoigner, ceux en attente d’un avenir possible pour un enfant aujourd’hui condamné également.

Vouloir donner la vie ou vouloir la sauver est toujours noble. Ce qui l’est moins, c’est la tentation d’en faire un commerce et de réduire l’humain à une marchandise. Cet écueil, les lois bioéthiques ont été mises en place pour l’éviter et elles y sont parvenues.

Pour autant, les progrès de la médecine comme l’avancée de la société impliquent que cet équilibre puisse être régulièrement « interrogé », à l’aune de l’évolution de la science, mais aussi de celle des mentalités. Voilà pourquoi nous trouvons dommage que la clause de révision ait été abandonnée.

Certes, la loi a pour vocation de tracer des cadres durables, au sein desquels peuvent s’inscrire des changements. Mais les questions de bioéthique que posent les avancées scientifiques en sont encore à leurs prémisses et il serait prématuré de trancher un débat alors que l’objet même de nos discussions est en pleine mutation et que notre société entame à peine son processus de réflexion.

J’en veux pour preuve la situation dans laquelle se retrouvent tous les groupes politiques. Les lignes de fracture traversent, en effet, l’ensemble des courants politiques, au point que, sur nombre de sujets que nous allons aborder, le vote sera individuel.

Si, au sein du groupe socialiste, nous pensons tous que la recherche sur l’embryon ou les cellules souches embryonnaires doit être soumise au régime de l’autorisation encadrée, nous sommes partagés dès que nous abordons la question de l’anonymat des dons de gamètes, la gestation pour autrui ou encore l’implantation post mortem.

S’agissant de la recherche embryonnaire, si nous sommes favorables à un régime d’autorisation encadrée, c’est d’abord parce que la situation actuelle, faite d’interdiction assortie de dérogations temporaires ou permanentes, est illisible pour les citoyens et ingérable pour les chercheurs. De fait, elle assimile ainsi la recherche à une transgression et dévalorise une approche scientifique en la transformant en une démarche sulfureuse. Cette situation a une incidence sur l’investissement nécessaire à la recherche, car les autres pays ne comprennent pas ce choix, et nos médecins, nos chercheurs, nos laboratoires s’interrogent sur la pérennité des travaux qu’ils pourraient entreprendre.

Une telle attitude nous a déjà fait prendre beaucoup de retard puisque, ailleurs, ces recherches avancent. Or je crois vraiment qu’il vaut mieux favoriser la recherche dans les pays où l’encadrement éthique est réel, comme le nôtre, plutôt que se réfugier dans une posture d’interdiction et laisser ainsi le champ libre à des pays moins scrupuleux et moins attachés à la notion de dignité humaine.

C’est pourquoi je tenais à saluer le travail effectué en commission et l’implication de notre rapporteur, qui nous a fait sortir de l’hypocrisie d’une vraie-fausse interdiction pour enfin mettre en place ce régime d’autorisation encadrée que les praticiens attendent tous.

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